Le carnaval de Nice est un événement festif majeur de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
Le carnaval de Nice est un événement festif majeur de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. À Nice, comme ailleurs en Méditerranée, le carnaval se caractérise par un défilé urbain, dit corso, mettant en scène une succession de chars, de grosses têtes, d’éléments d’animation et de troupes carnavalesques.
Le carnaval de Nice est un événement festif majeur de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. À Nice, comme ailleurs en Méditerranée, le carnaval se caractérise par un défilé urbain, dit corso, mettant en scène une succession de chars, de grosses têtes, d’éléments d’animation et de troupes carnavalesques. La fête évoque ainsi l’actualité politique, médiatique et sociétale à travers des traits humoristiques, mais des chars sont aussi à connotation fantastique ou onirique. Cette festivité hivernale se déroule pendant environ deux semaines et donne lieu à un ensemble d’événements. Des corsos fleuris sont également organisés, mentionnés dans la présente fiche.
Les productions matérielles (chars et grosses têtes) sont construites par des artisans appelés « carnavaliers », salariés au sein d’entreprises spécialisées. Ils fabriquent les différents sujets à partir de modèles réalisés par des imagiers (illustrateurs), sélectionnés par les appels d’offres lancés par l’institution organisatrice, l’office de tourisme de Nice. L’artisanat du carnaval représente une somme de savoirs et de savoir-faire, une tradition et une identité, qui se perpétuent aujourd’hui parfois depuis quatre générations dans les familles de carnavaliers.
La présente fiche se concentre sur l’artisanat du carnaval et sa fabrique, à partir d’une recherche réalisée entre 2014 et 2018.
• Les élus de la Ville de Nice. — Le maire prononce des discours, chaque année, au moment du carnaval. Des élus de la Ville sélectionnent les productions du carnaval à travers les appels d’offres d’élaboration des maquettes et de construction des sujets. L’adjoint en charge du carnaval, délégué au tourisme et aux relations internationales, assure un travail d’accueil de délégations ou personnalités étrangères.
• L’Office de tourisme de Nice. — Le carnaval est organisé et financé par la Ville de Nice, à travers l’Office de tourisme, un établissement public industriel et commercial (EPIC). Le carnaval est organisé, promu, par le personnel de l’Office. L’événement mobilise l’ensemble des services de l’institution dans différents domaines : services techniques, services de presse, de promotion, de réservation, etc. Cette situation originale témoigne de la singularité du carnaval niçois et montre la vocation touristique de la fête annuelle. Le carnaval est une ressource économique dans une cité où le tourisme représente un secteur de poids : les recettes touristiques annuelles sont estimées à 1,5 milliards d’euros, soit 30 % des recettes municipales ; le tourisme représenterait 18 % du total des emplois, sachant qu’un tiers des séjours s’effectuerait à l’hôtel [source : « Le tourisme, moteur de l’économie niçoise, confirme son standing international et sa notation AAA », site Nice premium, 5 septembre 2011, http://www.nice-premium.com/actualite,42/le-tourisme-moteur-de-l-economie-nicoise-confirme-sa-notation-aaa,7871.html]. La Ville, principal financeur, consacre un budget d’environ 6 millions d’euros au total au carnaval, dont les retombées économiques, directes et indirectes, sur les activités de restauration, d’hébergement, de transport, de consommation et de shopping sont estimées entre 30 et 32 millions d’euros [source : Office de tourisme de Nice, pré-bilan du carnaval 2014, p. 2].
• Les imagiers du carnaval de Nice. — L’« imagier », dessinateur, effectue les maquettes des sujets. Chaque année, un appel d’offres est lancé par l’Office de tourisme pour sélectionner les maquettes du prochain carnaval. Les maquettes sont des dessins réalisés par des illustrateurs, des graphistes, des caricaturistes français et étrangers. Ainsi, le dessinateur de presse Kristian ou l’artiste peintre Moya effectuent régulièrement des maquettes de chars.
• Les entreprises de carnavaliers. — À Nice, les carnavaliers sont organisés en entreprises de statut SARL, dirigées par des patrons issus de familles de carnavaliers. Acteurs incontournables, les « carnavaliers » construisent les sujets du carnaval. Trois sociétés (Concept événementiel, France festivités, Nice festivités) embauchent du personnel à l’année et des saisonniers au moment du carnaval. Ces entreprises de décoration événementielle et de spectacle déambulatoire réalisent les constructions du carnaval plusieurs mois durant. Entreprises familiales, elles vivent en partie du marché festif local avec des contrats divers (fabrication des sujets de la fête du Citron de Menton, construction du marché de Noël de Monaco, fabrication des sculptures des stations de sport d’hiver de l’arrière-pays niçois…) et sont sollicitées pour d’autres carnavals en France, comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Corse et en Occitanie (carnaval de la Grande Motte), et dans d’autres pays (carnaval de Sousse en Tunisie, festivités en Chine et au Japon). Chacune s’est spécialisée : spectacles déambulatoires (arts de rue), commandes artistiques, décorations événementielles… « Concept événementiel » propose des spectacles déambulatoires sur le modèle d’une compagnie d’arts de rue au niveau européen, créés à partir de grandes structures métalliques issues de l’imaginaire Steampunk et des représentations inspirées du bestiaire marin, de l’univers animalier (insectes ou éléphant) ou de l’imaginaire fantastique (dragon). Ces spectacles sont animés par les carnavaliers employés dans la société, qui sont donc polyvalents. Les sujets du carnaval sont élaborés par du personnel à l’année, mais également par des saisonniers recrutés pour la période carnavalesque. Ces entreprises participent par ailleurs à des tournées dans des festivals de musique électro, des festivals d’arts de rue, en France et à l’étranger (Europe, Asie, Maghreb). Ces prestations permettent à ces sociétés d’avoir une activité pérenne, le chantier du carnaval n’occupant que quelques mois. Deux autres sociétés, de taille plus restreinte (Constructions carnavalesques et Carnaval story) représentent un autre modèle économique. Elles développent une activité exclusivement au moment du carnaval. Elles sont en effet composées de carnavaliers qui ont un métier le restant de l’année.
• Les animateurs du corso. — Chaque année, la « Brigade d’animation des tribunes » (BAT), un groupe de jeunes qui exécutent des danses dans le défilé et dans les tribunes, a un rôle actif dans le défilé. Les porteurs de grosses têtes, rémunérés pour l’occasion, animent les grosses têtes en jouant avec le public, les enfants. Il s’agit souvent d’adolescents, âgés de 16 ou 17 ans, ou bien d’étudiants. Parmi les acteurs du corso, on peut aussi citer le disc-jockey et parfois un animateur du carnaval, qui chauffe les foules. Les chauffeurs des chars, bénévoles, les conduisent aussi tout au long du corso. Généralement, des amis, des proches, des connaissances s’adonnent à cette activité. Depuis quelques années, l’apparition de conductrices de chars témoigne d’un début de féminisation de cette activité à dominante masculine.
• Les troupes, compagnies et artistes invités. — D’autres acteurs interviennent dans le carnaval de manière diverse. Chaque année, des troupes carnavalesques venues du monde entier sont sollicitées. Il en est de même pour les compagnies d’arts de rue qui défilent. Signalons enfin la présence d’invités de marque chaque année : en 2014, l’acteur Gérard Depardieu était présent au corso et mis à l’honneur par un char dédié, qu’il avait dédicacé, au sein de ce carnaval « de la Gastronomie » ; en 2017, l’acteur chinois Liu Ye, très populaire en Chine, était l’hôte de marque, annoncé par le maire de Nice. L’invitation de personnalités médiatiques, de renommée internationale, renforce la promotion de l’événement.
• Le public amateur, local et extérieur. — Les chiffres de fréquentation sont importants : 163 971 spectateurs en 2014 et 143 580 en 2016, selon les seuls tickets payants [source : Office de tourisme de Nice]. La festivité attire un public familial local, régional mais aussi national et international. La dimension internationale du carnaval de Nice, à la fois dans ses aspects historiques et contemporains, est en effet importante. Le carnaval attire un nombre important d’étrangers, mais s’exporte également. Cette tradition d’échanges et de diffusion est ancienne. En 1923, le carnavalier Alexis Sidro (1897-1921) s’est rendu avec ses deux fils pour réaliser des chars au carnaval de Blackpool (Royaume-Uni). Ces liens avec d’autres cités, d’autres carnavaliers du monde concernent aussi des pays plus lointains. En 1981, des carnavaliers niçois se sont rendus à Kobe (Japon), ville jumelée avec Nice pour présenter des chars du carnaval de Nice dans une manifestation culturelle. En 2012, des carnavaliers niçois sont allés à Macao pour un festival déambulatoire. Aujourd’hui, les échanges avec la Chine s’intensifient : en 2017, des chars du carnaval de Nice ont défilé à Xiamen, une des villes chinoises avec laquelle Nice est jumelée ; en 2018, l’expérience a été renouvelée avec la ville portuaire de Ningbo, où des chars du carnaval, sur le thème de l’Espace, ont défilé du 28 septembre au 3 octobre. Le carnaval de Nice rayonne ainsi dans monde, vecteur d’une activité diplomatique et touristique internationale.
Lieu(x) de la pratique en France
Le carnaval se déroule à Nice (Alpes-Maritimes), en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le cœur du défilé se situe dans le centre-ville. Le trajet se déroule autour de la place Masséna et de l’avenue Jean-Médecin. Le corso fleuri se déroule sur la promenade des Anglais.
Pratique similaire en France et/ou à l’étranger
En France, sept autres carnavals sont organisés dans cette même région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Arles, Aix-en-Provence, Mandelieu-la-Napoule, Martigues, Menton, Saint-Rémy-de-Provence, Villefranche-sur-Mer), ainsi qu’un en Corse (Sartène) et un à Monaco.
D’autres régions de l’hexagone en accueillent aussi, surtout en Occitanie (15) et dans le Grand-Est (11). Comme en PACA, huit carnavals sont organisés respectivement en Bretagne et dans les Hauts-de-France. En nombre moindre, il en est organisé aussi en Bourgogne-Franche-Comté (5), en Nouvelle-Aquitaine (5), en Centre-Val-de-Loire (5), en Auvergne-Rhône-Alpes (4), en Île-de-France (4), dans les Pays-de-la-Loire (3) et en Normandie (2). La France hexagonale compte ainsi, au total, pas moins de 80 carnavals.
À ceux-ci s’ajoute une dizaine de carnavals organisés en France ultra-marine, en Guadeloupe (Les Abymes, Basse-Terre, Marie-Galante, Pointe-à-Pitre), en Guyane (Cayenne, Kourou), en Martinique (Fort-de-France, Le Lamentin), en Polynésie française (Tahiti) et dans l’île Saint-Martin (Marigot).
La place de la France en Europe dans ce domaine est donc tout à fait unique, néanmoins on recense aussi beaucoup d’autres carnavals sur le continent, surtout en Belgique (53), ainsi qu’en Italie (26) et en Suisse (24). Leur nombre est aussi significatif en Espagne (16), en Allemagne (12), aux Pays-Bas (10) et au Portugal (9). D’autres carnavals existent aussi au Luxembourg (6), au Royaume-Uni (4), en Grèce (3) et à Malte (2). Enfin, Chypre, la Croatie, le Danemark et le Liechtenstein en accueillent un chacun.
L’autre continent très représenté est l’Amérique, à la fois l’Amérique du Nord (3 au Canada et 8 aux États-Unis) et l’Amérique centrale et du Sud, surtout aux Antilles (10), au Brésil (6) et en Colombie (5). Trois carnavals sont respectivement recensés en Argentine, au Chili, au Mexique, au Panama et au Pérou. Un ou deux enfin sont organisés en Bolivie, à Cuba, à Belize, au Costa Rica, au Guatemala, au Honduras, au Nicaragua, au Paraguay, au Salvador et en Uruguay.
Les carnavals sont en revanche beaucoup moins présentés en Afrique (4 en Angola et 1 respectivement en Afrique du Sud, au Cap-Vert, en Guinée-Bissau et en Tunisie), en Asie (2 en Inde, 2 en Indonésie, 1 aux Philippines et 1 en Thaïlande), dans l’Océan indien (1 à Maurice et 1 aux Seychelles) ou en Australie (1).
Organisation générale du carnaval
Le carnaval de Nice est un événement festif organisé par la municipalité, qui regroupe un ensemble de divertissements, dont les défilés constituent la principale animation. Un défilé, dit « corso carnavalesque », comprend une déambulation de chars, de grosses têtes, d’éléments d’animation et de troupes carnavalesques durant environ 1h30, sur la plus célèbre place de Nice, la place Masséna. Il existe des corso diurnes et nocturnes (en soirée). Ces défilés sont complétés de corso fleuris, composés de chars décorés avec des fleurs et accompagnés de batailles de fleurs. Enfin, le carnaval de Nice propose d’autres événements, tels la parade participative (Parada nissarda), le bain de carnaval, la Zumba party, la Socca party et des carnavals de quartier.
Au sein de cette offre festive, de nouvelles composantes interviennent parfois. Ainsi, une course pédestre carnavalesque, dite Rock’n’Roll 10 Miles du carnaval, puis Nice carnaval Run, a été organisée de 2013 à 2015. Elle a décliné les Rock n’roll Marathon Séries, courses pédestres populaires aux États-Unis et exportées dans plusieurs grandes villes d’Europe, qui proposent de pratiquer le running de manière décalée (port d’un déguisement, musique de fond, ambiance festive). Un premier carnaval gay, dit Lou Queernaval, s’est aussi déroulé en 2015 et en 2016 ; il a associé le centre LGBT de Nice, plusieurs associations gays niçoises (associations de commerçants gays, transgenres, etc.) et l’Office de tourisme de Nice, dans un esprit de renouvellement festif et participatif. Ces créations visent à attirer de nouveaux spectateurs.
La place du carnaval dans le calendrier correspond à des usages anciens, associés à la période hivernale. Chaque année, la fête se déroule au mois de février et début mars, à des dates variables. Elle est toujours liée aux vacances scolaires, afin de favoriser un public familial. Le carnaval a été maintenu en hiver en raison de sa vocation touristique : il fait de Nice une destination annuelle dans le paysage azuréen, alors que l’hiver représente une période creuse dans les stations balnéaires. Le carnaval constitue un capital stratégique, qui permet à Nice de se distinguer des autres stations balnéaires, telle Cannes, dont la saison touristique se concentre autour du Festival du cinéma, l’été.
Chaque année, la thématique de l’édition, choisie par le maire, confère une cohérence au défilé : les chars et grosses têtes déclinent divers sujets de la thématique générale. Celle-ci peut faire référence à un axe de la politique municipale ou valoriser l’image de Nice, mais renvoie généralement à un thème universel, auquel le public, dans sa diversité, peut aisément s’identifier : le sport, la gastronomie, la musique, les médias, selon les thèmes des dernières années. Carnaval est alors représenté en « roi de la Gastronomie », « roi de la Musique », etc.
Le déroulement du carnaval
Sur la place Masséna, des tribunes sont installées et les places sont payantes (26 euros en 2018). Sur la promenade des Anglais, des tribunes sont aussi mises en place. Il est possible d’assister au défilé debout pour un tarif de 10 euros, comme sur la place Masséna, dans la zone dite « promenoir ». Une partie de l’avenue Jean-Médecin permet d’admirer le défilé gratuitement. S’ils viennent déguisés, les spectateurs ont la possibilité d’assister gratuitement au corso, selon un usage ancien. Les défilés carnavalesques sont animés par un disc-jockey. Le carnaval de Nice est bel et bien un spectacle.
Les festivités se clôturent par un feu d’artifice et la mort du roi Carnaval. Un mannequin à l’effigie du roi est disposé sur une plate-forme flottante au large de Nice. Portée en mer, l’effigie est brûlée en un spectacle accompagné de musiques et de la chanson traditionnelle : « Adièu paure carnaval ». La crémation de l’effigie marque la fin de la période carnavalesque. Elle est précédée d’un discours du maire, qui proclame officiellement la clôture des festivités et annonce la thématique du prochain carnaval. Par cet usage, le carnaval ne meurt jamais, selon une conception cyclique du temps : un cycle se referme, un carnaval s’achève, un nouveau prendra sa suite. Signe de cette continuité, le maire proclamait ainsi, lors du discours de clôture de l’édition 2014 : « Le carnaval de la Gastronomie est mort, vive le carnaval de la Musique ! ». Le maire assure de la sorte à la cité la pérennité du carnaval.
Nature et réalisation des éléments traditionnels du défilé
Le défilé comprend des éléments traditionnels de la culture matérielle carnavalesque. Ces chars et grosses têtes sont construits par des artisans appelés « carnavaliers ». Un char porte un nom et il représente un sujet précis, lié à la thématique. Il exprime un univers humoristique, fantastique ou onirique. Il est articulé et animé par des systèmes de vérins hydrauliques qui lui donnent vie. Les chars, dotés de roues, défilent sur une plateforme, conduits par un chauffeur. En moyenne, ils mesurent à peu près 12 m de hauteur. Le char du Roi constitue une création se distinguant des autres, en s’élevant à 15 m environ. En 2014, le record de 17 m était atteint pour le « roi de la Gastronomie ». Les chars sont construits à partir d’une armature métallique qui forme leurs structures ; les parties sculptées, réalisés en polystyrène, sont ensuite peintes et assemblées sur le char. Certains motifs reviennent tous les ans et font ainsi partie du rite carnavalesque niçois : il en est ainsi du char du Roi et de la Reine et de leur « fils », Carnavalon. Les chars du couple royal, particulièrement hauts, notamment celui du roi, sont exposés pendant toute la durée du carnaval sur la place Masséna. Leur rôle est de décorer la cité, de faire la promotion de la fête et d’en être les ambassadeurs. Ils sont photographiés fréquemment par les badauds et les touristes. Construire le char du Roi est un prestige pour le carnavalier qui le fabrique, compte tenu de sa hauteur et de sa dimension emblématique.
Les groupes de grosses têtes sont des sculptures, mesurant 2,50 m environ. Ces sculptures sont réalisées à partir d’un moule et sont élaborées en résine polyester. Elles sont ensuite couvertes de couches de papier, puis peintes. Elles sont portées par des jeunes gens, des étudiants ou des personnes rémunérées pour l’occasion. Chaque groupe de grosses têtes constitue un lot, qui forme une série de personnages plus ou moins identiques, déclinant la thématique générale du carnaval. Les grosses têtes peuvent représenter des hommes politiques, des célébrités, des acteurs du monde médiatique…
Enfin, le défilé est constitué de créations d’arts de rue. Chaque année, le carnaval sollicite des troupes d’arts de rue qui proposent des spectacles au sein du défilé. Une entreprise de carnavaliers niçois, spécialisée dans les arts de rue, y effectue chaque année des représentations. Un de leurs spectacles, « Les Dragonautes », met en scène un dragon en armature métallique, articulé, qui crache de la fumée.
L’ensemble des créations carnavalesques est sélectionné par appels d’offres, avec deux phases de sélection, dont l’une pour les maquettes, qui s’adresse à des dessinateurs, caricaturistes et artistes. Chaque dessin doit correspondre à un sujet lié à la thématique générale de la fête. Une commission réunissant des responsables de l’Office de tourisme et des élus municipaux sélectionne les propositions. La seconde phase de sélection porte sur les créations matérielles du carnaval, tels que les chars et les grosses têtes. Cet appel d’offres spécifie comment ils doivent être réalisés : chaque char doit représenter les dessins sélectionnés en amont selon des normes techniques et de sécurité imposées (volume, taille, matériaux, délai de livraison…). Les entreprises de carnavaliers candidatent. Une commission réunissant des élus municipaux et des responsables de l’Office de tourisme opère une sélection. La dimension institutionnelle du carnaval de Nice est donc forte.
Les chars et grosses têtes expriment généralement des thèmes politiques, d’actualité, des sujets de société, des sujets liés à la vie locale de façon caricaturale. Les hommes politiques (présidents de la République française, chefs d’État étrangers, tels Vladimir Poutine, Angela Merkel et Donald Trump,…) et les vedettes historiques ou internationales sont fréquemment représentées ces dernières années, provoquant un écho médiatique. Des sujets plus oniriques ou fantastiques sont aussi mis à l’honneur, facilement identifiables pour un public de diverses origines géographiques et de toutes générations. Les organisateurs visent à accroître le nombre de touristes étrangers, afin de renforcer la dimension internationale de la festivité et d’attirer des spectateurs aisés. Ces réalisations à dominante humoristique peuvent être qualifiées, sans jugement de valeur, de « bon enfant ».
Les savoir-faire associés à la réalisation des chars et des grosses têtes
Les artisans utilisent du fer lisse qui constitue l’armature métallique. Celle-ci est travaillée à l’aide d’un outil communément qualifié de « griffe » par des ferronniers, dits « serruriers ». Le fer est travaillé avec la « griffe », en suivant les formes travaillées, dessinées à la craie au sol.
Les parties sculptées des chars (têtes des personnages, pieds et mains) sont réalisées à partir de polystyrène. Le reste est constitué de son costume, un déguisement placé sur l’armature en fer, selon la physionomie générale du char. Seules les parties les plus détaillées du char sont sculptées par les carnavaliers sculpteurs, avec un fil métallique chauffé, parfois une tronçonneuse, puis un cutter pour les parties les plus fines. Les parties non sculptées, en cerclage métallique, sont recouvertes du déguisement du char. Dans l’entreprise France festivités, les costumes des personnages du char sont créés par une costumière, assistée d’une ou de plusieurs couturières. Les costumes sont constitués de tissu, fixé au char à l’aide d’une bande velcro. Cette étape est qualifiée d’« habillage ».
Les sculptures en polystyrène sont recouvertes par l’artisan de couches de papier et de papier kraft à l’aide de colle, selon une étape appelée « pastissage » ou « tapissage ». Puis une sous-couche de peinture blanche est appliquée, au rouleau, au petit rouleau, au pinceau ou à l’aérographe. L’aérographe, ou « pistolet », produit des effets de reflet ou couvre de peinture les contours délicats, tels ceux des visages. On emploie enfin le pinceau pour les parties les plus détaillés. Un peintre carnavalier, venu du monde du street art, utilise une bombe aérosol pour peindre certaines parties. Les couleurs du carnaval sont vives, fortes et fantaisistes.
Les sculptures sont assemblées au char à la fin de sa réalisation, grâce à un système d’emboîtement. À l’intérieur des parties sculptées, on élabore une armature tubulaire qui stabilise et agence les sculptures pour les maintenir sur le corps du char. Pour les chars les plus hauts comme celui du roi, une grue permet de positionner la tête du roi, assemblée en extérieur. Ce moment constitue une attraction pour les habitants du quartier, les passants mais aussi les journalistes. Il marque l’achèvement de la préparation des chars, le début du carnaval et la découverte des éléments ainsi fabriqués de neuf.
Sur certains chars est appliquée une résine polyester, dite « résine » par les carnavaliers. Les parties résinées solidifient les chars : cette sorte de colle très épaisse, de fixateur, rend le char plus solide et imperméable. Cette étape, qui intervient avant la peinture, concerne essentiellement les chars du Roi et de la Reine, systématiquement élaborés de la sorte. Contrairement aux autres, les deux chars royaux demeurent en effet en extérieur, exposés place Masséna, pendant environ deux semaines. La couche de résine polyester est appliquée à l’aide d’un petit rouleau ou d’un pinceau plus ou moins volumineux. L’artisan humidifie la résine, puis « tapote » pour éviter la formation de bulles : le rendu doit être le plus lisse possible. Pour l’appliquer, les carnavaliers se protègent le visage à l’aide d’un masque pour éviter d’inhaler les odeurs fortes et toxiques du produit.
Les chars sont animés grâce à des vérins hydrauliques actionnés par un moteur électrique. Ils sont conduits par un chauffeur qui manipule un volant. Une seule pédale permet d’avancer et il n’existe pas de pédale de frein. Le chauffeur utilise trois vitesses et une marche arrière. Les chars sont construits sur une plateforme qui appartient à l’Office de tourisme et que les carnavaliers louent.
Les grosses têtes, elles, sont confectionnées en résine polyester à partir d’un moule. Les carnavaliers les recouvrent de couches de papier journal, puis les peignent. Elles comportent un trou qui permet au porteur de se diriger.
Français et nissart
Patrimoine bâti
Plusieurs hangars répartis dans la ville sont utilisés par les carnavaliers pour confectionner les sujets du carnaval.
La « maison du Carnaval ». — Propriété de la Ville de Nice, le principal atelier de construction, quartier Riquier, s’appelle la « maison du Carnaval », spécifiquement voué aux constructions carnavalesques. Chaque société y possède son espace de travail. Lieu historique de la fabrication des chars à Nice, ce hangar existe depuis les années 1930 et demeure l’épicentre de la fabrication du carnaval. Les carnavaliers chevronnés, âgés de plus de 70 ans et anciens dans le métier, en témoignent :« J’ai toujours connu le carnaval ici. ». Dans ce quartier Riquier, lieu d’histoire pour les artisans et quartier historique des carnavaliers, ils y construisaient leur char dans des structures en bois appelées « baraques ».
La « halle Spada ». — Située au quartier Saint-Roch, cet autre lieu de fabrication est un ancien hangar industriel de l’entreprise de bâtiment Spada. À sa fermeture, il a été réhabilité par la Ville en lieu de création d’artistes plasticiens, qui permet aux carnavaliers de bénéficier de plus d’espace que dans la « maison du Carnaval ». Les entreprises de carnavaliers y travaillent tout au long de l’année pour leurs différents chantiers.
Le projet de « cité du Carnaval ». — Un projet en cours de déménagement des ateliers du carnaval prévoit de déplacer l’intégralité des ateliers du carnaval à la « halle Spada », en une « cité du Carnaval », qui réunirait aussi un espace de documentation et un lieu d’exposition. La « maison du Carnaval », devenue vétuste et trop exiguë, fermerait ainsi ses portes.
Les entrepôts des entreprises de carnavaliers. — Enfin, d’autres ateliers de taille plus réduite existent, tel l’ancien entrepôt, siège de l’entreprise Nice Festivités, rue Barbéris, au quartier Riquier. Les entreprises ont chacune leur siège, qui comprend un hangar leur permettant de recevoir leurs clients, de gérer l’entreprise et de mener leur travail de création de façon indépendante.
Objets, outils, matériaux supports
L’artisanat du carnaval se concentre autour des chars et des grosses têtes, pour lesquels les matériaux utilisés sont les suivants :
• fer lisse pour l’armature des chars ;
• mousse polyéthylène, dite « Plastazote », pour certains éléments de décor ; elle était encore, dans les années 2000, dominante dans la réalisation des grosses têtes ;
• craie
• polystyrène
• tissus, achetés dans des entreprises spécialisées (manufacture catalane, par exemple)
• bandes velcro
• papier, papier kraft, papier journal
• colle et résine polyester
• peinture blanche de sous-couche et peintures de couleur
Tous ces matériaux sont achetés chez des grossistes, des entreprises locales, nationales ou parfois même à l’étranger, tel le tissu des costumes. Les carnavaliers ont leur réseau de fournisseurs.
Pour la manipulation de ces matériaux, les artisans portent un bleu de travail, des chaussures de sécurité et un masque de protection, mais la plupart se contentent de vieux habits (anciens survêtements, par exemple). Leurs outils sont principalement une « griffe », du fil métallique chauffé, une tronçonneuse, des cutters, des rouleaux à peindre, petits rouleaux, pinceaux, un aérographe (pistolet) et une bombe aérosol.
Dans leur système de valeurs, les artisans du carnaval valorisent l’apprentissage par l’expérience, la pratique, le faire au détriment du savoir théorique, académique ou universitaire. On rencontre là une similitude avec la culture de différents artisanats tels que le monde du compagnonnage [Adell-Gombert, 2008]. « Il n’y a pas d’écoles du carnaval », témoigne ainsi un carnavalier, pour souligner l’importance de la pratique au sein de l’atelier. De ce point de vue, le hangar du carnaval constitue la véritable école du carnavalier novice. Dans l’appropriation du métier, on peut distinguer plusieurs modèles pouvant être qualifiés ainsi : les « héritiers », les « autodidactes » et les « diplômés ». Ces catégories sont toutefois perméables.
La transmission au sein de la famille correspond au mode le plus ancien. Elle s’effectuait de père en fils, le plus souvent, ou bien encore, de grand-père en petit-fils, ou d’oncle en cousin. Cette manière de transmettre existe toujours, par exemple dans la famille Povigna. Le métier est incorporé dès l’enfance et l’adolescence en fréquentant le hangar, en aidant le père, en observant. Cette imprégnation est lente et progressive. Ce mode d’apprentissage peut être qualifié de « nourrissage », selon l’expression de Michèle Salmona [Salmona, 2000]. Le jeune, héritier d’une tradition familiale, est ainsi immergé et découvre les techniques.
En dehors de ce schéma familial, le métier peut s’apprendre de manière autodidacte. Certains passionnés du carnaval ont appris en fréquentant le hangar, situé près de chez eux. Cet exemple reflète l’importance du quartier dans la transmission. Le quartier de Riquier concentre la plupart des hangars du carnaval (« maison du Carnaval » notamment) et constitue historiquement une sorte de vivier de carnavaliers. Le novice peut ainsi apprendre au cours de sa jeunesse en fréquentant le local et en passant ses soirées, ses week-ends, ses vacances à apprendre auprès des « anciens ». « Je passais tous mes week-ends et toutes mes vacances d’été ici, collé comme une arapède » [en provençal, coquillage qui s’accroche aux rochers] raconte un carnavalier. Le principe du « nourrissage », déjà évoqué, est ici dénué de connotation familiale. Dans cette démarche, le savoir-voir [Cornu, 1996] constitue un mode d’apprentissage fondamental : le novice observe et enregistre les gestes, les postures, les astuces du métier.
Mais la transmission peut s’effectuer en dehors de toute imprégnation lente et progressive. La plupart des entreprises se compose aujourd’hui d’employés qui ont trouvé là un débouché. Cette catégorie est la plus nombreuse au sein des travailleurs du carnaval. Ces profils appartiennent ainsi à une autre catégorie que les passionnés ou les « héritiers ». Ils sont pour la plupart diplômés dans le domaine des arts plastiques : écoles d’arts, beaux-arts, sculpture, peinture. Ils proviennent de toutes les régions de France et même d’autres pays (Tunisie, Mexique, Afrique subsaharienne) et ne poursuivent généralement aucune tradition familiale liée à l’artisanat du carnaval. Lorsqu’ils sont sélectionnés, ils sont formés pendant plusieurs jours, en fonction des besoins, « sur le tas ». Après une période d’essai, ils sont recrutés puis parachèvent leur formation auprès d’un carnavalier ancien ou expérimenté. L’apprentissage se réalise donc par étape, jusqu’à acquérir une complète autonomie. Ces processus de transmission indiquent l’importance de l’apprentissage de savoir-faire formels, c’est-à-dire transmis au sein d’institutions, qu’elles soient familiales ou entrepreneuriales [Chevallier, 1996].
Cette typologie de transmission n’est pas imperméable. En effet, des schémas de transmission peuvent combiner des réalités familiales et professionnelles. Des carnavaliers ont appris les techniques par leur père ou leur grand-père, mais se sont ensuite perfectionnés en suivant des stages de sculpture, de peinture. D’autres se sont formés à partir d’un bagage familial puis ont suivi des cursus dans différents domaines (architecture, électrotechnique,…), afin « d’assurer leur arrière ». En effet, par précaution, ces personnes ont préféré apprendre d’autres métiers avant de se consacrer uniquement au carnaval. Ces cursus concernent des domaines qui entretiennent des liens avec la fabrication des sujets carnavalesques et qui sont donc formateurs.
Des schémas de transmission moins verticaux existent. Les techniques s’échangent entre passionnés, de même génération parfois, en dehors de tout cadre formel. On se donne des « coups de main », ou bien on montre à d’autres des gestes, des matériaux, ce qui permet ainsi une circulation des savoir-faire. Dans l’entreprise Nice festivités, Cédric Pignataro et Johann Garcia, de la même génération, se sont lancés dans le métier en s’entraînant, en s’exerçant ensemble, formant ainsi un binôme.
Par ailleurs, l’appropriation de la culture du carnaval se fait aussi à travers ses motifs et ses symboles. Elle s’effectue à partir de l’accumulation d’archives, de cartes postales anciennes du carnaval. En se nourrissant de ces sources, plusieurs carnavaliers passionnés s’imprègnent de motifs anciens. Ils prennent ainsi appui sur la tradition du carnaval.
Quoi qu’il en soit, l’artisanat s’apprend par étape. Le carnavalier novice débute en accomplissant des tâches considérées comme basiques. Le collage du papier (« tapissage », « pastissage ») consiste à coller des couches de papier journal sur les sculptures en polystyrène ; au-delà de son apparente simplicité, ce travail nécessite de bien appliquer le papier, de ne pas former d’aspérités. C’est un élément important de la construction des chars : toute aspérité créée aurait des conséquences fâcheuses. L’application de la peinture blanche (sous-couche) fait également partie des travaux élémentaires que l’on confie au novice, tout comme l’étalement de la résine polyuréthane sur certaines sculptures. Dans le cadre de profils plus spécialisés (sculpteurs, peintres), on exige d’eux d’être opérationnels assez rapidement : ils apprennent dès leur arrivée avec des employés de l’entreprise et commencent en effectuant des tâches simples.
• Les artisans du carnaval, ou carnavaliers, réunis en entreprises spécialisées
• Les imagiers du carnaval
• Les animateurs du corso
• Les troupes carnavalesques
• Les fleuristes des chars du corso fleuri
La construction des chars était autrefois une affaire de famille : on appartenait à des associations et l’on succédait à un père, un oncle, un cousin, un grand-père [Sidro, 2014]. Les carnavaliers étaient « charistes », « groupistes » ou « isolés » [cfr. Infra partie III.1]. Depuis le milieu des années 1990, la construction des sujets carnavalesques est une activité entrepreneuriale. Les entreprises sont dirigées majoritairement par des familles de carnavaliers. L’artisanat du carnaval demeure majoritairement masculin, mais une féminisation du métier s’observe de plus en plus. Plusieurs employées construisent aujourd’hui les chars et les grosses têtes : on compte ainsi des sculptrices, des peintres. Seule la ferronnerie demeure une activité purement masculine. Des évolutions techniques sont également sensibles. Les chars étaient réalisés autrefois avec du carton-pâte, sur du grillage. Depuis les années 2000, les matériaux ont évolué. Pour élaborer certaines parties du char, les artisans utilisent du polystyrène, qui permet de construire les chars plus rapidement et est plus robuste que le carton-pâte et plus léger. Cette évolution montre l’influence des techniques venues de la fabrication de décors de cinéma. D’après les témoignages, ces techniques auraient été importées de décorateurs issus des studios La Victorine, à Nice. Avec le polystyrène, de nouveaux outils sont apparus : tronçonneuse, fils à chaud, cutter, pour travailler les formes et sculpter. Depuis les années 2000, les artisans utilisent de la résine polyester pour rendre les chars du Roi et de la Reine, exposés dehors pendant plus de deux semaines, plus solides et totalement imperméables. Pour la peinture, les carnavaliers utilisent des pinceaux et des rouleaux, comme autrefois, mais l’usage de l’aérographe (« pistolet à peinture » ou « pistolet ») s’est développé et fait partie des pratiques courantes de peinture, que l’on utilise pour certaines parties des sujets à peindre (pour vernir, par exemple). Les grosses têtes, autrefois en carton-pâte et construites à partir de moules en argile, sont de nos jours confectionnées en résine polyester, mais les carnavaliers restent fidèles aux usages « traditionnels » : ils élaborent la grosse tête à partir d’un moule en argile puis la réalisent en carton-pâte (couches de papier journal ou de papier kraft, sur lesquelles on ajoute du papier de carte postale pour solidifier le tout). Fabriquer des grosses têtes à partir de ces matériaux traditionnels fait partie de la passion de certains carnavaliers. Signalons enfin l’apparition d’une mousse polyéthylène employée depuis les années 2000, appelée « Plastazote », appréciée pour sa souplesse ; elle n’est aujourd’hui plus employée dans la confection des grosses têtes, mais continue de l’être dans la réalisation de certaines pièces ou de décors de chars du carnaval.
Enfin, depuis les années 2000, on observe des éléments d’arts de rue au sein des corso. Ces créations volumineuses mobilisent certaines techniques similaires à la construction des chars (grandes armatures en fer mécanisées), mais s’en distinguent par leur matériau et leur nature pérenne. L’artisanat du carnaval se caractérise en effet par sa dimension éphémère : les sujets sont construits pour un carnaval puis détruits. Les spectacles d’arts de rue, créés par des entreprises de carnaval, peuvent être réutilisés dans divers spectacles ou festivals déambulatoires.
Le carnaval de Nice est le fruit d’un processus historique précis. Au XIXe siècle, ce défoulement collectif d’avant Carême est dépeint par les sources comme sulfureux. Les participants se déguisent avec des chemises de nuit, des bonnets de coton. En 1821, une nouveauté survient : un corso public est organisé à l’occasion de la venue du roi d’Italie, Victor-Emmanuel, et de sa cour. Une trentaine de voitures décorées de fleurs défilent alors. Les figurants lancent aux spectateurs des bouquets et des bonbons. Chez les hivernants, cet événement fait naître un intérêt nouveau pour le carnaval. Durant le XIXe siècle, les jeux carnavalesques ont une part importante dans la fête. On s’adonne aux lancers de projectiles : des œufs et des coquilles vides, remplies de suie ou de farine, des légumes secs, des boulettes de plâtre appelés « confettis ». On se protège en utilisant des masques en toile métallique munis de visières. Les sources relatent la fièvre qui s’empare des participants : depuis leur balcon ou leur terrasse, les hivernants et bourgeois lancent avec ardeur des bonbons, des bouquets au passage des voitures du corso fleuri ; les gens du peuple jettent quant à eux suie, farine, plâtre. Selon les sources, les hivernants aiment s’« encanailler » à l’occasion de « nuits blanches » : « À quatre heures, on ne reconnaît plus ni personne, ni habits : des meuniers rien que des meuniers » [cité dans Gonnet, 1976, p. 281]. Les riches hivernants aiment participer alors à ces batailles de farine nocturnes, à l’image des membres de la famille impériale russe en 1858 et 1859 [Boyer, 2010, p. 224].
Après l’annexion de Nice à la France, en 1860, les festivités se poursuivent et se distinguent par leur dimension populaire. Le destin du carnaval change ensuite sous l’impulsion d’Andriot Saëtone et de la municipalité de Nice, en 1873, date à laquelle un comité des fêtes est créé. Présidé par le comte Caravadossi d’Aspremont, il réunit les notables de la cité niçoise, banquiers, aristocrates, docteurs ainsi que de riches étrangers : barons, comtes issus de nationalités diverses (anglais, allemands, russes, suisses, polonais…). Encouragé par le pouvoir municipal, le but de ce comité est, à travers le carnaval, de « rendre à Nice son ancienne splendeur ». Le nouveau carnaval se conçoit comme un véritable spectacle destiné à accroître la fréquentation touristique. Le comité rappelle les anciennes interdictions : les projectiles d’œufs, farine, orange sont prohibés, de même que toute allusion politique ou religieuse. Le programme des festivités est enrichi, des tribunes payantes sont installées, un prix, remis par un jury, est institué afin de récompenser le meilleur char. La fête se police, s’institutionnalise, s’embourgeoise. Une autre histoire, avec un autre sens, débute alors, celle du carnaval-spectacle [Boyer, 2010, p. 224].
Cette période est celle de la création même de la Côte d’Azur. La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle correspondent au désenclavement de la région niçoise : en 1864, on assiste à l’arrivée du premier train de voyageurs à Nice, puis à Monaco en 1868 et à Menton en 1869. L’objectif du PLM était de privilégier les terminus touristiques : ses affiches diffusent les images paradisiaques de la Côte d’Azur, à travers ses plages, ses belles femmes, sa végétation exotique. Le temps des divertissements luxueux s’inaugure : le premier casino ouvre ses portes en 1866, peu avant le début du lancement de la saison hivernale. La fin du XIXe siècle correspond aussi à la première grande poussée hôtelière, qui se poursuit ensuite : en 1892, on compte 83 hôtels à Nice ; 128, en 1900 ; 180, en 1913, dont une centaine sont des palaces et des grands hôtels, ce qui montre le caractère luxueux du modèle touristique [Boyer, 2010, p. 261]. A la fin du XIXe siècle, le carnaval de Nice gagne en notoriété et devient alors le plus réputé de France. Nice acquiert ainsi une image et un statut de ville carnavalesque mondiale [Ferreira, 2014].
Ce modèle festif économique a rencontré une belle postérité et se poursuit. Les responsables de l’organisation du carnaval revendiquent aujourd’hui l’« esprit 1873 », à savoir un modèle festif qui doit contribuer à l’essor économique et l’attractivité touristique de la destination Nice. D’ailleurs, l’usage veut que l’on compte chaque année les carnavals par rapport à la date fondatrice de 1873 : on a ainsi célébré le 130e anniversaire du carnaval de Nice en 2014.
Dans la littérature ethnographique, le carnaval de Nice apparaît très vite comme le symbole du carnaval-spectacle, au service d’une machine touristique. Il suscite le désintérêt des folkloristes. Claude Seignolle dans son Folklore de la Provence
refuse d’évoquer ce carnaval : « Le carnaval de Nice comme celui d’Aix si copieux et si riche est devenu une organisation officielle. Il n’appartient plus guère au folklore. » [Seignolle, 1980, p. 194].
Qu’en est-il de l’histoire des carnavaliers ? Ces artisans travaillaient avec des imagiers (dessinateurs), dont certains sont célèbres, tel Gustav-Adolf Mossa (1883-1971), artiste peintre niçois, conservateur du musée des Beaux-Arts de Nice, fils du peintre Alexis Mossa (1844-1926), également imagier du carnaval. Jusqu’en 1994, les carnavaliers étaient organisés en associations. Il en existait quatre : l’Amicale des constructeurs carnavalesques, les As carnavalesques, les Artisans carnavalesques et l’Union des carnavaliers, qui ont existé de 1924 à 1994. Ces structures regroupaient un nombre important d’artisans du carnaval : environ 150 pour chacune d’entre elles [Sidro, 2014, p. 244]. Ces carnavaliers n’étaient pas des professionnels du carnaval, au sens où ils exerçaient tous un métier : employés de mairie, policiers, artisans (menuisiers, ramoneurs…), pompiers, … Ils construisaient les chars en dehors de leur activité, dans le cadre de leur temps libre (soirées, week-ends, vacances). Pour réaliser leurs chars, ils recevaient des subventions du comité des fêtes, association paramunicipale, financée par la Mairie. L’entrée dans ces associations se faisait par cooptation : on y entrait en prenant la suite du père ou de l’oncle, ou en étant parrainé par un ami. Être carnavalier était une affaire d’hommes. La construction des chars, activité virilo-centrée, réservait aux femmes le rôle de couturières, ce qui témoigne d’une division sexuée des tâches. Les femmes ou filles de carnavaliers élaboraient les costumes des déguisements ou des personnages sur les chars, mais les associations recourraient aussi à des couturières professionnelles. Certains témoignages montrent que des femmes de carnavaliers intervenaient tout de même en aidant leur mari et en réalisant d’autres tâches que la couture (peinture, application du papier, par exemple).
Toujours est-il que le système était marqué par un ordre et une hiérarchie : les charistes désignaient les carnavaliers, qui avaient la charge de construire des chars ; les groupistes effectuaient quant à eux les groupes de grosses têtes ; dernière catégorie, celle des isolés, qui réalisaient une grosse tête. On pouvait gravir les échelons par exemple par ancienneté : le plus ancien groupiste pouvait intégrer les charistes, si l’un d’eux décédait sans avoir d’enfants. La dimension familiale était donc importante dans le système de succession. Ces usages ont favorisé l’émergence de « lignées », telles que celles des Povigna ou des Sidro.
Les carnavaliers concourraient pour obtenir des prix dans le cadre d’un palmarès où ils étaient classés selon leur performance, établie d’après des jurys. Des cérémonies permettaient ensuite aux édiles de remettre des prix. Une certaine compétition existait pour obtenir les meilleures places dans le classement. La volonté de trouver de nouvelles techniques plus performantes dans la construction ses sujets témoigne de ces dimensions agonistiques.
Au fil de son histoire, les chars sont devenus de plus en plus sophistiqués et élaborés comme l’illustre leur mécanisation progressive. À la fin du XIXe siècle, les chars sont animés de poulies et de cordes, de ficelles. Au début du XXe siècle, le comité des fêtes exhorte les artisans du carnaval à amplifier les mouvements dans leurs chars. Mais, ce n’est qu’après-guerre que de véritables progrès sont réalisés, dans les années 1960. Le carnavalier Arthur Signorelli (né en 1927) introduit les moteurs à essuie-glaces après avoir sillonné les casses. À la fin des années 1970, Jean-Pierre Povigna innove en utilisant des vérins hydrauliques, ce qui permet aux chars de s’élever plus haut et d’améliorer les mouvements. En 1978, le char « King Kong », recouvert de tissus peluche, crée une surprise générale, auprès de la foule et des concurrents grâce à l’emploi de vérins hydrauliques. Ceux-ci permettent au char de s’élever à 9 m de haut alors que les chars ne dépassaient pas alors les 7,50 m. Dans cette évolution technique, un nouveau matériau fait son apparition à la fin des années 1990 : le polystyrène qui remplace le carton-pâte.
Au plan de l’organisation, les années 1990 marquent un tournant : le comité des fêtes est dissout en 1994, tournant majeur dans l’histoire du carnaval puisque le comité existait depuis 1873. L’Office de tourisme assure alors l’organisation et le financement de l’événement. À la suite de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 (« loi Sapin ») relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (marchés publics, délégation de service public...), le principe de la mise en concurrence pour la commande publique devient obligatoire. La réalisation des chars est alors régie par des appels d’offres. Les associations de carnavaliers disparaissent pour faire place à des entreprises de décoration événementielle. La plupart des carnavaliers qui étaient membres d’une association cessent leurs activités. Le modèle associatif a basculé à un modèle entrepreneurial.
Historiquement, la transmission s’accomplit par le biais des familles : on est carnavalier de père en fils. Dans la famille Povigna, le terme même de « carnavalier » renvoie d’ailleurs à une identité familiale forte : le carnavalier, c’est celui qui perpétue une histoire familiale, celle du père, du grand-père et qui défend une réputation, un nom. Dans la famille, on est carnavalier aujourd’hui depuis quatre générations. Chez les Pignataro, autre famille de carnavaliers, on continue également cette même tradition. De même, la famille Sidro a constitué une autre « lignée » de carnavaliers, dont l’histoire est particulièrement bien documentée grâce aux travaux d’Annie Sidro. Fille de carnavalier, historienne, elle a rédigé de nombreux ouvrages sur l’histoire du carnaval. À travers ses écrits, elle relate aussi l’histoire de sa famille : son grand-père Alexis Sidro était déjà carnavalier à Nice en 1897. Son grand-oncle César Sidro lui succède. C’est ensuite son père Alexandre qui perpétue la tradition jusqu’en 1980. À partir des carnets de travail de son père, Annie Sidro rédige actuellement l’histoire de sa famille qui a eu la charge du roi Carnaval de 1921 à 1981 [Sidro, 2014, p. 247]. Dans le monde du carnaval, construire le char du Roi représente un motif de fierté et de réussite. Il est porteur d’une valeur symbolique forte : c’est le char le plus haut et il incarne le carnaval. Il est exposé avec le char de la Reine pendant deux semaines place Masséna.
Annie Sidro postule l’existence d’un art du carnaval, un art populaire qui ne serait pas reconnu comme tel. Elle milite pour la réhabilitation de cet art à travers son projet de Cité internationale du carnaval de Nice. Elle relate ainsi la démarche de son père, Alexandre Sidro, disparu en 1980, qui travaillait avec des peintres fresquistes des chapelles de l’arrière-pays niçois, des sculpteurs, dont certains étaient titulaires du grand prix de Rome, tel le sculpteur Chiavatti. Elle met aussi en avant la collaboration de son père avec des artistes peintres niçois, tel Gustav-Adolf Mossa (1883-1971), imagier du carnaval de Nice pendant de nombreuses années. Cet ensemble d’acteurs œuvraient alors dans une conception artistique du carnaval [entretien ethnographique avec Annie Sidro, 2016].
Quant à la transmission des pratiques, la passion pour le carnaval est souvent évoquée comme un facteur essentiel pour devenir carnavalier. La passion pour le carnaval porte d’ailleurs un nom précis dans le monde des carnavaliers, et à Nice : la carnavalina, dépeinte comme un virus, qui possède celui qui en est victime et voue sa vie au carnaval. Des récits évoquent l’origine de cette passion, qui survient à l’enfance ou pendant l’adolescence. Au cours de leur enfance, certains passionnés construisaient des chars miniatures en utilisant des boîtes de biscuit, par exemple, et en les peignant. Ces réalisations pouvaient ensuite être exposées dans les vitrines des commerces. Ces pratiques montrent un goût précoce pour la construction des chars, qui peut ensuite déboucher sur l’apprentissage du métier. Beaucoup de ces passionnés entretiennent aussi un grand engouement pour l’histoire du carnaval, incarnant parfois la figure du passionné expert possédant une connaissance quasi encyclopédique d’un domaine précis [Bromberger, 1996].
Dans les récits, le portage des grosses têtes durant la fin de l’adolescence, vers l’âge de 16 ans, peut aussi constituer un moment fort qui confirme ou déclenche une passion pour le carnaval.
Construire le carnaval constitue une « fierté » : la fierté de poursuivre une tradition et d’y être fidèle, la fierté de perpétuer une œuvre familiale et de s’inscrire dans une lignée de quatre générations, la fierté de construire un carnaval prestigieux et reconnu mondialement. L’attente et les réactions des spectateurs constituent un puissant motif de motivation, de jubilation et de gratification. L’achèvement d’un char est souvent comparé à un accouchement : après de longs mois de gestation, au sein d’un hangar, le char « sort » enfin, accède à la lumière et naît alors au monde. Cette première sortie des chars représente un des moments les plus intenses ; elle récompense plusieurs mois de travail, dont la fin est souvent intense. Les nuits sont en effet, à ce moment-là, assez courtes. Le travail de construction est dépeint comme un métier âpre exigeant ténacité, passion, discipline qui dissuade certains de continuer.
Les regards du public, l’effet sur les spectateurs constituent une profonde source de satisfaction. L’acte de créer, d’achever le char jusqu’au bout, de montrer son talent est également important dans un événement conçu pour être présenté à une foule.
Les créations du carnaval sont décrites comme éphémères. L’éphémère de ces créations contribue à la puissance et à la « magie » du carnaval, mais peut aussi susciter des discours nostalgiques et de frustration : l’artisan crée quelque chose qui va être détruit.
Enfin, les récits mettent en avant l’existence d’une tradition et d’une culture propre au carnaval de Nice, visible à travers certains motifs qui constituent des totems : le babaou, sorte de démon vivant dans le fleuve Le Paillon ; la Ratapignata, chauve-souris symbole de l’identité niçoise ; ou encore Gargantua. Ces symboles expriment un univers humoristique, fantastique ou onirique. Ces expressions se concrétisent dans une culture matérielle dépeinte comme traditionnelle : des grosses têtes et des chars, l’utilisation de couleurs particulièrement vives, l’usage du carton-pâte.
Le contexte des attentats, à Paris, le 13 novembre 2015, et à Nice, le 14 juillet 2016, a entraîné un renforcement des mesures de sécurité et une diminution des défilés, voire la déprogrammation de certains événements [Nice Carnaval Run, Lou Queernaval]. Phénomène de masse regroupant une foule particulièrement dense, le carnaval a ainsi vu ces dernières années une diminution du nombre de ces défilés et manifestations en raison de ce contexte national et local singulier.
Sur un autre plan, être carnavalier est vécu comme un métier à l’avenir relativement aléatoire. Dans les entretiens, le carnaval est souvent présenté comme un événement dépendant de l’implication municipale et donc susceptible d’être moins soutenu, pour diverses raisons (politiques, financières), d’où la nécessité pour les entreprises de carnavaliers de développer d’autres activités et de se spécialiser.
Les carnavaliers déplorent aussi la disparition progressive des carnavals de village ou de moyennes communes, en France, au détriment de spectacles d’arts de rue déambulatoires. Certaines entreprises du carnaval s’adaptent en concevant des spectacles de ce type pour décrocher des marchés en France et en Europe. Ces changements signifient pour eux un réajustement et une évolution de leur métier. Cette évolution vers une plus grande place des arts de rue au sein des défilés signifie pour d’autres acteurs du carnaval, généralement des passionnés, un recul des créations carnavalesques « traditionnelles », tels les chars et les grosses têtes, deux éléments de la culture matérielle tenus pour des emblèmes forts et des marqueurs de l’identité du carnaval niçois. La « tradition » du carnaval apparaît menacée pour ces acteurs, qui avancent à l’appui la réduction progressive du nombre de lots de grosses têtes : environ 800 en 1990, 500 en 2000, une trentaine en 2007. Depuis ce creux de la vague, leur nombre est remonté.
Enfin, les créations carnavalesques sont, en elles-mêmes, éphémères et donc pour la plupart détruites. Leur taille et leur volume rend leur conservation peu aisée. La dimension éphémère est souvent dépeinte comme une caractéristique de l’art carnavalesque, qui en constitue aussi sa « magie ». Les cartes postales, les photographies, les vidéos constituent souvent les seuls témoignages de l’existence de ces créations.
Modes de sauvegarde et de valorisation
Plusieurs démarches ou initiatives d’acteurs publics témoignent d’une volonté de patrimonialiser le carnaval. Certaines pièces du carnaval de Nice (un char, par exemple) sont conservées au Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), dans les réserves. Des archives du carnaval de Nice sont conservées aux archives départementales des Alpes-Maritimes et dans les archives municipales de Nice. De même, des programmes et affiches d’anciens carnavals sont conservés et exposés au musée Masséna.
D’autres illustrent le rôle de certains passionnés dans les processus de patrimonialisation.
Le projet de Cité internationale du Carnaval de Nice implique l’historienne Annie Sidro depuis de nombreuses années. Le projet s’inspire en partie de la Citadella del Carnavale (Cité du Carnaval) de Viareggio (Italie), qui réunit les ateliers du carnaval de la ville et deux musées. À Nice, le complexe de la Cité rassemblerait les ateliers des carnavaliers, un centre de documentation et un espace muséal dédié au carnaval de Nice et à ses liens avec les autres carnavals du monde. Elle permettrait aux visiteurs de découvrir les artisans au travail, dans leur atelier, de visiter le musée et ou encore d’effectuer des recherches dans le centre de documentation, en un lieu unique de transmission, où des groupes scolaires autant que le public universitaire pourront découvrir la culture du carnaval. Des étudiants de la faculté de Nice pourraient venir s’y former : des étudiants en arts plastiques (ateliers) ou en histoire et en ethnologie (centre de documentation). Le centre de documentation conserverait les archives privées d’Annie Sidro, qui prévoit d’effectuer un don à la Ville de Nice. Le projet est à l’étude actuellement, porté par la Ville de Nice. La Cité pourrait occuper la « halle Spada », qui abrite actuellement des ateliers d’artistes plasticiens et la fabrication des sujets du carnaval.
Des initiatives privées visent aussi à patrimonialiser le carnaval. Sébastien Dalbera, carnavalier et passionné de carnaval, possède une collection de moules de grosses têtes, d’archives iconographiques (cartes postales, photographies anciennes) et d’objets anciens du carnaval, constituée depuis plusieurs années. Il projette pour 2019 un musée du Carnaval de Nice à Contes (Alpes-Maritimes), structure privée évoquant l’histoire du carnaval de Nice et de ses carnavaliers, les étapes de fabrication des créations carnavalesques et l’évolution des techniques, des personnages et de la symbolique du carnaval niçois.
Actions de valorisation à signaler
Exposition Le Monde à l’Envers. Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée (Marseille, Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, 26 mars-25 août 2014) : présentation de chars du carnaval de Nice
Exposition Nice et les carnavals du monde (La Trinité, Médiathèque Les Quatre-Chemins, 11-25 février 2017) : présentation de cartes postales et de photographies anciennes du carnaval prêtées par Annie Sidro, historienne, présidente de l’association Carnaval sans frontières
Modes de reconnaissance publique
L’entreprise de carnavaliers Nice festivités est labellisée « Entreprise du patrimoine vivant ».
Inventaires réalisés liés à la pratique
Archives municipales de Nice et Archives départementales des Alpes-Maritimes
• Archives relatives aux associations d’anciens carnavaliers
• Fonds figurés : photographies anciennes, programmes d’anciens carnavals
Fonds Annie Sidro, historienne du carnaval
Collection de grande ampleur de photographies, de cartes postales anciennes, de films d’anciens carnavals de Nice et d’ailleurs ; archives familiales issues d’Alexandre Sidro, carnavalier et constructeur du char du Roi jusqu’en 1980 (notamment ses carnets de note) ; archive d’une famille de carnavaliers de père en fils, depuis 1897.
Fonds Sébastien Dalbera, carnavalier à Nice
Fonds constitué à partir d’achats et de dons sur le carnaval de Nice (fin du XIXe-fin du XXe siècle), qui alimentera le futur musée privé du Carnaval de Nice, à Contes (Alpes-Maritimes).
Bibliographie sommaire
Adell-Gombert (Nicolas), Des Hommes de devoir. Les compagnons du Tour de France (XVIIIe-XXe siècle), Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’homme (coll. « Ethnologie de la France »), 2008.
Agier (Michel), Anthropologie de carnaval. La ville, la fête et l’Afrique à Bahia, Marseille, Parenthèses, 2000.
Boyer (Marc), L’Invention de la Côte d’Azur. L’hiver dans le Midi, Gémenos, Éd. de l’Aube, 2010.
Bromberger (Christian), Passions ordinaires, Paris, Bayard, 1998.
Caro Baroja (Julio), Le Carnaval, Paris, Gallimard, 1979.
Chevallier (Denis) et Isac (Chiva), Savoir-faire et pouvoir transmettre, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’Homme (coll. « Cahiers de l’ethnologie de la France »), 1996.
Coll., Le Monde à l’envers. Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée, Marseille, Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, 2014.
Fabre (Daniel) et Camberoque (Charles), La Fête en Languedoc, Toulouse, Privat, 1977.
Ferreira (Felipe), L’Invention du carnaval au XIXe siècle, Paris, Nice, Rio de Janeiro, Paris, L’Harmattan, 2013. Fournier (Laurent-Sébastien), dir., La Fête au présent, Paris, L’Harmattan, 2009. Gauthard (Nathalie), Fêtes, mascarades et carnaval, Marseille, L’Entretemps, 2014. Gonnet (Paul), « Nice, cité européenne », dans Histoire de Nice et du pays niçois, dir. Maurice Bordes, Toulouse, Privat, 1976. Salmona (Michelle), Les Paysans français : le travail, les métiers, la transmission des savoirs, Paris, L’Harmattan, 1994. Seignolle (Claude), Le Folklore de la Provence, Paris, Maisonneuve & Larose, 1980. Sidro (Annie), Le Carnaval de Nice, Nice, Serre, 2008. Sidro (Annie), « Les Carnavaliers niçois : une corporation bien spécifique, une histoire de famille(s) », dans Fêtes, mascarades et carnaval, dir. Nathalie Gauthard, Marseille, L’Entretemps, 2014.
Filmographie sommaire
L’histoire du carnaval de Nice
• Carnaval de Nice, réal. Roger Maussion, 1955, 8 min
[en ligne : https://www.cinematheque-bretagne.fr/G%C3%A9olocalisation-970-10423-0-0.html]
• Les Coulisses du carnaval, réal. Annie Sidro, 1978-1979, 30 min
• Le Carnaval de Nice de 1947 aux années 1980, prod. France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2018, 1 min 27
[en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=YBtrKxEZAxo]
Le carnaval contemporain à Nice
• Vidéos annuelles des éditions du Carnaval, prod. Office de tourisme métropolitain Nice-Côte d’Azur
[en ligne : https://www.youtube.com/channel/UCkugCHHwGclQDZe3lHVcugA ]
• Carnaval de Nice à Ningbo, Chine, réal. Nice-Côte d’Azur Tourism, prod. Office de tourisme métropolitain Nice-Côte d’Azur), 2018, 1 min 29
[en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=Uvk6VXlUkKY ]
• Kristian, imagier au service du Carnaval de Nice, entretien filmé, prod. Production JMB, 2009, 5 min 39
[en ligne (chaîne Youtube « Folklore en héritage ») : https://www.youtube.com/watch?v=suF3MJhGPQ0 ]
• Eviva Carneval ! Le Carnaval, patrimoine populaire de Nice, réal. Carnaval Sans frontières, Académie de Nice et Métropole Nice-Côte d’Azur, CD-Rom, 2011 [vidéos, illustrations, archives, extraits de chants et de musiques du carnaval et quizz, destinés aux élèves de l’Académie de Nice]
• Dans les coulisses du carnaval de Nice 2018, rél. Nice-Côte d’Azur Tourism, prod. Office de tourisme métropolitain Nice-Côte d’Azur, 2018, 1 min 58 [entretien de Pierre Povigna sur les savoir-faire des carnavaliers] [en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=3atgRo4MSp0]
• Cyber Carnaval de Nice, réal. Patrick Moya, 2014, 6 min 46
[en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=XvqoLBmZk88]
Sitographie sommaire
• Site officiel du Carnaval de Nice
• Site de la Ville de Nice, rubrique « Carnaval de Nice »
http://www.nice.fr/fr/le-carnaval
• Site de l’entreprise Concept événementiel
https://www.planete-vapeur.com/
• Site de l’entreprise Nice festivités
Cette fiche a été rédigée à partir d’une recherche menée entre 2014 et 2018 dans le cadre d’une enquête ethnographique. Les différents praticiens liés au carnaval ont fait l’objet d’entretiens et ont été rencontrés à plusieurs reprises. Ce sont des acteurs de la fabrique du carnaval de Nice engagés dans une démarche de valorisation patrimoniale et artistique du carnaval de Nice. Par les témoignages fournis, les échanges et rencontres qui ont eu lieu, ils ont contribué à la réalisation de ce travail. Ils ont relu la présente fiche et ont donné leur accord pour être cités :
• DALBERA (Sébastien), carnavalier à Châteauneuf-Villevieille (Alpes Maritimes)
• GARCIA (Johann), carnavalier dans l’entreprise Nice festivités, à Nice
• PENALBA (Marie), secrétaire commerciale dans l’entreprise Concept événementiel à Nice
• PIGNATARO (Cédric), carnavalier, chef de l’entreprise Nice festivités à Nice
• POVIGNA (Gilles), carnavalier dans l’entreprise France Festivités, à Nice
• POVIGNA (Jean-Pierre), carnavalier à Nice
• POVIGNA (Pierre), carnavalier, chef de l’entreprise Concept événementiel à Nice
• SIDRO (Annie), historienne à Nice
L’inscription de la fiche « Les savoir-faire artisanaux associés au carnaval de Nice » à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel a reçu les consentements écrits des deux entreprises niçoises Concept événementiel et Nice festivités.
Rédacteur de la fiche
Antonin CHABERT
Ethnologue au Centre d’ethnologie méditerranéenne (CEM)
Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (IDEMEC)
Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme (Aix-en-Provence)
Enquêteur(s), chercheur(s) ou membre(s) du comité scientifique associé
CHABERT (Antonin), ethnologue au Centre d’ethnologie méditerranéenne (CEM), Aix-en-Provence)
FOURNIER (Laurent-Sébastien), maître de conférences en anthropologie, Institut d’ethnologie
méditerranéenne, européenne et comparative (IDEMEC), CNRS-Université Aix-Marseille
Lieux(x) et date/période de l’enquête
Nice, Menton et Aix-en-Provence, 2014-2018
Données d’enregistrement
Date de remise de la fiche : 20 novembre 2018
Année d’inclusion à l’inventaire : 2018
N° de la fiche : 2018_67717_INV_PCI_FRANCE_00421
Identifiant ARKH ark:/67717/nvhdhrrvswvk2m0
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf
Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carnaval_de_Nice
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