Les charpentiers de marine du Nord de la France mettent en œuvre deux techniques traditionnelles de construction : celle à clin pour les canots et bateaux d’échouage de petit taille, caractéristiques de la côte d’Opale, celle à franc-bord avec des spécificités régionales pour les plus grosses unités.
Il existe aujourd’hui quatre charpentiers de marine dans le Nord de la France exerçant sur deux chantiers navals.
La présente fiche porte sur les savoir-faire des charpentiers de marine du Nord de la France appliqués à la construction et à l’entretien de bateaux en bois. Il s’agit de bateaux de différentes tailles, liés à des usages divers : cabotage, bornage et pêche. Il existe aujourd’hui quatre charpentiers de marine dans le Nord de la France exerçant sur deux chantiers navals. Les deux chantiers détenteurs de ces savoir-faire et engagés dans leur préservation sont situés dans le Pas-de-Calais. Il s’agit du Chantier naval à Calais, Centre technique du patrimoine maritime de la Côte d’Opale et du Chantier de Construction Navale traditionnelle de la ville d’Etaples sur Mer.
Les charpentiers de marine du Nord de la France mettent en œuvre deux techniques traditionnelles de construction : celle à clin pour les canots et bateaux d’échouage de petit taille, caractéristiques de la côte d’Opale, celle à franc-bord avec des spécificités régionales pour les plus grosses unités. Si des pratiques similaires liées à la construction à clin sont encore observées en Normandie notamment dans le Calvados ou bien encore en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, et jusqu’en Pologne, les formes et les structures des bateaux sont différentes.
La fiche restitue les différents moments de la chaîne opératoire de construction : 1) la conception du projet architectural ; 2) construction de la coque ; 3) fabrication et l’installation du gréement, de la voilure et de l’accastillage. Elle fait le point sur projets de sauvegarde en cours ou à développer.
La construction navale est pratiquée par les charpentiers de marine. Ceux-ci constituent ainsi un corps de métier qui détient des savoirs et des savoir-faire précis dont le domaine d’application est avant tout destiné à la construction et à l’entretien de bateaux en bois de différentes tailles et aux usages divers : cabotage, bornage et pêche. Il existe aujourd’hui quatre charpentiers de marine professionnels spécialistes des bateaux traditionnels du Nord de la France exerçant dans deux chantiers navals.
Il faut également associer au travail de ces artisans la communauté des gens de mer de Dunkerque à la baie de Somme. En effet, le paysage culturel maritime de la région est historiquement structuré par la présence des bateaux traditionnels. Économiquement parlant, cette société littorale possède un passé fondé sur l’activité halieutique. Les fêtes saisonnières célèbrent cette identité et recréent ce lien entre les hommes et le paysage. Le bateau traditionnel continue à construire ce lien et à être le passeur entre la communauté, son histoire et son territoire.
Les deux principaux chantiers détenteurs de ces savoir-faire et engagés dans leur préservation sont situés dans le Pas-de-Calais
- Le chantier naval à Calais, Centre technique du patrimoine maritime de la Côte d’Opale, 25 Rue de Cronstadt, 62100 Calais.
- Le Chantier de Construction Navale traditionnelle de la ville d’Etaples sur Mer, Boulevard Bigot Descelers - 62630 Etaples sur Mer.
Si des pratiques similaires liées à la construction à clin sont encore observées en Normandie notamment dans le Calvados (doris, picoteux), ou bien encore en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, et ce jusqu’en Pologne, les formes et les structures des bateaux sont différentes.
En raison de leur histoire, les pays nordiques sont considérés comme les porteurs principaux des savoir-faire de la construction à clin. Ainsi, en 2019, la Norwegian Coastal Federation a présenté une proposition d'inscription de la tradition de construction navale scandinave des bateaux nordiques à clin sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO.
Les charpentiers de marine du Nord de la France mettent en œuvre deux techniques traditionnelles de construction : celle à clin pour les canots et bateaux d’échouage de petit taille caractéristiques de la côte d’Opale, celle à franc-bord avec des spécificités régionales pour les plus grosses unités.
La construction à clin est caractérisée par le fait que les planches utilisées pour la réalisation du bordé de la coque, les bordages, se superposent légèrement les unes sur les autres vers le bas. Les bordages à clin se recouvrent l'un l'autre comme les ardoises d'un toit. La structure interne relativement légère du bateau est construite une fois que la coque a pris forme selon le principe de construction « sur bordé » (encore appelé « bordé premier »).
La construction à franc-bord, utilisée pour les dundees, bateaux construits dans la première moitié du XXe siècle, est de principe « sur membrure » (encore appelé « charpente première »), avec des bordages à franc-bord. Dans cette technique que l’on retrouve dans d’autres régions de France, plusieurs détails dans l’élaboration de certaines pièces au niveau des couples et du pont sont spécifiques à la région Nord.
On distingue dans la chaine opératoire des bateaux à clin trois moments clés :
1) la conception du projet architectural ;
2) la construction de la coque (ci-dessous étapes 1, 2, 3) ;
3) la fabrication et l’installation du gréement, de la voilure et de l’accastillage (ci-dessous étape 4).
Aujourd’hui, la conception et le tracé du plan des formes du bateau sont faits par le maître-charpentier à partir d’un de vis de tracé (tableau des cotes). Cette opération peut être faite par une personne seule avec éventuellement l’aide d’un assistant et s’effectue sur un temps variable selon la taille navire : une embarcation de 5 à 6 mètres peut être traitée en quelques jours, une unité plus grande de 15 à 25 mètres peut nécessiter plusieurs semaines. A partir de ces données graphiques, des calculs de stabilité et de structure sont produits par un architecte naval qui approuve et peut modifier le plan de formes. Cette étape est désormais nécessaire pour répondre aux normes de sécurité exigées par l’administration des affaires maritimes, ainsi que par les assurances, et permettre ainsi la mise en navigation des bateaux. Ils n’étaient pas exigés à l’époque des chantiers traditionnels. Auparavant, les charpentiers de marine n'utilisaient pas de plans. Ils possédaient une méthode et un savoir-faire fondés sur la pratique et la projection à l’échelle 1 des formes du bateau. La représentation de celui-ci se faisait avec une série de gabarits, modèles grandeur nature qui servaient à tracer et contrôler la forme et les dimensions des pièces de la charpente axiale ainsi que la forme transversale du bateau. Ils étaient ajustés suivant les demandes du client.
Si le maître-charpentier contemporain fait usage de nouveaux outils, la technique traditionnelle reste fondamentalement la même. L’évolution s’est faite au niveau des formes des bateaux qui sont devenues plus épurées et d’une structure dotée d’une durée de vie plus longue.
La difficulté qu’il y a sur cette chaîne opératoire, c’est qu’en l’occurrence effectivement aujourd’hui il n’y a plus qu’un seul maître charpentier et le nombre d’heures étape par étape est beaucoup plus long (gabariage, manque d’expérience, chevillage employé, qualité de finition, souci du détail, etc.) qu’au temps où ces constructions étaient courantes (étape 1 : 135 h ; étape 2 : 290 h ; étape 3 : 250 h ; étape 4 : 320h).
PHASES | SEQUENCES | OUTILS & MATERIAUX |
Etape 1 : construction de la charpente axiale : étrave, quille, étambot. |
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Construction des gabarits | Tracé des pièces. Découpe et montage à partir des plans. (Ill. 1) |
Outils : scie sauteuse Matériaux : sapin, contre-plaqué |
Débitage des pièces | Tracé des pièces sur le bois massif, débitage de la quille et de l'étambot. (Ill. 2) Débitage du brion, pièce clé qui donne les formes à l'avant du bateau, équerrage. (Ill. 3). |
Outils : scie à onglets, scie à ruban, rabot. Matériau : chêne |
Montage de la charpente axiale qui est redressée verticalement |
L'étrave et l'étambot sont assemblés à mi-bois. (Ill. 4 et 5). Deux pièces sont ajoutées à la liaison pour consolider l'assemblage : le brion à l’avant et la courbe, l’allonge, et l'étambot. |
Outils : scie à ruban, boulonneuse Petit matériel : boulons |
Perçage de l'axe de l'hélice |
Si le bateau est motorisé, il faut percer l’axe de l’hélice en l’alignant selon la position du moteur. |
Outils : tarière, serre-joint |
Préparation de la quille pour la pose du galbord |
Débitage et pose du chapeau de quille. |
Outils : scie circulaire, ciseau à bois, perceuse Matériau : chêne Petit matériel : boulons |
Pose du tableau arrière |
Élaboration du gabarit de la pièce, tracé, débitage et montage. |
Matériau : chêne |
Étape 2. Construction du bordé |
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Elaboration du galbord, premier bordé |
Élaboration du gabarit de la pièce, brochetage, tracé, débitage, étuvage et montage. |
Outils : scie à ruban, scie circulaire, varlope Matériaux : chêne, chutes de contreplaqué pour le gabarit. |
Pose des galbords |
Le bordé est positionné grâce aux cannaps (serre-joints en bois) et aux serre-joints en fer placés sur le brion. |
Outils : cannaps, serre-joint, visseuse, mastic Matériau : mastic Petit matériel : vis |
Élaboration et pose du ribord, deuxième bordé |
Élaboration du gabarit de la pièce, brochetage, tracé, débitage, étuvage et montage. |
Outils : cannaps, serre-joint, scie circulaire, scie à ruban, varlope, marteau Matériau : mastic Petit matériel : rivets en cuivre |
Positionnement des gabarits transversaux des membrures |
La charpente axiale est redressée à la verticale. Les gabarits sont positionnés au fil à plomb sur la quille. On place deux gabarits dévoyés à l’avant pour contrôler les formes de cette partie de la coque. (Ill. 8) |
Outils : cannaps, serre-joint, visseuse, niveau à bulle |
Élaboration et pose des lisses provisoires |
Des lisses provisoires sont positionnées pour visualiser la répartition des clins. Celle-ci se fait géométriquement sur le maître-bau et vers l’avant de façon à repartir le plus harmonieusement les bordages. Vers l’avant il y a intérêt à monter assez haut pour chercher les bonnes formes du bordé. (Ill. 9) |
Outils : cannaps, marteau |
Élaboration des bordages |
Il s’agit de la même procédure que pour le ribord. |
Outils : cannaps, serre-joint, scie circulaire, scie à ruban, compas à ouverture fixe, demi- varlope |
Pose des bordages |
Les bordages sont forcés à l’avant avec des serres jointes et des cales. (Ill. 10, 11 et 12) |
Outils : cannaps, serre-joint, marteau, vilebrequin, pinces Matériau : mastic Petit matériel : rivets en cuivre |
Étape 3. Construction de la charpente intérieure |
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Élaboration des varangues |
La forme de la varangue est relevée sur le bordé à l'aide d'une latte maintenue sur la quille par une équerre. Des piges sont agrafées ou collées et vont jusqu'au fond de bordé contre le can du bordé précédent. |
Outils : scie circulaire, varlope, couteau de charpentier, vilebrequin Matériau : chêne Petit matériel : rivets |
Élaboration et pose du puits de dérive |
Si la dérive passe à côté de la quille, la base du puits va être intégrée, encastrée entre les varangues. Si le puits passe à travers la quille, elle est percée avant l’assemblage de la charpente axiale. |
Outils : scie circulaire, varlope, couteau de charpentier Matériau : chêne |
Élaboration et pose des membrures |
La pièce est ployée et rivetée. Elle est composée de lattes de chêne débité de manière rectiligne, puis ployé à la vapeur. |
Outils : scie circulaire, varlope, vilebrequin, marteau Petit matériel : rivets |
Élaboration et pose des serres |
Un gabarit est fabriqué pour effectuer le tracé et localiser les serres. |
Outils : scie circulaire, varlope, couteau de charpentier, visseuse, marteau |
Élaboration et pose des bancs ou des barrots |
On positionne des équerres (des courbes) sur le puits de dérive afin de poser le banc. |
Outils : scie circulaire, varlope, couteau de charpentier, visseuse, marteau |
Élaboration et pose des plats- bords |
Les plats-bords sont posés après avoir mis les bancs. Ils sont étuvés et mis en forme sur l'extérieur de la coque puis encastré sur les têtes de membrures. |
Outils : scie circulaire, varlope, couteau de charpentier, visseuse, marteau |
Étape 4. Construction du gréement et de l’accastillage |
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Élaboration et pose du pied du mât |
Le pied du mât est fait en bois massif. |
Outils : scie circulaire, varlope, couteau de charpentier, visseuse, marteau Matériau : pin d’Oregon |
Élaboration et pose du pont avant |
Le gabarit pour la guirlande est tracé et débité. |
Outils : scie circulaire, varlope, couteau de charpentier, visseuse, marteau |
Élaboration et pose de l’agencement intérieur du bateau et des gaillards avant et arrière |
Des cloisons, le plancher, le tillac et les ponts sont construits. |
Outils : scie circulaire, varlope, couteau de charpentier, visseuse, marteau Matériaux : le pontage est fait en mélèze, le mât en pin d’Oregon |
Les restaurations des grands chalutiers en bois de la région dans le chantier du « Centre Technique du Patrimoine Maritime de la Côte d'Opale » à Calais se fondent sur une politique de sauvegarde et de transmission des savoir-faire. La qualité des pratiques est assurée par trois facteurs structurants :
- les conseils d’un architecte naval, François Vivier, ayant plus de 30 ans d’expérience dans la construction navale en bois.
- une riche base de données théoriques et des instruments de la pratique gérée par la Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritimes du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Les collections sont constituées d’archives techniques et d’outils anciens de chantiers, qui donnent une dimension historique et théorique à la pratique.
- la direction des travaux par un maître-charpentier capable d’identifier et de travailler sur les techniques locales de construction navale grâce à une expérience acquise en Flandre et en Bretagne.
Les restaurations de grands chalutiers en bois commencent par un diagnostic de l’état du bateau réalisé par le maître-charpentier. A partir de ce constat, un plan des travaux est réalisé : une liste de pièces à restaurer et de pièces à remplacer est établie. Si le degré de changement des pièces de la charpente à remplacer met en danger les formes du bateau, des relevés des formes de la coque et des éléments principaux de la charpente sont faits. Les coordonnées des formes et les informations sur les pièces sont envoyées à l’architecte pour analyse et lissage, ainsi que pour assurer l’ordre des travaux à réaliser. Une fois le plan d’exécution fixé, les journées de travail sont organisées par le maître-charpentier. Des équipes de bénévoles sont guidées hebdomadairement dans des tâches particulières.
Un travail de documentation historique et d’étude de plans anciens est possible, même si à l’époque de la construction des chalutiers en bois, les charpentiers de marine n’utilisaient pas des plans de formes. Il était courant d’avoir recours à des demi-coques ou de réemployer des gabarits utilisés pour la construction d’autres bateaux. « On taillait d’abord une demi-coque au 1/20. Ensuite on la découpait en tranches transversales de 20mm, ce qui correspondait à l’entre-axe des membrures. On reportait chaque tranche sur du papier millimétré. A partir de ce tracé, on reportait tout à l’échelle 1 sur le plancher de tracé. Après quelques corrections, on pouvait réaliser les gabarits de construction » (Henri Leprêtre, dernier canotier de l’ancien chantier Leprêtre).
Des spécificités régionales dans les techniques de construction à franc-bord « sur membrure » de bateaux ont été repérées pendant certains travaux de restauration. Il s’agit de détails d’assemblage et de disposition de pièces de charpente qui aident à donner forme à la coque et répondent aux besoins locaux de fabrication.
C’est le cas du dundee Lorette construit en 1934 au chantier Hillebrandt d'Ostende (Ill. 1). Ce bateau était destiné à la pêche sur les bancs des Flandres. Il a été armé à la pêche et immatriculé à Dunkerque de 1934 à 1941. Durant la décennie 1970, le bateau est converti à la plaisance dans le plus strict respect de son histoire et de sa vocation initiale. Le Lorette a conservé l'authenticité de sa silhouette de dundee traditionnel de la Mer du Nord. Jusqu’à la fin du siècle dernier, il naviguait encore le long des côtes européennes et participait régulièrement aux fêtes maritimes. Ce bateau représenta le Nord-Pas-de-Calais à de multiples occasions, d’où sa labellisation Bateau d’Intérêt Patrimonial. Le dundee Lorette est à sec au chantier depuis l’année 2008 et les travaux de restauration ont commencé en 2017.Après la pose de la quille en 2018 (Ill. 2, 3 et 4), la réfection de la charpente axiale s’est poursuivie avec le changement du brion, la fabrication et la pose d'un nouvel étambot, le remplacement du massif d’étambots, des allonges de voûte en 2019, et par le changement de l'étrave à la fin 2019(Ill. 5 et 6). Le remplacement des membrures est prévu pour l’année 2021.Pendant ces travaux de restauration, le maître-charpentier a constaté des spécificités dans la construction du bateau, des détails représentatifs des techniques de la région :
- Au niveau des membrures les couples sont continus. Varangues, genoux et allonges forment une seule pièce, mais elles sont doublées (Ill. 7) ou triplées en épaisseur pour créer un ensemble épais et homogène.
- Les bordages, les lattes du pont, sont découpés et installés à la « flamande » dans les entailles de la serre latérale (Ill. 8). Sur le pont, la serre gouttière n’est pas découpée en créneau pour embrasser les jambettes (Ill. 9). Elle est découpée droite et des pièces de garniture sont installées entre les jambettes et maintenues par un boulon depuis le bordé.
Le langage observé dans les chantiers est le français. A Calais, on observe l’usage de quelques mots techniques issus de la charpenterie navale flamande extraits d’un carnet de croquis de construction provenant de l’ancien chantier naval Hillebrandt d’Ostende où a été construit le dundee Lorette.
Les chantiers actuels de Calais et d’Etaples sur Mer sont localisés sur les sites d’anciens chantiers traditionnels. Il y a donc une continuité dans la vocation et dans l’organisation des espaces. Ces chantiers font références pour la communauté, ils font partie de la mémoire urbaine des villes où ils sont implantés.
S’étendant sur le site d'un ancien chantier naval calaisien d’une surface de 3800 m² (Ill. 1), le chantier est divisé en trois bâtiments (Ill. 2) : le principal, appelé par les charpentiers hangar bois, abrite les travaux de restauration du dundee Lorette, une zone de stockage de bois et une zone de travail avec les machines de coupe (Ill. 3) ; dans le second hangar en métal, où les travaux de restauration du dundee Etoile de mer ont lieu, la FRCPM conserve sa collection d’objets et de documents liés à la construction navale (Ill. 4 et 5) ; le troisième bâtiment en préfabriqué, situé à l’entrée de l’ensemble immobilier, héberge les bureaux administratifs de la FRCPM (Ill. 6). Entre les bâtiments, il y a une grande cour où les bateaux donnés à la fédération sont stockés dans l’attente d’une restauration (Ill. 7 et 8). Une partie de l’activité et de l’espace du chantier est également dédiée à la logistique des fêtes maritimes. On trouve ainsi un parc où le matériel est entretenu et stocké.
Installé au cœur de la ville, à proximité immédiate du port (Ill. 9), et disposant de 400m2 d’atelier, le chantier municipal de construction navale traditionnelle est ouvert depuis 1998 dans les locaux de l’ancien chantier Leprêtre. Entièrement restauré en 2008, il est divisé en deux espaces (Ill. 10) : sur la rue, un hangar abrite la partie de l’activité relevant de la construction navale (Ill. 11) ; à l’arrière, un deuxième hangar couvre une partie muséographique autour du chalutier restauré et classé, le Charles de Foucauld (Ill. 12).Le bois stocké à l’abri de la pluie à l’extérieur du chantier dans un espace couvert, maintenant accessible au public après des travaux d’aménagement urbain menés par la municipalité en 2020 (Ill. 13).Depuis deux ans, le service technique de menuiserie de la mairie profite d’une partie de l’espace et du parc machine qu’il se partage avec l’atelier de construction navale.
Sur le chantier de Calais, les outils les plus employés sont anciens et ont été achetés dans un salon du bateau traditionnel à un collectionneur anglais : des trusquins, un rabot à semelle réglable pour faire les pièces concaves et convexes, une vastringue semi-courbe, une vastringue plate, un guillaume et une demi-varlope (Ill. 1). Une grande quantité d’outils de la collection de la FRCPM gardés dans le chantier est quelque fois utilisée (Ill. 2). Les outils de calfatage sont un don de Monsieur Quiquet, ancien travailleur du chantier. Quelques outils sont fabriqués par le maître-charpentier lui-même. L’exemple le plus parlant est l’équerre réglable (fausse-équerre), outil personnel, qui permet de mensurer et transposer des angles entre le bordé et les membrures (Ill. 3).
En plus des outils classiques utilisés dans la construction navale (Ill. 4 et 5), les charpentiers de marine du chantier d’Etaples sur Mer bénéficient d’une scie à ruban, d’une dégauchisseuse, d’une raboteuse (Ill. 6) rarement utilisées, et d’une étuve alimentée au bois située dans la cour du chantier. Les anciennes machines ont été remplacées depuis la restauration du bâtiment en 2008. Les outils pour le débitage de bois manuels et pour la pose du bordé sont uniquement dédiés aux travaux de construction navale et ne sont donc pas inclus dans l’atelier collaboratif formé avec le service technique de menuiserie de la mairie.
Traditionnellement, la transmission du savoir-faire se faisait au sein du chantier où une hiérarchie très claire était établie. Le maître-charpentier enseignait les gestes techniques dans le chantier à un groupe d’apprentis, lesquels gagnaient en responsabilités et en droit dans les activités mises en œuvre au fur et à mesure de l’acquisition des connaissances et des compétences. Le meilleur apprenti devenait maître.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui pour ce qui relève de la transmission du savoir de la construction à clin dans la région Nord. Les deux derniers charpentiers boulonnais capables de construire avec cette technique, Joseph Rogée et René Libert, ont successivement arrêté leur activité en 1971 et 1986. Ils n'ont pas eu de successeurs. Plusieurs de leurs dernières constructions sont sauvegardées, notamment par l’association Flobarts des 2 Caps, et sont pour l'essentiel stockées à Wissant. Les chantiers berckois n'ont pas survécu à la Seconde Guerre Mondiale et au déclin de cette marine locale. Les chantiers d'Etaples sur Mer (Caloin, Lefèvre, Leprêtre), qui ont construit à clin des petites embarcations (canots de Canche), des crevettiers motorisés à clin et des annexes de chalutiers, ont tous arrêté depuis les années 1980.
Leurs savoir-faire n’ont néanmoins pas disparu. Des transmissions informelles ont eu lieu :
- Pierre Lamarche, amateur berckois, a construit dans les années 1980 un canot à clin et une réplique d'un petit cordier berckois, le Marianne-Toute-Seule, pour lequel il a bénéficié notamment des conseils du Boulonnais René Libert.
- Plus récemment, Thomas Lienard s'est installé à son compte à Audresselles, après une formation de menuisier et une autre en charpente maritime. Dirigé par son père, il a construit son propre flobart à voiles et se propose d'entretenir et construire d'autres unités.
- Jérôme Ramet, fils et petit-fils de patron de bateau de pêche, salarié de la ville d'Etaples sur Mer, a une formation de charpentier naval aux Ateliers de l’Enfer à Douarnenez, ainsi qu’un CAP en arts du bois.Dans le cadre du chantier-musée Leprêtre, il a pu bénéficier du savoir-faire des anciens charpentiers étaplois Henri Leprêtre et Jean-Marie Menuge. Il a ainsi construit une série de bateaux à clin, en cherchant à retrouver le geste technique original et en donnant un nouvel élan à cette tradition. Si pendant les différentes constructions et restaurations de bateaux, il y a eu des stagiaires et des bénévoles à l’œuvre, il n’y a aujourd’hui pas d’apprenti dans le chantier. Depuis quelques années, l’administration municipale en charge du chantier traditionnel, conscient de l’urgence de trouver un apprenti à ce « passeur de mémoire », cherche les moyens nécessaires pour mener à bien ce projet.
Au chantier de Calais, la transmission du savoir-faire des techniques dans la restauration des dundees est à charge du maître-charpentier Xavier Maintenay. Il est issu de la formation de charpentier de marine du Lycée professionnel Edmond Doucet à Equeurdreville-Hainneville près de Cherbourg. Il bénéficie d’une expérience sur les chantiers de la région de plus de quinze ans, notamment à Ostende où il a participé à la construction d’une galère pour le musée naval de Gênes. Son expérience a facilité les travaux sur des bateaux où la tradition constructive flamande n’est pas différenciable de la technique locale.
Depuis 2014, Léo Bacquet travaille dans le chantier sous sa direction. Les premières années et pendant son CAP menuisier, il a travaillé comme bénévole, puis comme stagiaire. Il est engagé en 2019 comme apprenti charpentier de marine, assurant ainsi une continuité dans la transmission du savoir-faire.
Lors des travaux de restauration des grands bateaux, des bénévoles viennent porter main forte. Ils ont également accueilli un chantier d'insertion de 12 mois et continuent de recevoir des groupes de jeunes ainsi que des stagiaires en formation professionnelle, touchant ainsi dans une visée pédagogique un public régional plus large qu’à Étaples.
Le Nord, à la différence du Finistère et de la région Loire-Atlantique, ne bénéficie pas de lieux de formation reconnus par l’État tels que Les Ateliers de l’Enfer à Douarnenez, le lycée Pierre Guéguin à Concarneau, ou bien encore Skol Ar Mor à Mesquer. On peut donc distinguer trois niveaux d’implication dans la transmission de ces savoir-faire :
- pratique : Jérôme Ramet, maître-charpentier à Étaples ; Xavier Maintenay, maître-charpentier à Calais ; Léo Bacquet, apprenti à Calais ; Thomas Lienard, charpentier naval.
- associatif : la Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritimes (FRCPM) regroupe 54 associations du littoral belge à la baie de Somme. Elle est chargée de l’administration du chantier de Calais et se trouve à l’origine du musée de la marine de cette ville, ainsi que du projet de chantier patrimonial à Étaples. Depuis 30 ans, elle a réalisé ou soutenu des actions d'inventaire, mené des opérations de sauvetage ou de reconstruction de bateaux traditionnels. Elle a favorisé le développement de plusieurs musées et contribué à l'organisation de nombreuses manifestations en faveur du patrimoine maritime et fluvial des départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l'Oise et de l'Aisne. Elle poursuit activement son action de protection et de valorisation du patrimoine et de la culture maritime et fluviale des Hauts-de-France. Depuis 2008, elle anime à Calais le Centre Technique du Patrimoine Maritime de la Côte d'Opale, destiné à entretenir, restaurer, reconstruire les anciens bateaux de travail de la côte d’Opale.
- institutionnel : la municipalité de la ville d’Étaples gère le chantier patrimonial de la ville à travers son office de tourisme.
Les chantiers étaplois ont fait naître de nombreuses unités de pêche, destinées aux pêcheurs locaux, mais également à ceux des ports voisins. Les chantiers étaient situés en amont et en aval du quai. L’orme, puis le chêne étaient principalement utilisés. Le bois a progressivement été abandonné à partir des années 70, au profit de l’acier et du polyester. Le dernier chalutier en bois construit à Etaples sur Mer, le CHRIJECO, a été mis à l’eau en 1986 par le chantier Jean Lefevre. Le chantier Leprêtre, lieu de l’actuel chantier traditionnel est fondé en 1951 par deux jeunes charpentiers, Henri Leprêtre et Alphonse Caloin (fils d’Alphonse Caloin, patron du chantier naval du même nom, mort pendant la guerre), qui décident de quitter le chantier « Byhet-Cousin » pour s’installer en partie aval du quai d’Etaples sur Mer, à proximité des chantiers des frères Lefevre. Un petit atelier en bois, de huit mètres sur douze est construit à partir de matériaux de récupération, afin de mettre à l’abri le peu de machines. Très vite, le chantier construit des navires de pêche de 7 à 20 mètres pour Étaples et les ports de la baie de Somme (Le Crotoy, Le Hourdel, Saint Valery Sur Somme). Des bateaux d’échouage à clin pour Berck sortent également de lieu. Deux à trois navires sont construits chaque année, en plus des travaux de réparations sur les unités existantes. Comme dans tous les chantiers locaux, les canots à clin, annexes des chalutiers, sont également construits. Eugène Caloin, dit « Riquin » était le canotier. Il n’utilisait aucun gabarit, tout était fait à l’œil. Les apprentis étaient chargés de la finition du canot sous l’œil critique du charpentier. Nécessaires au développement de l’entreprise, les bâtiments s’agrandissent : une première fois en largeur (1957), puis en profondeur (1960-61). En 1963, un atelier de montage est construit afin de pouvoir travailler à l’abri (avant cette date, les constructions se faisaient en extérieur). Les deux associés se séparent le 31 Décembre 1964. Le chantier reste dirigé par Henri Leprêtre (le chantier devient le Chantier Leprêtre). Alphonse Caloin quant à lui ouvrira son propre chantier quelques centaines de mètres plus loin en 1968.Henri Leprêtre poursuivra son activité de construction jusqu’en 1974, date à laquelle le chantier dirige l’essentiel de son activité vers la réparation et l’aménagement des chalutiers aciers construits dans la Forge Caloin, voisine du chantier. Après deux redressements et un changement de nom (Chantier de la Canche), le chantier ferme ses portes en 1991. La décadence de la production des chantiers est liée à deux facteurs nationaux : vers 1976, l’apparition d’une maladie attaquant le bois des pièces principales en chêne et en 1985 les politiques gouvernementales pour réduire l’activité halieutique des petites unités et la concentrer sur de bateaux performants, le plan de sortie de flotte (PSF), plus communément appelé « Plan Mellick » 2.
Le chantier Leprêtre est créé en 1951 par Henri Leprêtre et Alphonse Caloin. Jusqu’en 1975, sa production se concentre sur des chalutiers de dix à dix-huit mètres de long et des embarcations côtières pratiquant l’échouage. Avec la montée en puissance des chalutiers aciers, elle s’oriente alors vers les aménagements intérieurs de ces nouvelles unités. Après la fermeture du chantier en 1991, la municipalité veut raser le bâtiment pour y construire un parking. La Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritimes Nord-Pas de Calais-Picardie et le Musée de la Marine d’Étaples réussissent à faire perdurer l’activité dans le bâtiment préservant ainsi l’édifice en attendant que le projet de chantier patrimonial soit financé. Dès 1994, le chantier devient un site de préservation et de transmission des savoir-faire locaux en construction navale bois, principalement ceux relevant de la construction à clin. En 1998, l’activité est pérennisée (fabrication de flobarts, restauration d’unités traditionnelles, etc.) dans ce qui est désormais le chantier municipal de construction navale traditionnelle. Les installations et les machines sont gérées par la mairie et son office de tourisme. L’atelier fonctionne comme un atelier collaboratif et participatif. Le chantier naval garde deux lignes de travail : la première avec les travaux de réparation et de construction des unités faisant partie des collections ; la seconde qui rapporte de l’argent avec un travail de réparations, d’hivernage de navires et de suivi de travaux pour des particuliers ou pour d’autres municipalités. La Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritimes Nord-Pas de Calais-Picardie (FRCPM) obtient grâce au soutien de la Région Hauts-de-France en charge des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer à la fin de l'année 2007, la mise à disposition du site d'un ancien chantier naval calaisien s’étendant sur une surface de 3800m². Celui-ci est parfaitement adapté à la réparation et à la construction navale, ainsi qu'au stockage du matériel d'animation et d'exposition. L'ambition de ce chantier naval bois ouvert en 2008 est de préserver les savoir-faire traditionnels, de les transmettre et de renforcer la flottille régionale du patrimoine. Depuis plus de dix ans, une douzaine de bateaux ont été réparés ou remis en état, quelques opérations de sauvetage ont été organisées, des interventions extérieures réalisées et des petites unités construites. Le chantier naval accueille également les adhérents de la FRCPM qui souhaitent intervenir sur leur bateau.
La technique de construction des bateaux s’adapte et assimile les changements du paysage maritime où elle est mise en œuvre. Le terme de paysage maritime est ici entendu comme un lieu anthropisé, modifié par l’action humaine. Les techniques évoluent en fonction de ces changements.
La construction à clin est originaire du nord de l'Europe. Utilisée par les Vikings pour la construction de leurs navires, elle a été assimilée et adaptée ensuite par les peuples envahis lors de leurs raids et de leurs implantations commerciales. Ainsi, on la retrouve sur les côtes de la mer du Nord et de la Manche. Cette technique de construction répond parfaitement aux efforts exigés des bateaux naviguant autour de ces côtes. Elle leur offre un équilibre parfait entre résistance, souplesse et légèreté, donnant lieu à une grande variété de bateaux de longueur réduite. Si ceux-ci utilisaient l’aviron, ils pouvaient également être gréés sommairement, voire avoir un gréement plus complexe en fonction des zones où ils naviguaient et de leurs lieux d’armement. Le bateau de la Côte d’Opale, suite à l'adoption de la dérive sabre coulissante, va avoir un gréement à 2 mâts, appelé bourcet-malet, typique de la Manche. Il comporte deux voiles au tiers et un foc.
A partir du milieu du XIXe siècle, les villes portuaires vivant de la pêche font construire des quais adaptés à des bateaux plus grands que ceux de la génération précédente et de tirant d’eau plus important. L'utilisation de la dérive sabre mobile, un nouveau dispositif apparu dans la région est une réponse aux besoins particuliers de chaque port. La dérive coulissante est quasiment inconnue en Haute et Basse-Normandie où existait à l'époque une flottille importante de bateaux dits de plage c’est-à-dire s’échouant à marée basse. Sur les côtes flamandes, la dérive sabre n'est pas utilisée car les bateaux ont un tirant d'eau suffisant. Sur les bateaux de la côte d’Opale, la dérive est particulièrement importante. Le puits de dérive peut se situer sur la quille ou être excentré latéralement comme dans les bateaux berckois, passant à travers le galbord tribord. Cela permet d’abattre le mât sur la miche (le chevalet disposé sur l’arrière) sans devoir sortir la dérive du puits. Ainsi, une grande variété de voiliers construits à clin va naviguer le long de la côte d’Opale pendant la deuxième moitié du XIXe siècle : le flobart, le lougre d’Étaples, le lougre de Gravelines, le lougre grenadier de Dunkerque à trois mâts, le bateau de Berck, le bateau de plage du Boulonnais, le sauterellier de Saint-Valery-sur-Somme, l’étadier du Crotoy.
Le bateau de 79,69 tonneaux construit à Gravelines en 1875, puis le sloup-dundee sorti du même chantier l’année suivante sont classés « dundees » par la douane et « sloups armés au cabotage » par la marine. Il s’agit de navires à deux mâts que l’on apparente au sloup. Dans les années 1880 à Boulogne, les chalutiers prennent de l’envergure afin d’exploiter des fonds de pêche plus éloignés. Il est nécessaire d’opérer une division de la voilure. L’Isabelle B 1826, le premier dundee chalutier du port, est équipé d’un treuil à vapeur. Durant la dernière décennie du XIXe siècle, le dundee va prendre le dessus sur les lougres ou les sloups à tapecul. Les coques s’affinent, le plan de dérive augmente, le maître-bau recule, les voûtes se tendent, la voilure composée d’une grande voile à corne sur gui surmontée d’une flèche, d’un mât d’artimon également à corne, d’un foc, d’une trinquette. Durement concurrencés par les chalutiers à vapeur, pénalisés par l’épuisement des fonds de pêche, les dundees chalutiers disparaissent avant 1914, tandis que les dundees gravelinois s’adaptent facilement au moteur, après la Première Guerre mondiale. Les derniers dundees disparaissent après la Seconde Guerre mondiale. Certains s'adaptent au moteur comme le dundee Lorette, dernière unité de ce type de petit dundee de la Côte.
L’importance des techniques traditionnelles de construction navale, leur conservation et leur transmission pour la sauvegarde du patrimoine nautique, ont été très clairement identifiées par les associations régionales depuis une vingtaine d’année. Des démarches cohérentes ont été entreprises de façon à permettre la création et le maintien de deux chantiers navals complémentaires : à Étaples, un chantier patrimonial avec un maître-charpentier détenteur du savoir-faire de la construction à clin ; à Calais, un chantier de restauration de bateaux régionaux de plus grande dimension construits à franc-bord. Chacune de ces structures est soutenue par de riches collections, documentations techniques et archives historiques. Ces fonds sont gérés à Etaples sur Mer par le Musée de la Marine de la ville et à Calais par la FRCPM. Dans ce fonctionnement, il y a une logique commune et des spécificités majeures dans une politique régionale de sauvegarde du patrimoine nautique.
Les menaces sur la pratique et de fait sur la transmission des savoir-faire sont liées à un élément central, celui de la disparition des usages. En effet, sans commande, les chantiers ne produisent plus, de fait les maîtres-charpentiers n’ont plus besoin d’avoir un apprenti auprès d’eux ; donc la transmission ne se fait plus. En lien direct avec ce dernier point, il est à souligner que la dernière génération de maître-charpentiers encore très active dans le domaine de la construction à clin et porteuse des savoir-faire associés est en train de disparaître. Aussi, l’arrêt de l’activité de l’un ou l’autre des chantiers, faute de projets, tant de restauration, d’entretien que de construction neuve et par manque de moyens financiers liés aux emplois d’une main d’œuvre qualifiée, serait déplorable.
Si la Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritime (FRCPM) à Calais joue un rôle central dans la préservation de ces savoir-faire, elle est confrontée constamment à la nécessité de trouver des capitaux pour financer ces différentes activités de valorisation, mais le soutien limité des actions bénévoles ne permet pas la transmission pérenne des savoir-faire professionnels.
Pour maintenir vivante la tradition de la construction navale de la région, la Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritimes (FRCPM) à Calais, ouvre ses portes aux personnes intéressées à participer dans les restaurations de bateaux régionaux de taille importante et organise périodiquement des stages de construction de petits bateaux contemporains à clin à partir des plans de l’architecte François Vivier. À Étaples, la mairie ouvre le chantier à la communauté souhaitant entreprendre ce même type de projets.
Outre la pratique quotidienne des charpentiers de marine ouverte au public dans les chantiers patrimoniaux d’Etaples et de Calais, un certain nombre de manifestations mettent en scène la flotte de bateaux du patrimoine lors des festivités inscrites dans la mémoire des habitants de la région.Publications
Cette tradition navale du Nord a fait également l’objet de plusieurs articles dans la revue spécialisée, du Chasse-Marée, ainsi que dans le magazine du Musée de la Marine d’Etaples sur Mer, La Balouette.
Le média internet est un vecteur de communication majeur dans le monde contemporain. Aussi, le chantier traditionnel d’Étaples dispose d’une page internet (https://chantier-naval.etaples-sur-mer.fr), la FRCPM dédie une page sur son site à la présentation du chantier où sont publiées périodiquement les activités menées (http://www.patrimoine-maritime.com/chantier-naval/activites-du-chantier), l’association Flobart des 2 caps fait de même (https://www.flobart.org/). Le charpentier naval Thomas Lienard raconte le déroulement de la construction de son flobart sur son blog (http://flobartcalypso.canalblog.com/archives/2017/06/28/35427654.html).
Il faut y associer une présence récurrente dans la presse écrite et dans les media audiovisuels avec des reportages présentés sur de différents supports au niveau régional et national :
- La Voix du Nord du 05 octobre 2020 : https://www.lavoixdunord.fr/874436/article/2020-10-05/la-construction-clin-un-patrimoine-sauvegarder-au-chantier-naval-d-etaples
- La Voix du Nord du 20 septembre 2020 : https://www.lavoixdunord.fr/867736/article/2020-09-20/calais-le-chantier-naval-ouvre-ses-portes-pour-les-journees-du-patrimoine
- France 3 Hauts-de-France, À Wissant, Vincent Delliaux, passionné de flobarts, veut faire revivre ces bateaux typiques de la Côte d'Opale du 04 juillet 2020 : https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/wissant/video-wissant-vincent-delliaux-passionne-flobarts-veut-faire-revivre-ces-bateaux-typiques-cote-opale-1850234.html
- La Voix du Nord du 15 avril 2019 : https://www.lavoixdunord.fr/568181/article/2019-04-15/les-jeunes-des-centres-sociaux-decouvrent-le-travail-du-bois-au-chantier-naval
- Le Journal des Flandres du 17 septembre 2018 : https://www.lejournaldesflandres.fr/2711/article/2018-09-17/evelyne-se-refait-une-beaute-etaples-sur-mer-video
- Radio 6, Notre-Dame de la mer, la fierté de l’association flobart des 2 caps du 29 mars 2018 : https://www.radio6.fr/article-33073-notre-dame-de-la-mer-la-fierte-de-lassociation-flobart-des-2-caps.html
- La Voix du Nord du 20 mars 2018 : https://www.lavoixdunord.fr/339849/article/2018-03-20/une-nouvelle-colonne-vertebrale-pour-le-dundee-lorette
- Midi en France. Made in France, À Boulogne-sur-Mer, le flobart est le bateau star ! du 18 septembre 2014 : https://www.youtube.com/watch?v=3QR8XhfAna0
- La Voix du Nord du 11 juillet 2014 : https://www.lavoixdunord.fr/art/region/etaples-c-est-la-quille-mon-capitaine-le-nouveau-ia36b49147n2268788
- La bénédiction de la mer et des bateaux est une tradition centenaire qui a lieu chaque été le 15 août, jour de l’Assomption, dans les villes de la Côte d'Opale. Elle est à l’origine des « fêtes de la mer » modernes organisées pendant la période estivale, qui constituent un moment de rassemblement pendant la haute saison touristique.
- À Wissant, depuis 1989, le dernier week-end du mois d'août, on fête le flobart, bateau symbole de la Côte d'Opale.
- En mai, la fête maritime « Escale à Calais » est l’occasion d’un rassemblement de grands voiliers et de bateaux traditionnels organisé par la FRCPM.
- En novembre, le hareng fuit le Gulf Stream pour la mer du Nord, et arrive sur la Côte d'Opale. A cette occasion est organisée une festivité traditionnelle importante sur toute la côte d’Opale : la fête de la harangue. La saison débute au Portel et se termine à Calais. C'est l'occasion pour tous les ports de pêche (Calais, Boulogne-sur-Mer, Etaples sur Mer) d’organiser d’immenses fêtes autour du hareng dans les ports sur les bateaux traditionnels, sur fond de musique folklorique et de chants marins avec pour point culminant la fête du Hareng Roi à Etaples, qui célèbre le patrimoine maritime régional.
Il apparaît souhaitable que les chantiers bénéficient de la labellisation « Entreprise du Patrimoine Vivant ». Si les bateaux conservés et traités bénéficient le plus souvent du label « Bateau d’Intérêt Patrimonial », ils pourraient également prétendre pour certains bénéficier du classement « Monument Historique ».
A Étaples, si le maître-charpentier a réussi à réapprendre les gestes techniques, il est indispensable de dynamiser le chantier en créant le besoin. Il est nécessaire de retrouver un usage pour le bateau traditionnel en dehors de sa valeur muséographique. Pour se faire, il faut retrouver le lien qui unissait l’expérience du savoir constructif au savoir naviguer, une façon de penser la construction jusqu'à la navigation en intégrant le paysage culturel maritime grâce auquel le bateau prend forme, une mise en rapport du savoir-faire avec la richesse du lieu. En ce sens, l’administration municipale a pour plan le développement intégral du front du port intégrant le patrimoine immatériel représenté par le chantier traditionnel et les fêtes saisonnières liées à la pêche, à l’ensemble patrimonial urbain avec le Musée de la Marine et le Musée de la Pêche et au patrimoine naturel. Du port où se trouve le lieu de la pratique (chantier) et de valorisation (musée) au centre nautique point de départ de randonnées dans la réserve naturelle de la baie de la Canche, il serait judicieux de créer un lieu d’amarrage d’une flotte de bateaux à clin pour naviguer et s’échouer sur les plages de cette réserve naturelle.
Le patrimoine maritime matériel (collection de maquettes, outils, plans, etc.) conservé au chantier naval de Calais doit être mis en valeur et installé dans des conditions favorables pour sa conservation. La création d’un Musée de la Marine est envisagée.
- Action de collectage et d’inventaire en cours sur la construction navale à Boulogne réalisée par l’association ARCHIPOP (https://archipop.org/archipop-l-association).
- Entretien réalisé par Jérôme Ramet avec Jean Lefevre, fils et petit-fils de patron de chantier et patron du chantier J. Lefevre entre les années 1960 et 1990.
- Entretien réalisé par Jérôme Ramet avec Michel Barde, charpentier de marine entre 1953 et 1990.
- Entretiens réalisés auprès des charpentiers du Centre technique du patrimoine maritime de la côte d’Opale et du Chantier municipal de construction navale traditionnelle d’Etaples sur Mer par Manuel Montanez et Anne-Sophie Rieth pour la réalisation de la fiche d’inventaire PCI du Ministère de la Culture L’Art de la charpenterie de marine dans le Nord de la France, 2020.
La principale source de données thématiquement compilée, analysée et étudiée au sujet de la charpenterie de marine traditionnelle dans le Nord se trouve dans l’ouvrage de François Beaudouin, Le bateau de Berck, qui a pour objet l’étude du bateau traditionnel et de la communauté dans laquelle il évolue.
- François Beaudouin, Le bateau de Berck, Paris, Institut d'ethnologie : Musée de l'homme, 1970.
- Sophie Chegaray, Marins-pêcheurs : un défi permanent en Côte d'Opale, Rennes, Éd. "Ouest-France", DL 2008.
- Hervé Flament, ANOR, Armement coopératif artisanal du Nord : 1971-1991 : 20 ans d'histoire des chalutiers et des hommes, Boulogne-sur-mer, H. Flament, 1992.
- Jean-Louis Gaucher, Les bateaux et la pêche à Berck. XVIIIe-XXe siècles, Bouvignies, Les Éditions Nord Avril, 2019.
- Bertrand Louf, François Guennoc, Patrice Thomas, Les flobarts de la Côte d'Opale : bateaux d'échouage du Boulonnais, de Wissant à Équihen, XIXème et XXème siècle, Wimille, Punch éd, 1998.
- Bertrand Louf, François Guennoc, Joseph Germe, La pêche à Boulogne-sur-Mer du temps des chalutiers classiques. Tome 1,2 et 3, [S.l.], édité à compte d'auteur, 2010.
- Élisabeth Ridel (dir.), L'héritage maritime des Vikings en Europe de l'Ouest : colloque international de la Hague, Flottemanville-Hague, 30 septembre-3 octobre 1999, Caen, Presses universitaires de Caen, 2002.
- « Charpentier de marine – Les métiers anciens ¼, Production France 3 Hauts-de-France, 8 mars 2018, https://www.youtube.com/watch?v=2DDksc7MrjY
- « L’Art de la Charpenterie de Marine. Calais », Anne-Sophie Rieth et Manuel Montanez, 2020.
- « L’Art de la Charpenterie de Marine. Etaples sur Mer », Anne-Sophie Rieth et Manuel Montanez, 2020.
- Site internet du chantier traditionnel d’Étaples : https://chantier-naval.etaples-sur-mer.fr
- Site internet de la FRCPM : http://www.patrimoine-maritime.com/chantier-naval/activites-du-chantier
- Site de l’association Flobart des 2 caps : https://www.flobart.org/
Tous les praticiens rencontrés ont soutenu la démarche d’inventaire menée. Ils apparaissent sur tous les supports multimédias remis avec la présente fiche d’inventaire : 23 fichiers audio, 46 fichiers vidéo (mp4) et 2 films retraçant l’enquête ethnologique réalisée dans les chantiers de Calais et d’Etaples sur Mer.
L’enquête a été réalisée du 07 au 16 octobre 2020 dans les lieux suivants :
- Le Centre technique du patrimoine maritime de la Côte d’Opale à Calais
- Le Chantier de construction navale traditionnelle de la ville d’Etaples sur Mer
- Le Musée de la Marine d’Etaples sur Mer
Date de remise de la fiche : 11 mai 2022
Année d’inclusion à l’inventaire : 2022
N° de la fiche : 2022_67717_INV_PCI_FRANCE_00513
Identifiant ARKH : <uri>ark:/67717/nvhdhrrvswvksws</uri>
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf
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