La fête de Gayant à Douai (géants Monsieur Gayant, Madame Gayant, Jacquot, Fillon et Binbin)

Les fêtes de Gayant se déroulent chaque année les dimanche, lundi et mardi qui suivent le 5 juillet

Chaque année durant trois jours, les dimanche, lundi et mardi suivant le 5 juillet, la sortie de la famille Gayant - Monsieur et Madame avec leurs trois enfants Jacquot, Fillon et Binbin, accompagnés de leurs tambours, du Sot des Canonniers et de la Roue de la Fortune - marquent l'apogée des fêtes de Douai, inscrites sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité au titre des "Géants et dragons processionnels de Belgique et de France".

Les fêtes de Gayant se déroulent chaque année les dimanche, lundi et mardi qui suivent le 5 juillet. La présence des géants et les rigodons (danses des géants) durant ces trois journées constituent le cœur des festivités. Mais celles-ci commencent une semaine avant et se terminent une semaine plus tard. Tout au long de ces quinze jours se succèdent des jeux traditionnels, des concerts de carillon ou de musiques variées

- Grégory Leplan, directeur général des services de la Ville de Douai et président de la Famille Gayant

- Lucien Mériaux, ancien porteur et ancien chef de protocole - Béatrice Gully, membre de la Famille Gayant

Région du Nord-Pas-de-Calais, département du Pas-de-Calais (62), commune de Douai

Les fêtes de Gayant Wse déroulent chaque année les dimanche, lundi et mardi qui suivent le 5 juillet. La présence des géants et les rigodons (danses des géants) durant ces trois journées constituent le cœur des festivités. Mais celles-ci commencent une semaine avant et se terminent une semaine plus tard. Tout au long de ces quinze jours se succèdent des jeux traditionnels, des concerts de carillon ou de musiques variées - du rock à la musique classique -, des animations destinées au jeune public comme le Festival des Binbins, des spectacles de danse et des spectacles de rue, des manifestations sportives dont un critérium cycliste, des balades insolites, une brocante nocturne, une exposition photographique et la grande fête foraine de la place du Barlet. Ces festivités s'achèvent par la retraite aux flambeaux, les régates à l'aviron et le feu d'artifice du 14 juillet.

 

Les trois jours où les géants sont à la fête

Le dimanche matin, les géants accompagnés de leurs tambours, le Sot des Canonniers et la Roue de la Fortune sortent de leur maison située rue de Lambres pour se rendre à la Mairie. Ils sont attendus dans la cour de la Mairie par la foule et les personnalités pour les rigodons et les baisers à Binbin. L'air de Gayant est joué par l'harmonie. Une cérémonie a lieu à l'intérieur de l'hôtel de Ville réunissant tous les membres et acteurs de la Famille Gayant (porteurs, quêteurs, chefs de protocole, habilleurs...) en présence du Maire, de conseillers municipaux et de personnalités.

Le dimanche après-midi se forme le cortège avec les petites figures : Binbin, Jacquot et Fillon qui ouvrent le défilé suivis de la Roue de la Fortune et de la calèche de M. le Maire, puis des groupes extérieurs invités. Les grandes figures, Monsieur et Madame Gayant vont directement s'installer sur la Place d'Armes face à la tribune officielle. Ils fermeront le cortège.

Le lundi matin, Monsieur et Madame Gayant déambulent au son du tambour jusqu'à la Place d'Armes et dans le centre ville. En 2013, ils ont honoré l'exposition "Figures de Gayant" à la photothèque Augustin Boutique-Grard qui conserve le fonds du photographe Augustin Boutique, composé de photos du début du XXème siècle, notamment des fêtes de Gayant.

Pendant ce temps, les enfants Jacquot, Fillon et Binbin se promènent à travers les rues du centre ville et dans les quartiers.

Le lundi après-midi, les grandes figures continuent à animer le centre ville jusqu'au "p'tit bal des tiots gayants" qui démarre à 19h.

Les petites figures poursuivent leur promenade et partent à la rencontre des enfants au Festival des Binbins, avant de rejoindre les grandes figures pour le "p'tit bal des tiots Gayants".

Puis vient pour tous la "petite rentrée", rue de Lambres, le soir.

Le mardi matin, Jacquot, Fillon et Binbin vont à la Place d'Armes et rendent visite aux personnes âgées résidant en maison de retraite.

Monsieur et Madame Gayant sont à nouveau dans le centre ville où ils ont rendez-vous avec les commerçants.

Le mardi après-midi, c'est la promenade à travers la fête foraine pour Jacquot, Fillon et Binbin.

Vers 20h30, Monsieur et Madame Gayant arrivent à la Place d'Armes où ils sont rejoints par Binbin, Jacquot, Fillon et le Sot des Canonniers. C'est la fin de la fête : la foule accompagne la famille Gayant au grand complet pour la traditionnelle rentrée à la maison des géants, rue de Lambres. Ce rituel est l'occasion d'un dernier jeu : jusque tard dans la soirée, la foule cherche à retenir le plus longtemps possible les géants dans la rue en les encourageant lorsqu'ils dansent, en les huant et en les sifflant lorsqu'ils font semblant de rentrer.

Des jeux et des rituels animent les trois jours de fête. Les petits enfants sont présentés à Binbin : le "baiser à Binbin" les préserverait du strabisme dont le géant est affublé. Ce baiser est l'occasion de prendre une photo qui marque une étape dans la vie des petits Douaisiens : c'est "leur premier Gayant" ! Lorsque les géants sont immobiles, les enfants sont autorisés à se glisser sous leur jupe, sous la surveillance des porteurs.

Le tour des estaminets avec les géants fait partie du cérémonial : les petites figures cherchent à entrer dans les cafés. Binbin, le plus petit et le plus facétieux géant de la famille, est le plus animé : il va et vient, parfois même il court ! Il n'est pas rare de le voir entrer dans un café... Durant les deux semaines de festivités, les "quêteurs" de la Famille Gayant parcourent les rues de la ville pour recueillir les dons des Douaisiens (passants, passagers des voitures arrêtées au feu rouge...), et ceux des commerçants les dimanche, lundi et mardi. Depuis des dizaines d'années, une carte de remerciement est distribuée aux donateurs. Le produit des quêtes est redistribué au sein de la Famille Gayant.

 

Les porteurs de la Famille Gayant

Monsieur et Madame Gayant sont portés sur les épaules de six porteurs qui égalisent leurs différences de taille en plaçant des cales en bois sous les barres de portage. On appelle "chef de lunette" le porteur placé à l'avant : l'ouverture pratiquée dans le panier et la jupe du géant lui permet de voir à l'extérieur. À l'arrière, le brigadier joue également un rôle important : c'est lui qui commande aux manoeuvres. Quant aux chefs de protocole, ce sont eux qui donnent le signal des rigodons (danses). Les petites figures sont portées par un seul porteur.

 

Extrait de la chanson de Gayant

Allons, dis un peu min compère, Chou qu'un y verra tout de bon ? Un y verra Mary Cagenon,

Qu'al dins'ra au son du violon : Al y dins'ra étant assis

Va, min compère, t'in s'ra surpris. Tra, la, la, la, la...

Te véra chel'biel reu d'Fortune

Queurir et marquier à grand pas : Ch'est pou t'dire qué tout l'monde va

Et tintôt haut, tintôt bas,

Aveuc sin biau avocat,

Qui pleume eun'poule aveuc ses doigts. Tra, la, la, la, la...

De nombreuses expressions provenant de la culture des gayants sont entrées dans le langage courant à Douai, témoignant de l'ancrage des géants dans la culture locale et de leur valeur identitaire pour les habitants :

- "Faire Gayant", c'est participer aux fêtes de Gayant.

- Les Douaisiens se nomment eux-mêmes les enfants de Gayant ou les "vint' d'osier" (ventres d'osier).

- "Gayant, c'est notre grand-père à tous".

La famille Gayant est composée des géants Monsieur Gayant et Madame Gayant, son épouse également nommée Marie Cagenon, de leurs trois enfants Jacquot, Fillon et Binbin, du Sot des Canonniers, un cheval-jupon surnommé le "baudet décaroché", et du char de la Roue de la Fortune tiré par un cheval. Les géants enfants sont appelés les "petites figures" et leur parents les "grandes figures". Monsieur et Madame Gayant font partie des géants les plus anciennement attestés (voir rubrique historique). Les géants ne sont jamais démontés, sauf pour les opérations de réparation ou de maintenance. En dehors des fêtes de Gayant, il sont conservés dans la maison des géants, debout et déshabillés.

Monsieur Gayant mesure 8,50 mètres de hauteur avec sa lance, son poids est de 370 kilos. C'est ainsi le plus grand géant du Nord de la France. Gayant représente un chevalier, un guerrier. Il porte une cuirasse avec un heaume surmonté d'un plumet, et une cape rouge bordée de noir sur les épaules. Ses mains sont gantées. Le géant tient dans sa main droite une lance au sommet de laquelle est fixé un fanion aux armes de la Ville de Douai. Il porte une épée au côté gauche et à la main gauche un bouclier, orné de la lettre initiale "D" de la Ville de Douai. La partie basse du géant est constituée d'un "panier" à structure en bois recouverte d'osier qui donne sa forme à la jupe. La partie supérieure de Gayant (le buste et l'arrière de la tête), également en bois et osier, est recouverte de simili cuir peint évoquant la cuirasse du chevalier. Son visage est en carton peint.

Madame Gayant mesure 6,25 mètres et pèse 250 kilos. C'est ainsi la plus grande géante du Nord de la France. Madame Gayant est vêtue d'une robe d'inspiration XVIe siècle de couleur orange et noire avec des manches blanches. Le devant et le décolleté de la robe sont agrémentés de cabochons et les manches ornées de petits bijoux. La géante porte un collier, des bagues et des boucles d'oreille en bois sculpté et peint. Elle arbore un chapeau rouge et blanc décoré de plumes blanches et d'un ruban rouge, et tient à la main gauche un éventail de plumes.

La partie basse de la géante est un "panier" à structure en bois recouverte d'osier qui donne la forme de la jupe. La partie supérieure (le buste) est également en bois et osier recouverte de tissu. La tête est en carton peint.

 

Jacquot mesure 3,40 mètres et son poids est de 80 kilos. Il représente le fils aîné de Monsieur et Madame Gayant. Jacquot porte un costume d'inspiration XVIe siècle, composé d'un pourpoint et d'une culotte rouges ornés de bandes vertes et dorées, d'une jupe marron avec des bandes noires. Les manches et la fraise sont blanches. Le géant arbore sur l'épaule gauche une petite cape bleue bordée de galons dorés. Il est coiffé d'une toque bleue ornée d'une plume de paon et de galons dorés. Jacquot porte une épée au côté gauche, et au cou un médaillon figurant le portrait de Monsieur Gayant.

La partie basse du géant est un "panier" à structure en bois recouverte d'osier. La partie supérieure (le buste) est également en bois et osier, la tête et la main droite en bois sculpté. Fillon mesure 3,15 mètres. Son poids est de 70 kilos. Elle représente la fille de Monsieur et Madame Gayant.

Comme sa mère et son frère aîné, Fillon porte un costume d'inspiration XVIe siècle. La robe est bleue, ornée sur le devant d'une bande noire et dorée simulant une sous-jupe. Elle est coiffée d'un chapeau noir avec des plumes blanches. Fillon porte un collier, des boucles d'oreille et une chaîne dorée. La partie basse du géant est un "panier" à structure en bois recouverte d'osier. La partie supérieure (le buste) est également en bois et osier. La tête et les mains sont en bois sculpté. Binbin mesure 2,40 mètres. Son poids est de 45 kilos. Binbin représente un bébé : c'est le petit dernier de la famille. L'une des caractéristiques de Binbin est son strabisme, ce pourquoi on l'appelle aussi Tiot Tourni.

Binbin possède trois tenues identiques, une pour chaque jour de la fête. Celle-ci se compose d'une robe de jeune enfant bleue et blanche, d'un bonnet évoquant le bourrelet autrefois porté par les enfants pour protéger leur tête lors de l'apprentissage de la marche, d'un médaillon et d'un collier en perles dorées. À la main gauche, le géant porte un hochet peint en bleu-blanc-rouge ; à la main droite, il tient un jouet évoquant un moulin à vent. La partie basse du géant est un "panier" à structure en bois recouverte d'osier, la partie supérieure (le buste) est également en bois et osier, la tête et les mains en bois sculpté.

 

La Roue de la Fortune

La Roue de la Fortune est le dernier élément subsistant parmi les différents chars qui accompagnaient traditionnellement le cortège de Gayant. Ces chars représentaient généralement des scènes bibliques, des scènes inspirées de l'Antiquité romaine ou bien des allégories du Moyen-Âge. La première trace attestée de la Roue de la Fortune remonte à 1676. Ce char se compose de six personnages : le collecteur d'impôts, le paysan, le procureur, l'Espagnol, la fille de joie et le militaire suisse. Lorsque le char avance, tiré par un cheval, un plateau incliné se met à tourner, sur lequel ces personnages sont disposés en cercle. Ils se retrouvent ainsi chacun leur tour devant une femme aux yeux bandés, symbolisant la Fortune. Ce char était l'emblème de la corporation des charrons et tonneliers.

 

Le Sot des Canonniers

Le Sot des Canonniers, appelé aussi "l'baudet décaroché", est une figure dont on retrouve les traces dès 1577. Il s'agit d'un cheval-jupon en osier, porté par un homme qui prend la place du cavalier. Ce dernier est habillé tel un fou du Moyen-Âge. Le cheval est couvert d'un drap rouge et vert. Lors du défilé, le rôle du Sot des Canonniers est double : d'une part, il fait rire les spectateurs notamment grâce à ses ruades, d'autre part, il a pour mission d'écarter la foule qui se mettrait sur le chemin des géants. Le temps d'une danse, il emmène en croupe des jeunes filles ou des enfants.

 

Matériaux (origine, fournisseurs, exploitation, difficultés d’approvisionnement) :

La structure des géants est réalisée en osier et bois. La tête et les mains sont en carton peint, parfois en bois sculpté.

La qualité et la variété des osiers ne sont plus les mêmes qu'il y a une trentaine d'années et il y a des difficultés d'approvisionnement pour trouver des osiers de forte section et de grande longueur produits dans la région, convenant bien à la réalisation des structures de géants. Il faut donc parfois utiliser des osiers qui sont importés. Il devient aussi difficile de se procurer les tissus adaptés pour la réalisation des costumes des géants du fait de la disparition de l'industrie textile et des magasins d'usine dans le nord de la France.

La Famille Gayant est une corporation avec ses pratiques traditionnelles, sa hiérarchie, sa transmission des charges et des fonctions à caractère familial. Son origine remonterait à la corporation des manneliers et des fruitiers du XVI siècle. La Famille Gayant est organisée et structurée bien qu'il n'existe pas de statut juridique écrit. Ce mode de fonctionnement lui est caractéristique. Il est à noter que la Famille Gayant se réfère aux personnes qui constituent la corporation aussi bien qu'aux géants douaisiens.

La Famille Gayant comprend : -

un président d'honneur (le Maire de Douai en 2013)

 un président

2 administrateurs

2 chefs de protocole

21 porteurs

24 quêteurs et un chef quêteur

2 tambours

 4 personnes chargées d'habiller les géants. "Sans eux et leurs solides épaules, Gayant ne serait pas ce qu'il est. L'humanité de Gayant et celle des porteurs sont indissociables. Sa légèreté apparente, sa démarche souple et cadencée, ses rigodons, tout ce dont les Douaisiens sont si fiers n'existerait pas sans les porteurs. Imaginerait-on un Gayant sur roulettes ?

Dès la fin du XIXe siècle, les porteurs se recrutaient chez les portefaix de la rue Bra, hommes solides et endurants. Le recrutement a toujours été fondé sur les liens de famille, il l'est encore aujourd'hui. C'est une communauté fière, aux règles et coutumes rigoureusement définies, tout comme sa hiérarchie.

 

On débute toujours comme quêteur, puis remplaçant porteur, porteur, chef de lunette avant, chef de lunette arrière. Le grade suprême de chef du protocole est attribué aux deux hommes qui ont été reconnus chefs grâce à leur sagesse, leur profonde connaissance de la tradition et leur forte autorité."

Ce texte écrit en 1931 par Monsieur de Bailliencourt, président des Amis de Douai, conserve toute sa pertinence en 2013.

On entre dans la Famille Gayant par un lien de parenté : fils, frère, beau-frère, gendre, cousin. À défaut, on peut s'inscrire sur une liste d'attente : il arrive souvent que des pères inscrivent leurs fils encore enfant sur cette liste ! Quand une place se libère, le choix se fait en priorité parmi les personnes ayant un lien de parenté avec un membre de la Famille Gayant. Toutefois, il est possible qu'une personne inscrite sur la liste d'attente et n'ayant aucun lien de parenté entre dans la Famille Gayant. Lorsque cette opportunité se présente, cette personne doit être "en âge et motivée" et agréée par le comité. On débute d'abord comme quêteur pendant une année ; ensuite après des essais de portage, on peut devenir porteur remplaçant puis porteur.

La transmission se fait également de façon informelle, les Douaisiens participant depuis l'enfance à la fête et à ses rituels (baiser à Binbin, tour de danse sur la croupe du cheval-jupon...).

La grande famille des géants

Enracinés dans la culture locale et régionale, les géants sont environ 500 au nord de la France. En Belgique, ce sont plus de 1500 géants qui animent les fêtes locales. La tradition est aussi très vivante en Espagne avec plus de 2000 géants, notamment en Catalogne. Il est difficile de dénombrer les géants, précisément parce qu'il s'agit d'un patrimoine vivant : certains géants disparaissent pour renaître parfois plusieurs années plus tard, et de nouvelles effigies apparaissent tous les ans.

D’origine médiévale, les géants de l’Europe occidentale sont nés des processions communales et religieuses dès le XVe siècle. Ces figures gigantesques illustrent alors des épisodes de la Bible (Goliath), des récits de la Légende dorée (Saint Christophe) ou des histoires du cycle de Charlemagne (Cheval Bayard et les fils Aymon). Aujourd'hui, les géants ont perdu leur caractère religieux et ils témoignent de la richesse historique et culturelle liée à l'identité locale. Emblèmes d’une ville, d’un quartier, d'une association, ces grands mannequins d'osier représentent des héros historiques ou légendaires, des figures locales, des métiers, des animaux, des dragons...

 

L'âme collective du géant

Construits pour être portés par une ou plusieurs personnes, les géants dansent et animent les rues de la cité, accompagnés de leur musique. Ils sont associés à la vie de la communauté qu'ils représentent, qui les fait vivre et danser : ils peuvent se marier et avoir des enfants, s'inviter entre eux, voyager... donnant lieu à de grandes fêtes populaires.

Elément visible du patrimoine immatériel de la communauté dont il constitue le symbole, le géant favorise le lien social et il contribue à raviver la mémoire collective. Suivant les ressources humaines et matérielles, le géant est porté ou se déplace sur roulettes. Il peut mesurer de deux mètres pour les géants enfants à plus de quatorze mètres de haut pour le géant de Nieuport, qui nécessite vingt-quatre porteurs.

 

Les géants à la fête

S’il y a bien un élément qui rassemble le monde divers des géants, c’est la fête ! Qu’ils soient français, belges ou espagnols, les géants défilent dans les ducasses, les kermesses ou les fêtes patronales. Ils s’amusent et dansent au gré des sorties carnavalesques. La fête donne un sens au géant ; le géant donne un sens à la fête. Dans le sud de la France, les animaux totémiques comme la Tarasque de Tarascon ou le Poulain de Pézenas sont indissociables de leurs fêtes tout comme les géants du nord de l’Europe. Si les géants émergent de ces festivités, ils ne sont pas seuls. Les personnages gigantesques et les animaux fantastiques font partie d’un ensemble d’éléments et de traditions. Tantôt, ils sont entourés de chevaux-jupons, d’hommes de feuilles ou de diables, tantôt, ils s’intègrent à un cortège haut en couleurs, avec des chars de fantaisie, des groupes historiques ou des ensembles musicaux.

Les géants ne se contentent pas de défiler. Ils aiment jouer avec le public. A Mons (Belgique), la queue du dragon est happée par la foule qui arrache les crins porte- bonheur. A Cassel, la foule retient les géants Reuze Papa et Reuze Maman pour des danses qui n’en finissent plus. Les géants du Meyboom, à Bruxelles, profitent de leur légèreté et de leurs bras mobiles pour taquiner le public dans de grands mouvements de va-et-vient.

Au-delà, aller voir danser les géants, c’est surtout se retrouver, partager un moment privilégié avec des amis ou avec sa famille.

Le géant dans l'espace public

Le géant est souvent considéré comme le citoyen modèle de la cité, qu’il soit ouvrier, enfant, seigneur ou paysan. Sa place est dans la rue et il symbolise de façon festive l’appartenance à une communauté. Par exemple, à Douai, les Douaisiens s’appellent entre eux “les enfants de Gayant”.

La fête du géant, fête de rue, est liée à des repères identifiés comme “lieux de vie” de la ville : mairie, commerces, places, cafés, constituent autant de haltes ludiques et festives sur le parcours du géant et du cortège. Or, l’évolution du tissu urbain ne va pas dans le sens du maintien d’un environnement propice aux géants, dont le passage est parfois empêché par les aménagements et le mobilier urbains. Dans les nouveaux quartiers constitués de grands ensembles, les géants trouvent difficilement leur place : ici “écrasés” par la taille des immeubles et des tours, là, incongrus dans des voies privées, des lotissements dortoirs sans magasins, sans cafés, sans vie collective. La fête populaire calendaire et le géant apportent du merveilleux et de l’enchantement ; ils transforment ainsi le regard porté sur l’environnement quotidien, révélant l’espace public dans toutes ses dimensions.

 

De génération en génération

Depuis la fin des années 1970, les géants connaissent une véritable "poussée démographique" en Belgique et au nord de la France. Le même mouvement s’observe aussi en Catalogne espagnole. À l’origine de la naissance d’un nouveau géant, il y a toujours le rêve et la volonté d’un groupe de personnes, d'associations, d'élus... Doit- on y voir la volonté de retrouver ses racines et l’"authenticité" des traditions, la nécessité pour les collectivités locales de renforcer leur identité ou tout simplement le plaisir de faire la fête ? Peut-être tout cela à la fois. Les glorieux anciens regardent ce phénomène avec intérêt. Des cités comme Douai, Cassel, Ath, Termonde ou Malines voient les géants défiler depuis de nombreuses générations. Les porteurs se succèdent de père en fils, les artisans transmettent leur savoir-faire, les cuisinières s’échangent la recette des plats de fête.

 

La fabrication traditionnelle des géants

Au nord de la France, les premiers géants attestés (XVIe siècle) étaient construits en osier et les têtes sculptées dans le bois. Aujourd'hui, la plupart des géants portés ont une structure en osier et bois. C’est le matériau de prédilection pour fabriquer un géant, qui fait la particularité des géants du nord de la France et de la Belgique. Depuis le XIXe siècle, d’autres matériaux et techniques ont parfois remplacé l’osier et la vannerie comme le fer, l’aluminium, les lattes de bois, la résine polyester, le grillage etc. Mais ces matières sont souvent plus lourdes et moins adaptées que l’osier qui, par sa souplesse et sa légèreté, reste le matériau préféré. De plus, l’osier permet de structurer l’ossature du géant tout en lui donnant sa forme. Il se marie bien avec le tissu car il n’est pas coupant et n’écorche pas ce dernier. Souvent, lorsqu’il est remplacé par d’autres matériaux, c’est parce que les vanniers se font rares...

Aujourd'hui pour réaliser les têtes et les mains, le plâtre et le carton pâte sont plus souvent utilisés que le bois. En fait, c’est la légèreté du matériau qui prime dans le choix du créateur. Le carton pâte a encore ses partisans mais la résine polyester est aujourd’hui souvent employée, rendant cependant le géant plus lourd.

De nombreux savoir-faire interviennent donc dans la création d’un géant : il faut travailler le bois, le cuir, l’osier et le rotin, le plâtre, le métal, le papier, les matériaux synthétiques, les tissus, le crin de cheval, les cheveux... Beaucoup d’heures de travail sont nécessaires à toute une équipe pour créer un beau géant.

Car l’apparence du géant est importante mais aussi les techniques employées pour favoriser son portage, son entretien et sa conservation. Aussi fait-on souvent appel à des artisans géantiers, professionnels qui ont expérience et savoir-faire. Mais le géant est aussi parfois réalisé "avec les moyens du bord", de façon bénévole par les membres d'une association.

 

Historique particulier de l'entreprise, de la personne ou de l'organisme, de la forme d'expression ou de l'espace culturel faisant l’objet de la fiche :

En 1530, un gayant (géant en picard) est attesté dans les comptes de la Ville de Douai. On ignore s'il avait déjà l'apparence du géant actuel. Depuis, le nom de Gayant lui est resté. En 1531, la corporation des fruitiers fait fabriquer une géante qui deviendra Madame Gayant.

Depuis le XVIe siècle, les géants de Douai n'ont jamais vraiment disparu malgré les conflits et les aléas de l'histoire qui les ont temporairement éclipsés : la famille Gayant est de nombreuses fois ressuscitée de ses cendres. Détruits pendant la Deuxième Guerre mondiale, Monsieur Gayant comme Madame Gayant ont été recréés en 1954, grâce aux "dommages de guerre". Cette recréation est l'œuvre de Camille Minotti, alors professeur à l'école des Beaux-Arts.

Historique des géants de Douai en quelques dates

1530 : naissance de Gayant qui participe à la procession en l'honneur de saint Maurand, protecteur de la cité

1531 : naissance de Madame Gayant, née Marie Cagenon

1667 : Monsieur et Madame Gayant accueillent Louis XIV et la reine Marie-Thérèse.

1720 : Monsieur et Madame Gayant ont une fille et deux garçons.

1770 : L'Évèque d'Arras supprime la procession.

1776 : Les Douaisiens ressuscitent la famille des géants.

1792 : suppression des géants pendant la Révolution française

1802 : La famille Gayant réapparaît avec trois enfants.

1914 et 1944 : La famille Gayant et sa maison sont détruites à chacun des conflits mondiaux.

1947 : reconstitution de Binbin puis de Jacquot et Fillon. En 2013, ce sont toujours ces géants, avec la même apparence, qui dansent aux fêtes de Gayant.

1954 : résurrection de Monsieur et Madame Gayant, tels qu'on les connait en 2013 1980 : Gayant fête ses 450 ans.

2005 : Les fêtes de Gayant sont proclamées chefs-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité par l'UNESCO.

2008 : Les fêtes de Gayant sont inscrites sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité au titre des géants et dragons processionnels de Belgique et de France par l'UNESCO.

 

Origines des Gayants de Douai

Des faits historiques se mêlent à la légende pour expliquer l'origine des géants de Douai. Ainsi, en 1479, des assaillants français auraient été repoussés grâce à l'intervention de saint Maurand, protecteur de la ville de Douai (celle-ci est alors flamande). Les habitants décident alors qu'une procession aurait lieu chaque 16 juin pour remercier le saint de son intervention. En 1530, la corporation des manneliers construit un géant en osier pour la procession. On ne sait pas ce qu'il représentait à l'époque. Ce personnage plaît tellement aux Douaisiens que les échevins décident qu'il sera entretenu aux frais de la Ville et qu'il sortira tous les ans à la procession. En 1531, la corporation des fruitiers fait fabriquer une géante. On ne connaît pas non plus son apparence mais on sait qu'il s'agissait déjà de la femme du gayant.

De nombreuses autres versions existent quant à l'origine de ces géants, qu'il s'agisse d'un fait héroïque, du souvenir d'un miracle, d'une implantation espagnole en sol flamand par Charles Quint, ou encore d'un être gigantesque qui aurait habité une tour aux premiers temps de la ville de Douai. Mais la plus connue est la légende de Jehan Gelon, seigneur de Cantin qui serait venu au secours des habitants de Douai assiégés par les Normands. Doué d'une force gigantesque, par son courage et sa détermination, il met en déroute les assaillants. En fuyant, les Normands détruisent son château et massacrent les femmes. Les Douaisiens, reconnaissants, le "géantifièrent". La légende raconte aussi qu'un souterrain reliait la tour de Douai au château de Jehan Gelon.

 

Des déplacements exceptionnels

Les géants de Douai sortent très rarement en dehors de leur ville. S'ils se déplacent, c'est en tant qu'ambassadeurs de leur cité. Leurs apparitions à l'extérieur de Douai doivent donc correspondre à cette mission de représentation.

1910 : La famille Gayant participe à "la marche des géants" à Valenciennes.

1938 : Les gayants se déplacent au Touquet pour le congrès des géants du nord, fêtes du folklore.

1982 : Monsieur et Madame Gayant se rendent à Lille pour fêter le cinquantenaire du beffroi de la ville.

1985 : La famille Gayant voyage à Recklinghausen pour le vingtième anniversaire du jumelage de cette ville allemande avec Douai.

1988 : Gayant est au stade de foot de Lens pour la coupe du monde de football.

2001 : Gayant manifeste à Paris, aux côtés d'un millier de Douaisiens, son opposition à la disparition du 58ème Régiment d'artillerie de Douai.

2013 : Le géant Binbin est présenté au Louvre-Lens dans le cadre de l'exposition d'ouverture "Le temps à l’œuvre".

Modes de valorisation

- Plaquette

- Portes-ouvertes

- Expositions

- Site internet : www.ville-douai.fr/index.php/Traditions? idpage=13991&idmetacontenu=5053

- Boutique : Des ouvrages et des souvenirs (figurines, cartes postales...) sont en vente à l'office du tourisme de Douai.

 

Intérêt patrimonial et mise en valeur

Actions de valorisation et modes de reconnaissance publique (niveaux local, national, international) :

Les fêtes de Gayant ont été proclamées par l'UNESCO en 2005 chefs-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité au titre des Géants et dragons processionnels de Belgique et de

France, puis intégrées en 2008 par l'UNESCO sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

Au niveau local, les fêtes sont organisées par la Ville de Douai, qui a initié le Festival des Binbins destiné au jeune public.

Depuis quelques années, l'office du tourisme de Douai organise des visites commentées à la maison des géants pour découvrir la famille Gayant.

En 2013, l'exposition "Figures de Gayant" est présentée à la photothèque Augustin Boutique-Grard de Douai, tandis que le géant Binbin est au Louvre-Lens.

 

Documentation / éléments bibliographiques / inventaires déjà réalisés :

Ouvrages de référence concernant les géants et leurs fêtes

Chaussois (Robert), Géants du Nord-Pas-de-Calais, La Sentinelle, Éd. le Téméraire, 1998

Codron (Christine), Filatriau (Jean-Pierre), Sous les jupes des géants, Lille, La Voix du Nord, 1999

Coussée (Bernard), Deleurence (Stéphane), Vandenberghe (Philippe), Géants d'ici, Lille, Éd. Bernard Coussée, 1986

Ducastelle (Jean-Pierre), Gheusquin (Marie-France), De Sike (Yvonne), Twyffels (Brigitte), Willemart (Jacques), Géants et dragons, Tournai, Casterman, 1996

Ronde des Géants (La), Au pays des géants, éd. La Ronde des Géants, 1981 Sources sur les fêtes de Gayant et leurs géants

Chevalier (Anne-Marie), Mestayer (Monique), Sy (Georges), Regard sur Gayant et sa cité, Office du tourisme de Douai, juin 2003

David (Francis), Le Tourneur d'Ison (Claudine), Le réveil des géants, Paris, Hoëbeke, 2002

Gheusquin (Marie-France), Mestayer (Monique), Gayant, fêtes et géants de Douai, Béthune, Documents d'ethnographie régionale du Nord-Pas-de-Calais n°5, 1994

 

Catalogues d'exposition

Cités en Fête, Musée National des Arts et Traditions Populaires, Paris, 1992 Augustin Boutique photographe, Fêtes et géants du Nord, Photothèque Augustin Boutique, Douai, 1992

 

Sites internet

Ville de Douai : www.ville-douai.fr  et Photothèque Augustin Boutique-Grard :

www.ville-douai.fr/index.php/Photothèque? idpage=14002&idmetacontenu=4189&iddossiercontenu=13503

Association la Ronde des Géants : www.geants-carnaval.org  et sa géanthèque : www.geantheque.org

Musée de la Chartreuse de Douai : www.museedelachartreuse.fr

UNESCO (Liste représentative du patrimoine culturel immatériel) : www.unesco.org/ culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00011&RL=00153

 

Mesures de sauvegarde

L'entretien des géants est assuré par la Ville de Douai. Des membres de la Famille Gayant sont chargés de veiller au bon état des géants. Chaque année, ces derniers sont attentivement examinés : structure en bois, vannerie, vêtements, peinture... La maintenance courante est assurée et les travaux de restauration programmés afin que les géants soient toujours en parfait état pour les fêtes de Gayant en juillet. Ces travaux sont confiés à des artisans d'art de Douai ou des environs. Il existe un plan pluri-annuel d'entretien et de sauvegarde des géants pour les gros travaux qui demandent un investissement important et une programmation au budget de la Ville.

Dates et lieu(x) de l’enquête : juillet 2013, Douai

Date de la fiche d’inventaire : janvier 2014

Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Stéphane Deleurence et Nicole Cugny

Nom du rédacteur de la fiche : Stéphane Deleurence et Nicole Cugny (la Ronde des Géants), avec la collaboration de Séverine Cachat (Centre français du patrimoine culturel immatériel - Maison des Cultures du Monde)

 

 

Données d'enregistrement

 

Année d'inclusion à l'inventaire: 2014

N° d’inventaire de la fiche : 2014_67717_INV_PCI_FRANCE_00350

Indentifiant ARKH de la fiche: ark:/67717/nvhdhrrvswvk264

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia: https://fr.wikipedia.org/wiki/Gayant

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