Depuis plus de cinq siècles, la fabrication des caractères mobiles, les poinçons typographiques, utilisés dans l'imprimerie, se décompose en trois phases : la gravure d'un poinçon, la frappe d'une matrice et la fonte de milliers de caractères en plomb. Cette technique correspond à la typographie traditionnelle dont le poinçon typographique, pièce unique, est l'élément essentiel de la chaîne. Aujourd'hui, la gravure des poinçons typographiques et la fonte des matrices constituent un savoir-faire qui se perpétue exclusivement au sein de l'Imprimerie nationale et doit, à ce titre, être préservé, car la transmission, longue et principalement orale, en fait une pratique grandement menacée à l’heure où le numérique a bouleversé le secteur de l’imprimerie.

Depuis plus de cinq siècles, la fabrication des caractères mobiles, les poinçons typographiques, utilisés dans l'imprimerie, se décompose en trois phases : la gravure d'un poinçon, la frappe d'une matrice et la fonte de milliers de caractères en plomb. Cette technique correspond à la typographie traditionnelle dont le poinçon typographique, pièce unique, est l'élément essentiel de la chaîne.

Aujourd'hui, la gravure des poinçons typographiques et la fonte des matrices constituent un savoir-faire qui se perpétue exclusivement au sein de l'Imprimerie nationale et doit, à ce titre, être préservé, car la transmission, longue et principalement orale, en fait une pratique grandement menacée à l’heure où le numérique a bouleversé le secteur de l’imprimerie.L'entretien de l'importante collection de poinçons anciens abritée par l'Imprimerie nationale nécessite en effet la sauvegarde et la transmission de ce savoir- faire, alors même que la gravure de poinçons typographiques attire aujourd'hui des graveurs, dessinateurs de caractères, artistes et passionnés, en quête de redécouverte de ce savoir et de cette technique ancienne.

De surcroît, en 2018 sera célébrée la commémoration des 550 ans de la mort de Johannes Gutenberg. Or, la gravure de poinçons typographiques est indissociable de son invention. Pour la sauvegarde de ce savoir-faire, l'enjeu actuel consiste à le pérenniser en tant que formation professionnelle et à ne pas le réduire à un simple savoir-faire de démonstration.

Nelly Gable, graveur de poinçons typographiques à l'Imprimerie nationale, nommée Maître d'art en 2013 par le ministère de la Culture, est l'héritière de plusieurs générations de graveurs qui se sont succédé à l'Imprimerie nationale et auparavant dans d'autres fonderies. Dernière détentrice de ce savoir-faire aujourd’hui, elle le transmet actuellement à son élève Annie Bocel dans le cadre du dispositif Maître d'art- Élève instauré et géré par le ministère de la Culture et l'Institut national des métiers d'art (INMA). Par ailleurs, par le biais de différents stages et formations, elle transmet également la pratique à des graveurs et artistes, français et étrangers, développant ainsi une communauté de graveurs et de passionnés autour de cette technique et de ce savoir.

Lieu(x) de la pratique en France

 

Flers-en-Escrebieux (Nord, Hauts-de-France) : Imprimerie nationale, Atelier du Livre d'art et de l'Estampe, cabinet des Poinçons

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

 

L'Imprimerie nationale est le dernier lieu en France et en Europe (et peut-être dans le monde) perpétuant la gravure de poinçons typographiques en tant que pratique professionnelle issue d’une longue tradition. À la connaissance de Nelly Gable, il existe deux graveurs à l'étranger exerçant une pratique similaire : Richard Ärlin en Suède, exerçant sa propre technique, et Stanley Nelson aux États-Unis, qui grave selon les bases de la technique traditionnelle après un passage au cabinet des Poinçons.

Le poinçon typographique, premier maillon de la chaîne typographique, est une tige d'acier dont l'une des extrémités est arrondie pour centrer la frappe de la matrice, tandis que l'autre est polie comme un miroir pour recevoir le dessin de la lettre (vignette, ou lettre gravée, en relief et à l'envers ; ainsi, pour un « R », le graveur taille un « Я »).

L'origine de l’art et de la technique de la gravure des poinçons typographiques remonte au XVe siècle, quand Gutenberg, après de longues années d'expérimentation, en combinant des techniques déjà utilisées par les médailleurs, telles que la gravure des poinçons et la fabrication d'une matrice, a réussi à mettre au point le moule manuel à fondre les caractères. Cette invention révolutionnaire permit d'obtenir facilement et rapidement des caractères en plomb mobiles, rigoureusement de même hauteur, dite « hauteur papier », afin d'imprimer un texte. Ce fut l'invention de l'imprimerie en 1440 et le départ d'une nouvelle ère de la communication.

Du milieu du XVe siècle à la fin du XXe siècle, les livres ont été composés à la main, caractère par caractère. En fait, trois étapes cycliques étaient distinguées (dans des lieux peu à peu différenciés). D’abord, dans des ateliers de gravure, on taillait des poinçons représentant les caractères et on en frappait des matrices. Puis, dans des fonderies, on coulait des parallélépipèdes ayant, à l’une de leur extrémité, l’empreinte de la matrice en relief ; cette opération pouvait être répétée des milliers de fois, fournissant ainsi les caractères nécessaires pour remplir les casses, boîtes où étaient rangés les caractères, donc pris un par un par les typo- graphes. Enfin, dans les imprimeries, ces caractères étaient alors alignés (ligne par ligne) et encrés (page par page) et, par pression, laissaient leur trace sur le papier. Une fois l’impression terminée, les caractères étaient remis dans les casses pour une nouvelle impression, jusqu’à ce qu’ils soient usés et alors refondus en repartant des matrices originales. Quand celles-ci étaient usées à leur tour ou abîmées, on pouvait en refrapper en partant du poinçon original, celui-ci étant ainsi réellement l’œuvre de base de toute la chaîne. On s’intéresse donc ici à la première étape, la moins connue du grand public, car la plus rare : la gravure de poinçons typographiques.

Le poinçon typographique, une fois gravé manuellement, puis durci par un traitement thermique (la « trempe »), est embouti à froid dans un bloc de cuivre appelé matrice (lettre en cuivre et à l'endroit). En- suite, le fondeur place cette matrice en cuivre dans un moule à arçon, ou, depuis la fin du XIX e siècle, dans une fondeuse et fond des milliers de caractères mobiles en relief et à l'envers (donc ici « Я »). Ces caractères sont fondus à l'unité (une seule et même lettre à la fois) avec un alliage de plomb (70 %), d'étain (5 %) et d'antimoine (25 %), qui lui permet d'avoir une grande résistance. Ces plombs sont ensuite assemblés par les compositeurs typographes pour produire une forme imprimante qui, une fois encrée et mise au contact du papier par pression, produira un imprimé (à l’endroit, ici « R »). La beauté et les particularités de l'impression au plomb sont le « foulage » (empreinte du caractère dans le papier), le noir profond de l'encre et les variations du caractère gravé à la main, qui transmettent une vibration aux textes imprimés.

La profession de graveur de poinçons est une profession d’artistes-artisans, peu nombreux. Une trentaine est comptabilisée à Paris en 1805 [Almanach du commerce de Paris, cité par André et Laucou, Histoire de l’écriture typographique : le XIXe siècle, 2013, p. 136]. James Mosley [A Dictionnary of Punchcutters for Printing Types, Londres, 1999] évalue à 580 environ le nombre de graveurs depuis le XVe siècle. Aux noms souvent plus méconnus que ceux des imprimeurs, éditeurs et libraires, les graveurs ont, à travers l'histoire de l'écrit, supervisé la fonte des caractères et la production d'écrits. Travaillant à leur compte, ils ont parfois assuré l'ensemble de la chaîne typographique, du dessin de caractères et de la gravure des poinçons à l'impression et l'édition de textes, ou bien ont exercé leur savoir-faire au sein d'ateliers et de fonderies, exclusivement en tant que graveurs de poinçons. Avec le développement de l'imprimerie, les métiers se sont spécialisés, menant à la création de fonderies particulièrement spécialisées comme celle de Deberny & Peignot (1850-1974), dont sont issues les techniques de la gravure de poinçons se perpétuant aujourd'hui au sein de l'Imprimerie nationale.

 

À l'heure actuelle, seule l'Imprimerie nationale abrite, véhicule et continue à transmettre les différents sa- voir-faire de la chaîne typographique au sein de l'Atelier du livre d'art et de l'estampe, du dessin de caractères à l'impression typographique, en passant par la gravure de poinçons typographiques, la fonte de caractères et la composition typographique manuelle et mécanique.

L’Imprimerie nationale fut également un des berceaux du développement de l’histoire de l’écrit en France : en 1540, François 1er désigna le premier imprimeur du Roy pour le grec, acte fondateur de l'histoire de l'écrit sur support imprimé en France. En 1640, Richelieu fonda l'Imprimerie royale, qui devient Imprime - rie de la République sous la Révolution, puis Imprimerie impériale et enfin Imprimerie nationale.

L'Atelier du livre d'art et de l'estampe abrite notamment les sept caractères latins historiques, incarnant chacun la marque d'une époque et d'un style : le Garamont ou Romain de l'Université, le Grandjean ou Romain du Roi, le Luce ou Type poëtique, le Didot millimétrique ou Romain de l'Empereur, le Marcellin-Le- grand, le Jaugeon, et le Gauthier (principalement des noms de leurs graveurs respectifs) ; ainsi que de nombreux caractères orientaux, permettant de composer dans plus de 70 écritures (dans 150 styles différents), parmi lesquels : hiéroglyphes égyptiens, cunéiforme ninivite, chinois, maya, runique, araméen, hé- breu, arabe, tibétain... Responsable du cabinet des Poinçons et du patrimoine qu’il contient, en grande partie classé Monument historique, le graveur de poinçons met son savoir-faire au service de la sauve- garde, de la protection et de la mise en valeur de ce patrimoine inestimable.

Garante de ce patrimoine matériel d'une grande richesse, l'Imprimerie nationale constitue par ailleurs le dernier lieu où l'ensemble des savoir-faire de la chaîne typographique est perpétué, malgré les réelles me- naces qui pèsent sur la viabilité de ces savoir-faire et de ces métiers. En 2002, la succession du dernier fondeur de l'Imprimerie nationale n'ayant pas été assurée, Nelly Gable, le graveur actuel déjà en activité, s'est formée à la frappe des matrices de manière à pérenniser l'ensemble de la chaîne typographique. En effet, un seul maillon manquant met en péril l'ensemble de la chaîne typographique : si les matrices ne peuvent plus être frappées, les poinçons gravés ou restaurés préalablement ne seront plus d'aucune utilité. Ainsi, dans la pratique actuelle au sein de l'Imprimerie nationale, la gravure des poinçons et la frappe des matrices ont été rassemblées et se perpétuent ensemble au travers de la pratique du graveur. D'où la volonté d'évoquer ensemble la gravure de poinçons et la frappe de matrices, l'une en continuité de l'autre, dans la description détaillée qui suit des différentes phases de la gravure d'un poinçon.

 

La gravure d'un poinçon suit scrupuleusement un certain nombre d'étapes tout aussi importantes les unes que les autres : 1.

Préparation du barreau d'acier 2.

Tracé direct ou épreuve au noir de fumée puis report 3.

Gravure à la lime : 3.a.

Dégrossissage à la lime 3.b.

Approche du tracé par indications successives 4.Gravure à l'échoppe 5.

Contrôle des dimensions extérieures et intérieures à l'aide des calibres 6.

Contrôles des dimensions extérieures et intérieures à l'aide des fumés 7.

Retouches à l'échoppe et à la lime et polissage final 8.

Traitements thermiques 9.

Poinçons accentués – accent « postiche »

 

Avant de commencer la gravure d'un poinçon typographique, le graveur doit être conscient que sa lettre s'inscrit dans un ensemble de 300 à 500 signes d'un parfait équilibre graphique et optique, que ce soit pour une création ou pour une réfection de poinçons défectueux. C'est précisément cet équilibre, le rapport entre le poinçon à l'unité et l'ensemble dans lequel il s'inscrit, qui permet de dire qu'un caractère est beau, élégant, lisible, ou l'inverse.

Comprendre, s'imprégner et s'approprier les formes est primordial, tout en sachant que les hauteurs, les largeurs, les épaisseurs des pleins, les déliés, les contrepoinçons de ces signes sont immuables pour l'équilibre et la beauté du caractère. Le graveur doit ainsi s'imposer une grande rigueur : des contrôles réguliers de dimensions sont effectués tout au long de la gravure à l'aide de calibres.

Chaque opération doit être scrupuleusement respectée, avec ses propres règles de précision. Aucune étape ne peut rattraper l'étape antérieure qui aurait été négligée.

Le calibre est un instrument de mesure métallique, sans graduation, dont le système de mesure correspond à la dimension donnée entre deux lames, dont une qui coulisse. Le calibre est posé sur la table à tracer, parallèlement à l’un des bords de celle-ci, et encadre, par ses deux lames de rasoir, l’œil de la lettre. Le réglage d’une hauteur ou de la graisse s’effectue en laissant un mince trait de lumière de chaque côté de la dimension que le graveur prélève. Ces réglages, de l’ordre du centième de millimètre, sont très difficiles à effectuer, mais sont primordiaux pour respecter la structure d’un caractère. Les calibres réglés sont précieusement conservés jusqu’à la fin de la gravure.

 

La gravure de poinçons

 

Préparation du barreau d'acier

Le barreau d'acier, qui deviendra un poinçon, est coupé à une longueur de 7 cm. Chacune de ses quatre faces est équerrée et, sur l'une d'entre elles, seront inscrits le corps, le nom du caractère et la marque du graveur. Cette face servira de référence pour toute vérification que le graveur aura à faire tout au long de son travail. L'une des extrémités du barreau est arrondie pour centrer la frappe du poinçon, tandis que l'autre est polie comme un miroir sur une pierre à l'huile pour recevoir le dessin de la lettre. Ce travail d'ébauche manuelle, effectué à la grosse lime, est primordial, car il permet d'acquérir la maîtrise de cet outil lorsque le graveur devra effectuer un poinçon accentué.

 

Tracé direct ou épreuve au noir de fumée puis report

Deux cas de figure sont possibles : le barreau d'acier préparé est destiné, soit à la création d'un poinçon original – deux manières de faire sont envisageables –, soit à la réfection d'un poinçon ancien ou défectueux. Quelle que soit la méthode utilisée, le tracé est toujours effectué à l'envers, sur l'extrémité polie du barreau d'acier.

Dans le premier cas, deux solutions sont envisageables. Le dessin de la création existe sur papier. Dans ce cas, grâce à la technique du quadrillage (similaire à du papier millimétré, un premier quadrillage est dessiné au crayon sur le dessin papier, tandis que l'autre est reporté sur le poinçon à l'aide d'une pointe sèche), le graveur définit, par l'intersection des lignes, le dessin de la création sur le poinçon, celui-ci étant bloqué dans une boîte à tracer.

La seconde solution, en l'absence de dessin sur papier, consiste à dessiner la création à main levée directement sur l'acier à la pointe sèche et, bien évidemment, à l'envers.

Pour une réfection d'un poinçon ancien ou défectueux, le report de la lettre s'effectue au noir de fumée.

Le poinçon ancien est d’abord présenté verticalement au-dessus de la lampe Pigeon. Puis l’œil de la lettre est passé rapidement sur la partie supérieure de la flamme, ce qui permet d’y déposer une couche régulière et fine de noir de fumée. Le poinçon est ensuite passé dans le fumigraphe et, par un mouvement de coulisse dans l’équerre et une légère pression du pouce, le noir de fumée se fixe sur le rhodoïd. Cette épreuve sert de modèle à transposer sur la surface polie du poinçon à graver.

Sur le poinçon bloqué dans la boîte à tracer, partie polie effleurant la table, des axes de centrage sont tracés à la pointe sèche, à l’équerre et au té de pente. Ils permettent de positionner précisément le noir de fumée, dit le fumé. À l’aide d’un vernis déposé sur le poinçon et d’un brunissoir, cette empreinte noire se colle sur l’acier. Matière volatile, un tracé à la pointe sèche est effectué sur le contour de ce fumé. Les courbes sont exécutées par des petits points, technique surnommée par Nelly Gable, la valse à mille points, valse d’autant plus complexe sur un petit corps…

 

Gravure à la lime

 

Dégrossissage

Debout, à l'étau, le travail de dégrossissage commence afin d'enlever le maximum de matière autour du tracé. Quatre pans inclinés, ou plus si nécessaire, sont effectués en gardant du métal pour les talus de la future lettre.

 

Approche du tracé par indications successives

De retour à l'établi, dos bien droit sur sa chaise, jambes non croisées, le graveur cale d'une main le poinçon contre la cheville en bois, et de l'autre maintient sa lime. Les bras sont très proches du corps pour ne pas fatiguer. Sur le plan ergonomique, les limes sont alignées sur la droite du graveur pour un accès rapide en cas de changement. L’œil, droit ou gauche, en fonction de l’œil directeur du graveur, est placé contre la loupe.

La gravure débute impérativement par les contours extérieurs. Les parties intérieures, appelées contre- poinçons, ne seront ébauchées qu'une fois la hauteur de la lettre définitivement stabilisée. Tous les exté - rieurs sont effectués à la lime, en s'approchant progressivement du tracé par la technique des indications successives, également valable pour l'échoppe. Ce que le graveur appelle indications correspond à la brillance obtenue par l'action des limes qui ont supprimé du métal, sous un angle très obtus par rapport à la surface de l’œil de la lettre, pour s'approcher du tracé. Cette partie, brillante sous la lumière, est retirée à la lime sous un angle plus fermé. En finition, les limes de grains très fins sont enduites de craie pour par - faire le poli du talus (partie biseautée autour de l’œil de la lettre), de sorte à obtenir un contour parfait de la lettre.

 

Contrôle des dimensions extérieures à l'aide des calibres

En vue d'une harmonie entre les lettres, il est impératif que la hauteur de la lettre gravée sur le poinçon soit rigoureuse et corresponde au corps du caractère. Ce contrôle et celui de tous les contours extérieurs se réalise à l'aide de calibres.

 

Gravure à l'échoppe

Le procédé de la gravure à l'échoppe est plus complexe que celui de la lime. Dans la même position que pour la gravure à la lime, le poinçon tenu dans la main gauche du graveur est calé contre la cheville. L'échoppe est maintenue dans la main droite, avec le coude en appui sur l'établi pour la stabilité du geste.

Une fois la hauteur de la lettre contrôlée avec le calibre, le graveur commence à creuser les contrepoinçons les uns après les autres, en respectant un ordre de gravure bien précis. D'abord, la technique du champlevé permet d'obtenir les creux souhaités : des petits sillons sont gravés les uns à côté des autres à l'aide d'une échoppe ronde. Puis, le graveur s'adonne au piquage ou repiquage : l'échoppe ronde, maintenue à la verti - cale, permet de donner la bonne pente au talus, étape suivie par le nettoyage des fonds à l'échoppe plate.

Puis, le graveur pratique la coupe avec les échoppes rondes, de bonne rigidité au départ pour enlever les vagues laissées par le piquage. Le polissage qui suit vise à faire en sorte que les talus soient tous bien plans et toujours dans la bonne pente. Le polissage s'effectue par indications successives en approchant le tracé définitif de l'intérieur de la lettre avec un croisement incessant des coupes. La qualité du contour interne de la lettre dépend de ce polissage ainsi que des multiples retouches effectuées à l'échoppe après les contrôles à l'aide des calibres et fumés sur papier.

 

Contrôle des dimensions extérieures et intérieures à l'aide des calibres

Le contrôle à l'aide des calibres, récurrent tout au long des différentes étapes, vise à s'assurer que chaque étape a été scrupuleusement et précisément respectée, en vue de l'obtention de la plus grande minutie et précision possibles.

 

Contrôle des dimensions extérieures et intérieures à l'aide des fumés

Malgré les vérifications successives et précises des dimensions avec les calibres, l’œil reste toutefois le juge souverain. Les derniers et ultimes contrôles correspondent à des épreuves au noir de fumée, non pas sur du rhodoïd, comme ce fut possiblement le cas lors de la deuxième étape, si le graveur travaille à la réfection d'un poinçon ancien, mais sur du papier couché, comme étalon de comparaison. Un fumé (gris et non noir) de l'ancien poinçon (dans le cas d'une réfection) et un fumé du nouveau poinçon sont posés côte à côte. Ils doivent être exactement identiques, jusque dans les défauts, car, dans un livre imprimé, on ne doit pas déceler qu'un poinçon a été changé. Lors de la réfection d'un poinçon ancien, le graveur a donc l'obligation de reproduire les défauts ou imperfections du poinçon originel.

 

Retouches et polissage final

Après d'ultimes retouches, à la lime ou à l'échoppe, et les dernières vérifications sur fumés, le poinçon est prêt à subir un traitement thermique, appelé la « trempe », pour le durcir.

 

Traitements thermiques

Le poinçon en acier est porté à une température d’environ 800° C (la couleur de l’acier est « rouge ce- rise ») dans un four, puis est plongé rapidement dans de l'eau à température ambiante. Après un trempage dans du vinaigre, un nettoyage minutieux à la ponce extra fine et un polissage des différentes faces du poinçon, un deuxième traitement thermique est effectué : le revenu. Il permet de détendre les molécules de l'acier trempé, le rendant ainsi moins fragile à la frappe. Exécuté à l’œil sur une plaque chauffante, la température est d'environ 220° C (« jaune paille »).

Le poinçon est alors prêt à être enfoncé en force et à froid dans la matrice.

 

Poinçon accentué – accent « postiche »

Chaque pièce accentuée était autrefois gravée d'une seule pièce avec son accent. Mais, à partir du XVIe siècle, l'accent « postiche » fit son apparition, ce qui évitait la gravure d'un bon nombre de poinçons. Chaque pièce accentuée était autrefois gravée d'une seule pièce avec son accent. Mais, à partir du XVIe siècle, l'accent « postiche » fit son apparition, ce qui évitait la gravure d'un bon nombre de poinçons. Une série d'accents est ainsi gravée et vient s'ajuster aux poinçons de voyelles comportant une encoche précisément limée après la gravure de la lettre.

 

La frappe des matrices

La matrice est un petit bloc de cuivre rouge, dont la dimension varie en fonction de la hauteur d’œil de la lettre gravée sur l'acier. Elle reçoit la frappe ou l'emboutissage du poinçon (lettre en relief et à l'envers). Devenue ainsi un moule (lettre en creux et à l'endroit), elle est ensuite placée sur une fondeuse pour l'ob- tention des caractères en plomb.

 

Préparation du bloc de cuivre

Il s'effectue en trois étapes : le traitement thermique, l'équerrage des faces et le polissage de la surface à frapper.

Dans un premier temps, le cuivre subit un traitement thermique appelé « recuit » qui lui donne des pro- priétés de malléabilité pour éviter la casse des parties fragiles du poinçon. Pour les petits corps, le cuivre est monté en température et, lorsqu'il bleuit, est immédiatement plongé dans l'eau froide. Ce « recuit plus serré » permet une frappe précise dans les petits corps et une plus grande longévité de la matrice lors de la fonte des caractères en plomb. En revanche, pour les gros corps, la durée du traitement thermique est pro - longée jusqu'à l'obtention d'une couleur orangée, afin de faciliter l'enfoncement du poinçon dans le cuivre. Ce bloc de cuivre est ensuite équerré sur toutes ses faces. La surface qui doit recevoir l'empreinte du poin- çon est parfaitement polie pour obtenir un œil net.

 

La frappe

La frappe des matrices est réalisée à froid à l'aide d'une petite presse mécanique actionnée manuellement, dite balancier à volant pour les petits corps, ou balancier à bras pour les gros corps. Jadis, le poinçon était enfoncé dans la matrice par un rapide et ferme coup de marteau, d'où le nom de frappe qui reste associé aux matrices. Cette technique de frappe s'applique pour des poinçons dont la hauteur de l’œil de la lettre gravée est d'environ 15 mm.

 

Frappe du fantôme

Dans un premier temps, la presse est actionnée délicatement pour emboutir une subtile empreinte de la lettre appelée « fantôme ». La matrice n'étant pas déformée, les contrôles d'alignement et de pente peuvent s'effectuer en appliquant, sur le côté de la matrice, le calibre à coulisse ou la fausse équerre mobile de pente. La matrice de référence pour les italiques est le H capitale. Les réglages rectificatifs s'effectuent en modifiant les différentes équerres du balancier jusqu'à l'obtention de contrôles satisfaisants.

 

Frappe définitive

La frappe définitive est ensuite réalisée sur une autre matrice en enfonçant le poinçon d'une profondeur déterminée en fonction de sa force de corps, la profondeur d’œil (œil de la lettre). Une pige est glissée sous le petit volant du balancier pour fixer la profondeur de la frappe, soit : 0,94 mm, 1,40 mm ou 2 mm.

 

La justification

La matrice frappée se déforme, si bien qu'elle doit être rectifiée sur ses six faces. Cette opération s'appelle la justification de la matrice. Le but de la justification consiste à donner la profondeur d’œil de la matrice et son aplomb. Ce sont ces deux critères qui permettent au caractère d'être fondu dans les règles de l'art.

La matrice est placée dans une boîte à justifier fixée sur une fraiseuse. Cette boîte à justifier est constituée d'un étau central, pivotant sur deux axes, dans lequel est placée la matrice. Un trépied à aiguille est posé sur la boîte à justifier. Il permet, grâce à sa pointe centrale qui descend au fond de la matrice, de positionner sur le même axe horizontal l’œil de la lettre. Deux vis positionnées sur les côtés de la boîte permettent ce réglage très délicat. Si l'axe horizontal de l’œil de la lettre n'est pas respecté, la fonte de ce caractère sera mauvaise et son impression impossible. Cette étape constitue la première phase de la justification.

Ensuite, seconde phase de la justification, un surfaçage à la fraiseuse de la face de la matrice, appelée côté œil, permet d'effacer la déformation de la frappe. Avec une pointe à justifier posée sur cette surface rectifiée, la profondeur d’œil est réglée grâce à son aiguille centrale.

Des surfaçages successifs à la fraiseuse sont par la suite exécutés jusqu'à l'obtention de la bonne profondeur. Enfin, la dernière phase de la justification marque l'usinage des cinq autres faces de la matrice, sachant que trois d'entre elles doivent impérativement être d'équerre. De ces équerrages dépendent l'aplomb de la lettre lors de la fonte. Des essais de hauteur de caractère en plomb sont finalement réalisés avant de commencer la fonte en série du caractère, en « pierrant » la matrice pour obtenir la hauteur papier de 23,56 mm.

 

La mise en place des poinçons postiches sur le poinçon

L'espace entre le haut de la lettre et le bas de l'accent a préalablement été déterminé par le graveur. Il reste à positionner latéralement l'accent, une fois celui-ci plaqué et ficelé solidement grâce aux encoches pratiquées. Ensuite, il faut contrôler l'alignement de l’œil de la lettre et de l'accent avec une réglette en laiton. Une cale en clinquant (acier très fin), placée sous l'accent, permet cet ajustement. L'étude de l'empreinte « fantôme » de la lettre, lors de la frappe de la matrice, indique précisément l'épaisseur de la cale. L’œil de l'accent doit être à la même hauteur (ou légèrement inférieure) que l’œil de la lettre. Cela afin d'éviter que le caractère, une fois fondu en plomb, ne vienne percer le papier lors de l'impression. Le point du « i » en accent postiche demande par exemple une précision particulière de réglage : par précaution, il est placé plus bas que l’œil de la lettre afin de ne pas paraître trop gras dans le texte imprimé, défaut assez fréquent

La maîtrise de ces différentes étapes requiert un apprentissage long et rigoureux inscrit dans la pratique répétée. Il faut compter plus de dix ans pour devenir un graveur passant parfaitement au travers de ces différentes étapes. Chaque gravure de poinçons, qu’il s’agisse d’une réfection de poinçon ou d’une création est soumise à l’ensemble de ces étapes et s’échelonne ainsi sur plusieurs semaines. Aujourd’hui, la gravure des poinçons en tant que profession et savoir-faire à préserver est intrinsèquement liée à la réfection et à la restauration des poinçons anciens, les collections du cabinet des Poinçons étant reconnues d’intérêt patrimonial. Toutefois, la création occupe également un pan important de l’activité du graveur, qu’il s’agisse de répondre à des demandes de l’Imprimerie nationale ou à des commandes extérieures.

Français principalement

Anglais pour les échanges internationaux

Patrimoine bâtiObjets, outils, matériaux supports

 

Un patrimoine matériel d’une grande valeur

 

La collection de poinçons, unique au monde, d'une valeur inestimable, est le témoin de l'histoire de l'écrit du XVIe siècle à nos jours. Elle regroupe plus de 500 000 poinçons, dont les joyaux sont les Grecs du Roi gravés par Claude Garamont. L'ensemble est conservé au cabinet des Poinçons dans une chambre forte. Le cabinet des Poinçons est une pièce hautement sécurisée entre les murs de l'Imprimerie nationale, car ces poinçons exceptionnels et uniques, classés Monuments historiques depuis 1946 (1er classement le 28 mai 1946 ; 2e classement le 22 septembre 1994), représentent les étalons du premier maillon de la chaîne typo- graphique.

 

Fiche Palissy, référencée PM75002822, associée au classement Monument historique :

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palsri_fr? ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM75002822

Nord, Flers-en-Escrebieux, Imprimerie nationale

L'arrêté du 28 mai 1946 classait un ensemble de 300 583 poinçons typographiques (caractères en acier, bois et cuivre) appartenant à l'Imprimerie nationale, complété par un nouvel arrêté le 22 septembre 1994 classant 208 124 pièces gravées, dont 133 231 poinçons typographiques en acier. Par ailleurs, il existe encore du matériel industriel, dont l'utilisation première est la fabrication des matrices, dans le but de fournir une fonte de milliers de plombs pour approvisionner les casses des typo - graphes. Ces caractères en plomb, issus de ces poinçons historiques, sont toujours utilisés de nos jours ; environ 260 tonnes de caractères sont disponibles en 2018.

Les matrices en cuivre, elles non classées, sont au nombre de 151 997, mais il faut ajouter à ce chiffre de nombreux paquets non inventoriés, retrouvés pendant le déménagement de l’Imprimerie nationale en 2005.

 

 

L’établi du graveur

 

Depuis la réorganisation du cabinet des Poinçons en 1948, l’acier utilisé pour les poinçons provient des aciéries de Fagersta en Suède. La dernière commande date de 1965 environ, le fournisseur français Fagers- ta était alors sis à Gennevilliers (Seine-Saint-Denis). Du fait de ses alliages, cet acier est très dur à travailler manuellement. Il est plutôt destiné à un usage mécanique, mais il est doté d’une grande résistance lors de la frappe de la matrice, d’où ce choix par Louis Gauthier en 1948. Ainsi, lorsque Jacques Camus, graveur à la fonderie Deberny & Peignot de 1945 à 1973, a rejoint l’Imprimerie nationale en 1975, il a tout de suite constaté que l’acier utilisé au cabinet était plus dur, plus difficile, moins « souple » à travailler que celui qu’il avait toujours employé.

L’établi est un plateau de chêne de 5 cm d’épaisseur, posé sur des pieds solides, évitant ainsi toute vibration. Identique aux établis utilisés par les bijoutiers, la forme arrondie découpée dans le plateau permet au graveur de s’avancer sur son plan de travail et de poser ses coudes pour graver avec une grande stabilité. Une cheville en bois fixée dans l’axe de la courbe surplombe l’établi ; c’est contre celle-ci que le graveur cale son poinçon pour le graver.

Une partie de ce matériel est unique ou existe en nombre restreint, tels les boîtes à encoches, les calibres ou la boîte à tracer. Pour cette raison, depuis 2017, notamment à l’aide des stagiaires et passionnés qui se sont initiés à l’atelier, toutes les cotes de ce matériel sont relevées, en vue d’une production d’images en 3 D des outils les plus rares.

Les échoppes et les limes constituent les principaux outils utilisés par le graveur. Actuellement, à l’Imprimerie nationale, ce sont des échoppes à bords plats ou ronds, des onglettes et des tranchantes de deux qualités d’acier : en WS (acier à outils) et en HSS (High Speed Steel, acier rapide, reconnaissable par une peinture jaune sur la soie de l’outil). Actuellement, toutes les échoppes proviennent des usines métallurgiques de Vallorbe (Suisse), fusion des usines Glardon et Grobet.

Toutefois, sur les échoppes des anciens graveurs provenant de donations effectuées à la fin de leur activité, différentes marques frappées près de la soie de l’outil permettent de souligner qu’à une époque, les fabricants ou fournisseurs étaient nombreux, contrairement à aujourd’hui. Les échoppes Renard étaient les plus convoitées par les graveurs, car leur acier avait la réputation d’être le meilleur.

Les échoppes achetées dans le commerce doivent impérativement être améliorées pour s’adapter à la gravure des poinçons. La soie, extrémité non trempée de l’échoppe, est emmanchée, soit dans un manche en bois, soit dans un bouchon de liège. C’est une technique peu coûteuse, employée à partir des années 1980, qui permet de faire tourner avec beaucoup de facilité et de légèreté l’échoppe dans tous les sens au creux de la paume de la main. Si l’outil devient trop court, il suffit de faire reculer le bouchon. L’autre extrémité, celle qui est trempée et qui est affûtée par la suite, est, dès son premier emploi, cassée sur 2 à 3 mm à l’aide d’un marteau. Ensuite, les deux faces et le dessous de l’échoppe sont polies sur une pierre Arkansas pour supprimer les stries qui nuiraient au bon polissage des talus du poinçon.

L’affûtage de l’échoppe est une opération importante et particulièrement délicate, la qualité de la gravure en dépend. Il s’effectue sur la meule à eau pour le premier angle, puis manuellement sur les pierres India et Arkansas pour les deux suivants. Cet apprentissage est long à maîtriser. Pour les petits corps de caractères, la position de l’échoppe est souvent verticale et une bonne visibilité doit être respectée ainsi qu’un angle d’affûtage adéquat sous peine de ne pouvoir attaquer l’acier.

 

Quant aux limes, elles proviennent également des usines métallurgiques de Vallorbe (Suisse). La marque Grobet est la plus utilisée, du nom de l’inventeur d’une machine à tailler les limes F. L. Grobet en 1836.

Le graveur utilise des limes de différentes formes : d’abord, de grosses limes plates, puis des limes pilier, des limes à aiguilles, à manche rond modelé de 160 mm ou 180 mm de longueur, ensuite des limes à échappement de forme carrée, ronde ou en queue de rat, triangulaire ou en forme de feuille de sauge, avec des grains spécifiques qui correspondent à l’avancement du travail (grain 2 pour l’ébauche, grain 4 pour la demi-finition et grain 6 pour la finition).

Hormis les grosses limes larges utilisées pour la préparation du barreau d’acier, toutes les autres petites limes sont modifiées pour une adaptation à la gravure de poinçons, afin d’obtenir une bonne visibilité pen- dant le travail. Par exemple, sur les limes carrées, l’un des côtés est poli (« blanchi ») sur une pierre, ce qui permet de limer certaines parties du poinçon sans en abîmer d’autres. Quelles que soient les modifications apportées à la lime, l’usinage est effectué à la pierre à eau, puis à la pierre India, afin de ne pas chauffer l’acier de l’outil. Un outil trop chauffé se détrempe et n’est plus assez dur pour travailler l’acier. Enfin, les petites limes à échappement sont emmanchées, soit dans des manches en bois avec une virole plus ou moins longue selon les époques, soit dans une tige de bambou sec fixée à la cire à cacheter. Il est important d’avoir un outil léger.

 

 

Les outils, témoins matériels d’un savoir-faire

 

Lors de la donation de l’outillage de Jean-Pierre Réthoré, graveur à l’Imprimerie nationale de 1955 à 1968, puis de 1968 à 1996 à la Monnaie de Paris, 56 limes ont été inventoriées : 10 limes de forme carrée, 10 de forme pilier, 13 de forme ronde, 3 de forme mi-ronde pointue, 4 en feuille de sauge, 5 triangulaires, et 11 limes plates pointues, presque toutes de grains très fins. Les marques des fabricants retrouvées sur les outils, après un nettoyage minutieux, sont celles de Vallorbe (Suisse) (Grobet, Baitter, UMV) ainsi que deux marques (Proutat et Umas-Précision) en France.

Très instructive, l’analyse de cet outillage a permis de redécouvrir l’importance des limes plates pointues au nombre de dix et de comprendre la méthode de travail de Jean-Pierre Réthoré. Ces limes ne sont pratiquement plus utilisées de nos jours. En effet, les graveurs partaient avec leur propre outillage et celui du jeune graveur correspondait donc à l’achat effectué chez un ou plusieurs fournisseurs qui s’approvisionnaient chez des fabricants. D’année en année, les fournisseurs sont de moins en moins nombreux ou se re - groupent, et les fabricants font de même.

Actuellement, Pouget-Pellerin, seul fournisseur de l’Imprimerie nationale, est tributaire (et donc de sur- croît les utilisateurs également) de la distribution et de la fabrication des usines Vallorbe (Suisse). Ainsi récemment, à titre d’exemple, pour des raisons de manque de rentabilité, la chaîne de fabrication d’une lime carrée s’est arrêtée, ou encore, la lime pointue est entrée en rupture de stock… Dans ce cas précis, le seul recours possible passe par une recherche de ces limes aux États-Unis, où il pourrait encore en exister un stock, les usines de Vallorbe, sous la marque Grobet, ayant distribué sur ce continent.

C’est ainsi que l’outillage d’un savoir-faire peut s’appauvrir, les photos historiques n’étant pas toujours

En mai 1948, date de réorganisation du cabinet des Poinçons, l’Imprimerie nationale a recruté Louis Gauthier qui avait commencé la gravure des poinçons typographiques à l’âge de 13 ans comme apprenti à la fonderie Deberny & Peignot. Par la suite, deux élèves de l'école Estienne (École supérieure des Arts et Industries graphiques) sont arrivés à l'atelier : Michel Portron, à la fin de l’année 1948, et Jean-Pierre Réthoré, en 1955. Jacques Camus, dernier graveur de chez D & P, a, quant à lui, rejoint le cabinet des Poinçons en 1975, deux ans après la fermeture de la fonderie dans laquelle il travaillait depuis l'âge de 15 ans. Égale- ment issus de l'école Estienne, Christian Paput exerça au cabinet des Poinçons de 1982 à 2005 et Annie Bocel depuis 2014.

Jusqu'à l'arrivée de Nelly Gable en 1987, graveur formée à l'école Boulle (École supérieure des Arts appli- qués), ce métier était exclusivement masculin. Actuellement, il est représenté par deux femmes, dont une en apprentissage depuis trois ans. Nelly Gable a des bases de graveur sur acier en modelé et Annie Bocel, de graveur en taille-douce (sur cuivre).

Néanmoins, à l'heure actuelle, la gravure des poinçons n'est plus enseignée au sein des deux écoles mentionnées. Parmi les graveurs cités plus haut, seul Jean-Pierre Réthoré a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) avec la mention graveur-poinçons typographiques, le 29 juin 1955, la mention ordinaire étant graveur en relief. Pendant sa dernière année à l’école Estienne, Jean-Pierre Réthoré gravait en effet déjà des poinçons typographiques, travail supervisé par Louis Gauthier, d'où la mention sur son CAP.

Aujourd'hui, en plus du fait qu'aucune formation professionnelle officielle n'est dispensée pour la gravure de poinçons typographiques, le cabinet des Poinçons reste le seul lieu en Europe où l'on pratique et enseigne cette technique traditionnelle issue de la fonderie D & P.

Face à ce constat, l'actuel graveur du cabinet des Poinçons, Nelly Gable, a pris conscience de la fragilité de la sauvegarde, de la transmission et de la viabilité de la pratique. Cette prise de conscience l'a conduite à mener une réelle démarche de sauvegarde de la pratique et du métier de graveur de poinçons typographiques, tant au sein même de la structure de l'Imprimerie nationale qu'en tant que savoir-faire à part entière. Dans le paysage très sectorisé des différents métiers de la chaîne typographique à l’Imprimerie nationale, elle a ainsi œuvré à développer des échanges entre les différents corps de métiers. En effet, à son arrivée en 1987, le graveur ne portait pas de blouse, contrairement à ses collègues, et ne pouvait se rendre librement dans le secteur de travail des imprimeurs… Aujourd’hui, la situation a changé et l’apprentissage du graveur en formation, Annie Bocel, prend largement en compte les interactions entre les différents corps de métiers.

Par ailleurs, dans le cadre du dispositif Maître d'art-Élève, mis en œuvre par l'Institut national des métiers d'art (INMA), conjointement avec le ministère de la Culture, Nelly Gable a obtenu le titre de Maître d'art en 2013 et débuté un an plus tard la formation de son élève Annie Bocel, assurant ainsi la transmission et la sauvegarde du métier, des techniques et des savoirs concernant la gravure des poinçons typogra- phiques, aussi fragiles soient-elles.

 

Le programme de formation d’Annie Bocel, établi par Nelly Gable, met ainsi l’accent sur différents types d’apprentissage, passant en premier lieu par une appropriation de l’espace de travail du graveur, des outils et du matériel utilisé pour aller ensuite vers l’apprentissage technique des différentes étapes de la gravure et de la frappe des matrices, avec une ouverture aux techniques pratiquées en dehors de l’atelier du cabinet des Poinçons, dans quelques rares ateliers à l’étranger.

Cet apprentissage s’effectue à force de pratique, de captations et de répétitions des gestes (Annie Bocel appuie également son apprentissage sur la réalisation de nombreux croquis, devenant ainsi des supports de sauvegarde et de transmission complémentaires aux écrits produits et à la transmission orale). Alors qu’il faut des années à un apprenti pour devenir un graveur accompli, face aux menaces pesant sur la viabilité de ce savoir-faire, le pari est fait de transmettre savoirs et techniques en « accéléré », comparativement au temps long d’apprentissage des générations passées de graveurs. Il est coutume d’affirmer qu’il faut dix ans pour faire un graveur...

Dans la continuité du dialogue entre les différents corps de métiers du livre voulu par Nelly Gable, elle a complété l’apprentissage de son élève par un parcours d’initiation aux différents métiers du livre (calligraphie, fonderie, composition typographique, impression typographique, corrections, fabrication d’un livre de bibliophilie et initiation à l’édition), de façon à pleinement inscrire la gravure en lien avec l’ensemble des métiers liés à la chaîne typographique.

Nelly Gable

Diplômée de l'école Boulle, elle est entrée en 1987 au cabinet des Poinçons à l'Imprimerie nationale. Première femme graveur de poinçons typographiques, détentrice encore en activité de ce savoir-faire, elle veille, en tant que responsable, sur le patrimoine gravé au cabinet des Poinçons. En 2002, elle a complété pendant un an sa formation par la frappe des matrices auprès d'un ancien fondeur Foucher de l'imprimerie. Actuellement, elle continue d'apprendre des techniques disparues que seuls de rares spécialistes maîtrisent. Elle a été nommée Maître d'art par le ministère de la Culture en 2013 et, depuis, elle forme son élève Annie Bocel.

 

Annie Bocel

Diplômée de l'école Estienne, Annie Bocel est en formation à l'atelier de gravure du cabinet des Poinçons depuis septembre 2014, dans le cadre du dispositif Maître d'art-Élève. Elle assurera la relève en tant que graveur de poinçons typographiques à l'Imprimerie nationale. Parallèlement, elle pratique, dans son atelier en Bretagne, les techniques de graveur en taille-douce et de gaufrage en tant qu'artiste-graveur.

 

Christian Paput

Ancien élève de l'école Estienne, Christian Paput est entré au cabinet des Poinçons de l'Imprimerie nationale en 1982 et s'en est retiré en 2005. Il a travaillé à la conservation du patrimoine typographique historique, ainsi qu'à la restauration des collections de poinçons latins et orientaux. Parallèlement, il a enseigné les techniques du livre à l'École des bibliothécaires-documentalistes (EBD) ainsi que l'histoire de l'écriture et de la typographie à l'école Estienne.

 

Raymond Stanley Nelson

Raymond Stanley Nelson est aujourd'hui retraité du National Museum of American History. Il a un statut émérite auprès de la Smithsonian Institution, National Museum of American History (Graphic Art Collection). Graveur et fondeur de caractères typographiques, il mène des recherches en profondeur dans le champ de la fonderie typographique. Il a gravé trois alphabets complets, plusieurs caractères et ornements pour la Whittington Press et a notamment fabriqué 55 moules à arçon aujourd'hui utilisés dans différents ateliers à l'international. Il applique la technique du contrepoinçon, qui n'est pas pratiquée à l'Imprimerie nationale. Depuis deux ans, il anime des stages d'été de gravure de poinçons. Site de Raymond Stanley Nelson : http://www.atelierpressandletterfoundry.com/

 

Richard Ärlin

Richard Ärlin est graveur, fondeur de caractères typographiques et imprimeur à Stockholm. Il est autodidacte dans la pratique de la gravure de poinçons et sa technique varie de celle en vigueur au cabinet des Poinçons de l'Imprimerie nationale.

 

Documentaires vidéo librement consultables sur sa pratique :

Stämpel till typ https://www.youtube.com/watch?v=Kx3nTsnRMmE  [consultée le 05/01/2018]

Striking a matrix https://www.youtube.com/watch?v=RpoqIlZYFTY [consultée le 05/01/2018]

Printing a sheet of Stockholm Donatus https://www.youtube.com/watch?v=8T32C4brfqY [consultée le 05/01/2018]

Making a printing type by hand https://www.youtube.com/watch?v=zHu5WozRAwA [consultée le 05/01/2018]

La carte supra démontre le très petit nombre de graveurs actifs à travers le monde aujourd'hui, qui, en outre, ne se connaissent pas nécessairement physiquement. Pourtant, la communication via internet est régulière et se fait avec une grande solidarité et sincérité, concernant des demandes d'informations, des envois d'outillage France / États-Unis, des échanges de procédés, avec le seul but d'une entraide sans rivalité ni restriction. Ces échanges d'une grande générosité se font naturellement et permettent de créer une réelle communauté de passionnés et de praticiens autour de la gravure de poinçons, alors même que la viabilité de ce savoir-faire demeure fragile.

 

Voici quelques exemples des liens qui s’instaurent entre ces graveurs :

Dan Carr, poète, graveur, fondeur et imprimeur américain, qui a créé en 1982 la Golgonooza Letter Foundry à Ashuelot (New Hampshire), est décédé brutalement en 2012 à l'âge de 61 ans. Sa compagne peintre, Julia Ferrari, a alors sollicité Nelly Gable pour inventorier et remonter le poste de gravure de poinçons. Nelly Gable est ainsi allée passer trois semaines en juillet 2013 pour un enseignement en accéléré afin qu'elle puisse finaliser le travail de son mari. Une réelle aventure professionnelle, technique et humaine, où la barrière de la langue, surtout pour les termes techniques, a dû être surmontée, notamment grâce à des centaines de croquis réalisés.

En 2017, Annie Bocel, élève de Nelly Gable, a été accueillie chez Raymond Stanley Nelson, dans son atelier de Charles Town en Virginie occidentale, pour un stage d'une dizaine de jours. Il lui a été transmis notamment l'enseignement du contrepoinçon, non pratiqué à l'Imprimerie nationale, en plus des échanges sur leurs pratiques respectives.

Grâce à la collection historique de poinçons, parfaitement préservée, et à l'activité de composition et d'im - pression d'ouvrages d'art de « l'atelier du Luxe », la gravure de poinçons typographiques a pu être exercée avec ardeur dans la seconde moitié du XXe siècle. À l'arrivée en 1971 du directeur Georges Bonnin, grand défenseur de la typographie, cet atelier a été officiellement intitulé « atelier du Livre » et a poursuivi une activité de typographie traditionnelle après la fermeture de tous les autres ateliers travaillant au plomb (« l'Oriental », « les Individualistes » et « la Commandite »).

Cet atelier du Luxe n'utilisait que les sept caractères historiques exclusifs latins ainsi que les caractères orientaux. Soixante-dix écritures sont proposées par l'Imprimerie. Ces caractères sont utilisés pour les propres collections de l'Imprimerie nationale ou pour des commandes d'éditeur, de particuliers, d’entre- prises et d’artistes qui ont le désir de faire composer leurs textes avec ces caractères exclusifs chargés d'histoire, notamment en vue de la création de livres d’artistes et de bibliophilie.

L’atelier du Luxe a ainsi permis aux graveurs de poinçons de continuer à exercer leur activité malgré les évolutions techniques du secteur de l'imprimerie. L'apparition de nouvelles technologies, tels que la photocomposition dans les années 1970, puis le numérique dans les années 1990, ont en effet supplanté le secteur du plomb. En France et en Europe, beaucoup de fonderies ont arrêté la fonte de caractères typographiques métalliques ou ont fermé définitivement leurs portes, comme ce fut le cas pour la fonderie Deberny & Peignot en 1973. D'où la venue de Jacques Camus, Maître de Nelly Gable, qui était déjà le dernier graveur en activité dans la maison D & P.

Lieu confidentiel depuis sa réorganisation en 1948 par Louis Gauthier, le cabinet des Poinçons n'a ouvert que rarement ses portes à l'extérieur. Seuls trois graveurs y travaillaient en permanence, principalement pour la réfection des caractères historiques de l'Imprimerie nationale. Rares ont été ceux à pouvoir s'initier et se former à la gravure des poinçons : quelques étudiants de l'école Estienne pendant leurs vacances scolaires d'été et quelques passionnés, soit au total, moins d'une vingtaine de personnes entre 1948 et 2017.

 

Cependant, depuis le début de l'année 2017, une plus grande ouverture de l'atelier a mené à l'accueil de trois stagiaires étrangers : des collectionneurs passionnés de l'imprimerie, de la gravure et de la fonte des caractères et un dessinateur de caractères. Des échanges d'informations, à l’issue de ces stages, se sont poursuivis par la suite. Par ailleurs, en 2016, Raymond Stanley Nelson, américain passionné de typographie, avec qui quelques échanges de pratiques se sont instaurés dès les années 1990, a proposé un stage d'une semaine de gravure de poinçons aux États-Unis intitulé « Understanding the Typographical Punch ».

Cette ouverture toute récente de la pratique de la gravure de poinçons, soit en France au cabinet des Poinçons, soit aux États-Unis à travers Raymond Stanley Nelson, suscite un engouement parmi les dessinateurs de caractères, les historiens du livre et les imprimeurs. Ceux-ci viennent recueillir des informations et expérimenter la gravure d'un poinçon, mais ne la pratiquent pas. Ainsi, les designers en lettres s'imprègnent des gestes des anciens graveurs, qui étaient souvent également dessinateurs. Dessiner en gravant de l'acier : telle est la démarche qu’ils veulent ressentir ; non pas réaliser un caractère sur ordinateur, muni d'un logiciel, mais expérimenter en volume et dans le matériau originel qu'est l'acier. Il s'agit de revenir à la source intellectuelle et manuelle du graveur du XVe siècle, fondée sur la synergie entre le cerveau, la main, l'outil, l'acier, ainsi qu'à une notion de temps de réalisation radicalement différente de celle d'aujourd'hui.

De cette ouverture et des contacts qui se créent aujourd’hui entre graveurs de l’Imprimerie nationale, graveurs étrangers, stagiaires, artistes et passionnés de la gravure, naît également la volonté d’œuvrer ensemble à la sauvegarde de la gravure des poinçons, autant en tant que savoir-faire, qu’en tant que patrimoine matériel unique. En cherchant à s’approprier l’outillage par exemple, des stagiaires et passionnés ont initié une démarche de description poussée de celui-ci et a pris forme notamment avec le projet de cours, des reproductions en 3 D des outils principaux. Des dessins sont réalisés, des recherches sont effectuées, des reconstitutions prennent peu à peu forme, et l’ensemble est partagé, là encore, avec une grande générosité et ouverture au sein de cette petite communauté.

La gravure de poinçons et le secteur de l’imprimerie

 

Depuis Gutenberg, la diffusion européenne de l'imprimerie n'a pu se faire que grâce à la diffusion des techniques de gravure de poinçons et à la préparation des matrices. Jusqu'au XVIIe siècle, les grands im- primeurs étaient tous des graveurs de poinçons, que ce soit à Venise (Jenson, Manuce...), à Anvers (Plan- tin), en France (Gering, Gryphe, Tory, les Estienne, de Colines, Garamond...) ou en Angleterre (William Caxton). Ils furent tous formés en atelier et formèrent à leur tour des élèves.

Tout le savoir et la technique étaient transmis oralement et, jusqu'à aujourd'hui, ne peuvent se transmettre uniquement et pleinement à travers un livre. D'ailleurs, rares furent les écrits anciens sur ce domaine : citons ainsi l’ouvrage de Joseph Moxon publié en 1683, les Mechanick exercices on the doctrine of the handy-work applied to the art of printing en Angleterre, et le Manuel typographique publié en deux tomes en 1764 et 1766 de Pierre-Simon Fournier, l’un des grands typographes français du XVIIIe siècle. Une version électronique du manuel de Fournier est disponible en ligne :

http://jacques-andre.fr/faqtypo/BiViTy/Fournier-Manuel.html

Au cours des deux derniers siècles, l'imprimerie au plomb connut ensuite d'importantes évolutions. En 1837 apparaît le procédé galvanique qui changea les techniques de fabrication des matrices (matrices en électrolyse). Des graveurs passent de l'acier, pratique trop longue et onéreuse, à des poinçons en bois et laiton. En 1886 fut inventée la Linotype, machine à composer au plomb en lignes-blocs, puis en 1887 la Monotype, système de composition mécanique de caractères mobiles. Les transformations de l'imprimerie remontent ensuite aux années 1970, avec la photocomposition. Plus récemment, sont apparues la composition et l'impression numérique.

Ainsi, le savoir-faire de la gravure de poinçons typographique a accumulé, au fil du temps, plusieurs facteurs favorisant sa disparition. Pourtant, malgré ces bouleversements, les graveurs de poinçons typographiques ont continué à travailler sur de l'acier, utilisant toujours comme outils leurs échoppes et leurs limes.

Toutefois, toutes ces évolutions ont profondément transformé le secteur de l’imprimerie. Il ne subsiste aujourd’hui aucun des ateliers mentionnés plus haut. Les poinçons, hormis ceux, rares, conservés dans des musées, comme à Anvers, Lyon ou Mayence, ont disparu avec le savoir-faire.

 

 

La gravure de poinçons typographique, un savoir-faire implanté au sein de l’Imprimerie nationale

 

Pour comprendre comment et pourquoi la France conserve encore aujourd'hui la technique de la gravure de poinçons typographiques au sein de l'Imprimerie nationale, il faut remonter en 1540 lorsque Fran- çois 1er nomme Robert Estienne, imprimeur royal pour le grec. Ce dernier commande à Claude Garamont la gravure de trois corps de caractères romains ainsi que des grecs à ligatures appelés les Grecs du Roi. La gravure est effectuée d'après le manuscrit d'Ange Vergèce, calligraphe crétois attaché à la Cour de France. Le manuscrit ainsi que les poinçons grecs sont conservés au cabinet des Poinçons, dont ils constituent les pièces les plus anciennes de la collection. Les caractères grecs peuvent toujours être utilisés, à l’instar de tous les caractères historiques.

En 1640, Louis XIII et Richelieu créent l'Imprimerie royale et l'installent au Louvre. Puis, en 1641, le directeur de l'Imprimerie royale, Sébastien Cramoisy, achète six frappes de matrices, dont les corps 18, 24 et 36 de Jean Jannon, graveur du début du XVIIe siècle. Ce caractère, appelé Romain de l'Université ou Garamont (interprétation plus grasse du vrai Garamond[t]), dont l'Imprimerie nationale ne possède pas les poinçons originaux, mais les caractères en plomb fondus à partir des matrices originales, est toujours utilisé pour la composition des beaux-livres.

Tous les ouvriers de l'imprimerie et passionnés de la typographie ont permis le transfert de connaissances jusqu'à nos jours, malgré la succession d’heures de gloire et de déclin des graveurs de poinçons. Ceux-ci, à l'image d'autres corps de métiers, ont traversé de nombreuses vicissitudes politiques et religieuses à travers l'histoire, si bien qu'il s'agit bien d'un fait remarquable qu'ils soient encore représentés aujourd'hui, en France et par de rares personnes.

L'Imprimerie nationale n'a pas été la seule à graver des poinçons, de sa création à la fin du XVIe siècle. Le Bé aux XVIe et XVIIe siècles ; Fournier, Gando et Didot au XVIIIe siècle ; Balzac-Deberny, Turlot et Mayeur au XIXe siècle et les regroupements industriels du XXe siècle comme Deberny & Peignot ou la Fonderie typographique française (FTF), toutes les grandes fonderies de caractères ont eu leurs propres graveurs ou ont utilisé des graveurs à leur compte, comme les Vibert. Toutes ces fonderies ont cependant disparu, leur matériel est souvent perdu (ou mal conservé dans quelques musées) et leur savoir-faire rare- ment préservé.

Ainsi, en 1948, à la demande du directeur de l’Imprimerie nationale, Raymond Blanchot, le cabinet des Poinçons implanté rue de la Convention à Paris, fut réorganisé par Louis Gauthier, graveur de poinçons typographiques, alors âgé de 32 ans, sa mission étant de conserver et d'entretenir la collection de l'Imprimerie.

 

Louis Gauthier, né en 1916, a commencé la gravure à l'âge de 13 ans chez Deberny & Peignot, illustre fonderie typographique française. L'apprentissage s'effectuant de maître à élève, Louis Gauthier a commencé son apprentissage en 1929 avec Paul Bourreau. À la suite de Louis Gauthier, Jacques Camus a également rejoint les graveurs de l'Imprimerie nationale en 1973 après la fermeture de la fonderie D & P. Lui-même avait commencé son apprentissage à l'âge de 15 ans à partir de 1945 avec le graveur Marcel Mouchel (de la fonderie D & P). Jacques Camus, à son tour, a formé Christian Paput et Nelly Gable à partir de 1987 qui, elle-même, a comme élève Annie Bocel depuis 2014. La chaîne de transmission est donc issue de D & P, elle-même issue des fonderies plus anciennes en France et en Europe ou de graveurs à leur compte, qui s'est poursuivie à l'Imprimerie nationale jusqu'à aujourd'hui. Dans son histoire, la fonderie D & P compte un grand nombre de graveurs de caractères : au total, vingt-quatre noms de graveurs de cette longue lignée sont connus. Les caractères gravés les plus marquants du XXe siècle proviennent de l'intense activité créatrice de cette fonderie : le Grasset, l'Auriol, le Peignot maigre et le Naudin.

Au cabinet des Poinçons, le nombre de graveurs n'a jamais excédé trois personnes, avec une forte activité de réfection de poinçons, principalement sur les sept caractères historiques exclusifs ainsi que sur quelques orientaux : gravure du caractère Marcellin-Legrand, gravure complète du Garamont corps 24, du caractère Luce corps 14, gravure du caractère Bodoni utilisé pour la composition de certaines langues étrangères qui demandent la composition de signes spéciaux (1077 poinçons pour cinq corps, programme débuté en 1953 et finalisé en 1959), gravure du dernier caractère Gauthier (neuf années de travail à trois graveurs pour 573 poinçons), l'hébreu Gauthier et bien d'autres.

L'Imprimerie nationale a ainsi été l'un des premiers berceaux et reste maintenant le dernier en Europe, et probablement dans le monde, à pratiquer et à transmettre la technique de la gravure des poinçons typographiques dans le pur respect des règles traditionnelles de cet art. Sa mission consiste donc, aujourd'hui, à pérenniser en urgence ce savoir-faire.

Grâce au dispositif Maître d’art-Élève, la gravure de poinçons typographiques a été reconnue comme sa- voir-faire rare et à préserver. Toutefois, cette transmission apparaît fragile, car la viabilité de la pratique repose actuellement sur deux praticiennes, dont une en formation.

Du fait des évolutions récentes du secteur de l’imprimerie, il s’agit de ne pas transformer la gravure de poinçons en un simple savoir-faire de démonstration, alors même que la production de l’outillage nécessaire au graveur a également grandement diminué. La sauvegarde et l’entretien des collections de poinçons abritées par le cabinet des Poinçons, patrimoine d’une grande richesse de l’histoire de l’écriture, nécessite à tout prix la pérennisation de ce savoir-faire.

Parallèlement à la vocation patrimoniale de la gravure de poinçons typographiques, l’ouverture récente du cabinet des Poinçons à des stagiaires, artistes et passionnés d’horizons diverses, met en avant la nécessité pour les praticiens de ce savoir-faire d’explorer de nouvelles possibilités d’application, notamment dans le domaine artistique.

Modes de sauvegarde et de valorisation

 

Toutes les formes de valorisation et de sauvegarde mises en place autour de la gravure des poinçons, mentionnées ci-dessous et non exhaustives, sont portées par Nelly Gable.

 

 

Valorisation de la collection de l’Imprimerie nationale

 

Création de la collection Bois gravés du XIXe siècle (six recueils). Conception complète de ces livrets en typographie avec Françoise Carmignac : choix des bois gravés, des textes, maquette, conception technique du coffret…

Création de produits dérivés culturels avec Lucile Théveneau, tels des marque-pages, des carnets, des reproductions de gravures en taille-douce, des modèles de casses…

Écriture du texte GY, ou la promenade fantastique du graveur de poinçons à l’ouvrage (voir supra), pour la collection « Duelle », 2000 (repris et traduit en anglais par James Mosley pour le tirage en typographie de la revue Matrix n° 22).

Écriture d’un poème et composition au plomb en corps 4 pour l’artiste Marie-Janine Solvit.

 

 

Manifestations

 

2015 et 2017 : participation au salon Révélations au Grand Palais à Paris et présentation de la sculpture typographique : Haute voltige des signes (2015).

2016 : Participation à l’exposition Maîtres d’art au Centre français du Patrimoine culturel immatériel, prieuré des Bénédictins à Vitré.

2015 et 2016 : participation à la foire d’art contemporain Art UP.

2013 : participation à l’exposition Méditerranées à Marseille.

2012-2013 : participation à l’exposition du musée des Lettres et Manuscrits, Six siècles d’art du livre, de l’incunable au livre d’artiste, à Paris puis à Bruxelles.

2011-2012 : conception, organisation et scénographie d’expositions en collaboration avec Lucile Theveneau :

Aix-en-Provence : Imprimerie nationale : histoire de caractères

New York (Grolier Club) : Printing for Kingdom, Empire, and Republic. Treasures from the Archives of the Imprimerie nationale, avec démonstration et conférence sur la gravure de poinçons et la frappe de matrices, reconstitution de deux ateliers avec leur outillage respectif, conception d’une plaquette pour cette journée

2009-2010 : démonstrations dans les médiathèques de Troyes, de Sedan et de Châlons-en-Champagne autour de l’exposition Histoires d’imprimeurs en Champagne-Ardenne.

2009 : démonstration à la Charité-sur-Loire pour le Salon des artistes et artisans d’art.

2008 : conférence sur le cabinet des Poinçons de l’Imprimerie nationale pour les Rencontres de Lure.

2007 : interventions sur la sensibilisation au métier de graveur de poinçons typographiques en restituant l’ambiance de l’atelier de gravure du cabinet des Poinçons dans le cadre de l’exposition Les lettres ont la forme au musée de la Poste à Paris.

 

Par ailleurs, elle participe, en collaboration avec James Mosley, à des démonstrations de gravure pour l’école de l’Institut d’histoire du livre de Lyon. Conférences

● Participation au colloque organisé par l'école Estienne pour le Printemps de la typographie à l'Institut national du patrimoine (INP), Paris 2017.

● Conférence donnée en binôme avec Frank Jalleau : « Poinçons, matrices, plomb : la typographie dans ses matérialités d'attente ».

● Participation à la journée d'étude Création typographique et mutations techniques au XXe siècle à l'École nationale des chartes, Paris 2017.

● Conférence : « Nouvelles typographies à l'Imprimerie nationale au XXe siècle, le Jaugeon & le Gauthier ».

● Conférence en binôme avec Lucile Théveneau à la médiathèque d'Herbès de Manosque, 2017 : « Histoire de livres et de caractères à l'Imprimerie nationale ».

● Participation au colloque Transformations des Buchdrucks à l'université Humbold, Berlin, 2016 : conférence : « Du barreau d'acier au caractère en plomb. La gravure de poinçons typographiques à l'Imprimerie nationale ».

 

 

Actions de valorisation à signaler

 

En 2005, à la demande de l’Imprimerie nationale, un reportage de 30 mn réalisé par Axel Nilson, est tourné sur la gravure des poinçons typographiques :

La mémoire vive de l'écrit (vol. 1 et 2). Le poinçon de l'euro. Atelier du Livre d'art et de l'Estampe , production de l’Imprimerie nationale, 2006, 30 mn.

Pour l’occasion, un scénario autour de la gravure de l’euro a été conçu. Le réalisateur a suivi chacune des étapes de la gravure sur plusieurs semaines. Ce documentaire n’a malheureusement pas été divulgué lors de sa sortie en 2006. Toutefois, il constitue à ce jour le support audiovisuel le plus abouti présentant les aspects techniques de la gravure des poinçons, et le seul à ce jour produit par l’Imprimerie nationale. À la demande de Nelly Gable, des séquences courtes de ce film ont été isolées et sont régulièrement présentées au cours de manifestations, conférences et expositions auxquelles elle participe.

 

Modes de reconnaissance publique

 

L’arrêté du 28 mai 1946, complété par un nouvel arrêté en 1994, a classé les poinçons conservés au cabinet des Poinçons de l’Imprimerie nationale au titre des Monuments historiques. Nelly Gable a été nommée Maître d’art par le ministère de la Culture en 2013.

 

Inventaires réalisés liés à la pratique

 

Un inventaire de l’ensemble des poinçons classés a été joint au dossier de protection Monument historique.

Dans le dossier de 1946, sur les 300583pièces gravées, l’Imprimerie nationale comptabilisait 89 210 poinçons en acier de types latin et oriental, les plus anciens remontant à François 1er. Cet ensemble de poinçons est communément appelé la « collection historique », pour la différencier de la « collection Deberny & Peignot ». La donation de celle-ci a été effectuée en deux temps : en 1973, à la suite de sa fermeture, la fonderie a remis 106 600 poinçons à l’Imprimerie nationale ; puis, en 1989, la fonderie suisse Haas, qui avait racheté Deberny & Peignot en 1973, a donné 6 669 poinçons. Une grande partie du patrimoine de poinçons typographiques de la fonderie D & P se trouve ainsi conservé au cabinet des Poinçons.

En 1994, le dossier de protection complémentaire recense 133 231 poinçons, à la suite de donations des fonderies suivantes : 113 269 poinçons de D & P en 1973 et Haas en 1989, 565 poinçons de Neuville en 1990, 437 poinçons de Plon-Nourrit en 1991, plus accents et signes d’origines diverses.

Un complément de 3700 pièces est venu s’ajouter à cette listen correspondant à des créations et réfections de caractères entre 1946 et 1994.

Le total des poinçons typographiques en acier conservés à l’Imprimerie nationale s’élève à 226 141 pièces.

 

Bibliographie sommaire

 

André (Jacques) et Laucou (Christian), « La typographie royale, impériale, nationale... » [chapitre IV], dans Histoire de l'écriture typographique : le XIXe siècle, Paris, Ateliers Perrousseaux, 2013.

Espinasse (Michel) et Lecocq (Michel), Cahier d'apprentissage des fondeurs de l'Imprimerie nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1978.

Fournier (Pierre-Simon), dit le jeune, Manuel typographique utile aux gens de lettres et à ceux qui exercent les différentes parties de l'Art de l'Imprimerie, chez l'auteur, 1764-1766, 2 vol.

Gable (Nelly), « Les déambulations du graveur de poinçons et de son chariot », dans Guide déraisonné des collections du Musée de l’imprimerie et de la communication graphique, dir. Alan Marshall, Éd. EMCC, 2014.

Gable (Nelly), « Le Gauthier », Graphê, n° 70, 2016.

Gable (Nelly), « Promenade fantastique du graveur à l'ouvrage », dans Splendeurs des vocabulaires des métiers d'art, Paris, Société française de terminologie, 2016.

Gable (Nelly) et Paput (Christian), « Pérennité des poinçons et matrices » [chapitre 4], dans Histoire de l'écriture typographique : le XXe siècle. Tome I : de 1900 à 1950, Paris, Ateliers Perrousseaux, 2016.

Grinevald (Paul-Marie) et Paput (Christian), L'Encyclopédie Diderot et d'Alembert : les métiers du livre, Paris, Bibliothèque de l'image, 1994.

« Imprimerie nationale », dossier spécial de Arts et métiers du livre (articles de J. André, P.- M. Grinevald, J. Mosley, O. Nineuil, Ch. Paput, etc.), décembre 2004.

Moxon (Joseph), Mechanick exercices on the whole Art of Printing, Londres, Oxford University Press, 2e éd., 1962, p. 487 [1re éd. en 1683-1684 : premier manuel pratique de typographie et de fonte de caractères].

Paput (Christian), La Lettre, la gravure du poinçon typographique, the punchcutting, TVSO Éd., 1998.

Smeijers (Fred), Les Contrepoinçons. Fabriquer des caractères typographiques au XVIe siècle, dessiner des familles de caractères aujourd'hui, Éditions B 42, 2014.

Smeijers (Fred), Counter Punch, Londres, Hyphen Press, 1996.

Wilkes (Walter), Von Schriftgriessen, Darmstadt, Technische Hoschschule, 1987.

 

Filmographie sommaire

 

La mémoire vive de l'écrit – volume 1 et 2 - le poinçon de l'euro. Atelier du Livre d'art et de l'Estampe, réalisé par Axel Nilson, production Imprimerie nationale, 2006, 30 mn.

Carl Dair at Enschedé, the last days of metal type, coproduction Sheridan College et Massey College, 2015, 36 min.

Disponible en ligne : https://vimeo.com/165201643

● The last punchcutter, réalisé par Giorgio Affanni et Gabriele Chiappanini, Griffo production, 2014, 6 min 49. Disponible en ligne : https://vimeo.com/169673676

 

Sitographie sommaire

 

L'Imprimerie nationale, l'Atelier du Livre d'art

http://www.imprimerienationale.fr/fr/l-atelier- du-livre-d-art/l-atelier/le-patrimoine.html [consulté le 05/01/2018]

Typographie

http://www.plume-et-papier.com/typographie.php  [consulté le 05/01/2018]

Nom

Nelly Gable

Fonctions

Graveur de poinçons typographiques, responsable du cabinet des Poinçons à l’Imprimerie nationale, Maître d’art depuis 2013

Coordonnées

06 65 03 73 10

nelly.gable@imprimerienationale.fr

nellygable@aol.com

Pour l’inclusion de la gravure de poinçons typographiques à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel, 14 lettres de soutien ont été adressées à Nelly Gable :

Jacques André, ancien directeur de recherche INRIA (retraité), historien de la typographie

Michela Bussotti, spécialiste de l’histoire du livre et des techniques d’impression en Chine, maître de conférences (HDR) de l’École française d’Extrême-Orient

Patrick Goossens, historien des techniques de l’imprimerie et membre du conseil de l’organisation des amis du musée Plantin Moretus à Anvers

Thomas Huot-Marchand, directeur de l’Atelier national de recherche typographique (ANRT)

Remi Jimenez, maître de conférences à l’Université de Tours et membre du conseil d’administration de la Société bibliographique de France

Innokentii Keleinikov, professeur de typographie et des arts et métiers du livre à l’Institut des arts et métiers du livre de l’université polytechnique de Moscou ; responsable de l’Atelier de composition à main, graphiste, illustrateur, graveur

Hugh Macfarlane, imprimeur de presse privé

Alan Marshall, ancien directeur (retraité) du musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique de Lyon ; président de l’Association of European Printing Museums

James Mosley, professeur au département de Typographie de l’université de Reading (Royaume-Uni)

Axel Nilson, directeur de Softygo, a réalisé en 2006 un DVD consacré aux différents métiers de l’Atelier du livre d’art et de l’estampe pour l’Imprimerie nationale

Philipp Rehage, professeur de lettres à Fribourg-en-Brisgau

Alice Savoie, chercheuse en histoire de la typographie, enseignante à l’ENSBA Lyon et l’Atelier national de recherche typographique (ANRT) à Nancy et créatrice de caractères

François Weil, graphiste

Charles Whitehouse, historien des techniques typographiques et de l’imprimerie

Ainsi que 4 lettres de consentement :

Richard Ärlin, graveur, fondeur de caractères typographiques et imprimeur à Stockholm

Ramiro Espinoza, designer typographique hollandais, stagiaire en gravure de poinçons au cabinet des Poinçons en 2017

Nick Gill, imprimeur et fondeur de caractères (Royaume-Uni)

Frédéric Tachot, typographe, fondeur de caractères en plomb

Nom

Nelly Gable

Fonctions

Graveur de poinçons typographiques, responsable du cabinet des Poinçons à l’Imprimerie nationale

Nom

Élodie Bayart

Fonctions

 Étudiante en Master 2 « Anthropologie, muséologie, patrimoine immatériel et collections », université de Strasbourg

 

Enquêteur(s), chercheur(s) ou membre(s) du comité scientifique associé

 

Nom

Élodie Bayart

 

Fonctions

Étudiante en Master 2 « Anthropologie, muséologie, patrimoine immatériel et collections », université de Strasbourg

 

Lieux(x) et date/période de l’enquête

 Imprimerie nationale (juin 2017-février 2018)

 

 

Données d’enregistrement

 

Date de remise de la fiche  : 6 février 2018

Année d’inclusion à l’inventaire  : 2018

N° de la fiche  : 2018_67717_INV_PCI_FRANCE_00394

Identifiant ARKH  : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2lb

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Poinçon_(imprimerie)

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