La fête des Olives vertes marque le début de la récolte des olives à Mouriès
La fête des Olives vertes marque le début de la récolte des olives à Mouriès (Bouches-du-Rhône) et dans la vallée des Baux. Elle ouvre la saison des olivades, qui se termine début décembre avec la commercialisation de l'huile primeur. La fête des Olives vertes est importante pour l'identité villageoise. Bon nombre de personnes ne revêtent le costume traditionnel que ce jour-là, alors que d'autres fêtes mouriésennes en donnent l'occasion (fête du Club taurin-fête du Ruban, ou Noël, par exemple). Si l'on doit étrenner un nouveau costume, on choisira la date de la fête des Olives vertes pour le faire.
La fête des Olives vertes marque le début de la récolte des olives à Mouriès (Bouches-du-Rhône) et dans la vallée des Baux. Elle ouvre la saison des olivades, qui se termine début décembre avec la commercialisation de l'huile primeur. La fête des Olives vertes est importante pour l'identité villageoise. Bon nombre de personnes ne revêtent le costume traditionnel que ce jour-là, alors que d'autres fêtes mouriésennes en donnent l'occasion (fête du Club taurin-fête du Ruban, ou Noël, par exemple). Si l'on doit étrenner un nouveau costume, on choisira la date de la fête des Olives vertes pour le faire.
La fête s'inscrit dans le cadre d'une activité agricole qui rythme encore aujourd’hui la vie du village, contrairement à d'autres fêtes qui ne sont plus que la trace d'activités passées. Après un demi-siècle d’existence, la fête a une vocation de transmission intergénérationnelle affirmée, tant dans le domaine des traditions provençales que dans celui des savoir-faire liés à l’oléiculture. Les éléments principaux de son programme sont un grand défilé traditionnel en costumes régionaux et des concours fondés sur des savoir-faire liés à l’oléiculture : concours du meilleur casseur d’olives et concours de confection d’aióli.
La fête des Olives vertes de Mouriès rassemble des visées multiples et fait intervenir de nombreuses instances et associations indépendantes les unes des autres : commune, associations locales, corporations professionnelles, paroisse, groupes traditionnels et associations invitées, prestataires divers (orchestres, forains). Plusieurs groupes de personnes sont impliqués dans l’organisation de la fête :
● le comité des fêtes de Mouriès et la municipalité : la Ville de Mouriès intervient par le biais du comité des fêtes, qui a plusieurs prérogatives : régir les droits de place des exposants de la foire, décorer, organiser les concours, inviter et payer les groupes traditionnels, ordonner le défilé, organiser le bal et tenir un stand de produits du terroir. Plus généralement, la Ville s’occupe de l’intendance, de la réglementation, de l’infrastructure.
● les mouliniers de la vallée des Baux
● les associations d’oléiculteurs, les syndicats de producteurs, les propriétaires récoltants et les acteurs de la filière de production de l’olive AOC Vallée des Baux de Provence : l’Association des producteurs d’olives de table de la vallée des Baux assure ainsi, quinze jours avant la fête, la promotion médiatique et commerciale des olives, en invitant des journalistes à une journée de presse chez l’un des membres de l’association ; discrète lors de la fête, elle mène un travail qui rejaillit en partie sur le succès de la manifestation. Les confiseurs, membres de l’association, vendent au comité des fêtes les 500 seaux d’olives que leur stand requiert lors de la fête. ● les associations locales, non spécialisées : parmi les associations présentes, citons l’association Cré’Alpilles, qui organise une exposition d’art, et le Club taurin local, qui prend en charge le spectacle aux arènes. Longtemps, l’association « Chemin faisan » a œuvré à la valorisation du patrimoine culturel des Alpilles par l’éducation à l’environnement. Elle distribuait tout au long de l’année du matériel pédagogique en milieu scolaire, concernant entre autres l’olivier, sa symbolique, sa culture ; pour la fête, elle organisait gratuitement des visites d’oliveraies en calèche et la visite d’un moulin à huile abandonné.
● l’ensemble de la population locale participant aux fêtes
● les groupes traditionnels invités
● le public de la fête, les visiteurs et les touristes.
Lieu(x) de la pratique en France
Mouriès (Bouches-du-Rhône)
Pratique similaire en France et/ou à l’étranger
Des fêtes de l’olive et des produits oléicoles existent dans d’autres départements français producteurs (par exemple dans la Drôme, à Nyons) ainsi qu’à l’étranger (Italie, Espagne, Grèce…)
Lancée en 1968 par le maire, la fête des Olives vertes de Mouriès a rapidement pris de l’ampleur pour devenir aujourd’hui aussi importante –en termes de fréquentation sinon d’intensité- que la fête votive du village. Au départ simple trophée taurin, elle ressemble, presque un demi-siècle plus tard, à une grande foire, assortie d’un défilé traditionnel exceptionnel et de multiples animations. Son unité ne naît pas de ses diverses composantes, mais de son thème. Le destin de Mouriès est lié à l’oléiculture, en tant que « première commune oléicole de France », et la cueillette des olives vertes pour la confiserie est un moment important pour les habitants du village, mi-septembre, car elle ouvre la période de l’olivaison. Le succès actuel de l’huile d’olive, élément-clé du régime méditerranéen, reconnu pour ses qualités gustatives et organoleptiques, pousse à envisager cette fête en termes de plus en plus économiques. Il ne faut pourtant pas sous-estimer la fonction symbolique de ces prémices, même si elles n’ont pas d’équivalent attesté dans les sociétés préindustrielles qui pratiquaient l’oléiculture. Vieille de près d’un demi-siècle, la fête des Olives vertes s’est en tout cas transmise de génération en génération, à l’ouverture de la saison des olives.
La fête des Olives vertes est organisée par le comité des fêtes de Mouriès. Cependant, comme elle implique beaucoup de monde, on peut distinguer le public et les organisateurs proprement dits. L’aspect polymorphe de la fête s’explique par la conjugaison de ces diverses volontés organisatrices. La visée des unes est la sociabilité villageoise, celle des autres est le profit ou le commerce, mais tous se retrouvent pour admettre l’incidence bénéfique de la fête sur la communauté locale. En résulte une fête plus divertissante que cérémonielle, qui récupère les aspects classiques des fêtes provençales (bouvino, tradition, pratiques religieuses), tout en leur superposant une kyrielle d’activités connexes, dont on peut supposer qu’elles ouvrent la fête à un public largement extérieur, pas nécessairement préoccupé d’identité locale.
Le déroulement de la fête
Les activités associées à la fête des Olives vertes de Mouriès apparaissent à certains égards hétérogènes. Plusieurs d’entre elles, juxtaposées, ont lieu en même temps dans des espaces différents. Seule l’activité des concours (concours du casseur d’olives, suivi du concours d’aióli) concerne directement le produit support. Depuis quelques années, des repas en commun sont programmés dans le parc du Moulin Peyre, ancien moulin à huile reconverti en lieu patrimonial de la commune.
Le samedi se prête à la découverte de l’espace festif mouriésen à travers des animations qui se prolongent toute la journée. Le public est appelé à flâner dans la foire aux expositions (art, véhicules anciens…) ou à visiter les oliveraies et les moulins.
Le seul événement qui structure la fête pendant cette première journée est le concours du casseur d’olives, suivi depuis quelques années par le concours d’aióli, auparavant organisé à un autre moment, durant la fête votive du village au mois d’août. Ces concours prennent place le samedi à partir de 15 h au Cours, la rue principale. Le concours du casseur d’olives est organisé par le comité des fêtes d’après une idée de l’association des producteurs d’olives de table de la vallée des Baux. Trois catégories de compétiteurs (hommes, femmes, enfants) doivent casser le maximum d’olives pendant des périodes de trois minutes. Ils sont présentés avec la mention de leurs villages d’origine, et le public qu’ils attirent est composé aussi bien d’anciens du village que de touristes de passage. Dans l’espace ouvert de la rue, le concours offre un spectacle divertissant. Les gagnants sont récompensés par des prix symboliques (olives, céramiques provençales, trophées sportifs). Les sponsors principaux du concours sont la compagnie d’assurance Groupama et le Mas de la Tàpi, un producteur d’huile d’olive.
Le soir, au terme des animations diurnes, la fête se concentre autour d’activités plus rassembleuses : à l’église était donnée pendant plusieurs années une « sérénade à la population », pour ceux qui apprécient le chant classique ; sur le cours est donné un bal pour les amateurs de musiques actuelles.
La journée du dimanche est nettement plus homogène sur le plan structurel. Le programme se construit autour d’activités plus classiques et qui ne se chevauchent plus. Les thèmes de la culture régionale sont particulièrement mis en valeur. Une messe en provençal ouvre la matinée, qui se poursuit par le défilé traditionnel provençal majestueux en présence de la Reine d’Arles. Ce défilé qui mobilise environ 600 participants présente pour l’essentiel des costumes traditionnels de 1800 à nos jours, de vieux outils, des calèches, des musiques et des chorégraphies régionales. Le public spectateur constitue une haie d’honneur le long du parcours du défilé.
Le dimanche après-midi, la fête se poursuit aux arènes, après l’apéritif puis le repas champêtre. L’entrée aux arènes est payante, mais les gradins sont combles : il s’agit d’un temps fort de la fête. Les groupes traditionnels sont sollicités pour exécuter avant la course une « grande capelado » (salutation, coup de chapeau). Chaque groupe y fait preuve de son talent dans une suite de danses traditionnelles : farandoles, chivau frus (chevaux jupons), etc. Par paires, les arlésiennes tiennent des arceaux d’olivier, tressés par les membres des associations locales de maintien des traditions. Après presque une heure de spectacle chaleureusement applaudi, la « finale du trophée des Olives vertes » permet à des raseteurs professionnels de se mesurer à des taureaux de manades différentes. La course dure environ deux heures et les enchères montent haut. Après la rentrée du dernier bióu, les Arlésiennes reviennent sur la piste pour faire honneur aux raseteurs et aux manadiers en leur remettant les trophées.
Après avoir chanté la Coupo santo en accompagnant la peña (orchestre de cuivres et percussions), le public retourne lentement au village en commentant la course. Sur le Cours, entre les bars, quelques danses traditionnelles s’achèvent puis, dans le passé, l’apéritif dansant et le bal du soir concluaient la fête ; ils ne sont plus organisés de nos jours. Le lendemain, l’après-midi bouliste a longtemps été un prolongement attirant les passionnés munis de leurs licences, sans grand rapport avec le reste de la manifestation.
Deux concours fondés sur des produits oléicoles
Pour comprendre les différentes manières d’envisager à Mouriès les produits oléicoles comme des ressources patrimoniales et l’étendue des représentations associées, comparons le concours d’aióli et le concours du meilleur casseur d’olives. Ces deux compétitions, longtemps organisées à deux moments différents de l’année (la première en août, à l’occasion de la fête votive du village ; la seconde, pendant la fête des olives vertes), sont depuis quelques années fixées tous les deux, à l’occasion de la fête des Olives vertes en septembre.
Le concours d’aióli met en jeu l’honneur des détenteurs d’un savoir-faire (confectionner un aióli< /em>) et entraîne une notation qualitative. Il concerne une activité longue et délicate, dont le succès doit être qualitativement déterminé. Le concours d’aióli est en effet plus long : la confection des aióli dure environ une demi-heure, et le jury évalue les résultats en fonction de trois critères subjectifs : « le goût, la consistance, le contenu ». Chaque candidat peut réaliser la recette à sa convenance, en incorporant l’ail, le sel, les œufs dans les quantités qu’il souhaite. Seule la quantité d’huile est fixée à ¼ de litre. Les candidats, au nombre de sept en 1999, étaient cinq femmes mûres de Mouriès, un homme de Châteaurenard, et un enfant âgé de 12 ans. Vingt ans plus tard, en 2019, ils sont une douzaine et leur composition sociologique est à peu près comparable : des femmes de Mouriès, mais aussi des visiteurs d’un jour et des étrangers. Chacun a apporté son pilon et son mortier, supposés faire partie de l’équipement culinaire de toute maison en Provence, mais le comité des fêtes en prête. Les tables du concours d’aióli sont posées à même la rue et attirent des personnes intéressées par la qualité et le caractère original et personnel des plats réalisés. Quand les aióli sont « montés », c’est-à-dire ont pris une consistance ferme, dite « bonne consistance », une personne neutre numérote les assiettes et prélève des échantillons destinés au jury, assis à une table à l’écart. Composé de trois ou quatre personnes amateurs (le maire, l’adjointe aux festivités et deux habitants), le jury est muni de grilles, où il doit noter sur 5 « les ingrédients, le goût, la tenue » (les anciens critères étaient : le goût, la consistance et le contenu). Les délibérations s’avèrent laborieuses, car il s’agit d’un jugement sur des critères complexes, qui doit faire intervenir à la fois une notation absolue (chaque critère est noté sur 5 points) et une notation relative (chaque production est notée par rapport aux autres). Certaines préparations sont jugées « trop aillées ». D’autres étonnent, car elles sont « montées » trop rapidement. Un ou deux novices s’inscrivent toujours, attirant des commentaires et éventuellement quelques moqueries gentilles.
Le concours du meilleur casseur d’olives sollicite une technique dérisoire (casser les olives avec un cul de verre sur une planche en bois) et évalue le candidat quantitativement, selon le nombre d’olives cassées en trois minutes. L’activité technique est primaire. Même des enfants très jeunes peuvent y participer, le geste technique du cassage étant à portée de tous. Le concours du casseur d’olives, où le jury se borne à compter et à annoncer le nombre d’olives cassées de chaque candidat, est facile à évaluer, avec des critères quantitatifs (combien d’olives cassées en 3 minutes, par catégories). Il a lieu sur une estrade (podium). Longtemps, il a été commenté par un « Monsieur loyal »et les confiseurs (des notables) servaient de jury. Un cercle de spectateurs s’y forme, très ouvert par l’origine de ses compétiteurs, par sa forme d’animation-spectacle, par sa nécessité de rendement, par les toges de protection en plastique (aseptisées) que portent les compétiteurs et le jury, par son caractère médiatique et son ambition « mondiale ». Les résultats sont donnés après le décompte par des arbitres du nombre d’olives cassées par chacun des candidats.
Cette comparaison présente deux figures de l’identité locale, fondées sur l’exploitation festive de deux produits. Les olives vertes sont le prétexte d’une mise en valeur de l’identité à l’usage de l’extérieur, tandis que l’aióli serait plutôt utilisé pour une valorisation interne, intime, domestique. Deux jeux techniques possèdent des valeurs différentes. Le concours d’aióli met en jeu l’honneur des concurrents ; le concours de cassage d’olives a une valeur compétitive. Dans le premier, monter un aióli mobilise un savoir-faire culturel reconnu et délicat, supposant une recette personnelle pour se différencier, tandis que dans le second, casser des olives fait appel à une technique facile à mettre en œuvre.
Le défilé
Le défilé du dimanche matin est présenté dans les programmes de la fête comme « grand défilé provençal ». Il réunit, par ses nombreuses troupes, plusieurs centaines de personnes costumées pour la plupart en costumes régionaux provençaux. Il est placé sous la présidence du maire du village, mais aussi des autorités traditionnelles de la région : Reine d’Arles, reine du ruban de Mouriès, représentants du monde de la bouvine. Dans les programmes figurent des défenseurs des traditions provençales, des groupes traditionnels constitués, venus de différentes localités (Martigues, Les Milles, Istres, Eygalières, Fourques, Vitrolles, Saint-Rémy, Maillane, et au-delà, de Nice à Perpignan et Rodez, Avignon, Orange…), et des bénévoles qui participent en leur nom propre.
En 2019, le thème du défilé était celui de l’art, et plusieurs groupes évoquaient le passé artistique de Mouriès. Une autre thématique importante de l’année 2019 était le 150e anniversaire de la naissance du marquis Folco de Baroncelli (Aix-en-Provence, 1869-Avignon, 1943), écrivain et manadier : outre des représentants de sa famille et de la Nacioun gardiano, dont il fut le fondateur, toute une troupe de cow-boys et d’indiens évoquaient le temps où le marquis avait invité en Provence la troupe du Buffalo Bill Wild West Show. Enfin, le Réveil tarasconnais, harmonie locale de Tarascon, et une peña assuraient l’ambiance musicale, sans oublier tous les musiciens de chaque groupe et les Tambourinaires de la vallée des Baux.
L’implication du public
La fête ne s’adresse pas seulement au petit monde des mainteneurs de traditions provençales. Lors de la foire à la brocante, elle doit ainsi admettre pour fonctionner la « société des loisirs » caractéristique de la société globale actuelle. Le samedi, cette foire est une déambulation collective semblable à n’importe quel marché d’antiquaires. Beaucoup de travailleurs du tertiaire, venus de Salon-de-Provence, d’Istres ou d’Arles, viennent y chiner, sans aucune référence explicite à une quelconque identité villageoise. La présence du public extérieur, ou même étranger, ne contrevient en rien à la tradition, faisant de la fête des Olives vertes une occasion patrimoniale de mise en spectacle de l’identité plus qu’une occasion traditionnelle de ressourcement villageois.
Cela n’empêche pas un public provençalisant, soucieux du maintien des traditions régionales, d’être présent à la fête. Mais il a ses lieux de fréquentation spécifiques : les arènes et l’église. Le moment où il occupe la rue est circonscrit à deux occasions : le bal du samedi soir, qui est plutôt un moment informel de retrouvailles, et le défilé du dimanche matin, où l’on se plaît à se donner à soi-même le spectacle de sa propre identité, avec solennité.
Depuis quelques années, des repas pris en commun sont programmés : les « repas champêtres » accueillis dans le parc municipal du Moulin Peyre. D’autres préfèrent déjeuner chez les restaurateurs locaux, voire dans des maisons privées, où sont organisés de véritables banquets (jusqu’à 80 convives). Ces repas, organisés à titre individuel par des amateurs passionnés de traditions ou de tauromachie, sont à proprement parler des fêtes dans la fête. La multiplicité des repas permet à chacun de manger selon ses goûts : repas gastronomiques, mettant à l’honneur les huiles de Mouriès, ou bien paëlla populaire, il y en a pour tous les goûts.
Ainsi, le public local s’identifie largement à la fête, s’y investit même considérablement, sans pour autant se fermer sur lui-même. L’espace public de la rue est temporairement abandonné au public qui peut profiter des animations prévues.
La fête des Olives vertes de Mouriès a caractère « récent » et « ouvert ». Par rapport à d’autres fêtes provençales, elle n’a qu’un demi-siècle d’ancienneté, qui n’a pas empêché une transmission intergénérationnelle, gage de la continuité des rituels conçus il y a cinquante ans dans la continuité de pratiques agropastorales anciennes. En juxtaposant des activités hétérogènes, ludiques, commerciales et didactiques, la fête rencontre le succès et une grande ouverture sur un public touristique et extérieur. Elle a intégré de nombreux néo-résidents de la vallée des Baux-de-Provence. L’identité locale y est mise en spectacle et s’accompagne d’un discours explicite sur le patrimoine culturel local, d’autant plus frappant que la fête est de création récente. Un produit local, l’olive, sert de catalyseur à la mise en œuvre de signes identitaires. Ce produit, élément d’un environnement, transfuse sur le discours identitaire et prend acte de l’extension récente de la notion de patrimoine à différentes typologies culturelles. Cette transfusion est due à l’ouverture de la fête à des phénomènes de loisir et d’engouement pour le passé, propres à la société globale. Elle fait coïncider le « culturel » (la culture régionale provençale) et le « cultural » (les cultures oléicoles du terroir de la vallée des Baux). L’engouement pour les productions oléicoles provençales offre aussi un contexte commercial favorable. Ce succès pousse les décideurs locaux à utiliser le nouveau patrimoine des moulins à des fins de développement local. Ce qui n’était qu’un prétexte commode pour imaginer une nouvelle fête est ainsi devenu, en près d’un demi-siècle, le moteur d’une dynamique locale, qui met consciemment en avant son caractère patrimonial.
Français, provençal
Patrimoine bâti
Le moulin Peyre est un ancien moulin à huile réhabilité par la Ville de Mouriès en lieu culturel : maison de l’Olive et de l’Olivier et maison de la Vie associative. Lors de la fête des Olives vertes, des repas en commun sont organisés dans son parc. Des expositions d’outils oléicoles ont été réalisées dans les bâtiments. D’autres moulins, encore en activité, sont ouverts à la visite à l’occasion de la fête, occasion de promouvoir la filière oléicole.
Objets, outils, matériaux supports
Lors du défilé festif sont mis en scène les objets et l’outillage de la récolte des olives : charretons, paniers anciens, chevalets, bâches servant à collecter les olives, etc.
L’apprentissage et la transmission de la participation aux fêtes chaque année se fait au sein des familles, principalement dans celles qui possèdent des oliviers, mais aussi dans le reste de la communauté villageoise.
Le défilé présente les anciens métiers agricoles, avec une vocation pédagogique qui s’adresse aux plus jeunes.
Les groupes de défense des traditions provençales transmettent, à l’occasion de la fête, leur savoir-faire lié aux costumes et aux danses.
Les mouliniers et les restaurateurs de Mouriès transmettent leur savoir-faire, lié à l’usage de l’huile d’olive dans la gastronomie.
En 2019, la paroisse a présenté dans l’église de Mouriès une exposition consacrée à l’huile d’olive dans les textes sacrés. Le curé du village exposait les différentes huiles utilisées pour le culte : huile des malades, huile des catéchumènes et Saint-Chrême.
L’oléiculture en Provence
Dans la société traditionnelle provençale, il existe peu de fêtes de l’olive, à l’exception du repas de fin de récolte chez les plus gros exploitants. La récolte des olives, coïncidant avec le début de la saison froide, est souvent perçue comme un travail pénible.
En 1947, pourtant, une confrérie des Oliverons baussencs est fondée aux Baux-de-Provence par des peintres, dont Auguste Chabaud ou Antoine Serra, et des hommes de lettres provençaux. Durant deux ans, la confrérie intronise des membres sur le modèle des confréries vineuses ; elle donne une fête avec spectacle folklorique devant des personnalités du monde félibréen et politique. Le gel de l’hiver 1956 détruit la quasi-totalité de l’oliveraie provençale, imposant une bonne dizaine d’années de silence, le temps que les repousses soient productives à nouveau. En 1968, dans un contexte de reconquête, le maire de Mouriès, André Blanc, prend l’initiative de lancer, dans sa commune, la « fête des Olives vertes ».
En 1985, on parle encore du recul de l’olive (Amouretti et Comet, 1985), mais à partir de 1990 les producteurs commencent à promouvoir leur activité dans le cadre de la confrérie des Mouliniers, fondée pour l’huile, de l’Association des producteurs d’olives de table de la vallée des Baux et du Syndicat interprofessionnel oléicole. La demande s’emballe en Europe du Nord et on s’accorde à reconnaître à l’huile d’olive des vertus médicales, à l’origine de la valorisation croissante du « régime méditerranéen ». Des ouvrages de vulgarisation sont édités (Bonnadier 1989, Verdié 1990, Bottani 1994, Dupont 1999). Ce véritable engouement aboutit, au printemps 1997, à l’enregistrement de plusieurs labels de qualité AOC, selon un schéma typique du processus patrimonial : la valorisation et la fête suivent une période de crise et la relance culturelle accompagne la relance économique.
Aujourd’hui, l’huile AOC de la vallée des Baux coûte plus de 20 euros/litre et la fête des Olives vertes se ressent favorablement de l’engouement général pour l’olive, avec une fréquentation croissante d’année en année. Les producteurs se réorganisent en permanence et multiplient les instances professionnelles. L’Office national interprofessionnel des Céréales (ONIC) a d’abord créé la Société interprofessionnelle des oléagineux (SIDO), remplacée ensuite par l’Office national interprofessionnel des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (ONIOL). Dans ce cadre général agissent aussi l’Association française interprofessionnelle de l’olive (AFIDOL) et l’Union des groupements d’oléiculteurs (UGO). Ces instances répartissent les subventions, perçoivent les taxes et assurent le suivi des plantations. Comme pour la vigne a été mis en place un Casier oléicole national.
Parmi les produits oléicoles mouriésens, les olives vertes, labellisées AOC, occupent une place importante malgré une production, restreinte, de 200 tonnes environ pour l’ensemble de la vallée des Baux. Elles sont préparées selon la recette locale des « olives cassées au fenouil », qui diffère de la recette plus connue des « picholines vertes en saumure » (Amouretti et Comet, 1985). La recette domestique consiste à « casser » (cacha : écacher, meurtrir sans écraser le noyau) les olives avec le cul d’un verre et à les désamériser en les faisant séjourner neuf jours dans une eau changée quotidiennement, puis à les conserver dans une saumure aromatisée au fenouil. Les confiseurs industriels ont adopté pour leur production la recette des picholines, en trempant leurs olives quelques heures durant dans de la lessive de soude, afin de réduire les problèmes de stockage. L’inconvénient de cette seconde méthode est de réduire (d’un an à trois mois) le temps de conservation du produit fini. La commercialisation doit donc être efficace et rapide, sous peine de voir les stocks se perdre. La nature chimique de la soude, incompatible avec une image artisanale du produit, pousse les producteurs à en occulter la présence. Les communiqués de presse parlent d’une « lessive » sans en divulguer la nature. Pourtant, la soude n’est qu’une plante marine qui contient du sel alcali (en arabe : al-qilyi/em>, soude, ou al-qâly, cendre), innocente héritière de la cendre, dont l’utilisation était attestée anciennement pour la préparation des olives de table.
La fête des Olives vertes de Mouriès
Lorsque la fête est lancée, en 1968, son programme tient en une page, au dos du programme de la fête votive d’août. Une simple course camarguaise (concours de manades) est suivie d’un bal, le dernier week-end de septembre. Le rapport avec les olives vertes repose alors davantage sur la date de la fête que sur l’organisation d’activités spécifiques. Dès 1969, la date est avancée au week-end précédent, du fait d’une concurrence avec la fête votive de Saint-Rémy de Provence, et le programme s’étoffe d’un spectacle folklorique et d’une animation musicale.
En 1973, le « trophée taurin des Olives vertes » est mis en place, récompensant les meilleurs raseteurs et manadiers d’une série de dix courses dans la saison. Le groupe traditionnel mouriésen « Lis oulivarello », qui allait animer la fête jusqu’en 1994, fait son apparition et instaure un défilé traditionnel. À partir de 1981, un nouveau curé accepte de donner un sermon en provençal sur le thème des olives : il remercie Dieu pour la création de l’olivier et fait mention du travail de l’homme. L’église est alors décorée de produits oléicoles.
Depuis 1995, le dimanche de la fête des Olives vertes attire plus de monde que la fête votive. Les jeux taurins de rue (abrivado), instaurés pour doubler ceux des arènes dans les années 1980, sont supprimés pour leur danger dans une foule devenue trop dense. Parallèlement ont émergé des attraction de formes plus diversifiées. Outre les composantes d’origine (tradition provençale, bouvino) sont mis en place une concentration de véhicules anciens (depuis 1989), le concours mondial de casseurs d’olives (depuis 1994), une exposition de peinture et une foire aux produits du terroir. Dénommée « traditionnelle brocante-artisanat-produits du terroir », cette foire draîne une foule éclectique dans les rues, autour de quelques stands seulement d’olives cassées (moins de dix) et d’un grand nombre d’artisans divers (plus de cinquante). Quant aux activités liées à la tradition provençale, elles ont largement évolué : les quelques Mouriésens costumés des débuts sont devenus un imposant défilé de groupes constitués des dernières années, réunissant plusieurs centaines de participants costumés.
Vitalité
La fête des Olives vertes connaît un succès renouvelé d’année en année, notamment par son défilé, qui réunit de très nombreux groupes.
Menaces et risques
Il existe des risques communs à toutes les fêtes de ce type, du fait des normes et des politiques sécuritaires qui compliquent l’organisation des activités dans l’espace public.
L’évolution du climat rend aussi problématique le maintien d’une oléiculture traditionnelle en Provence. Certaines années, du fait de la sècheresse ou des maladies des oliviers, il est difficile de récolter les olives vertes à temps, avec une compensation assurée par des fruits issus de vergers irrigués et traités.
Modes de sauvegarde et de valorisation
Dès sa création (1968-1972), la fête des Olives vertes a été conçue comme un mode de sauvegarde et de valorisation de l’oléiculture locale, mise à mal alors par le gel de 1956. Près de cinquante ans plus tard, l’économie oléicole de la région s’est renforcée, contribuant à son tour à faire reconnaître la fête des Olives vertes, annoncée sur le livret des festivités de la ville de Mouriès et sur les agendas régionaux des festivités, tel le journal Farandole, diffusé dans tout le pays d’Arles.
Actions de valorisation à signaler
Un petit journal imprimé sur format A3 plié en deux, Le Petit Mouriésen, présente le programme du défilé du dimanche matin, en nommant tous les groupes présents.
Le comité des fêtes de Mouriès distribue gratuitement la recette des olives cassées pendant la fête.
Modes de reconnaissance publique
Les produits oléicoles de Mouriès et de la vallée des Baux ont été reconnus par l’Institut national des Appellations d’origine à l’aide de trois Appellations d’origine contrôlées (AOC) pour la vallée des Baux (huile d’olive, olives vertes cassées, olives noires), décernées en 1997. Dans le même sens ont été attribués deux labels : « Paysage de reconquête » (ministère de l’Environnement, 1993) et « Site remarquable du goût » (Conseil national des arts culinaires, 1994). Avec l’appui de la CEE (DG VI, Développement rural), le Centre économique agricole de l’olivier (CEAO), à Aix-en-Provence, a créé les « Routes de l’olivier » et édité un guide touristique (Bottani, 1994). Parallèlement, le projet ELEA: Producing and Consuming Olives. A contribution to European Culinary Cultural Heritage a reçu des fonds dans le cadre des programmes Raphaël de la CEE pour mener une recherche fondamentale sur le rôle de l’olive dans l’alimentation méditerranéenne.
Les produits oléicoles de la vallée des Baux bénéficient désormais d’une Appellation d’origine protégée (AOP), qui renforce les protections permises par le label AOC. IV.3. Mesures de sauvegarde envisagées
Sous le nom de « Valorisation et Commercialisation des produits oléicoles de la vallée des Baux-de-Provence », le projet déposé par le syndicat AOP Huile & Olives de la vallée des Baux-de-Provence a été retenu dans le cadre du programme Leader du Pays d'Arles 2014-2020. Il est financé par le fonds FEADER et la Région Sud-Provence-Alpes-Côte d'Azur et projet vise à pérenniser la filière oléicole de la vallée des Baux-de-Provence en mettant en place les moyens propices au maintien du potentiel de production et au renouvellement générationnel.
La filière oléicole participe à de nombreux salons, dont le Salon de l’agriculture de Paris.
Récits liés à la pratique et à la tradition
En Provence, au XIXe siècle, le Félibrige exaltait déjà le rôle de l’aióli comme ciment de l’identité provençale et « œuvre traditionnelle et nationale » et les ethnologues connaissent l’importance de ce plat (Schippers, 1986 ; Bromberger, 1989).
Plongeant ses racines dans l’hellénité et synonyme d’une cueillette pénible dans le froid de l’hiver, l’olivier hérite d’antiques valeurs de paix, de continuité et de sagesse (Virgile), de même qu’il représente pour les félibres le courage du peuple paysan. Malgré l’absence d’un culte associé, les produits oléicoles ont donc été sujets à une mise en valeur précoce, d’abord dans les œuvres des peintres et dans les textes provençaux classiques (Mistral dans Mireio), puis dans divers projets à vocation identitaire.
Inventaires réalisés liés à la pratique
Le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) a réalisé en 2004 une campagne-collecte sur les objets liés à l’oléiculture en Méditerranée. Plusieurs objets ont été acquis à Mouriès (Bouches-du-Rhône) à cette occasion.
Bibliographie sommaire
Oléiculture
AMOURETTI Marie-Claude et COMET Georges, Le Livre de l’olivier, Aix-en-Provence, Edisud, 1985, 173 p.
AMOURETTI Marie-Claude et BRUN Jean-Pierre, La Production du vin et de l’huile en Méditerranée, Athènes, École française d’Athènes (« Bulletin de correspondance hellénique », suppl. XXVI), 1993, viii-626 p.
BONNADIER Jacques, Cantate de l’huile d’olive, Avignon, Barthélémy, 1989, 125 p.
BOTTANI Dominique, Le Guide des routes de l’olivier, Lyon, La Manufacture, 1994, 271 p.
Coll., « Les moulins de l’Hérault » [actes de la journée d’étude du 20 décembre 1986], Arts et traditions rurales, Clermont-l’Hérault, dossier n° 6, 1986, vi+154 p.
DUPONT Mathieu, « Huile d’olive : la coulée d’or », L’Express, 3 juin 1999, p. 28-31.
MAILLET Étienne, Le Musée de l’olive de Nyons, essai d’ethnologie muséographique et oléicole, rapport sous la dir. de Christian Bromberger, Aix-en-Provence, 1988.
MAURON Marie, photographies de Jacques Borgetto, L’Homme et l’olivier, Aix-en-Provence, Éditions du NOL, 1984.
VERDIE Michèle, La Civilisation de l’olivier, Paris, Albin Michel, 1990, 167 p.
VIRGILE, traduction de Maurice Rat, Les Géorgiques, Paris, Garnier-Flammarion, 1967.
Fêtes provençales
FOURNIER Laurent-Sébastien, La Fête en héritage. Enjeux patrimoniaux de la sociabilité provençale, Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence, 2005, 188 p.
Filmographie sommaire
● Maryse Mateu, « Du ruban à la cocarde », Mouriès, 2012 :
https://www.youtube.com/watch?v=AJDwcASiOEQ
● « La fête des Olives vertes », prod. Toril TV, 15-16 septembre 2018 :
● « La fête des Olives vertes », prod. TV Sud :
Sitographie sommaire
● Site de l’AOC Baux de Provence :
http://www.aoc-lesbauxdeprovence.com/actualites/fetes-et-evenements
● Site de l’association Tradicioun :
http://www.tradicioun.org/Fete-des-Olives-de-Mouries
● Site de la Mairie de Mouriès :
http://www.mouries.fr/Agenda/47eme-Fete-des-Olives-Vertes
● Site du Moulin coopératif de Mouriès :
BONI Maryse, adjointe aux festivités, 06 60 48 52 28, jml.boni@wanadoo.fr
FERROTIN Julia, présidente du comité des fêtes de Mouriès, 06 82 64 28 20, comitedesfetesmouries@gmail.com
FOURNIER Bernard, employé au moulin coopératif de Mouriès, 1 chemin du Mas neuf, 13890 Mouriès, 04 90 47 53 86, moulincoop@wanadoo.fr
PEREZ Hélène, enseignante, 51 avenue Roger-Salengro, 13890 Mouriès, 04 90 47 65 38, heleneperez@gmail.com ou hey_laine@hotmail.com
PRÈTE Adrien, agriculteur, rue Jean Jaurès, 13890 Mouriès, 04 90 47 53 56
WATON-CHABERT Édith, moulinière, exploitante oléicole, Mas de Vaudoret, 13890 Mouriès, vaudoret@free.fr , 04 90 47 50 13
CHERUBINI Hervé, président de la communauté de communes de la Vallée des Baux, 2 avenue des Écoles, 13520 Maussane-les-Alpilles
FENARD Michel, maire des Baux-de-Provence, hôtel de Manville, 13520 Les Baux-de-Provence
LIMOUSIN Lucien, vice-président du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Hôtel du département, 52 avenue de Saint-Just, 13256 Marseille cedex 20
ROGGIERO Alice, maire de Mouriès, 13890 Mouriès
Rédacteur(s) de la fiche
FOURNIER Laurent Sébastien, maître de conférences HDR en ethnologie, Aix-Marseille-Université
Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré
FOURNIER Laurent Sébastien, maître de conférences HDR en ethnologie, Aix-Marseille-Université
Lieux(x) et date/période de l’enquête
Mouriès (Bouches-du-Rhône), août-septembre 2019 VI.3.
Données d'enregistrements
Date de remise de la fiche : 12 novembre 2019
Année d’inclusion à l’inventaire : 2019
N° de la fiche : 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00450
Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvk258
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia: https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouriès
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