En Haute Bretagne sont fabriquées des corbeilles rondes en lames de châtaignier, reliées entre elles par des brins de bourdaine.
Nom de l'élément : carbasson calbasson, cabasson , bine, cage
Le groupe des vanneries rondes de Haute-Bretagne présentedes montants courbés, à démarrage croisé, et disposés en hémiméridiens. Lescorbeilles de ce type sont appelées au nord-ouest de l’aire de productionbines, au centre cache ou cage, enfin à l’est carbasson, calbasson, cabasson.Les différents noms sont liés au lieu de production, les objets produits étant très semblables. Le nom local désigne plutôt la corbeille que le panier. Ainsi en Penthièvre, la bineest une grande corbeille ronde et le panierconstruit avec la même technique, plus petit, de 25cm par 40, et plus ovale, est simplement appelé le «panier à pommes».
En limite de la zone de production, là où les langues bretonnes,romane et celtique,se rencontrent: «eune ruche» désigne une corbeille en bourdaine et contient «eune ruchée». Il ne s’agit pas d’un abri à abeilles correspondant à l’usage en français. Sont également fabriquées des ruches en cloche (Fig.1), et des ruches coniques (Fig.2). Elles sont crépies de bouse de vache et parfois couvertes de chaume: «en lisièredes forêts, à Merdrignac, comme à Plédéliac, on bâtit des ruches de bourdaine, en forme de cloche […]. Une pousse vigoureuse de châtaignier est fendue en lamelles, qu’on écarte et arrondit, et sur lesquelles on tresse de l’osier [plutôt de la bourdaine?]. On maintient l’écartement, à la base, par des bâtons croisés et on revêt l’extérieur d’un crépi de bouse de vache (LeRoy, 1944).»
Cette vannerie est traditionnellement liée à l’agriculture : récolte, stockage et commerce des denrées. Une corbeille a une contenance de 60 livres, soit un boisseau de grain ou 33 kg de pommes. Ce volume très précis est strictement identique dans des textes respectivement de 1836 et 2002 (Championnère, 1836 et Langlois, 2002). Ceci témoigne d’une forte standardisation de paniers pouvant être utilisés comme normes dans des échanges commerciaux. Pierre Bonamy, fabricant à Acigné en Ille et Vilaine confectionne trois modèles : le demi boisseau, le trois quart boisseau et le boisseau. Au XIX e , les calbassons étaient aussi utilisés par les tanneurs pour le transport du tan (Orain, 1886).
Ce savoir-faire est pratiqué au centre et au nord ouest de la Haute Bretagne : dans le Pays de Rennes, le Pays de Redon, le Porhoët, le Méné, le Penthièvre, le sud du pays de Dinan, et le pays de Loudéac.
Le procédé de fabrication des paniers à montants croisés en lames de bois ne permet pas vraiment de varier les formes exclusivement arrondies. Le montage démarre par la fabrication d’une croix de montants superposés autour desquels sont piqués d’autres montants plats. Les montants de châtaignier fendu sont en nombre pair. Les montants peuvent aussi être en chêne blanc (jeune chêne sans noeud), mais les fermiers ne se vantent pas d’un tel prélèvement, car le chêne est réservé à l’usage des propriétaires. L’armure est réalisée en brins de bourdaine, parfois en osier. Elle est disposée en torche (trois brins tressé s ensemble avec une séquence de devant 2 montants , puis derrière 1 . Le bord est arrêté en renversant les montants, puis en les piquant vers l’extérieur. La fabrication se termine par la pose de deux poignées à un brin piqué ou d’une anse à brins tordus entrelacés.
Les variantes structurelles
La technique de la vannerie à montants courbés en hémiméridien n’autorise que des objets ronds.
Les modes de départ de la vannerie à montants croisés en lames de bois
Le démarrage se fait à montants piqués autour d’une croix. Les montants sont superposés pour former une croix (deux maîtres). Les autres montants, en nombre pair, sont piqués de part et d’autre sur deux niveaux. La croix peut aussi être construite avec un bâton fendu en quatre. On obtient alors une forme conique.
Les armures
Il y a peu de variantes dans les modes de clôture des armures de la vannerie bretonne en hémiméridien. Les brins peuvent être fendus en éclisse ou non selon le diamètre initial de la bourdaine utilisée La clôture de démarrage est « 1 derrière 1 devant 1 ». Les flancs sont tressés avec trois brins utilisés simultanément, avec la séquence « 1 derrière 2 devant 1 ». Elle est employée ave c un nombre de montants pair, ce qui permet d’éviter un départ de clôture en deux endroits opposés. Ce tressage à trois brins renforce la structure et la solidité, mais alourdit l’objet.
Les modes d’arrêt
Les montants plats en bois sont renversés et piqués dans la clôture en torche à trois brins. Dans le cas de la variante à montants en fil de fer, l’extrémité du fil de fer est renversée puis piquée. Un tressage à trois ou quatre brins renforce le bord.
Les équipements
Les poignées à un brin piqué : u n brin est piqué dans la bordure. Il est tordu sur lui même. La poignée est constituée d’un entrelacement de trois courses. Anse à brins tordus entrelacés d eux gros brins sont piqués derrière deux montants opposés, puis tordus sur eux mêmes. Ils sont entrelacés et, après un aller retour, piqués près de leur départ.
Dispositif de production
Les vanniers utilisent un billot. Pierre Bonamy, fabricant de calbassons à Acigné en Ille et Vilaine, travaille penché sur un billot ( Fig. 12 et Fig. 14 ). Auparavant, il a lié à l’aide de clisses les arcs plats croisés et ainsi obtenu la couëzées . Il la pose sur un billot et la tient par le genou. Le tressage se poursuit dans cette position. Les montants sont penchés vers le sol. L’ouvrage est retourné pour le tressage des flancs que le vannier exécute en position assise. Pour faire la poignée, l’ exécutant met un pied dans le fond du panier pour le maintenir. Il utilise une baôge à encoches pour contrôler la taille de cet ouvrage à la taille normée.
La vannerie n’occupe qu’une partie du temps de Pierre Bonamy. Il se satisfait de ce dispositif rudimentaire. Autrefois, les vanniers à plein temps ont dû développer des méthodes permettant une production plus rapide et moins contraignante. Joseph Prioul se rappelle un vannier de calbassons installé à Liffré (Ille et Vilaine) au début du XXe siècle : « le père Ory » (le terme « père » ici désigne le chef de famille). Celui ci utilisait ce que Joseph Prioul appelle « un chevalet ». Il décrit les tâches de pro duction, divisées comme suit : Mme Ory démarre les fonds, puis M. Ory prend le relais. Le châtaignier est préalablement bouilli dans une chaudière. L’exécutant travaille debout devant un chevalet tournant. Le chevalet est monté sur un axe permettant la rot ation, sur lequel la couëzée est fixée grâce à quatre clous. Une reconstitution hypothétique est proposée ici ( Fig. 15 ) Le fond achevé, l’objet est dé taché. Le père Ory dispose de gabarits pour les différentes tailles. Joseph Prioul ne se souvient pas de la suite du montage. Le père Ory a t'il un billot ou attache t'il les montants après les avoir pliés ?
Le nombre d’outils est limité : une serpe pour couper les perches, un couteau à éplucher et à fendre, un môle (moule ) pour former la garde. Le montage n’est pas réalisé dans un endroit spécifique. Il peut se faire en extérieur, au soleil ou à l’abri. Le fabricant se contente d’une chaise. Il travaille assis en faisant tourner l’objet sur les genoux ou entre les jambes. Il se lève régulièrement pour fendre du châtaignier : il écarte les lames en profitant d’éléments fixes pour faire levier. La question de l’entretien et du nettoyage d’un atelier ne se pose pas, les épluchures d’écorces et les copeaux tombent sur le sol et peuvent être balayés ou non.
La bosselle est entièrement façonnée en châtaignier fendu. Les montants sont en nombre impair : neuf par manche, pour la garde et le vétin. L’armure est tressée à brins perdus. Le bord est à montants coupés. Le tressage débute par la fabrication de la garde, le dispositif anti retour des anguilles. Pour commencer, les montants sont plaqués sur le môle , lequel donne la forme en entonnoir de la garde. Les montants sont tenus par un anneau d’osier entortillé, lui même bloqué par une tirette mobile passée au travers du môle.
La vannerie à montants courbés disposés en hémiméridien est particulière à la Bretagne. Les variantes de cette vannerie se partagent le territoire régional sans cohabiter. Leurs aires de diffusion sont plausiblement stabilisées. Elles se caractérisent pa r l’emploi d’un vocabulaire vernaculaire spécifique et probablement ancien, compte tenu d’un mode de transmission de ces savoir faire essentiellement en milieu familial. Les vanneries de ce groupe sont dominant e s, et tous les degrés d’industrialisation (do mestique, villageois, industriel) sont représentés. Tous ces éléments donnent à penser que cette vannerie est native. Sa dynamique de diffusion récente est caractérisée par une régression liée à une disparition des usages et l’arrêt d’une transmission du s avoir au sein des familles.
La vannerie à montants courbés concentriques, localisée à l’ e st de la Bretagne , produit un type d’objets extrêmement homogène : une corbeille ronde, de la même taille, avec les mêmes maté riaux et les mêmes éléments techniques. Ce type ne semble pas avoir été influencé par les autres techniques de vannerie qui se sont développées par la suite sur une partie de ce territoire. À l’ouest, le type natif a été adapté, ce qui lui a permis de rép ondre à l’émergence de nouveaux besoins. Cette adaptation s’est avérée indispensable en l’absence d’autres types techniques, au contraire de la situation à l e st de la région . En considérant la situation strictement du point de vue de la vannerie, des travaux portant sur l’Égypte et sur le Moyen Orient montrent combien de telles techniques familiales se maintiennent sur plusieurs millénaires, en dépit d’autres évolutions culturelles. L’étude diachronique des types de vannerie est à ce titre un indicateur pertinent pour étudier la diffusion des techniques voire parfois la mobilité des populations.
Malheureusement, les sols acides et le climat humide du Massif armoricain rendent difficile la conservation de vanneries anciennes. Il n’y aurait pas de traces de vannerie préhistorique ou antique en Bretagne (source : Annie Bardel, CNRS). Ceci empêche une évaluation de l’ancienneté des types techniques s’appuyant sur des vestiges archéologiques. Hélène Balfet (1964) décrit les environnements qui permettent la conserva tion de la vannerie à travers les âges. Il en découle un avantage des milieux secs sur les milieux humides à l’exception des milieux gorgés d’eau comme le sont les boucles fossiles de la Seine où ont été découvertes des nasses préhistoriques ce qui exp lique en partie le grand nombre de pièces trouvées, par exemple, en Égypte ou au Moyen Orient. Danielle Stordeur (1989) décrit des vestiges de vannerie du Proche Orient vieux de 10 000 ans. « On a constaté dès l’abord, une pleine maîtrise des savoir faire. On assiste également à un autre phénomène […], celui d’une inertie qui a pu peser plusieurs millénaires sans qu’aucun changement ne soit constaté. […] Mais persistance ne signifie pas permanence (Fiches, Stordeur, »
La singularité de ces techniques en Europe, et notamment leur absence dans les régions voisines, sous tend comme hypothèse principale que la Bretagne est le berceau de ces techniques, de facto natives. Un croisement de la cartographie des vanneries en Bretagne avec d’autres ethnographies et des travaux d’archéologie pourrait être fécond, notamment dans la définition d’espaces d’échanges culturels.
La transmission des techniques, et donc des termes afférents, s’est faite au sein de lignées familiales. Potentiellement, des obj ets sont nommés avec des mots empruntés à des langues anciennes par les populations de fabricants et les utilisateurs traditionnels. Les locuteurs des langues romanes et celtiques actuellement parlées en Bretagne n’utilisent pas ou peu ce vocable dans lequ el ils ne retrouvent pas les racines du vocabulaire courant. Citons à titre d’exemple les termes baskodenn (ar vaskoden , Pont l’Abbé, Combrit Sainte Marine, Sud Finistère) carbasson (variantes c abasson, calbasson , b assin Rennais, ou bine nord du Penthièvr e) dont les noms actuels rappellent les mots gaulois bascauda, carbanton et benna désignant eux aussi des objets potentiellement tressés (Delamarre, 2003).
Si l’hypothèse du maintien d’un vocabulaire ancien est validée, elle peut notamment s’expliquer par la mobilité réduite des populations vannières. Les vanniers bretons résident souvent aux confins forestiers des communes. Ils trouvent dans les bois les matériaux de fabrication et en habitent la lisière. Ils vivent loin du bourg et de son influence. Ils participent ainsi d’une civilisation forestière qui vit en marge des autres groupes ruraux, conformément à la description qu’en a faite Suzanne Le Rouzic dans une étude sur les riverains des forêts domaniales de Camors, Floranges, Lanvaux dans le Morbihan (Le Rouzic, 2007).
Pour les populations de la région, la pratique de la vannerie locale est vue comme étant certainement très ancienne. Cette activité ne laissant pas de traces archéologiques distinctes, ou remarquables il est difficile pour les populations de réaliser depuis quand elle existe.
Les communautés identifient les vanneries comme faisant partie de leur patrimoine. Il n’y a cependant pa s à l’heure actuelle d’association porteuse de leur sauvegarde. La thèse soutenue en 2012 par Roger Hérisset est un travail d’ampleur qui a amélioré la visibilité de ces savoirs. Elle s’accompagne de conférences locales et de supports de vulgarisation.
N° d'inventaire Ministère Culture : 2015_67717_INV_PCI_FRANCE_00364
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk26g
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