La mãnn est un panier rond à montants en arcs rampants disposés de façon concentrique et présentant toujours un nombre impair de montants
Savoir-faire Vannier en Bretagne. La forme de l'objet est obtenue par l'utilisation lors du montage d'un gabarit circulaire comprenant des encoches. Les montants sont en châtaignier, noisetier ou en osier. Les brins des armures sont constitués de tiges de bourdaine, de noisetier, de frêne ou d'osier. Les éléments techniques de cet inventaire ont été rédigés à partir d'un entretien réalisé en janvier 2015 auprès d'Armand Prigent (né en 1934), fabricant à Botsorhel, Finistère.
Parmi le groupe des vanneries situées à l'ouest de la Bretagne, il est fait ici une présentation particulière de la mãnn, corbeille fabriquée et utilisée dans le Trégor. Elle est aussi appelée bouteg, (pluriel boutigi), cependant ce terme semble plutôt employé dans le Léon, région qui se trouve à l'ouest du Trégor.
La production de ces vanneries relève d'un savoir-faire lié à l'artisanat traditionnel.
De nombreux fabricants continuent à pratiquer les savoir-faire vanniers. La plupart sont des amateurs, appartenant à une association ou isolés. Citons notamment, l'association "Arts et artisanat Botsorhel Trégor 29", laquelle entre autres manifestations culturelles, organise régulièrement, des ateliers de vannerie traditionnelle.
La mãnn est une corbeille ronde à montants concentriques en arcs rampants, qui présente un nombre impair de montants. Cette vannerie est fabriquée dans le Trégor.
Outillage spécifique : ar voul
Armand Prigent utilise un gabarit qu'il appelle "boul". Ce terme est à rapprocher du breton ar voul (le moule). Ainsi Eur voul-boutigi désigne un gabarit destiné à fabriquer les paniers (Trépos, 1926). Dans la langue bretonne, il existe de nombreuses mutations linguistiques de la première consonne d'un mot pour adoucir une liaison. Ainsi après l'article "ar", le "b" ou le "m" sont généralement transformés en "v".
Armand Prigent utilise le boul de son père. C'est un disque de bois percé de 19 cavités circulaires disposées en périphérie du disque.Un crocher en métal est fixé au centre du disque. Le nombre d'encoches circulaires peut être de 17 ou de 15. À l'aide d'une perceuse, il modifié le gabarit en inscrivant un second cercle, également de 19 trous, à l'intérieur des encoches percées à la chignole pour son père. Il a également fixé un disque de bois sur la surface intérieur du boul pour obturer la face inférieur du disque. La diamètre des encoches utilisées par son père est plus large, car celui-ci utilisait pour les montants du bois de plus fort diamètre.
Fabrication d'une mãnn par Armand Prigent
Deux montants sont d'abord croisés. L'extrémité présentant le plus fort diamètre est placée dans une encoche. Deux autres montants sont placés de même, et croisent les premiers à 90°. L'ensemble est attaché par une ficelle fixée au centre du gabarit-disque. Autour de la croix composée par les quatre montants déjà posés, deux brins sont tressés au centre en super, dessous-dessus alternativement.
Armand Prigent a amélioré le dispositif d'attache de la ficelle, en liant celle-ci à une chaîne de vélo qui est elle-même fixée au crochet du gabarit. Ce dispositif permet de corriger facilement la tension de la ficelle en changeant simplement la place du crochet dans la chaîne.
Après avoir fait au moins quatre passages avec les brins, on peut alors enfoncer les autres montants dans la clôture du fond. Ceux-ci sont coupés à la bonne longueur et épointés. L'autre extrémité du montant (au diamètre plus fort) a été préalablement placée dans l'encoche avant que ne soit piquée l'autre extrémité.
Le fabricant est penché sur le fond en construction. Le tressage de fond continue par un tressage en super. Il se poursuit jusqu'à un diamètre de 22 cm. Un tressage renforcé permet de réaliser une assise. À cette fin, le fabricant choisit trois brins à fort diamètre, et les tressent ensemble en suivant la séquence : 2 passages dessus le montant, 1 passage dessous. Ce mode de tressage est poursuivi jusqu'à la cime des brins. Le tressage de la clôture des flancs peut alors commencer. Chaque brin est ensuite tressé un à un, suivant une séquence : devant un montant puis derrière le suivant. Le nombre de montants étant impair, le tour suivant, la séquence est décalée ce qui permet pour chaque montant d'avoir un brin devant un tour, puis derrière au tour suivant. Lorsque la base arrondie de la corbeille est tressée, la ficelle est détachée et les montants retirés du gabarit. Le montage se fait alors assis. Le tressage des flancs se poursuit jusqu'à une hauteur sous-bord d'environ 22 cm.
Pour la fabrication de la bordure, les montants sont assemblés entre eux, sauf quatre montants utilisés pour la confection de l'anse. Le fabricant rajoute une première fois trois brins, comme indiqué dans la figure suivante. Ils sont placés chacun dans un interstice libre, le dernier des trois au niveau de la future poignée. Le montants sont abaissés un a un derrière le montant suivant et intégrés au tressage des brins rajoutés. Ceux-ci suivent la séquence : devant 2 montants, derrière 1.
Avant la production des poignées, les bouts de brins qui dépassent sont taillés. Pour tresser les poignées, chaque montant est successivement tordu sur lui-même et enfoncé près de l'autre montant, lequel participe à la poignée en l'enlaçant. Un brin est rajouté et pointé de part et d'autre de la poignée. Il est tordu sur lui-même et enlace les deux montants.
Cette vannerie se transmet au sein de lignées familiales. Autrefois, elle s'apprenait enfant en aidant les parents. Plus récemment, les nouveaux fabricants apprennent en observant des fabricants âgés.
La vannerie à montants courbés disposés en hémiméridien est particulière à la Bretagne. Les variantes de cette vannerie se partagent le territoire régional sans cohabiter. Leurs aires de diffusion sont plausiblement stabilisées. Elles se caractérisent par l'emploi d'un vocabulaire vernaculaire spécifique et probablement ancien, compte tenu d'un mode de transmission de ces savoir-faire essentiellement en milieu familial. Les vanneries de ce groupe sont dominantes, et tous les degrés d'industrialisation (domestique, villageois, industriel) sont représentés. Tous ces éléments donnent à penser que cette vannerie est native. Sa dynamique de diffusion récente est caractérisée par une régression liée à une disparition des usages et l'arrêt d'une transmission du savoir au sein des familles.
La vannerie à montants courbés concentriques , localisée à l'est de la Bretagne, produit un type d'objets extrêmement homogène : une corbeille ronde, de la même taille, avec les même matériaux et les mêmes éléments techniques. Ce type ne semble pas avoir été influencé par les autres techniques de vannerie qui se sont développées par la suite sur une partie de ce territoire. À l'ouest, le type natif a été adapté, ce qui lui a permis de répondre à l'émergence de nouveaux besoins. Cette adaptation s'est avérée indispensable en l'absence d'autres techniques, au contraire de la situation de la partie Est.
En considérant la situation strictement du point de vue de la vannerie, des travaux portant sur l'Égypte et sur le Moyen-Orient montrent combien de telles techniques familiales se maintiennent sur plusieurs millénaires, en dépit d'autres évolution culturelles. L'étude diachronique des types de vannerie est à ce titre un indicateur pertinent pour étudier la diffusion des techniques voire parfois la mobilité des populations.
Malheureusement, les sols acides et le climat humide du massif armoricain rendent difficile la conservation de vanneries anciennes. Il n'y aurait pas de traces de vannerie préhistorique ou antique en Bretagne (source : Annie Bardel, CNRS). Ceci empêche une évaluation de l'ancienneté des types techniques s'appuyant sur des vestiges archéologiques. Hélène Balfet (1964) décrit les environnements qui permettent la conservation de la vannerie à travers les âges. Il en découle un avantage des milieux secs sur les milieux humides - à l'exception des milieux gorgés d'eau comme le sont les boucles fossiles de la Sein où ont été découvertes des nasses préhistoriques -ce qui explique en partie le grand nombre de pièces trouvées, par exemple, en Égypte ou au Moyen-Orient. Danielle Stordeur (1989) décrit les vestiges de vannerie du Proche-Orient vieux de 10 000 ans. "On a constaté dès l'abord, une pleine maîtrise des savoir-faire. On assiste également à un autre phénomène [...], celui d'une inertie qui a pu peser plusieurs millénaires sans qu'aucun changement ne soit constaté. [...] Mais persistance ne signifie pas permanence (Fiches, Stordeur, 1989)".
La singularité de ces techniques en Europe, et notamment leur absence dans les régions voisines, sous-tend comme hypothèse principale que la Bretagne est le berceau de ces techniques, de facto natives. Un croisement de la cartographie des vanneries en Bretagne avec d'autres ethnographies et des travaux d'archéologie pourrait être fécond, notamment dans la définition d'espaces d'échanges culturels.
La transmission des techniques, et donc des termes afférents, s'est faite au sein de lignées familiales. Potentiellement, des objets sont nommés avec des mots empruntés à des langues anciennes par les populations de fabricants et les utilisateurs traditionnels. Les locuteurs des langues romanes et celtiques actuellement parlées en Bretagne n'utiliseront pas ou peu ce vocable dans lequel ils ne retrouvent pas les racines du vocabulaire courant. Citons à titre d'exemple les termes baskodenn (ar vaskoden, Pont-l'Abbé, Combrit-Sainte-Marine, Sud-Finistère) carbasson (variante cabassin, calbassion, bassin Rennais, ou bine, nord du Penthièvre) dont les noms actuels rapellent les mots gaulois bascauda, carbanton et benna désignant eux aussi des objets potentiellement tressés (Delamarre, 2003).
Si l'hypothèse du maintien d'un vocabulaire ancien est valisée, elle peut notamment s'expliquer par la mobilité réduite des populations vannières. Les vanniers bretons résident souvent aux confins forestiers des communes. Ils trouvent dans les bois les matériaux de fabrication et en habitent la lisière. Ils vivent loin du bourg et de son influence. Ils participent ainsi d'une civilisation forestière qui vit en marge des autres groupes ruraux, conformément à la description qu'en a faite Suzanne Le Rouzic dans une étude sur les riverains des forêts domaniales de Camors, Floranges, Lanvaux dans le Morbihan (Le Rouzic, 2007).
Pour les populations de la région, la pratique de la vannerie locale est vue comme étant certainement très ancienne. Cette activité ne laissant pas de traces archéologiques distinctes, ou remarquables, il est difficile pour les populations de réaliser depuis quand elle existe. Les récits locaux rapportent essentiellement des faits qui se sont tenus au XXe siècle.
Cette vannerie n'est pas enseignée. Les revenus de cette activité sont modestes, aussi dans le contexte économique actuel, il n'y a pas de successeur déclaré aux vanniers professionnels âgés, population sur laquelle pourtant repose la transmission. Ces savoir-faire sont donc extrêmement fragilisés.
La thèse soutenue en 2012 par Roger Hérisset est un travail d'ampleur qui a amélioré la visibilité de ces savoirs. Elle s'accompagne de conférences locales et de supports de vulgarisation. La sauvegarde passe d'une part par la reconnaissance de ces savoirs et par la mise en œuvre de circuits économiques permettant d'en tirer un revenu, fût-il complémentaire.
Il existe des associations locales qui cherchent à faciliter la transmission des savoir-faire vanniers. L'association "Art et artisanat Botsorhel Trégor 29" est particulièrement active. Elle met en avant la création des liens sociaux qui peuvent se faire autour de la vannerie.
Fiche rédigée en 2014 par Roger Hérisset, chercheur associé au CRBC, pour le Ministère de la Culture et de la Communication.
Localisation (région, département, municipalité)
Trégor, Bretagne
Date de la fiche d’inventaire : 2014
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Roger Hérisset
Nom du rédacteur de la fiche : Roger Hérisset
N° d'inventaire Ministère Culture : 2014_67717_INV_PCI_FRANCE_00344
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk291
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mann_du_Tregor
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