Sur les toits de Paris, le couvreur maîtrise la pose de tous les matériaux traditionnels associés à l’architecture parisienne : le zinc, le plomb, le cuivre, l’ardoise et la tuile plate. Certains de ces matériaux sont également utilisés dans d’autres villes de France, et ce, depuis plusieurs siècles.

Sur les toits de Paris, le couvreur maîtrise la pose de tous les matériaux traditionnels associés à l’architecture parisienne : le zinc, le plomb, le cuivre, l’ardoise et la tuile plate. Certains de ces matériaux sont également utilisés dans d’autres villes de France, et ce, depuis plusieurs siècles.

Mais c’est à Paris, dans la seconde moitié du XIXe siècle, que s’est généralisée l’utilisation du zinc, pour couvrir les toits dits à la Mansart des dizaines de milliers de nouveaux immeubles haussmanniens.

La conjonction entre la découverte du laminage du zinc, d’une part, et la volonté de Napoléon III et d’Haussmann de reconstruire Paris, d’autre part, a donné naissance au métier très parisien de couvreur zingueur. Il concentre des savoir-faire particuliers, portés et entretenus par une communauté bien vivante.

Diverses entités (entreprises, syndicat, centres de formation) forment cette communauté associée aux savoir-faire du couvreur zingueur parisien :

un syndicat de métiers : le syndicat des entreprises de génie climatique et de couverture- plomberie (GCCP), qui regroupe plus de 300 entreprises adhérentes de Paris et de la région parisienne. Les trois-quarts de ces entreprises ont développé une activité couplant la couverture et la plomberie ;

les entreprises de couverture parisienne (PME-TPE) ;

plus de mille couvreurs zingueurs travaillant à Paris et en proche banlieue ;

les centres de formation et d’apprentissage (CFA) spécialisés dans l’apprentissage des savoir-faire liés à la couverture des toits de Paris (zinc/ardoise/plomb) :

le CFA Maximilien-Perret à Alfortville (Val-de-Marne), affilié au syndicat des entreprises de GCCP ;

le CFA de Bray-et-Lu (Val-d’Oise), appartenant à l’entreprise VM Zinc (école pro zinc-formation continue) ;

le CFA du Bâtiment AFOBAT à Ocquerre (Seine-et-Marne) ;

le CFA de l’association ouvrière des Compagnons du devoir du Tour de France (AOCDTF), à Paris IVe et à Epône (Yvelines) ;

le CFA de la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment (FCMB) de Saint- Thibault-des-Vignes (Seine-et-Marne).

les entreprises fabricant les matériaux, les ornements, les outils et les fenêtres de toiture :

Cupa Pizarras (Ardoise) à Rennes (Ille-et-Vilaine) et en Galice (Espagne) ;

Terreal (tuile plate « Vieux Paris ») à Suresnes (Hauts-de-Seine) ;

Velux (châssis parisien ou châssis à tabatière) à Morangis (Essonne) ;

Vieille Montagne-VM Zinc (zinc) à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) ;

Dimos SAS (outils de couverture) à Ancenis (Loire-Atlantique).

Les savoir-faire des couvreurs zingueurs parisiens s’exercent dans l’ensemble des vingt arrondissements de Paris et dans la petite couronne parisienne, sur des immeubles et des habitats privés, des immeubles et bâtiments publics et plus particulièrement sur des immeubles de style haussmannien et post-haussmannien. Les couvreurs zingueurs parisiens œuvrent sur des monuments historiques de la capitale.

Ces savoir-faire ne peuvent s’exercer que sur des toitures présentant une pente d’un minimum de 5 %. Les toits plats, les toits végétalisés, les terrasses, ne concernent pas notre élément. Les toits recouverts de panneaux solaires n’entrent pas dans le champ d’application de notre élément. Les « savoir-faire du couvreur zingueur parisien », parce qu’ils s’adaptent à l’architecture haussmannienne, s’exercent et se transmettent particulièrement à Paris.

Pour décrire les savoir-faire du couvreur zingueur parisien est privilégiée la notion d’exclusivité parisienne de certains savoir-faire. La conjonction entre l’architecture particulière des immeubles haussmanniens de Paris, d’une part, et la généralisation de l’emploi du zinc, d’autre part, a donné naissance à des savoir-faire parisiens particuliers dans l’art de couvrir les toits.

Ces savoir-faire s’expriment dans la maîtrise parfaite de la découpe et de la pose du zinc en feuilles. Ils s’exercent également dans la liaison, la jonction du zinc avec d’autres matériaux constitutifs de la couverture parisienne, la tuile, l’ardoise et le plomb.

Les savoir-faire particuliers liés à la pose de l’ardoise, de la tuile plate ou du plomb ne constituent pas des savoir-faire exclusivement parisiens, mais favorisent la jonction entre ces matériaux et le zinc. Sur les immeubles haussmanniens, ce mariage entre le zinc et les autres matériaux requiert des savoir-faire spécifiques qui doivent assurer une efficacité et une esthétique parfaites. Le champ d’application de ces savoir-faire spécifiques couvre aussi la pose d’une « gouttière » anglaise en zinc et des ornements en zinc (lucarnes, épis…).

 

 

L’art de la pose du zinc à Paris.

 

L’utilisation du zinc sur les toits de Paris commence vers 1830. Son emploi s’est généralisé à partir des années 1850 avec la construction des immeubles haussmanniens. Aujourd’hui, 70 % des toits de Paris sont recouverts de zinc. Ce matériau est historiquement et culturellement associé à Paris : le zinc donne aux paysages des toits de Paris cette impression d’immensité grise, bleutée ou dorée, telle une mer, dans laquelle se reflètent les couleurs changeantes du ciel. À Paris, on parle volontiers du couvreur-zingueur, tant le matériau - le zinc - est indissociable du métier de couvreur. La pose du zinc à Paris a engendré des savoir-faire spécifiques qui se retransmettent de génération en génération dans la communauté des couvreurs parisiens. Ces savoir-faire spécifiques s’exercent, entre autres, dans quatre ouvrages typiquement parisiens :

la couverture à tasseaux sur un toit à l’impériale ;

la couverture à tasseaux sur un terrasson haussmannien ;

la pose d’une gouttière anglaise ;

la pose des ornements en zinc.

 

* La couverture à tasseaux sur un toit à l’impériale

 

Les combles d’un toit dit à l’impériale présentent une forme courbe qui rappelle la carène renversée d’un bateau. Cette forme particulière a une histoire : la percée urbaine de la rue de Rivoli, à partir de la place de la Concorde, voulue par Napoléon Ier et commencée en 1800. L’empereur la nomma rue de Rivoli en souvenir d’une victoire remportée en Italie. Il voulut en faire une « voie triomphale », destinée aux défilés militaires et en confia la réalisation aux architectes Percier et Fontaine. Le démarrage des travaux fut lent : à la fin de l’Empire, en 1815, seules les arcades étaient construites. Percier et Fontaine continuèrent les travaux. On leur doit aujourd’hui ces prestigieux immeubles aux façades à arcades. Les toits voûtés qui les recouvrent n’ont été construits que dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ils ont été naturellement appelés toits « à l’impériale ». Pour les couvrir, un matériau nouveau, le zinc, fut choisi.

Le toit à l’impériale construit sur les immeubles de Percier et Fontaine rue de Rivoli s’est ensuite répandu dans le Paris haussmannien à partir de 1860. L’entretien et la restauration des toits à l’impériale nécessitent des savoir-faire propres aux couvreurs parisiens. La pose du zinc, innovante en soi, devait être réalisée sur des toits voûtés. Cette forme particulière rend plus délicate la pose du zinc. Les tasseaux doivent avoir été préalablement cintrés à traits de scie et les couvre-joints en zinc, venant par-dessus les tasseaux, doivent être cintrés à la machine. La feuille de zinc doit être façonnée à la batte de bois sur l’établi pour lui donner une forme courbe. La pose du zinc sur un toit à l’impériale présente des opérations communes avec la pose du zinc sur un terrasson haussmannien.

 

* La couverture à tasseaux sur un terrasson haussmannien

 

La technique de la couverture en zinc à tasseau s’est très largement répandue à partir du Second Empire pour répondre à une nouvelle architecture : l’immeuble haussmannien et son toit à la Mansart, composé d’un brisis recouvert d’ardoise et d’un terrasson recouvert de zinc. Pour mieux comprendre le développement, à Paris, de cette technique de couverture, il faut replacer le toit haussmannien dans son contexte historique [cfr. partie III Historique de l’élément].

La technique parisienne de la pose du zinc majoritairement employée s’appelle la couverture à tasseaux. Inventée au XIXe siècle, elle consiste à relier les feuilles par interposition d’un tasseau de bois fixé sur le voligeage. Tous les immeubles parisiens recouverts de zinc sont reconnaissables à cette technique particulière de la couverture à tasseaux. Elle donne aux toits parisiens leur relief « zébré » si particulier. La couverture à tasseaux offre une grande souplesse d’adaptation aux formes planes complexes et aux traitements des pénétrations (lucarne, châssis parisien, baie de type Velux, pourtour de cheminée…).

Le descriptif technique de ce savoir-faire parisien suit l’ordre chronologique de la réalisation.

 

Le décrapouillage

 

Avant de poser le matériau neuf, le travail du couvreur consiste à déposer, ou enlever, le matériau ancien. La dépose des feuilles de zinc se fait en général au moyen de pinces et d’arrache-clou. Ces feuilles sont ensuite pliées en deux, mises en tas et descendues par le treuil. Le couvreur juge si le matériau peut être recyclé, ce qui est généralement le cas pour le cuivre (refondu à 100 %) et le plomb. En revanche, une feuille de zinc posée il y a plus de soixante ans est définitivement « cuite ». Elle est revendue aux vieux métaux et recyclée.

Seconde étape du décrapouillage : la dépose de la volige. Après avoir enlevé la vieille couverture en zinc, le couvreur doit arracher l’ancienne volige (planches de bois servant de support à la couverture des feuilles de zinc).

Cette opération se pratique avec un pied-de-biche. La toiture est ainsi « désossée », ou mise à nu, jusqu’à la charpente. Ensuite, le couvreur nettoie et examine les chevrons de la charpente. S’il décèle une anomalie, le couvreur en fait part à l’architecte, qui fera appel à l’expertise du charpentier. Le couvreur aura toujours à cœur de commencer son travail sur un support sain et conforme aux normes de sécurité.

 

La pose de l’isolant

 

Dans la préparation du toit, la pose de l’isolant entre la charpente et le voligeage est un savoir- faire très important que le couvreur doit parfaitement maîtriser. L’isolant est le plus souvent constitué de laine de verre et de produits minces réfléchissants (PMR) placés en complément. La mise en place d’un isolant de qualité sous la couverture est devenu un élément obligatoire du comble : il permet de faire des économies d’énergie, répondant ainsi à la réglementation définie par le Grenelle de l’environnement. Pour réaliser une pose de qualité, le couvreur doit s’adapter sans cesse aux nouveaux matériaux isolants qui arrivent sur le marché. C’est sans doute dans cette partie cachée de la toiture que le métier de couvreur parisien exprime le plus sa part de modernité.

 

Le voligeage

 

Bien qu’il s’agisse d’une manipulation de pièces et de planches de bois, la pose de la volige n’incombe ni au charpentier, ni au menuisier, mais bien au couvreur. La volige en bois de sapin est fixée aux chevrons de la charpente avec des clous. Elle est le support sur lequel seront posées les feuilles de zinc.

 

Le lignage et la pose des tasseaux de bois

 

Lorsque le voligeage est achevé, les couvreurs mesurent à l’aide d’un mètre ruban et marquent au crayon les endroits précis où seront cloués les tasseaux. Un tasseau est une pièce de bois de faible section, de forme trapézoïdale. Les tasseaux sont cloués sur la volige à intervalles réguliers, dans le sens de la pente.

Les contraintes industrielles du laminage du zinc au début du XIXe siècle ont imposé des formats standard de la feuille de zinc. Le plus couramment employé pour la couverture à tasseaux sur les toits de Paris est de 2,00 x 0,65 m. Ce format impose un entraxe, ou écartement, moyen de 0,60 cm entre les tasseaux placés parallèlement sur le toit à intervalles réguliers.

Avant de clouer les tasseaux, les couvreurs effectuent le lignage : ils tracent, au moyen d’un cordeau, un trait sur toute la longueur de la pente. Pour effectuer ces traçages, le couvreur utilise un cordeau enroulé dans un enrouleur rempli d’une poudre d’ocre rouge ou d’une poudre de craie bleue.

Pour effectuer le lignage, il faut être deux compagnons, l’un à chaque extrémité du cordeau. Les deux compagnons tendent le cordeau sur toute la surface de la volige dans le sens de la pente. L’un des deux pince le cordeau entre le pouce et l’index, le tire vers le haut et le lâche d’un coup sec. En claquant le bois de la volige, le cordeau marque d’un trait rouge (ou bleu) toute la hauteur du toit. Il détermine ainsi l’emplacement précis des tasseaux de bois entre lesquels seront posées et fixées les feuilles de zinc. Dans le jargon du métier (commun aux charpentiers), on appelle ce geste « battre le trait » (ou « claquer le trait »).

Les tasseaux sont ensuite coupés à la bonne mesure et positionnés sur le lignage. Le couvreur prend soin de placer des pattes à tasseau (petite pièce de zinc de forme rectangulaire) tous les 50 cm sous les tasseaux. Ces pattes à tasseaux contribueront à fixer la feuille de zinc au tasseau. Les tasseaux sont ensuite fixés sur la volige à l’aide de clous traversant chaque patte à tasseaux.

 

Le calepinage

 

Le support étant préparé, commence alors un va-et-vient continue entre la cabane de chantier,« amarrée » sur le toit, et les différentes parties du toit à couvrir. La pose de chaque feuille entière ou de chaque pièce de zinc nécessite, au préalable, un calepinage. Il s’agit pour le couvreur de prendre des mesures sur le toit, à l’endroit précis où sera posée la feuille de zinc. Il se sert d’une règle, d’une équerre, d’un compas à charnière, d’un mètre ruban, d’un crayon gras. Les mesures sont retranscrites sur le calepin.

 

Le façonnage sur l’établi

 

Le calepinage étant réalisé, le couvreur retourne dans sa cabane de chantier et reporte ses mesures au crayon gras sur la feuille de zinc, posée sur l’établi. Il se sert des mêmes instruments que pour le calepinage. Le façonnage peut commencer. C’est dans cette phase du travail, entre les mesures, le façonnage et la pose de chaque pièce de zinc, que le couvreur exerce réellement son savoir-faire. C’est dans ce va-et-vient entre le toit et l’établi qu’il montre son efficacité et sa rapidité, acquises après des années d’expérience et que s’illustrent ses qualités physiques, indissociables de ses qualités intellectuelles.

Le façonnage consiste, après avoir reporté les mesures, à plier et à découper une feuille de zinc. Il est réalisé sur l’établi qui sert aussi de plieuse. Les feuilles de zinc y sont façonnées au millimètre près. Pour pouvoir réaliser les reliefs latéraux sur la feuille de zinc, le couvreur la griffe sur toute sa longueur au moyen de sa tracette, à 35 mm du bord. Puis, il positionne la feuille sous la presse de sa plieuse, se saisit des deux leviers qui commandent la pince à mâchoire plate et, par un puissant mouvement de bascule en avant de tout le corps, il actionne et accompagne la plieuse. Lorsqu’il désengage la feuille de zinc des mâchoires de la plieuse, le relief à 90° apparaît sur un côté de la grande longueur de la feuille. Il répète le même geste pour façonner le relief du côté opposé. Les reliefs à angle droit sont inférieurs de 5 mm à la hauteur des tasseaux (35 mm pour un tasseau de 40 mm).

Pour façonner les agrafures aux extrémités (en tête et à l’égout) de la feuille, le couvreur actionne deux fois sa plieuse : une première fois pour façonner le relief à 90° ; une seconde fois pour le rabattre et créer un ourlet plat qui permettra de faire une agrafure. Chaque feuille doit présenter des agrafures inversées permettant la fixation à la feuille supérieure. Le couvreur façonnera une double agrafure (bande d’agrafure soudée) en cas de toit de faible pente.

Façonner ainsi des feuilles entières (2,00 x 0,70 m), est relativement simple. Mais lorsqu’il s’agit d’adapter la pièce de zinc à une configuration particulière du toit (angle, arêtier, faîtage, abside en éventail, pourtour de cheminée, de châssis parisien ou de fenêtre de type Velux, sabot de lucarne, collerette d’aération ou d’ornementation, liaisons avec le brisis en ardoise…), une grande expérience du couvreur est nécessaire pour façonner ces pièces de zinc dans les règles de l’art avec rapidité et efficacité.

La réalisation in situ de certaines pièces en zinc, nécessite de la concentration, de la réflexion et de l’adresse. Un sabot de lucarne, par exemple, est une pièce en trois dimensions, du « cousu main », en zinc. Chaque pièce constitutive du sabot a été mesurée, dessinée puis découpée à la cisaille « pélican » ou « bichantourneuse ». Les bords de la pièce de zinc ont été relevés à la pince à border. Avant de faire la soudure définitive des différentes pièces entre elles, le couvreur doit procéder à plusieurs essais de montage. La découpe des pièces de zinc est si précise qu’elle est souvent comparée à l’art du couturier.

Le façonnage des pièces de zinc consiste également à réaliser à la plieuse toutes sortes de pièces de zinc sous forme de bandes.

Chacune de ces bandes a une fonction précise sur le toit, mais toutes servent, d’une façon ou d’une autre, à solidariser des feuilles de zinc, à couvrir des éléments du toit ou à faire la jonction avec un autre matériau de couverture (ardoise, tuile, plomb). L’énumération des bandes les plus utilisées donne une idée de la richesse et de la complexité du métier : bande d’égout, bande de solin à ourlet rechassé, bande à ourlet simple, bande de solin à biseau, bande de battellement, bande d’astragale, bande de rive à cheval, bande de rive à biseau, main courante simple, coulisseau saillant, coulisseau plat, jonction à plastron, jonction à développement carré, bande à rabattre, joint de dilatation… La prise en compte de la dilatation

Du calepinage à la pose, en passant par le façonnage, le couvreur prend en compte la question de la dilatation. Le calcul des jeux de dilatation et de retrait doit être parfaitement maîtrisé et intégré dans les mesures, les découpes, les poses et les fixations de toutes les pièces de zinc.

Le zinc au titane s’allonge sous l’effet de la chaleur de 0,022 mm par mètre et par degré centigrade de variation de température. En se refroidissant, il se rétracte (retrait) dans les mêmes conditions. Plus les pièces de zinc sont longues (feuilles de 2 m), plus les jeux de dilatation et de retrait sont importants. Des pièces de zinc trop à l’étroit pourraient, avec l’effet de la dilatation, ouvrir les agrafures ou faire sauter les soudures.

 

La pose des bacs entre les tasseaux

 

Le couvreur a pris soin de relever les pattes à tasseau avant de poser une feuille de zinc façonnée et comportant des reliefs, dite « bac », entre les tasseaux, Puis il rabat les pattes en laissant le jeu nécessaire pour permettre la dilatation et le retrait. Le couvreur commence toujours par poser les bacs sur la partie basse du toit du côté de la gouttière (égout). Il monte au fur, et à mesure, bac après bac, jusqu’au faîtage.

 

La pose des couvre-joint

 

Les couvre-joint servent à recouvrir les tasseaux de bois sur lesquels ils sont fixés. Le couvreur les coupe à la bonne mesure : ils sont fixés par segments de 1 m maximum. Il soude le talon à son extrémité inférieure, du côté de la gouttière, opération préalable à la fixation des couvre-joint sur les tasseaux. Les couvre-joint qui recouvrent un tasseau de bois sont fixés entre eux par une patte de cuivre, soudée sur le couvre-joint inférieur. La patte est relevée, puis le couvreur lui donne du ressort en la roulant autour d’un clou qu’il retire ensuite. Cette astuce permet aux couvre-joint de laisser entre eux un petit espace pour la dilatation du zinc. Les têtes de couvre joint au niveau de la ligne de bris, entre le brisis et le terrasson, peuvent être remplacées par des pattes d’oie recouvertes d’une bande d’astragale. Sur le faîtage, la tête du couvre-joint est maintenue contre le relief des bacs.

 

La soudure

 

La soudure du zinc est un véritable savoir-faire en soi, qui nécessite beaucoup d’entraînement. Entre deux couvreurs, on peut reconnaître la marque de chacun : le résultat de sa soudure doit associer esthétisme, régularité et efficacité.

Avec son petit pinceau, le couvreur doit d’abord décaper le zinc à « l'esprit de sel », en déposant de l'acide chlorhydrique sur la jointure des deux pièces de zinc avant de les souder. Ce décapage préalable permet à la soudure de mieux prendre. Il soude ensuite avec la panne de son fer à souder, en faisant fondre la targette (barrette de métal constituée de 1/3 d’étain et de 2/3 de plomb). Il forme avec le métal liquide une soudure, dont la régularité assurera la liaison mécanique entre les deux pièces et une parfaite étanchéité de la jointure. La soudure peut être lisse (« les chaînettes ») ou renforcée, dite soudure à côtes ou soudure barrée aux jonctions. Une soudure bien réalisée assure la longévité de la toiture.

 

La ventilation du toit

 

Le couvreur sait que la face interne des couvertures doit être efficacement ventilée pour éviter la condensation des combles. Il doit prévoir des entrées d’air suffisantes à la base des toits et des sorties correspondantes au sommet du toit ainsi que l’emplacement des chatières (petite ouverture de ventilation en zinc).

Les savoir-faire à la jonction entre le zinc et d’autres matériaux

Ces savoir-faire concernant l’utilisation du zinc associé à d’autres matériaux s’exercent sur des emplacements spécifiques du toit haussmannien, notamment sur la ligne de bris et du membron (liaison entre le brisis et le terrasson) et à la rencontre entre deux versants du toit (faîtage, arêtier, noue, chéneau…).

La couverture à tasseaux sur un terrasson haussmannien est un art qui associe l’efficacité et l’esthétique. L’efficacité consiste à faire en sorte qu’il n’y ait aucune fuite, aucun interstice, aussi petit soit-il, qui ferait pénétrer de l’eau de pluie sous la toiture. L’efficacité est ici synonyme d’imperméabilité totale. Mais elle est aussi le fruit de l’observation et de la réflexion qui permettent, ensemble, de guider le mieux possible vers la gouttière l’eau des fortes pluies. Une couverture à tasseaux bien réalisée favorise au mieux le partage des eaux de pluie.

Quant à l’esthétique, elle est visible aussi bien dans les détails de la soudure que dans le bel aspect général à fort relief apparent. L’esthétique de la couverture à tasseaux est appréciée des architectes parisiens depuis plus de 150 ans, pour ses effets d’ombre et son caractère très urbain.

 

* La pose d’une gouttière à l’anglaise en zinc

 

Malgré son nom, une gouttière à l’anglaise est parisienne. Contrairement aux gouttières traditionnelles dites pendantes (fixées au-dessus du vide), la gouttière à l’anglaise repose sur un entablement, une corniche qui fait partie de l’architecture de l’édifice (immeuble, hôtel particulier, maison).

Sa caractéristique est d’avoir sa rive de niveau et son fond en pente d’au moins 1 cm par mètre pour évacuer facilement les eaux de pluie. De plus, elle doit être posée de telle sorte que la rive extérieure soit située à un niveau inférieur d’au moins 5 cm à celui de la rive côté comble afin que le débordement (en cas de très grosses pluies) se fasse vers l’extérieur. Elle est souvent large et profonde, car elle est destinée à recevoir les eaux d’un brisis à forte pente. La pose et la fixation d’une gouttière à l’anglaise en zinc sur entablement requièrent un savoir-faire particulier. Au préalable, le couvreur doit refaire une « fonçure », un glacis de plâtre sur la corniche en pierre ou en brique, pour redonner un peu de pente (2 %) vers l’extérieur. Ensuite, il pose une sorte de membrane ou isolant neutre destiné à éviter que le zinc ne soit en contact direct avec le plâtre. Cet isolant peut être un feutre imprégné, un papier kraft paraffiné dit « papier anglais ». Le couvreur fixe ensuite dans la pierre des bandes d’agrafe en zinc qui débordent légèrement sur le bord extérieur de la corniche : elles serviront à l’assemblage par pliure avec la bande de recouvrement et à son renforcement.

Vient ensuite la pose des bandes de recouvrement en zinc, juxtaposées par éléments de 1 m de longueur sur toute la longueur de la corniche. Le couvreur veille à laisser un écart entre chaque bande de recouvrement de façon à laisser jouer la dilatation. Elles seront fixées l’une à l’autre par un coulisseau plat ou à plastron.

Le couvreur fixe ensuite les crochets sur lesquels viendra se poser la gouttière. Le bon alignement des crochets se fera par un traçage au cordeau sur l’entablement et sur la planche d’égout. Ils sont « pentés » (chacun « portant » sa propre pente : crochet de haute pente, crochet de basse pente) et numérotés. Ils sont disposés en ordre décroissant, de façon à assurer une pente de 1 cm par mètre. Leur nombre est défini en fonction de la longueur de la gouttière à poser. Espacés de 40 cm au maximum, les crochets sont fixés en appui contre la planche d’égout ; le pied du crochet est maintenu d’aplomb par un pontet (en acier galvanisé) soudé sur l’entablement en zinc. L’entablement en zinc représente l’ensemble des bandes de recouvrement reliées entre elles par les coulisseaux.

Lorsque les crochets sont bien fixés, les couvreurs posent la gouttière dans le galbe des crochets. La rive extérieure de la gouttière est fixée à chaque crochet par une patte à bretelle ; la rive côté comble est fixée par des pattes cuivre soudée à la gouttière et clouée sur le voligeage. La gouttière été façonnée et ourlée en usine. Mais les couvreurs s’entraident pour souder le talon à ourlet à chaque extrémité de la gouttière. Les talons sont découpés sur mesure à même le chantier. Les couvreurs devront toujours être deux également pour souder le retour d’une gouttière à l’anglaise (la jointure à angle droit de deux gouttières posées sur deux murs perpendiculaires). Pendant que l’un maintient serré les deux extrémités de la gouttière retaillées en biseau, l’autre soude à l’aide de son fer. Une pièce de zinc en forme de triangle servira d’angle de renforcement au niveau du retour de la gouttière. Soudé avec soin et dextérité, il ajoutera à la solidité et à l’efficacité de l’ensemble une touche esthétique.

 

* La pose des ornements en zinc

 

À Paris, les angles des immeubles haussmanniens sont parfois surmontés d’un dôme élégant recouvert d’ardoise et chapeauté d’une couronne en zinc à tasseaux hérissée d’un ornement en zinc (épi, pomme de pin, pot-à-feu…).

Les faîtages sont souvent décorés de frises estampées à double face. Parfois, un campanile en zinc, à lui seul, surmonte un immeuble.

La restauration ou la copie à l’identique de ces ornements, nécessite des savoir-faire bien particuliers. Ces pièces en zinc sont fabriquées par des ornemanistes dans des ateliers spécialisés, tels que l’atelier d’ornementation Les Artisans d’art français ou l’entreprise VM Zinc à Bray-et-Lu.

L’expertise de l’état de l’ornement et les opérations de dépose, généralement au moyen d’une grue télescopique, lorsqu’il s’agit de très grosses pièces, sont faites sous le contrôle du couvreur. Toutes ces opérations nécessitent une préparation minutieuse de plusieurs jours, même si la dépose même ne dure que quelques minutes. La pose de l’ornement, après sa restauration, est réalisée par le couvreur, aidé parfois de l’ornemaniste, qui a reconstitué l’ornement en atelier.

Le principe est le même pour la pose des lucarnes moulurées ou des œil-de-bœuf refaits à l’identique par les ornemanistes. Il s’agit généralement de lucarnes à chapeau ou à fronton arrondi d’un style fabriqué dès le XVIIe siècle et en vogue au XIXe. Le couvreur doit légèrement les ajuster pour les faire correspondre au plus près à la matrice en bois de la lucarne. Ce travail délicat demande de la précision et du savoir-faire. De la qualité de son travail dépendra le bon maintien de l’habillage en zinc de la lucarne. Une fois posée, elle devra s’intégrer harmonieusement à l’ensemble de la toiture.

Les outils spécifiques pour le façonnage et la pose du zinc.

 

Des instruments de mesure et de traçage

 

La règle, le compas, le cordeau tinté.

 

 

La plieuse, compagne du couvreur

 

Dans le jargon du métier, le couvreur l’appelle aussi sa « bécane ». Cette pièce maîtresse occupe l’espace à l’intérieur de la cabane de chantier et il s’en sert régulièrement. Cet établi (table massive) a plusieurs fonctions.

La plieuse est constituée d’un plateau de bois épais sur lequel le couvreur place sa feuille de zinc. Le plateau lui permet de mesurer et tracer sa feuille avant de la découper, puis de profiter de cette assise pour découper sa feuille aux mesures voulues.

Sur l’un des côtés du plateau de la plieuse sont fixées les deux pinces à mâchoires plates, qui permettent de faire un ourlet sur un ou plusieurs côtés de la feuille de zinc. Ces deux pinces sont actionnées par deux leviers que le couvreur soulève dans un geste puissant et rapide. La première levée sert a faire une pliure à 90°; la seconde levée permet d’aplatir la pliure pour en faire un ourlet plat. Sur le côté opposé du plateau de la plieuse est fixée la cornière en fer. Elle court sur toute la longueur du plateau. Elle permet de façonner la feuille de zinc à la batte de bois (pour la réalisation d’une noue à l’intersection de deux versants, par exemple).

 

 

Les outils de découpe du zinc

 

La cisaille « pélican », appelée aussi « cisaille passe-feuille » ;

La cisaille « bichantourneuse » ;

La tracette : cet outil en acier découpé est très pratique, car il permet de se dispenser de la règle, pour tracer des lignes distantes de quelques centimètres du bord d’une feuille de zinc. Chaque cran correspond à une mesure. Le cran placé contre le bord de la feuille guide parallèlement l’outil, tandis que le bec trace sur le zinc la ligne qui va marquer le pli. Les pliures seront faites ensuite sur la plieuse de chantier à la batte en bois ;

La griffe à zinc : pourvue d’une pointe à carbure de tungstène, elle permet de tracer un trait sur toute la longueur de la feuille de zinc, à l’aide d’un coulisseau ou d’une règle. Il faut passer plusieurs fois la griffe sur le trait. À chaque passage, la griffe enlève un copeau de zinc. Pour couper la feuille, il suffit ensuite de la plier sur le bord de l’établi ;

La scie à métaux.

 

 

Les outils de façonnage

 

La batte en bois : elle sert à façonner le zinc. Le compagnon a placé sa feuille de zinc sur l’établi, du côté de la cornière en fer qui présente une arête vive. Muni de sa batte, souvent gainée de cuir, il frappe le rebord de la feuille sur toute sa longueur, afin de la rabattre à angle droit sur la cornière en fer de l’établi ;

La pince à ourlet ;

La pince à border plate ou coudée.

 

 

Les outils de soudure

 

Le fer à souder : constitué d’une panne (tête) en cuivre rouge et alimenté par une bonbonne de gaz ;

La lime pour nettoyer la panne du fer à souder ;

Un bloc de sel ammoniac pour étamer la panne du fer à souder en la frottant ;

La targette : barrette de métal constituée de 1/3 d’étain et de 2/3 de plomb ;

Petite caisse en bois contenant le nécessaire à souder : bloc de sel d’ammoniac, petit récipient d'acide chlorhydrique, petit pinceau, éponge.

Depuis le Moyen Âge, la transmission des savoirs des maîtres aux apprentis fut l’une des vocations des corporations de métiers. Elle s’est perpétuée en 1817, au moment de la naissance du Bureau des maîtres-couvreurs, qui mettait en relation entrepreneurs et apprentis. En 1887, le Bureau, devenu la Chambre syndicale des entreprises de couverture et de plomberie, ouvrit à ses frais, au 8 rue des Poitevins, des cours théoriques et pratiques, où les apprentis venaient s’initier ou se perfectionner gratuitement le soir, dans les techniques de couverture de zinc et de plomberie. À partir de 1891, des cours de métré, de dessin et de croquis s’ajoutèrent à la formation initiale. Jusqu’à la fin de l’exercice 1899, 930 élèves avaient suivi les cours. Devant un tel succès, ces cours du soir se transformèrent en une véritable école professionnelle.

En 1905, Maximilien Perret, future grande figure de cette communauté de métiers, entra au Conseil de la Chambre syndicale. Il se consacra aux cours professionnels (couverture et plomberie) en tant que professeur, puis réorganisa l’enseignement technique après la guerre. En 1922, il fonda et dirigea la première école des métiers de la couverture et plomberie. Son engagement dans la formation et la transmission des savoirs le fit nommer inspecteur régional de l’Enseignement technique. Au Journal officiel du 31 mars 1935, un décret du président de la République, Albert Lebrun, attribua à l’École de métiers de couverture-plomberie la dénomination d’école Maximilien-Perret. Aujourd’hui, le CFA Maximilien-Perret (dit « MaxPé ») d’Alfortville, continue de porter son nom, en forme de juste hommage.

Aujourd’hui, ces savoir-faire sont portés par une communauté de métiers représentée par le GCCP (Syndicat des entreprises de génie climatique et de couverture plomberie de Paris et de la région parisienne) et par les institutions compagnonniques. Ensemble, ils veillent à leur sauvegarde. Leur transmission aux nouvelles générations, à travers la formation, fait l’objet d’efforts particuliers. La formation et la qualification des jeunes est une préoccupation majeure pour les 300 entreprises adhérentes du GCCP et l’ensemble des entreprises de couverture de Paris. Elles sont indispensables pour pouvoir continuer à entretenir et à restaurer les toits de ces immeubles et de ces monuments qui contribuent à la réputation mondiale et la beauté de Paris.

 

L’apprentissage et la transmission du métier de couvreur zingueur parisien passent par les filières classiques de l’Éducation nationale tels que les centres de formation pour apprentis (CFA) et les lycées d’enseignement professionnel (LEP) de la région Île-de-France.

Les établissements de formation préparent le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et/ou le brevet professionnel (BP). La plupart pratique l’alternance (emploi du temps de l’apprenti réparti entre le CFA et l’entreprise). Ils forment également des couvreurs en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage.

 

CFA Maximilien-Perret - Couverture et Plomberie

Ce CFA a été créé et est financé par le GCCP (Syndicat des entreprises de génie climatique et de couverture plomberie).

Place San-Benedetto-Del-Tronto / 94140

Alfortville www.couverture-plomberie.com

Diplômes préparés : CAP et BP

 

CFA du Bâtiment de Seine-et-Marne AFOBAT

77440

Ocquerre

www.ocquerre.fr

Diplômes préparés : CAP sur 12 métiers du BTP, 3 brevets professionnels et 3 bac pro

 

CFA IFABTP Centre Roger Couratier - CCIV 78410 Aubergenville

www.annuaire.de.la.formation.fr

Diplômes préparés : onze diplômes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation dont un CAP couvreur

 

CFA des Compagnons du devoir (AOCDTF)

Le CFA privé est placé sous la tutelle du ministère chargé des Entreprises et du Commerce et propose une scolarité par apprentissage.

23 rue du Professeur Émile-Sergent / Le Moulin Saint-Christophe / 78680 Epône

www.compagnons-du-devoir.com

Diplômes préparés : CAP et BP

 

CFA de la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment (FCMB)

Ferme de Saint-Germain-des-Noyers

2, rue de Guermantes / 77400 Saint-Thibault-des-

Vignes paris.compagnonsdutourdefrance.org

Diplômes préparés : formations en alternance CAP et BP

 

L’apprentissage et la transmission passent aussi par les institutions de compagnonnage.

La transmission des savoir-faire du couvreur à travers le compagnonnage se réalise par la voie pédagogique au contact des anciens ou de formateurs spécialisés, mais aussi par la voie initiatique (apprentissage de l’histoire du métier, de ses légendes, de ses symboles, de ses valeurs). Cet apprentissage du métier se fait essentiellement sur le Tour de France, une tradition ancienne du compagnonnage qui vient parachever l’apprentissage. Il peut durer de trois à sept ans.

 

La transmission du savoir est enfin, parfois directement pratiquée sur le chantier.

Rien de plus instructif pour un jeune apprenti que de venir se former sur le chantier, au contact des compagnons ou des anciens. La théorie et la pratique sont enseignées dans le cursus des CFA et des LEP.

Les stages réguliers qui permettent de suivre l’évolution d’un chantier sont très formateurs. Les apprentis bénéficient, dans ce cas, du système de l’alternance. Sous la direction bienveillante du compagnon tuteur (maître de stage), l’apprenti découvre les mille et une facettes d’un métier varié et complexe. Les anciens sont unanimes à dire qu’il faut plus de dix ans pour bien le maîtriser. Certains jeunes, selon leurs aptitudes et leur degré de motivation, sont parfois formés « sur le tas » par les compagnons de l’entreprise et à leur contact quotidien.

Du Moyen Âge au Premier Empire, la naissance et la reconnaissance et des métiers de couvreur parisien

 

Le métier de couvreur parisien est un métier ancien qui a évolué tout au long des siècles. Il s’est enrichi grâce aux transformations architecturales des édifices parisiens et à l’utilisation de nouveaux matériaux de couverture. La corporation des couvreurs est mentionnée en 1268, dans le Livre des métiers d’Étienne Boileau, prévôt de Paris, sous saint Louis.

Les toits de Paris étant alors essentiellement recouverts de bardeaux de bois (sorte de tuiles de bois appelées « essaunes »), la corporation des couvreurs était rattachée à celle des charpentiers. Les toits en bardeaux étaient couverts par des charpentiers dits « de la petite cognée » (mise en œuvre des pièces de bois de petite dimension). Ils se différenciaient des charpentiers de « la grande cognée », qui maîtrisaient la mise en œuvre des pièces de bois de la structure de la maison et de la charpente du toit.

Au XIIe siècle, la population parisienne se concentrait dans des maisons à colombage et torchis, hautes de trois ou quatre étages construites sur un rez-de-chaussée en pierre de taille. Les toits pointus, perpendiculaires à la rue, étaient recouverts de chaume ou en bardeaux. Ces maisons étaient sujettes aux incendies, l’un des pires fléaux des villes du Moyen Âge. Pour pallier ces risques, dès le XIIIe siècle, les bâtisseurs remplacèrent le torchis par des murs remplis de moellons, de brique ou de mortier. Sur les toits, le chaume et les bardeaux de bois disparurent progressivement laissant la place à la tuile. On tira à nouveau profit des couches de glaise du sous-sol parisien comme au temps des bâtisseurs de la Lutèce gallo-romaine.

À la même époque, un autre matériau commença à couvrir les toits de Paris : l’ardoise. Elle coûtait plus cher que la tuile à cause de sa rareté, de la difficulté de son exploitation et du coût du transport depuis les carrières de la région d’Angers (Maine-et-Loire). Ce matériau noble était réservé à la couverture des toits de grands édifices religieux, de collèges, de palais ou d’hôtels particuliers.

En 1327, à la faveur de l’utilisation de ces nouveaux matériaux, le métier de couvreur se sépara définitivement de la corporation des charpentiers pour devenir un métier à part entière. La généralisation de l’emploi de la tuile puis de l’ardoise demandait aux couvreurs des formations et des savoir-faire spécifiques. Les couvreurs eurent alors leurs propres statuts et leurs propres traditions.

Quant aux prestigieuses toitures de plomb de Notre-Dame de Paris ou de la Sainte-Chapelle, elles étaient aux mains de maîtres couvreurs plombiers ornemanistes reconnus dans l’art de la « plomerie ». Il faut attendre 1549 pour que les couvreurs plombiers forment une corporation reconnue.

À partir du XVIIe siècle, les règlements imposèrent la construction d’édifices aux toitures, non plus perpendiculaires, mais parallèles à la rue. Le passage de la toiture à forte pente à des toitures plus discrètes, dite à la Mansart, s’est fait progressivement entre le XVIe et le XVIIIe siècle. En s’adaptant à cette nouvelle architecture, les savoir-faire des couvreurs parisiens se sont enrichis. Mais jusqu’au début du XIXe siècle, le plomb, la tuile et l’ardoise restèrent les matériaux traditionnels des couvreurs parisiens.

 

Au XIXe siècle, un nouveau métier, le couvreur-zingueur parisien

Au début du XIXe siècle, un nouveau métier apparut sur les toits de Paris : le couvreur- zingueur. Il naquit de la conjonction de trois facteurs principaux :

l’invention du laminage du zinc dans la dynamique de la Révolution industrielle ; la renaissance des corporations de métiers sous forme de syndicats divisés : syndicats patronaux et syndicats ouvriers ;

les grandes transformations de l’urbanisme de Paris sous le Premier et surtout sous le Second Empire.

 

Le zinc laminé, un matériau nouveau

En 1806, dans le département français de l’Ourthe (l’actuelle Wallonie), l’abbé Jean-Jacques Daniel Dony, curé féru de chimie, inventa un procédé de réduction par voie thermique de la calamine (minerai de zinc), dont il réussit à extraire un zinc pur. Par décret impérial de mars 1809, il obtint de Napoléon Ier la concession d’une mine, l’Altenberg (la Vielle Montagne), très riche en minerai de zinc et de plomb. En 1810, il réussit à laminer sa première feuille de zinc dans sa fonderie de Liège et déposa un brevet. L’année suivante, la toute première couverture en feuilles de zinc fut réalisée sur l’église Saint-Barthélémy de Liège. En 1813, l’usine et le brevet sont rachetés par un industriel bruxellois François-Dominique Mosselman, qui fonde la Société des mines et fonderies de la Vieille Montagne, ancêtre de l’actuelle VM Zinc, qui produit l’essentiel du zinc français et fait partie du groupe UMICOR.

Mais ce n’est qu’en 1815 que l’on expérimenta pour la première fois le zinc à Paris. Les débuts furent timides : les architectes manquaient de recul quant à la longévité du matériau et à ses capacités de résistance à la corrosion. L’architecte français Jean Rondelet (1743-1829), dans son ouvrage Traité théorique et pratique de l’art de bâtir (tome III) paru en 1805, énonce les qualités de ce tout nouveau matériau, mais émet des réserves sur sa pérennité :

« Sous les rapports de la dureté et de la ténacité, le zinc tient à peu près le milieu entre le plomb et le cuivre, en sorte qu’on peut donner aux lames de ce métal une épaisseur moyenne entre celles qui conviennent aux deux autres dans les divers genres d’ouvrage. Il suit de là que l’emploi du zinc pourrait offrir de grands avantages sur les autres métaux, tant pour la légèreté que pour l’économie qu’il apporterait dans les couvertures, si l’on était également assuré de sa durée, mais plusieurs observations donnent lieu d’appréhender que ce métal ne se détériore promptement aux injures de l’air ; et les essais qu’on en a faits sont encore trop récents, pour qu’on puisse quant à présent, en admettre l’emploi dans les grands édifices ».

À la fin du Premier Empire, à Paris, on n’imaginait pas encore pouvoir couvrir des immeubles de prestige avec du zinc. Ce matériau nouveau n’était pas très apprécié sur le plan esthétique. L’ardoise, la tuile, le cuivre et le plomb étaient encore les matériaux traditionnels du couvreur parisien. À Paris, on ne commença à utiliser le zinc que pour couvrir des ateliers ou des édifices à usage industriel.

Philippe Simon, architecte, chercheur et enseignant à l’ENSA Paris-Val-de-Seine, dans l’ouvrage collectif Les Couvertures métalliques : matériaux et techniques [Les Cahiers de la Section française de l’ICOMOS, 1997], évoque le jugement qui, à l’origine, était porté sur ce nouveau matériau de couverture :

« Le zinc a vite été connoté comme un matériau pauvre. On trouve dans certains textes des plombiers zingueurs du XIXe siècle des méthodes pour changer l’aspect du zinc que l’on trouvait vulgaire. Il fallait lui donner un aspect plus noble, comme celui du plomb qui recouvrait des bâtiments prestigieux. Il fallait noircir le zinc et lui donner l’aspect le plus sombre possible. Il existait de nombreuses méthodes pour « plombifier » le zinc pour lui donner un aspect considéré comme plus chic et pour qu’il puisse couvrir les immeubles parisiens ».

À partir des années 1820-1830, l’utilisation du zinc pour la couverture des toits parisiens commença à se développer. Durant cette décennie, de nombreux couvreurs se formèrent à ce nouveau métier de couvreur-zingueur.

 

La renaissance des corporations de métiers sous forme de syndicats patronaux

En interdisant les corporations de métiers, la Révolution de 1789 avait désorganisé et désuni le monde du travail. La disparition des corporations isolait les gens de métiers les uns par rapport aux autres et les ouvriers par rapport à leurs « maîtres ». La baisse de l’exigence dans le recrutement avait fait baisser le niveau moyen ; des savoir-faire commençaient à se perdre. Pour pouvoir défendre leurs droits individuels et collectifs, les compagnons cherchèrent une nouvelle fois à se réunir en corporations. Pour les réorganiser, une ordonnance du 20 février 1817 de Louis XVIII obligea les entrepreneurs à se constituer en bureaux, représentant chaque corps de métier. Ces bureaux devaient faciliter la transmission des règlements émanant de l’autorité royale aux ouvriers en passant par les entrepreneurs.

Le premier Bureau des maîtres-couvreurs s’installa au 151 rue de la Mortellerie (actuelle rue de l’Hôtel-de-Ville) dans la « Chambre des bastimens ». Chaque année, une assemblée générale des entrepreneurs de couverture élisait douze délégués qui, à leur tour, désignaient les trois membres du bureau, composé d’un président, d’un trésorier et d’un secrétaire. Ce Bureau des maîtres-couvreurs, né en 1817, est l’ancêtre de l’actuel GCCP (Syndicat des entreprises de génie climatique et de couverture plomberie).

Il fallut, au début du XIXe siècle, une organisation institutionnelle solide pour intégrer et développer, au sein des métiers traditionnels de la couverture, le nouveau métier de couvreur zingueur. En 1846, le Bureau s’agrandit et devint la Chambre syndicale des entrepreneurs de couverture de la Ville de Paris. Elle étudiait les projets de loi, défendait les intérêts de ses adhérents et leur donnait des conseils juridiques. En avance sur son temps, elle développa des idées de solidarité en créant, en 1864, une caisse d’assurance pour aider financièrement les ouvriers blessés sur les chantiers. Il faut imaginer que le cœur de Paris était un gigantesque chantier et que les chutes des couvreurs étaient fréquentes. Cette œuvre philanthropique fut gérée de façon autonome, sans l’aide de l’État, et ne coûtant rien aux victimes.

La chambre syndicale créa également un office du travail, sorte de bureau de placement pour ses couvreurs. Elle se faisait l’écho de toutes les avancées industrielles et techniques qui pouvaient faire progresser la corporation. Pour aider les couvreurs à se familiariser avec le zinc, elle organisa des cours gratuits de formation. Aux apprentis, elle enseignait la géométrie, le dessin, le métré et les exercices pratiques. Aux anciens couvreurs, elle décernait des récompenses pour leur mérite. Pendant tout le XIXe siècle, la Chambre syndicale a représenté le cœur d’une véritable « communauté » de métiers.

 

Le couvreur parisien syndiqué au premier rang des mouvements sociaux

Après la révolution de février 1848, Louis Blanc créa les Ateliers nationaux en affirmant le « droit au travail » de chaque citoyen. Il s’agissait d’associations ouvrières de production financées par l’État, où chaque travailleur aurait un salaire égal. L’État finança l’ouverture de chantiers à Paris et en province afin de réduire le chômage. Émile Levasseur, dans son Histoire des classes ouvrières en France (1901), relate qu’en 1848 :

« les couvreurs travaillant à la couverture du nouveau Palais de l’Assemblée nationale se révoltèrent contre leurs conditions de salaires. Louis Blanc, qui présidait alors la commission du Travail, alla voir les ouvriers et fit appel à leur patriotisme. Les couvreurs remontèrent sur les toits et ils furent augmentés ».

 

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les couvreurs, comme les ouvriers des autres métiers, créèrent leurs propres syndicats. À travers leurs revendications et grâce à leur esprit de solidarité, ils pouvaient tenir tête aux syndicats patronaux, lorsque leurs intérêts étaient contraires. La grève était l’arme principale dans leurs relations souvent tendues avec les chambres syndicales patronales.

Dans son étude historique Artisans français : les couvreurs et les plombiers (1903), François Husson signale l’existence des associations professionnelles ouvrières de couvreurs au début du XXe siècle :

« Nous en connaissons trois à Paris : la Lutèce, rue Bichat ; l’Association des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs du Département de la Seine, rue Saint- Maur ; et l’Avenir, rue Liancourt ».

Pendant plus de cinq cents ans, les anciennes corporations de métiers avaient réuni, en leur sein, les maîtres tout puissants et les compagnons asservis. Le XIXe siècle aura vu la naissance des chambres syndicales patronales, gardiennes de leurs prérogatives, et des syndicats ouvriers, revendiquant leurs droits avec passion et parfois avec violence.

 

Les grandes transformations de l’urbanisme de Paris sous Haussmann

Sous Napoléon III, puis sous la Troisième République, l’urbanisme parisien a connu une transformation en profondeur. En prenant le pouvoir en 1852, Napoléon III mit immédiatement en œuvre ses idées sur l’aménagement de Paris et son désir de « redonner de l’air et de la lumière aux Parisiens ».

L’idée principale consistait à considérer la ville comme un tout, et non comme une somme de quartiers et d’îlots hermétiques. Pour unifier les quartiers, Napoléon III s’entoura d’hommes d’action : le préfet Haussmann assura le programme général, trancha dans le vieux Paris pour ouvrir un nouveau réseau de circulation et assura le financement des travaux ; Belgrand fut l’ingénieur hydraulicien et Alphand, l’architecte paysagiste.

Grâce à la richesse de la bourgeoisie d’affaires et des banquiers, ils réalisèrent un immense programme, dont la rapidité d’exécution reste exemplaire. Sur les terrains libérés par l’expropriation s’élevèrent des immeubles en pierre de taille, symétriques et d’égale hauteur, n’excédant pas 22 m. Ils devaient répondre à des codes esthétiques et offrir des façades à cinq ou six étages, ornées de balcons en ferronnerie, de fenêtres ouvragées, de corniches et de moulures saillantes.

Durant les seize années pendant lesquelles le baron Haussmann exécuta les plans de Napoléon III, 34 000 immeubles furent construits. Ces immeubles cossus étaient des immeubles de rapport, réservés à la bourgeoisie. Cela imposa, de fait, une ségrégation verticale : le premier étage était l’étage noble, les quatre suivants étaient réservés à la bourgeoisie, et, sous les combles, accessibles uniquement par les escaliers de service, se trouvaient les chambres de bonnes, où habitaient les gens de maison et les locataires de garnis. Pour les loger, il fallut créer un important volume habitable sous les toits de ces nouveaux immeubles.

Pour cela, Haussmann eut l’idée de couvrir les immeubles d’un toit à la Mansart (comble brisé à 2 ou 4 pentes), composé d’un brisis (la partie basse, la plus pentue), généralement recouvert d’ardoise, et d’un terrasson (la partie haute, de faible pente), recouvert de zinc. Le recul était suffisant pour apprécier la longévité du zinc, posé depuis une vingtaine d’années déjà sur quelques toits parisiens.

Cette forme de toit offrait un volume habitable plus important que le toit pentu traditionnel. Pour couvrir le terrasson, le zinc offrait des avantages : il était plus économique que le cuivre, mais surtout plus léger (de 5 à 7 kg au mètre carré, contre 50 kg pour l’ardoise et 80 kg pour la tuile). Grâce à la légèreté du zinc, il n’était plus nécessaire de construire une lourde charpente pour soutenir la toiture. Une charpente composée de chevrons de faible section permit de gagner du volume sous les combles et d’augmenter ainsi la surface habitable. Tout concourrait pour que le zinc fût considéré comme le matériau idéal pour répondre à cette nouvelle organisation sociale et urbaine de la capitale. Ces qualités du zinc se sont si parfaitement adaptées à la forme et à l’inclinaison du terrasson de l’immeuble haussmannien que ce matériau est devenu le symbole des toits de Paris.

Grâce à la généralisation de l’emploi du zinc, le couvreur-zingueur devint le maître des toits de Paris. Les métiers de la zinguerie firent des progrès remarquables, galvanisés par le dynamisme urbain, par la construction ou la restauration d’édifices de prestige. Les techniques de la pose du zinc à tasseaux furent inventées par les couvreurs zingueurs au XIXe siècle. Ces techniques continuent d’être utilisées et améliorées. Elles s’adaptent aussi à de nouvelles architectures. Elles constituent aujourd’hui un savoir-faire particulier aux couvreurs zingueurs parisiens.

François Husson [Artisans français, op. Cit., 1903] donne aux couvreurs leur juste place dans la dynamique du Paris haussmannien :

« L’énorme développement de la construction à Paris, sous Napoléon III et la Troisième République, et le luxe prodigué aux édifices contemporains ont porté au plus haut degré l’art industriel. Parmi les métiers qui se distinguèrent dans cette alliance de l’art avec le terre-à- terre de la main-d’œuvre professionnelle, on place au premier rang celui de la couverture et de la plomberie (…). Le couvreur utilise des produits inconnus aux siècles précédents. Depuis l’introduction du zinc dans l’industrie de la construction, cet artisan couvre nos maisons et nos immeubles de ce métal dont la pose à dilatation libre est une conception des plus heureuses ».

Pour répondre à une demande gigantesque et urgente, des centaines de couvreurs traditionnels (ardoisiers et tuiliers) se formèrent pour maîtriser ce nouveau matériau. Les toits des nouveaux immeubles haussmanniens nécessitant des ouvriers qualifiés, des centaines d’apprentis furent embauchés et formés par les entreprises de couverture de Paris. Sous Haussmann et après lui, le métier de couvreur-zingueur prit une importance considérable et gagna en reconnaissance. Depuis le début du XXe siècle, 70 % des toits de Paris sont recouverts de zinc. Les feuilles de zinc doivent être remplacées par du zinc neuf tous les 50 à 60 ans. Cette nécessité induit une continuité du métier de couvreur zingueur pour les générations à venir ; elle oblige au choix d’un matériau de qualité et à l’exigence d’une maîtrise parfaite dans l’art de la pose.

Le couvreur parisien sous la protection divine

 

Depuis le XIVe siècle, la fête corporative des compagnons couvreurs a lieu le dimanche de la Sainte Trinité. C’est dans l’église du prieuré Saint-Denis-de-la-Chartre sur l’île de la Cité, démolie en 1810, que les couvreurs venaient célébrer leur fête, le dimanche de la Sainte Trinité au mois de juin. En choisissant la Sainte Trinité en guise de « saint patron », les couvreurs, qui exerçaient un métier périlleux, se mettaient ainsi directement sous la protection de Dieu.

 

Le couvreur parisien reconnu par la tradition compagnonnique

 

 

Avant la Révolution de 1789, le métier de couvreur était très encadré au sein de la corporation. En 1779, un nouveau règlement visa les compagnons couvreurs, plombiers carreleurs et paveurs de la Ville de Paris. Il leur était fait obligation de s’inscrire dès leur arrivée à Paris, au bureau de leur communauté, de déclarer leur identité, leur domicile et le nom du maître pour qui ils allaient travailler et celui du dernier maître chez lequel ils avaient travaillé. Un maître qu’un compagnon aurait quitté sans autorisation pouvait le faire arrêter par la Garde et le faire emprisonner jusqu’à ce qu’il accepte de finir le temps de son apprentissage. Le droit de grève était limité au tiers des compagnons d’un atelier. La journée de travail était de 12 heures en été et de 10 heures en hiver. Chaque compagnon devait posséder un petit livret paraphé par son syndic et indiquant toutes les informations le concernant. Il y était fait mention de son parcours d’un maître à un autre, de son certificat de congé, de sa conduite, de son assiduité au travail et de sa valeur morale. Le maître restait dépositaire du livret tant que le compagnon demeurait chez lui. Ce livret était un sésame autant qu’un carcan.

Les maîtrises compagnonniques furent interdites le 4 août 1789. En juin 1791, le livret fut considéré comme une preuve de servitude et aboli par une loi de l’Assemblée constituante. La loi stipulait dans son article Premier :

« L’anéantissement de toute espèce de corporation de citoyen de même état et profession étant l’une des bases fondamentales de la Constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et sous quelque forme que ce soit ».

Désormais, le travail fut libre et cette loi marqua la fin de l’histoire des vieilles communautés ouvrières. Pendant la période révolutionnaire, les travaux se ralentirent pour les couvreurs, les plombiers et les autres gens de métier. Tous devinrent des citoyens et répondirent à des devoirs civiques et militaires. Ils s’enrôlèrent dans les bataillons pour défendre les frontières. Les plus âgés devinrent des électeurs pour désigner les députés et les cadres de l’administration.

Mais sous le Premier Empire, le compagnonnage revint en force. Étienne Martin Saint-Léon, dans son ouvrage Le Compagnonnage (Paris, Librairie du Compagnonnage éditeur, 1977) situe le métier de couvreur dans la tradition compagnonnique :

« Au début du XIXe siècle, toutes les sociétés de compagnons existantes se rattachaient à l’une ou l’autre de ces deux grandes fédérations : le Devoir de Liberté (enfants de Salomon), auquel se rattachaient les tailleurs de pierre ; les menuisiers et les serruriers et les compagnons du Devoir (enfants de Maître Jacques et enfants du Père Soubise), qui chapeautaient une trentaine de métiers dont celui de couvreur. Les couvreurs avaient été initiés dès 1703 par les charpentiers, mais ils n’avaient été reconnus par les autres corps qu’en 1759. Ils appartenaient au rite du Père Soubise. »

Signe de reconnaissance, les compagnons couvreurs portaient les rubans de leur corporation au sommet de leur chapeau, parce que « ceux qui travaillent sur les toits ne peuvent placer leurs couleurs qu’au faîte ». Ils portaient des boucles d’oreille représentant leurs outils, le marteau et l’aissette.

 

 

Le couvreur parisien dans la littérature

 

Le métier de couvreur est cité par Tabarin, le bouffon du pont Neuf qui, dans ses dialogues avec son maître Mondor, faisait la joie de son public au XVIIe siècle. Il fit ainsi l’éloge des couvreurs parisiens :

« Je les admire pour l’adresse qu’ils ont à se guinder sur le feste et le sommet des plus hauts et des plus aigus édifices de l’univers. Quand on veut parler d’un couvreur, on dit que le vent lui souffle au derrière » [Œuvre de Tabarin, Fantaisie et dialogue XXXVIII, 1622].>

Lorsque Émile Zola écrit L’Assommoir en 1877, l’utilisation du zinc, pour couvrir les immeubles parisiens, s’est généralisée. Couvreur zingueur est devenu un métier à part entière, une communauté qui entretient et transmet ses savoir-faire. Émile Zola décrit le travail, les gestes précis puis la chute malheureuse de Coupeau, couvreur-zingueur de son état, achevant un chantier de toiture rue de la Nation, à Paris :

« Coupeau terminait alors la toiture d’une maison neuve, à trois étages. Ce jour-là, il devait justement poser les dernières feuilles de zinc. Comme le toit était presque plat, il y avait installé son établi, un large volet sur deux tréteaux. Un beau soleil de mai se couchait, dorant les cheminées. Et tout là-haut, dans le ciel clair, l’ouvrier taillait tranquillement son zinc à coups de cisailles, penché sur l’établi, pareil à un tailleur coupant chez lui une paire de culottes. Contre le mur de la maison voisine, son aide, un gamin de dix-sept ans, fluet et blond, entretenait le feu du réchaud en manœuvrant un énorme soufflet, dont chaque haleine faisait envoler un pétillement d’étincelles.

- Hé ! Zidore, mets les fers ! cria Coupeau !

L’aide enfonça les fers à souder au milieu de la braise, d’un rose pâle dans le plein jour. Puis il se remit à souffler. Coupeau tenait la dernière feuille de zinc. Elle restait à poser au bord du toit, près de la gouttière ; là, il y avait une brusque pente, et le trou béant de la rue se creusait ; (…) Arrivé devant le trou, il se laissa couler, s’arc-bouta d’un genou contre la maçonnerie d’une cheminée, resta à moitié chemin du pavé. Une de ses jambes pendait. Quand il se renversait pour appeler cette couleuvre de Zidore, il se rattrapait à un coin de la maçonnerie à cause du trottoir, là-bas, sous lui. (…)

Là-haut, on entendait la voix forte du zingueur chantant : Ah ! qu’il fait bon cueillir des fraises ! Maintenant, penché sur son établi, il coupait son zinc en artiste. D’un coup de compas, il avait tracé une ligne, et il détachait un large éventail, à l’aide d’une paire de cisailles cintrées ; puis légèrement, au marteau, il ployait cet éventail en forme de champignon pointu. Zidore s’était remis à souffler la braise du réchaud. (…)

Le tuyau auquel il devait adapter le chapiteau se trouvait au milieu du toit. Gervaise, tranquillisée, continuait à sourire en suivant ses mouvements. Nana, amusée tout d’un coup par la vue de son père, tapait dans ses petites mains. Elle s’était assise sur le trottoir pour mieux voir là-haut.

Papa ! papa ! criait-elle de toute sa force ; papa ! regarde donc !

Le zingueur voulut se pencher, mais son pied glissa. Alors, brusquement, bêtement, comme un chat dont les pattes s’embrouillent, il roula, il descendit la pente légère de la toiture, sans pouvoir se rattraper.

Nom de Dieu ! dit-il d’une voix étouffée.

Et il tomba. Son corps décrivit une courbe molle, tourna deux fois sur lui-même, vint s’écraser au milieu de la rue avec le coup sourd d’un paquet de linge jeté de haut. Gervaise, stupide, la gorge déchirée d’un grand cri, resta les bras en l’air. (…)

Et quand les jambes lui revinrent, il garda une sourde rancune contre le travail. C’était un métier de malheur de passer ses journées comme les chats, le long des gouttières. Eux pas bêtes, les bourgeois, ils vous envoyaient à la mort, bien trop poltrons pour se risquer sur une échelle, s’installant solidement au coin de leur feu et se fichant du pauvre monde. Et il en arrivait à dire que chacun aurait dû poser son zinc sur sa maison ».

Le métier de couvreur parisien connaît aujourd’hui de graves difficultés de recrutement. Selon une étude parue dans le journal Le Parisien du 17 avril 2015, parmi les dix métiers où les difficultés de recrutement sont les plus élevées, le métier de couvreur zingueur qualifié arrive en tête. Sur 3159 offres d’emploi à pourvoir, 71% d’offres sont non pourvues, soit 29 % seulement d’offres honorées. À titre de comparaison, sur 4263 offres d’emplois de médecins, 69 % des offres sont non pourvues et, sur 4187 offres d’emplois de chaudronnier, 66 % des offres sont non pourvues.

Ces difficultés sont dues principalement à trois raisons :

un manque de visibilité : le métier de couvreur est un métier peu connu par rapport à d’autres métiers du bâtiment (charpentier, maçon, tailleur de pierre, plombier, chauffagiste…). Le fait de travailler à 20 m de hauteur sur des immeubles parisiens aux façades, le plus souvent recouvertes d’échafaudages bâchés, rend le métier de couvreur invisible aux yeux du public ;

un a priori de dangerosité : beaucoup de jeunes qui s’interrogent sur le choix d’un métier manuel lié au bâtiment, considèrent le métier de couvreur comme dangereux. Le travail en hauteur entraîne, selon eux, des risques de chute. De jeunes apprentis, sujets au vertige, se détournent d’emblée de ce métier. Pourtant, aujourd’hui les chantiers de toiture répondent à toutes les normes de sécurité qui sont imposées juridiquement. Les accidents sont rares ;

un a priori de pénibilité : le travail en plein air, les intempéries, le vent, le gel, la canicule sont des obstacles à l’attrait du métier. Il est vrai que le ressenti climatique sur les toits est démultiplié par rapport au ressenti au sol. En cas de fortes chaleurs, le zinc est brûlant ; en cas de gelées, les toits sont glissants. Pour pallier ces différents risques, les entreprises de couverture ont l’obligation de protéger les chantiers par des échafaudages fermés et par la mise en place de garde-corps. Elles doivent faire cesser le travail des couvreurs en cas de conditions climatiques extrêmes (gelées, canicule, tempêtes).

 

Témoignage de Mme Anne HEYER, directrice du CFA Maximilien-Perret d’Alfortville

« En couverture (par rapport à la plomberie ou au génie climatique), c’est la seule section où j’ai toujours plus d’entreprises en demande que de jeunes. On fait beaucoup de communication autour du métier. Notre développeur d’apprentissage va dans les missions locales pour présenter et vanter le métier. Elle montre des petites maquettes de couverture qui ont été réalisées par nos formateurs qui sont d’anciens couvreurs. Cela permet de visualiser une réalisation de couverture, parce que les gens ne savent pas vraiment ce qu’est le métier. Notre CFA met en relation des apprentis et des entreprises à travers les stages en alternance. Nous sollicitons des entreprises pour prendre nos apprentis plombiers très nombreux qui sont souvent en liste d’attente. Nous essayons de susciter des vocations de couvreurs parmi nos apprentis plombiers, parce que les entreprises sont en demande et ce, depuis longtemps. Historiquement, en couverture, nous sommes toujours obligés d’aller chercher des jeunes parce que les entreprises sont en demande ».

Actions de valorisation.

 

Existence d’accords-cadres avec différents ministères (Éducation nationale, Économie et Finances), reconnaissant la spécificité de la formation à travers les institutions compagnonniques et assurant sa viabilité dans l’espace habituel de l’apprentissage et de la formation publics.

Actions spécifiques du GCCP (Syndicat des entreprises de génie climatique et couverture plomberie) :

réactualisation régulière de son site internet, mettant en valeur les informations concernant la formation aux métiers de la couverture ;

organisation annuelle de la fête de Printemps (mai) : cette manifestation a pour but de récompenser les couvreurs remarqués par leur entreprise pour l’excellence de leur travail. Elle est aussi une occasion conviviale de mettre en relation les entreprises de couverture entre elles ;

tenue trimestrielle des commissions de Couverture, pour faire un compte rendu aux entreprises adhérentes des dernières avancées techniques, des questions juridiques, sociales ou de formation ;

« clubs partenaires », œuvrant au rapprochement et aux échanges réguliers entre les entreprises de couverture et les entreprises de fabrication des matériaux ou les entreprises de services liées aux métiers de la couverture ;

participation du GCCP et des CFA à diverses manifestations mettant en valeur le métier de couvreurs (Olympiades des Métiers, journées portes ouvertes) ;

cours réguliers de formation aux techniques de pose de zinc par l’entreprise VM Zinc, in situ dans l’école Pro Zinc de Bray-et-Lu (Val d’Oise) ou dans les CFA ; cours d’initiation et de perfectionnement aux techniques de soudure sur zinc ;

réalisation d’une exposition intitulée Toits émois / Roofs of Paris (25 mai-22 juillet 2017) à la City University of Hong-Kong. Cette exposition est organisée par l’association culturelle France-Hong-Kong et Olivier Boileau-Descamps (commissaire) dans le cadre du French May. Elle mettra en valeur les paysages de Paris vus des toits et la beauté des toitures haussmanniennes à travers les œuvres de grands artistes peintres et photographes. Elle montrera aussi des maquettes de toits, des matériaux (zinc, cuivre, ardoise), des outils et des ornements en zinc réalisés par des couvreurs parisiens. Catalogue en chinois et en anglais.

 

Diffusion.

Réédition régulière de l’ouvrage de référence Traité de couverture d’Henri Charlent (Paris, Dunod, 1980). Ce traité est la bible du couvreur zingueur ;

Réalisation d’un livre intitulé Les Toits de Paris ou l’Art des couvreurs, par Gilles Mermet (textes et photographies), Paris, Éditions de la Martinière, 2011). Ce « beau-livre » de 180 pages, richement illustré de photographies, a été commandité par le GCCP dans le but de faire découvrir le métier de couvreur au grand public et aux jeunes apprentis. Il a été tiré à 3500 exemplaires et, devant son succès, a été réédité à 1500 exemplaires en 2016. Ce livre décrit et met en valeur les savoir-faire du couvreur parisien à travers la maîtrise des différents matériaux traditionnels : l’ardoise, la tuile, le zinc, le cuivre et le plomb ;

Réalisation et diffusion d’un film (15-20 minutes) de Gilles Mermet, mettant en valeur le métier de couvreur parisien (témoignages de couvreurs et séquences montrant la maîtrise du zinc et des différents matériaux constitutifs des toits de Paris) ;

Réalisation d’un ouvrage sur le bicentenaire du GCCP marquant la naissance du syndicat des couvreurs parisiens en 1817.

Participation des communautés à l’élaboration de la fiche.

 

Les différentes entités citées au chapitre I ont participé à l’élaboration de la fiche et consenti à l’inclusion des savoir-faire du couvreur zingueur parisien à l’inventaire national du Patrimoine culturel immatériel à travers différentes actions :

en apportant les informations nécessaires à sa rédaction ;

en donnant un libre accès aux chantiers de couverture en cours, entre les mois d’octobre 2016 et de mars 2017 de façon à pouvoir observer, in situ, et témoigner de la spécificité des savoir-faire liés à la préparation et à la pose du zinc sur les toits de Paris ;

en contribuant au financement d’un film destiné au ministère de la Culture, qui met en valeur les gestes, les savoir-faire et les témoignages des apprentis, des compagnons couvreurs et des patrons d’entreprise de couverture ;

en manifestant leur enthousiasme pour le projet de mise en valeur et de reconnaissance de leur métier par les instances de la direction générale des Patrimoines du ministère de la Culture.

Lieux et dates de l’enquête : Paris et région parisienne, 2016-2017

GCCP Syndicat des entreprises de génie climatique et de couverture-plomberie, 10 rue du Débarcadère, 75017 Paris

CFA Couverture Plomberie Maximilien-Perret, place San Benedetto del Tronto, 94142 Alfortville

Association ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France, 82, rue de l’Hôtel-de-Ville, 75004 Paris

 

Date de la fiche d’inventaire : mars 2017

Nom de l’enquêteur et rédacteur de la fiche : Gilles Mermet, journaliste et photographe indépendant.

Photographies : © Gilles Mermet

Année d’inclusion à l’inventaire : 2017

N° d’inventaire Ministère : 2017_67717_INV_PCI_FRANCE_00384

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Couvreur-zingueur

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