Au nombre des fêtes à animaux totémiques du sud de France, les fêtes de la Tarasque durent quatre jours et se déroulent chaque année le dernier weekend de juin
Au nombre des fêtes à animaux totémiques du sud de France, les fêtes de la Tarasque durent quatre jours et se déroulent chaque année le dernier weekend de juin. Elles sont l’occasion d’assister à la course de la Tarasque, l’animal totémique qui surgit et fait trépigner d’impatience et trembler de peur petits et grands.
Au nombre des fêtes à animaux totémiques du sud de France, les fêtes de la Tarasque durent quatre jours et se déroulent chaque année le dernier weekend de juin. Elles sont l’occasion d’assister à la course de la Tarasque, l’animal totémique qui surgit et fait trépigner d’impatience et trembler de peur petits et grands.
Les fêtes de la Tarasque célèbrent à la fois sainte Marthe et la Tarasque, qu’elle terrassa, mais également Alphonse Daudet et son héros, Tartarin de Tarascon.
C’est aussi l’occasion pour les traditions de la culture camarguaise de s’exprimer : les manades de Tarascon et des alentours y donnent à voir les courses camarguaises (Abrivadas ou Encierros) de taureaux dans les arènes de la ville ou sur la place des campements thématiques, au pied du château de Tarascon, sur les berges du Rhône.
Les fêtes de la Tarasque sont organisées par la Ville de Tarascon et par plusieurs associations, dont celle des Chevaliers de la Tarasque, qui a la responsabilité des sorties de la Tarasque.
La municipalité est organisatrice de la fête et de la programmation dans son ensemble. Elle coordonne les initiatives des différentes associations culturelles et sportives qui souhaitent participer à la fête et met à disposition certains lieux, comme les arènes de la ville, la place du Château ou les berges du Rhône, pour les différents événements qui jalonnent les quatre jours de fêtes.
La Tarasque appartient à la Ville de Tarascon, qui en assure également la gestion. Une convention entre l’association des Chevaliers de la Tarasque et la Ville est reconduite tacitement. Cette convention permet aux Tarascaïres de faire courir la Tarasque lors des fêtes et de promouvoir les traditions de la ville lors de ses déplacements. Il suffit alors à Christian Guiot, président de l’association des Chevaliers de la Tarasque et meneur de la Tarasque et des Tarascaïres depuis trente ans, de faire une demande écrite pour préparer une sortie à l’extérieur et l’accord est donné systématiquement.
La population est active dans l’organisation des fêtes de la Tarasque. Les associations locales et sportives, les nombreuses manades et les groupes folkloriques tarasconnais font partie intégrante de la programmation de la fête. Chacun organise tour à tour son animation : certains tiennent une buvette, d’autres s’occupent de la restauration dans « L’espace de la Tarasque », place du Château. Dans ce lieu aussi se déroulent les concerts et animations nocturnes pour un public venu nombreux profiter des mets préparés pour l’occasion tout en écoutant de la musique.
Lors des défilés du dimanche après-midi, de nombreuses personnes costumées se joignent à la fête. Certains viennent de leur propre initiative, costumés soit en habit provençaux, avec des outils et objets représentant des vieux métiers, soit costumés selon le thème de l’année.
Dix Tarascaïres, souvent joueurs de rugby, font actuellement courir la Tarasque. Ils ne sont parfois que huit ou neuf présents autour de la Tarasque. La même équipe prend la responsabilité de tout le parcours. Sur les Tarascaïres, Louis Dumont écrivait en 1951 : « D’après Villeneuve, les Tarascaïres appartenaient aux premières familles de la ville, ils représentaient la noblesse. Désana note que la roture n’y est admise que depuis la Révolution ; d’après Mistral, c’était " les jeunes gens les mieux cotés ". En 1946, ce sont les jeunes gens de la Société Sainte-Marthe qui sont chargés, avec leurs amis, de la Tarasque. Tout cela n’est pas très clair : les Tarascaïres sont des jeunes célibataires, mais étaient-ils tous nécessairement nobles ? Mouren ne le dit que pour l’Abbé. En fait, c’était les dépenses de la fête qui devaient restreindre le recrutement aux nobles et aux bourgeois qui supportaient en partie ces frais ».
Lieu(x) de la pratique en France
Les fêtes de la Tarasque se déroulent à Tarascon (Bouches-du-Rhône), en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Dans la légende, les berges aux pieds du château ont de tout temps abrité le sommeil de la Tarasque. Les fêtes de la Tarasque y commencent et y finissent. Le débarquement de la Tarasque et de Tartarin le dimanche 29 juin 2014 n’a pas dérogé à la règle s’est déroulé sur la berge en contre-bas du château, sur la plage dite « Tartarin Plage » (en haut à droite du plan).
Lors des festivités, la majorité des événements a lieu au pied du château, à l’exception du départ du défilé de l’après-midi, qui commence et finit aux casernes. On y assiste à de nombreuses représentations de l'affrontement de sainte Marthe et de la Tarasque.
Pratique similaire en France et/ou à l’étranger
Non renseigné
Le dernier week-end de juin à Tarascon se déroulent les fêtes de la Tarasque. Le public venu de Tarascon et des villages environnants est nombreux à l'occasion de ces quatre journées de fêtes. Tous sont venus assister à une série de défilés, où de nombreux groupes de Tarascon ou d’ailleurs sont conviés. Au cœur de la fête trône la Tarasque, qui court, chahute et bouscule les passants. En 2014 (date de l’enquête), les fêtes de la Tarasque célèbrent la Libération de 1944. En effet, chaque année depuis les années 2000 une thématique est donnée, à laquelle s'intègrent l'animal et ses chevaliers.
Le dernier week-end de juin à Tarascon se déroulent les fêtes de la Tarasque. Le public venu de Tarascon et des villages environnants est nombreux à l'occasion de ces quatre journées de fêtes. Tous sont venus assister à une série de défilés, où de nombreux groupes de Tarascon ou d’ailleurs sont conviés. Au cœur de la fête trône la Tarasque, qui court, chahute et bouscule les passants. En 2014 (date de l’enquête), les fêtes de la Tarasque célèbrent la Libération de 1944. En effet, chaque année depuis les années 2000 une thématique est donnée, à laquelle s'intègrent l'animal et ses chevaliers.
Le déroulement des fêtes
La présente description porte sur les rituels concernant la Tarasque et ses Chevaliers au sein des fêtes de la Tarasque et, plus spécifiquement, sur les deux temps forts des fêtes : la bénédiction, puis la Rocia de la Tarasque (tour du canton avec des véhicules d’époque pour annoncer le début des fêtes), d’une part ; les courses de la Tarasque, d’autre part.
La bénédiction de la Tarasque a lieu le vendredi à l’église Saint-Michel-de-Frigoulet. Elle se faisait jadis à Tarascon, mais le curé actuel ne souhaitant pas prendre part au rituel, les équipes et la municipalité ont cherché un prêtre acceptant de bénir la Tarasque.
L’itinéraire part à 8h du matin du jardin des plantes de Tarascon : les marcheurs réunis empruntent le chemin de la Montagnette. Durant cette marche, la Tarasque est portée sur une remorque jusqu’à l’abbaye ; le dénivelé de 7 km ne permet pas de s’y rendre en la poussant.
La Tarasque attend l’arrivée des marcheurs, qui forment une procession sur les derniers mètres jusqu’au lieu où les accueillent les pères Prémontés. L’abbé de Saint-Michel-de-Frigolet procède à la bénédiction de la Tarasque, des marcheurs et de personnes venues avec leurs animaux : lors de cette bénédiction, le curé peut bénir les animaux domestiques. Cette bénédiction, qui marque l’ouverture des fêtes, est l’occasion de souhaiter au public de belles fêtes sur la place de l’abbaye.
La Tarasque effectue ensuite une course jusqu’au lieu de l’apéritif, offert par la municipalité, et du repas convivial « tiré du sac ». Après le déjeuner, la Tarasque repart, de nouveau sur une remorque, accompagnée, en 2014, de véhicules de l'armée américaine en raison du thème annuel. Une longue procession fait le tour du canton afin d'annoncer les fêtes de la Tarasque et d'attirer les chalands. Ce tour passe par la place Boulbon, traverse Saint-Pierre-de-Mézouargues, revient sur la route de Mas Blanc, traverse SaintÉtienne-du-Grès, le quartier de Lançac et arrive à Tarascon. Dans chaque lieu, Tartarin de Tarascon, juché sur une voiture ancienne, tire quelques coups de fusils. Cette grande caravane de véhicules anciens et de personnages costumés donne le ton et le thème de l’année.
Autrefois, la Tarasque participait à la pégoulade, sortie nocturne au flambeau, qui ne se pratique plus à présent. Les Tarascaïres étaient alors habillés « à l’ancienne », c’est-à-dire qu’ils revêtaient les costumes anciens en coton épais, moins inflammables pour éviter que les costumes de satin et de soie ne brûlent avec les artifices. Certains des artifices étaient logés dans les naseaux de l’animal totémique et des fumigènes fixés dans des supports remplaçaient pour l’occasion certaines piques du dos de la Tarasque. La pégoulade se déroulant de nuit, des warnings de voiture ont été installés dans la tête de la bête, à l’initiative de Christian Guiot, président de l’association des Chevaliers, pour que les yeux de la Tarasque clignotent, lui conférant un aspect encore plus impressionnant.
- Le samedi
Le personnage de Tartarin de Tarascon est apparu au cours des fêtes de Tarascon au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Il apparaît entouré de personnages costumés, membres de l’association La Suite de Tartarin, qui animent le défilé du samedi. Munis de fusil, ils tirent en l’air à la poudre noire ou prennent pour cible des chapeaux, empruntés au public ou à d’autres membres du défilé, qu’il lancent en l’air.
Les groupes folkloriques tarasconnais, les danseurs en costumes traditionnels provençaux et les musiciens défilent également. Des groupes invités en fonction du thème de l’année participent aussi au cortège. En 2014, des musiciens écossais ont été invités, ainsi que des jeeps et d’autres véhicules datant de la Libération. La reconstitution d’un débarquement sur les berges du Rhône avait par ailleurs été organisée. Certaines années, on compta jusqu’à 1000 à 1200 personnes dans le cortège : les premiers qui ouvraient le défilé arrivaient à la caserne, alors que les derniers n’étaient pas encore partis. Les costumes appartiennent aux groupes programmés ce jour-là. Les Tarasconnais se joignent au défilé, après avoir fabriqué leurs propres chars. Toutes les familles sont costumées à l’ancienne.
La première des trois courses de la Tarasque à travers la ville a lieu le samedi. Les deux autres courses se déroulent le dimanche : l’une le matin, à partir de 11 h, pour l’arrivée de Tartarin ; l’autre l’après-midi, à partir de 15h30.
- Le dimanche
La journée essentielle pour la Tarasque est le dimanche, où elle démontre toute sa force sauvage. La Tarasque cherche sa place pour le départ du défilé, se faisant un malin plaisir à dépasser les groupes qui la précèdent pour mieux revenir sur ses pas et se retrouver deux groupes plus loin. Elle effectue ses courses en faisant des allers-retours et des demi-tours spectaculaires. La Tarasque rebrousse chemin sans arrêt, pour le plus grand plaisir du public venu en nombre assister au passage du défilé. Elle passe et repasse ainsi plusieurs fois devant le public, qui profite de sa course. Le défilé part de « Tartarin Plage », au pied du château, et se termine à la caserne, où tous les participants du défilé, locaux, artistes et groupes invités se rejoignent pour manger ensemble. L’après-midi, le départ est donné depuis la caserne. La Tarasque attend patiemment, mais, une fois lâchée, elle ne reste pas une seule minute en place. Cette attente avant le départ de l’après-midi est également l’occasion pour les enfants d’approcher la bête encore calme et immobile. C’est aussi le moment de jouer un tour aux jeunes femmes qui veulent se faire prendre en photo avec la Tarasque. Le temps de poser avec la Tarasque et les voilà sur la tête de la bête !
Lors des défilés autrefois, on pouvait assister à divers jeux autour de la Tarasque, tel le jeu de l’Esturgeon, qui consistait à jeter de l’eau aux gens. Les jeux du Cordeau consistaient à partir en farandole entre les gens, en se munissant d’une ficelle, qui était ensuite tirée pour faire tomber le public.
Christian Guiot aurait aimé restaurer ces jeux au cœur du défilé, mais il craint que la méconnaissance de ces rituels n’engendrent rejet et incompréhension : « Il ne faudrait pas envoyer l’eau trop fort, ou utiliser un brumisateur… Cela perdrait son sens ». Dans l’ouvrage Les Fêtes en Provence (1982), Jean-Paul Clébert décrit ces jeux de corporations comme des moments assez musclés, participant au vacarme et à la vie des fêtes de la Tarasque : « Car ces fêtes traditionnelles de la Tarasque s’accompagnaient autrefois de jeux, disparus depuis la fin du xixe siècle, mal rénovés en 1946 et dont on attend aujourd’hui qu’ils retrouvent […] une renaissance fertile. Car ils étaient beaucoup plus spectaculaires et plus significatifs que les niaises évocations mimées sur les chars de nos corsos. […] Chaque groupe corporatif illustrait ainsi à sa façon les gestes de son travail tout en faisant mine, comme la Tarasque, d’agresser la foule des spectateurs, censés n’être pas des travailleurs mais des oisifs. Des confrères de Saint-Marc offraient à boire aux passants, mais les gourdes offertes avaient un trou dissimulé par lequel le vin coulait sur la gorge et le plastron des malheureux. […] Déséquilibrés par le cordeau des vignerons, contusionnés par le tonneau des portefaix, arrosés copieusement par les mariniers, les Tarasconnais étaient alors aux prises avec les jardiniers qui leur jetaient dans le cou des graines d’épinard et de gratte-cul qui les démangeaient une bonne heure durant. Les filles, bien sûr, étaient particulièrement visées par les garçons déguisés en “plante-poireaux”. Les pâtres, promenant une jeune fille ou un enfant sur un âne […] portaient un pot rempli d’huile de cade (genévrier) particulièrement nauséabonde, dont ils badigeonnaient les visages à leur portée avec un petit balai. Avec les autres corporations, on abandonnait curieusement les farces et attrapes. L’explication n’en est donnée nulle part. […] Ils n’avaient pas la même fonction conjuratoire que les premiers, obligés de parodier les agressions de la nature pour assurer le rite de fécondité et de fertilité. Ceux-là se contentaient de paraître et de distribuer des pains et des gâteaux ».
- Le lundi
L’équipe des Chevaliers de la Tarasque se repose lors de « l’Aïoli des Municipaux », décrit par Christian Guiot comme une grande fête et un grand tintamarre. La Tarasque est présente, mais elle n’est pas poussée. Elle est posée à proximité des tables « pour qu’elle puisse nous voir, pour ne pas qu’elle reste seule ! ». Pour pouvoir participer à l’Aïoli et faire la fête, les Tarascaïres n’y sont pas costumés en chevaliers de la Tarasque, dans un souci de respect du costume et de la fonction de Tarascaïre. « On ne fait pas n’importe quoi avec le costume qui représente la tradition ». Cet aïoli est un repas convivial, servi à table, qui se déroule sur le boulevard Victor-Hugo. Il est animé par une Peňa, est ouvert à tous et les Tarascaïres aiment à s’y retrouver avec famille et amis.
Mode de déplacement
La Tarasque est poussée par les Tarascaïres, qui se placent de part et d’autre de la bête. Elle roule ainsi à vive allure. Elle est également entraînée par son propre poids dans les descentes et lors des virages, où les Tarascaïres doivent alors courir tout en la retenant. La Tarasque n'est pas un animal transporté sur un char ou tiré par un tracteur. Le jour de sa fête, la Tarasque n'est pas domptée : elle le sera plus tard par sainte Marthe. Christian Guiot déclare que les Tarascaïres sont beaucoup plus attentifs quand ils sont en dehors de Tarascon, car les Tarasconnais connaissent les mouvements et les caractères de la bête et se mettent à l’écart à son approche. Mais ailleurs, le public ne connaît pas la bête et ne réagit pas en voyant arriver la Tarasque.
Les jeux de la Tarasque
Lors de la course, la bête semble en chasse et charge le public, comme si les Tarascaïres ne la maîtrisaient plus, toute la subtilité étant, pour les meneurs, de jauger à quel point s’avancer pour faire vraiment peur, tout en restant capable de la retenir au dernier moment, avant qu’elle n’arrive au contact des spectateurs.
La virevolte. ― Lorsque l’emplacement est assez large, les Tarascaïres lancent la Tarasque et celui qui est à la queue la fait tourner. Le jeu est de lui faire faire la toupie. Les Tarascaïres la manient en prenant en compte son poids et l’effet de la force cinétique, en impulsant le mouvement circulaire et en laissant ensuite la bête effectuer sa rotation seule et libre. Ils se disposent tout autour pour éviter les contacts et pour l’arrêter lorsque qu’elle s’approche trop ou lorsqu’elle commence à ralentir.
La Tarasque et les jeunes femmes. ― L’un des jeux trouvés par les actuels chevaliers de Tarasque afin de faire participer les gens, sans les blesser, comme lors des anciens jeux de la Tarasque, consiste, pour les Tarascaïres, à repérer les jeunes femmes, à les inviter à monter sur la tête de l’animal et à les faire sauter, en appuyant sur la queue de la Tarasque pour faire basculer la bête. Avant d'attraper la jeune femme, les Tarsacaïres demandent invariablement si elles n’ont pas de problèmes de dos et si elles ne sont pas enceintes. Interrogées de la sorte par un Tarascaïre, les jeunes femmes qui connaissent le sort qui leur est réservé s’empressent de répondre qu’elles sont enceintes ; les autres se font prendre au jeu.
Le Jeu de la queue. ― Il a été suspendu pour des raisons de sécurité. Lorsque la Tarasque était encore portée, le porteur du fond regardait par une fenêtre ménagée dans la structure, afin de manipuler la queue articulée, pour faucher les gens à sa portée. La queue était alors une poutre ou un tronc recouvert de paille et de tissu. Louis Dumont, dans La Tarasque (1951), au chapitre des courses, évoque les spectateurs atteints et confronte les témoignages sur les divers accidents : « Les auteurs se divisent sur l’agressivité réelle de la bête et la gravité des contusions que sa queue inflige aux spectateurs. D’un côté, Mouren, dont la description est exempte de tout brutalité, Désanat, Mistral (« jamais tué ni estropié personne »), en somme les auteurs locaux, semblent minimiser les ravages réels du monstre. De l’autre, Giraud (jambes cassées), Villeneuve (rencontres plus d’une fois fatales), Millin (les étrangers risquent la vie, plusieurs tués, toujours des accidents), Pichot (plus d’une fois cassé bras et jambes, pas d’accident cette année), Laincel, Henry, ont plutôt tendance à exagérer. […] Nous avons vu en 1946 la queue renverser des gens, alors que la mobilité de la bête était bien diminuée ». Les jeux étaient alors beaucoup plus violents : la Tarasque virevoltait et pouvait « casser les jambes » de ceux qui n’en évitaient pas la queue en sautant. Au cours des années 1950, Honoré Vallette, maire de Tarascon (1947-1965), a donc décidé que la queue serait retournée et placée en tire-bouchon, afin de réduire le danger.
Musique
La Tarasque n’a pas de musiciens attitrés. Selon Christian Guiot, « ils ne pourraient pas suivre sa cadence et ses allers-retours incessants ». La Tarasque évolue dans le défilé, ne reste jamais à la place qu’on lui a attribuée. Elle court entre les différents groupes de musiques qu’elle rencontre et qui parfois, à son passage, jouent l’air de Lagadigadeo.
Les représentations culturelles des animaux totémiques
Les animaux totémiques sont de forme, de taille et de poids variés, selon leur mode de fabrication, de transport et de manipulation. La reproduction à peu près fidèle, quoique stylisée, de l’animal peut évoluer jusqu’à une invention libre, soit par hybridation comme le Bœuf volant (Buou-Volaire) de Saint-Ambroix (Gard) ou le Tamarou (lo Tamaró) de Vendargues (Hérault) (tête de lapin, corps de hérisson, ailes de cigale), soit par extraction d’un élément comme le Cocairòs de Saussan (Hérault), nommé d’après sa coa (queue).
Placés au sein de la structure, les porteurs, assez souvent masculins et issus de l’équipe de rugby locale, font avancer l’animal lors des déambulations. Ces bêtes mythiques possèdent en général une tête mobile qui s'allonge et se rétracte, animée par l’un des porteurs. La gueule est souvent mobile elle aussi, permettant le claquement de la mâchoire, la « gnaque ». Tous entretiennent une mobilité codée, « objet simultané de la peur et de la dévotion ». Ces animaux-totems sont précédés d’un meneur et accompagnés par des groupes de musiciens qui jouent une mélodie répétitive, propre à l’animal. Le nombre de porteurs dépend de la taille de la construction, dont le maniement mobilise des savoir-faire spécifiques.
Les figures des animaux totémiques, parfois gigantesques, constituent les acteurs principaux de grandes fêtes populaires, préparées avec la participation active des habitants pour lesquels elles conservent une importante valeur symbolique. Les processions diffèrent d’un lieu à l’autre, mais chacune obéit à un rituel précis. Ces manifestations témoignent encore et toujours d'un dynamisme remarquable. D’autres animaux totems sont adjoints à certaines de ces manifestations. Parmi eux, le plus courant est le Chevalet (lo chivalet), sorte de monture maintenue à la taille du danseur. Les autres danseurs (cibadier, fabre, desmoscaire) miment la domestication du cheval-esprit-sauvage.
L'âme collective des animaux totémiques
Tous les animaux totémiques animent les fêtes saisonnières (carnavalesques, religieuses ou votives) à travers des rituels liés aux légendes (mythologiques ou contemporaines) qui fondent leurs origines.
Les cérémonies qui motivent la sortie du totem ont une fonction initiatique, soit parce que c’est une forme d’exploit pour les jeunes gens que de les porter ou de les affronter, soit parce que la force symbolique permet de jouer à exorciser les maux de la Cité et d’en réconcilier les habitants, toutes classes sociales confondues.
S'ils ont perdu leur caractère religieux, les animaux totémiques continuent de représenter la mémoire collective, l'identité locale ainsi que l’invention constante des communautés. Ils sont les symboles de la création collective, qui prend racine dans l'histoire, les mythes, les contes et les légendes locaux. Ils s'adaptent aussi aux changements qui interviennent dans la communauté. Ainsi le Poulain de Pézenas voit ses sorties s’accroître en fonction des fêtes organisées à travers les rues. Il participe au mois de novembre à « Martror, la fête des morts », fête spectaculaire créée à initiative d'un collectif d'artistes-chercheurs souhaitant restaurer des rituels saisonniers, ou à Noël, à l’initiative de la municipalité, où il endosse alors une nouvelle toile rouge.
Les animaux totémiques animent les rues, créant frayeur, joie, bonheur chez les participants. Ils participent des « charivaris », espace de la fête et lieu de sociabilité. À chaque animal correspond son rituel, sa fête et son jeu, sa relation à la communauté, aux porteurs, aux musiciens et au meneur.
Certains animaux totémiques mangent symboliquement les enfants, à l'image du Bœuf de Mèze ; d'autres poursuivent les jeunes filles, comme la Tarasque de Tarascon ; d'autres encore meurent symboliquement pour mieux renaître un an plus tard. Ils sont à l'image de la fondation, de la conservation ou de la transformation de la Cité.
Les animaux totémiques, identités de la fête
L’élément qui rassemble dans une même grande famille les géants, les dragons processionnels et les animaux totémiques est la fête. Tous jouent à travers rues au gré des sorties carnavalesques ou autres manifestations calendaires. La fête donne un sens à l'animal totémique, tout comme l'animal totémique donne un sens à la fête. Ils sont indissociables. Ils sont les représentants de « l’exhibition collective au moment où la société proclame ce qui la fonde ».
Français et occitan
Patrimoine bâti
Non renseigné
Objets, outils, matériaux supports
La Tarasque mesure actuellement 6 m de long, 2,20 m de haut et 2 m de large. La tête, de chêne sculpté, est peinte. Le corps est une armature de fer recouverte d’un grillage, de crins et de planches fines. La bête entière est couverte de résine. La Tarasque pèse environ 600 kg. Selon Frédéric Mistral (chant XI de Mirèio, 1859) : « La bête a la queue d’un dragon/des yeux plus rouge que cinabre/sur le dos des écailles et des dards qui font peur !/D’un grand lion elle porte le mufle/elle a six pieds humains, pour mieux courir /dans sa caverne, sous un roc/qui domine le Rhône, elle emporte ce qu’elle peut ».
La couleur de la Tarasque oscille entre le marron et le vert, évoquant le limon du Rhône collé à ses écailles : l’animal dangereux sort des marais. Christian Guiot plaisante à ce sujet : « Elle ne sort pas du festival de Cannes ! Il ne faut pas faire comme une année où je n’avais pas surveillé et où on l’avait repeinte. Ça n’allait pas du tout ! Elle était trop propre ! Elle sort des marais, donc il faut qu’elle soit sale ! ».
Les piques rouge sang sur le dos de la bête ont été modifiées il y a une vingtaine d’années. Auparavant, les piques étaient en mousse, peintes et collées afin de ne blesser personne. Mais elles subissaient les assauts du public, qui arrachait ces éléments pour les garder en souvenir. Ce phénomène d’arrachage se retrouvait également sur des éléments de costume des Tarascaïres, délestés par le public de leur cocarde, à présent fixée par une épingle. Christian Guiot a reproduit ces piques en bois peint et les a vissées sur la carapace de la bête. Par endroit, certaines piques ont été enlevées, car elles causaient des dégâts ou parfois des blessures. Toutes les piques à hauteur du bassin et du ventre ont ainsi été placées plus haut sur le dos.
Une tête de la Tarasque datant de 1800, retrouvée par Christian Guiot dans un grenier de Tarascon, est maintenant exposée au château de Tarascon. Cette tête est articulée sur un grand bras. Les moustaches y sont faites de gros clous et il lui reste encore une partie de la chevelure. De la hauteur d’un homme, cette tête est démesurée. De petites fenêtres ménagées de part et d’autre de son corps permettaient aux Tarascaïres placés dans la structure de voir et de se repérer dans l’espace. Cette tête de Tarasque correspond à celle décrite dans l’ouvrage de Louis Dumont, La Tarasque (1951), avec pour particularité un système d’articulation de la tête et de la queue. Le château de Tarascon conserve aussi une tête de la Tarasque datée d’après 1945. La tête actuelle est une copie conforme de celle-ci, réalisée il y a une dizaine d'années.
En 1989, le corps d’une Tarasque démontable a été fabriqué afin de pouvoir la transporter lors de sorties organisées, comme lors de son déplacement en Inde. Le corps était alors dissocié en deux parties boulonnées. Pour le transport, les deux parties du corps ont été retournées et posées l’une dans l’autre, la queue en forme de boucle posée à l’intérieur du corps et la tête à son tour posée au centre de la boucle de la queue. Seul le corps démontable avait été construit pour l’occasion, moulé directement sur le corps de la Tarasque qui court actuellement. La tête et la queue de la Tarasque lors de ce voyage étaient celles de la Tarasque non démontable.
Les costumes
L’Abbé est le nom donné au meneur de la Tarasque, lorsqu’elle était encore portée. Il portait le costume du Chevalier de la Tarasque et était armé d’un fouet en nerf de bœuf, avec lequel il fouettait les gens pour les écarter de la Tarasque. L’Abbé ne se sert plus du nerf de bœuf à l’heure actuelle. Une équipe de lanciers accompagnaient la bête, costumés en soldats. Ils mimaient des attaques contre la bête. Sous la bête se trouvaient les porteurs.
Il y a plus de 35 ans, quand Christian Guiot a repris la Tarasque, les costumes étaient loués au théâtre d’Avignon, sans faire de lien avec les documents d’archives. Sur la foi de la description du costume de l’Abbé par Louis Dumont dans La Tarasque, Christian Guiot a fait porter ce costume, avec le ruban avec la médaille de la Tarasque et les culottes serrées aux genoux par des lacets et des rubans, par tous les Tarascaïres.
Transmission autour de l'animal totémique
La transmission et le renouvellement de l’équipe des Tarascaïres se font de bouche à oreille, par affinité. Deux Tarascaïres actuels sont « nés sur la Tarasque », leurs pères étant Tarascaïres. Dès qu’ils ont eu l’âge, la force et la taille nécessaires, ils ont pu à leur tour prendre place autour de la Tarasque.
Les Tarascaïres sont des volontaires : ils font savoir qu’ils souhaitent rentrer dans l'équipe de la Tarasque. Lorsque le besoin se fait sentir, lors du départ d'un ancien ou pour un remplacement ponctuel, des essais sont organisés avec des candidats potentiels. Pour Christian Guiot, « il faut que le candidat ait le bon gabarit, qu'il soit de préférence issu de Tarascon, qu'il connaisse l'histoire de la Tarasca, qu'il respecte les gens et que ce soit un bon vivant. Lors des recrutements, certains candidats ne font pas l’affaire ou se rendent compte que cela ne leur convient pas. Et puis il y en a qui restent bien sûr ! ».
Transmission du rituel
L’association des Chevaliers de la Tarasque travaille en collaboration avec le château, qui organise des journées thématiques. Ainsi, lors du Téléthon annuel, la Tarasque sort, poussée par des enfants. C’est un grand plaisir pour eux de toucher et d’animer cet animal mythique qu’ils ne peuvent pas approcher habituellement. En partenariat avec le théâtre de Tarascon, des petits costumes de Tarascaïres ont été confectionnés et les enfants ainsi vêtus ont pu pousser la bête pour les fêtes de la Tarasque, entouré des Tarascaïres.
Pour Christian Guiot, « les vrais petits Tarasconnais rêvent de devenir Tarascaïre ! […] Quand j'étais petit, lors des fêtes de la Tarasque, tout le monde avait peur ! Moi, je rêvais d’être Tarascaïre ! ». Il ajoute à propos des enfants : « On entend parfois, au coin des rues de Tarascon ou quand on s'approche de l'Antre de la Tarasca, des parents disant à leurs enfants : “Si tu n'es pas sage, je te laisse dans la maison de la Tarasque !” ».
La vitalité de ces fêtes est encore très fondée sur la capacité d'« organisation populaire ». Ces manifestations sont parfois soumises à des injonctions municipales soucieuses de prestige, ce qui en affaiblit la portée. Mais le soutien des collectivités peut être aussi vecteur de sauvegarde et de transmission quand ces politiques territoriales permettent aux communautés de stimuler l'invention collective et d'en assurer les filiations.
Les animaux totémiques sont mortels, selon Daniel Fabre : « ils disparaissent dès que la jeunesse les abandonne ». Pour Claude Alranq, « les Totems sont comme nous, ils passent et ils trépassent. Là où ils sont apparus, ils n'ont jamais complètement disparu […]. Là où ils furent nombreux, plus grandes sont les chances d'une contagion […]. Là où ils sont isolés, moins nombreuses sont les chances d'un "éternel retour" ». Mais chaque année, il y a encore et toujours des nouveaux venus. À l'origine de la naissance d'un nouvel animal, il y a le rêve, la volonté d'un groupe de personnes, d'associations, d'élus... Partout des formes de transmission voient le jour, par mimétisme de meneur en meneur ou de porteur en porteur, par apprentissage pour les musiciens. Chaque groupe crée sa façon de transmettre ce patrimoine vivant pour le plus grand intérêt des plus anciens.
Ces animaux totémiques sont les signes unanimes, aux yeux des citoyens, de l’« identité de fête ».
La famille des animaux totémiques
Les animaux totémiques les plus anciens ont été créés à partir du xvie siècle, tels la Tarasque de Tarascon (Bouches-du-Rhône), le Chameau (lo Camèl) de Béziers (Hérault), puis l’Âne (l’Ase Martin) de Gignac (Hérault) et le Poulain (lo Polin) de Pézenas (Hérault). Les processions les plus anciennes se sont transmises au fil des générations depuis plusieurs siècles, avec parfois quelques interruptions : le Chameau de Béziers fut brûlé à la Révolution puis détruit à deux reprises au xixe siècle, avant de renaître définitivement en 1895 par la volonté des habitants. Mais de nouvelles effigies apparaissent ou réapparaissent chaque année, en référence à des épisodes de l'histoire ou de la mythologie locale, à l'instar du Pélican de Puisserguier (Hérault) en 2012.
Entre les géants du Nord et de Belgique et le bestiaire fantastique de Catalogne se situe un bassin très représentatif des coutumes locales, donnant vie à ce qui est communément appelé les « animaux totémiques », appellation récente et controversée utilisée pour désigner les « bêtes de toile », « dragons processionnels » ou « animaux-jupons » associés à des pratiques festives identitaires.
On dénombre de 60 à 70 animaux totémiques dans le sud de la France, particulièrement représentés dans le département de l'Hérault, qui en compte une cinquantaine. Il est difficile de dénombrer précisément ces animaux totémiques, ces derniers naissant, renaissant, disparaissant au gré des groupes, des associations, des élus et des transmissions, qui leur permettent de trouver place et fonction au sein de la Cité. En cela, ils sont particulièrement représentatifs du patrimoine vivant : les animaux-totems sont soumis à l'énergie des groupes, des fêtes, des réalités socio-politiques des lieux où ils ont élu domicile.
Les animaux totémiques voient l'apparition de nouvelles générations depuis une vingtaine d'années et de nouvelles pratiques se développent afin d'intégrer les nouveaux-venus dans la grande famille des totems. Des baptêmes (batejadas) sont organisés afin que la naissance d'un nouvel animal puisse intégrer le rite collectif et la communauté. Ainsi, les animaux totémiques plus anciens sont invités pour parrainer un nouveau venu, et la famille des animaux totémiques s’agrandit dans un esprit de partage et d'échanges entre les villes et villages. De nombreux rassemblements d'animaux totémiques fleurissent au printemps et se développent de manière croissante d'année en année.
L’historique particulier de la Tarasque
On attribue la création des fêtes de la Tarasque au roi René. En 1435, René d'Anjou, duc d'Anjou et de Lorraine, comte de Provence, roi de Naples (1409-1480), dit « le bon Roy René », hérita de la Provence et vint séjourner souvent dans son château au bord du Rhône. Il réunit autour de lui une cour de chevaliers, de nobles familles et d'artistes. Ce prince se plaisait à organiser des tournois et des fêtes, dont les jeux de la Tarasque. À sa mort, en 1481, la Provence fut rattachée à la France. Selon le préfet Villeneuve, dans les Statistiques du département des Bouches-du-Rhône : « La fête de Pentecôte se célèbre en Provence comme dans le reste du Royaume ; mais à Tarascon, on a fixé à cette solennité des jeux particuliers dont on attribue la fondation au roi René ». Villeneuve ajoute, dans Mœurs, usage, coutumes et langage des Provençaux : « Les jeux de la Tarasque furent célébrés pour la première fois à Tarascon le 14 avril 1474, en présence du roi René et de sa deuxième femme, Jeanne Laval, qui atteinte alors d’une maladie de langueur, fut ramenée à la gaieté par les scènes plaisantes du jeu de l’Esturgeon ». Le roi René instaura les règles du déroulement des jeux de la Tarasque et l’ordre des Chevaliers de la Tarasque. Ces jeux ne devaient se produire que sept fois par siècle, et pour une durée de près de six mois, c’est-à-dire des fêtes de la Sainte-Marthe aux fêtes de la Tarasque.
La période révolutionnaire marqua une rupture dans le rythme et la nature des fêtes, surtout à partir de l’instauration du calendrier révolutionnaire (1793), qui brisait les structures héritées du catholicisme. On suppose qu’il en va de même pour les fêtes de la Tarasque, directement liées à sainte Marthe.
En 1823, une lettre du sous-préfet d’Arles, Joseph de Barremme, originaire de Tarascon, au préfet Villeneuve, décrit les jeux de la Tarasque : « Monsieur le Comte, les jeux consistaient : 1°) à la course de la Tarasque. Je pense qu’il est inutile de vous parler de ce monstre imaginaire, lequel, d’après la tradition, fut tué par sainte Marthe, hôtesse de Jésus Christ. Lorsque toutes les différentes corporations avaient terminé leurs promenades, les hommes de peine attachés à la Tarasque, ayant le même costume que les Chevaliers, avec la seule différence que leur gilet était sans garniture, allaient la chercher pour la conduire hors de la porte de Jarnègues. Là, les Chevaliers destinés à faire la première course venaient la prendre pour la conduire à l’entrée de la place de l’Hôtel de ville. On attachait des fusées aux deux narines de cet animal et un des chevaliers y mettait le feu au moment où la course commençait. L’espace que chaque course devait parcourir était réglé par l’institution ».
Dans Les Fêtes en Provence (1982), Jean-Paul Clébert évoque le rythme de sortie de l’animal totémique : « La périodicité de cette fête est aussi imprévisible que les inondations qu’elle était censé exorciser. La Tarasque courut en 1861, 1864, 1891 et …. 1946. C’est dire que peu de Provençaux l’ont vue plus d’une fois dans leur vie. Entre ces dates, la Tarasque se morfond dans une remise obscure où elle doit regretter son antre aquatique. Pourtant, on lui fait encore prendre l’air chaque année, au cœur de l’été, le jour de Sainte-Marthe, le 29 juillet en principe (en 1981, du 26 au 29 juin) ». Selon les dates mentionnées par Jean-Paul Clébert, la fête n’eut pas lieu de 1891 à 1946. Après la Seconde Guerre mondiale, les fêtes de la Tarasque furent rétablies chaque dernier week-end de juin.
L’arrivée du personnage d’Alphonse Daudet dans les fêtes de la Tarasque
À la fin de la guerre, fut créée la Commune libre de Jarnègues, association active jusqu’en 1965. En 1945, Jean-Marie Bonnet, propriétaire du camping de Tartarin Plage, où ont lieu les arrivées du défilé, qui endosse le costume du personnage du Maire, alors que J. Servier créa le personnage de Tartarin, venu s’ajouter aux fêtes de la Tarasque.
La célèbre chanson de la Tarasque est interprétée par le groupe Mont-Jòia dans Cant e Musica de Provença, xiie-xxe siècle, édité par Ass Mont-Jòia en livret avec CD en 1976. Elle y est intitulée Rampelada e corsa de la Tarasca. Une autre version, adaptée en 2006 par Jean-Michel Lhubac et Marie-José Fages-Lhubac, est enregistrée dans Lo resson de la pèira. Chansonnier totémique, livre-CD de l’éditeur Modal. Les paroles de ces deux enregistrements, en occitan, font directement référence à la course de la Tarasque et à son aspect physique : Lagadigadeo la Tarasca / Lagadigadeo del castèl / Daissa la passar la vielha masca, / Daissa la passar que va dançar [traduction : « Lagadigadeo/La Tarasque/Lagadigadeo/du château/Laisse-la passer la vieille sorcière/Laisse la passer qu’elle va danser »].
Il s’agit du seul couplet dont il reste une trace écrite, entonné par les Tarascaïres lors de leur course et joué par les musiciens qu’ils croisent ou pour signifier qu’ils préparent un nouveau coup d’éclat. Cette chanson n’est pas jouée systématiquement. Lors des sorties hors de Tarascon, aucun musicien ne les accompagne.
La Tarasque et ses premières représentations iconographiques
Un monstre recouvert d’écailles, connu sous le nom de Tarasque de Noves, serait la première représentation connue de la Tarasque. Découverte en 1849 à Noves, petit village au bord de la rivière Durance, elle représente un animal fantastique hybride entre le loup et le lion, ithyphallique, c’est-à-dire présentant un pénis en érection. Ses deux pattes antérieures sont posées sur deux têtes masculines. Le monstre engloutit un corps humain, dont subsiste un bras jaillissant de la gueule et un pied. L’œuvre a fait l’objet d’une table ronde au musée Calvet en 2001, réunissant de nombreux spécialistes français et étrangers, historiens, archéologues et spécialistes de la littérature médiévale et éditée sous le titre La Tarasque de Noves. Réflexions sur un motif iconographique et la postérité (Fondation Calvet, 2004).
Depuis sa découverte, cette pièce n’a cessé de fasciner les chercheurs et de susciter des interrogations, notamment au sujet de sa datation, qui oscille entre - 50 avant J.-C. et les premières années de notre ère. L’étude des lions androphages (qui se nourrissent de chair humaine) et/ou rugissants, découverts en Provence (lion des Baux, lion d’Arcoule, de Servantes), a permis à Patrice Arcelin de relier la Tarasque de Noves à un ensemble de croyances et valeurs funéraires propres aux Celtes. Le motif iconographique de l’engloutissement d’un être humain par une créature fantastique renvoie à la mort, considérée comme un passage obligé vers une autre forme de vie. « Le processus de cet ordre immuable s’établit dans la succession des générations et passe par le respect du souvenir des Anciens, devenus protecteurs des vivants, ces derniers étant symbolisés par les deux têtes masculines » (Patrice Arcelin).
Le motif iconographique du monstre androphage est attesté d’abord dans la céramique et les petits bronzes étrusques puis dans l’art de la Tène (autrement dit second âge du fer, culture de la Protohistoire qui se développe en Europe entre 450 avant J.-C. et environ 25 après J.-C. Elle est considérée comme l’apogée de la civilisation celte). On le retrouve également au Ier siècle av. J.C. dans la sculpture hispanique puis gallo-romaine. Enfin le thème du monstre dévorant des humains perdure à l’époque médiévale dans la sculpture romane.
D’autres représentations plus récentes de la Tarasque mettent en scène l’affrontement avec sainte Marthe. Sur un pilier du cloître de Saint-Trophime, à Arles, un bas-relief du xie siècle représente la sainte, un voile sur la tête, un flambeau allumé dans la main droite, un récipient suspendu par l'anse à son bras gauche. Devant elle se tient la Tarasque, dévorant les jambes d'un enfant : sa gueule est celle d'un lion ; sa queue, celle d'un dragon ; son lourd corps de mammouth est revêtu d'une carapace.
Jacques de Voragine, dans La Légende dorée (vers 1255), décrit également la Tarasque : « Il y avait à cette époque […] un dragon moitié animal moitié poisson, plus épais qu'un bœuf, plus long qu'un cheval, avec des dents semblables à des épées et grosses comme des cornes, qui était armé de chaque côté de deux boucliers ».
Les nombreuses symboliques de la Tarasque
La légende païenne évoque la Tarasque comme une allégorie du fleuve Rhône sortant de son lit. Comme le fleuve, la Tarasque sort de son lit pour terroriser la population vivant aux alentours et dans les marécages : les pêcheurs, les baigneurs, les lavandières… Toute personne disparue avait été, dans l’esprit des survivants terrorisés, mangée par la Tarasque. Ignorant la nature de ce monstre, la population pensa à un dragon. Cette interprétation est soutenue par Jean-Paul Clébert : « L’interprétation la plus facile et la plus plausible est l’exorcisme collectif des riverains du Rhône contre les débordements du fleuve. Le pays d’Arles était autrefois fort marécageux et les bons moines bâtisseurs d’abbayes avaient fort à faire pour les assécher et maintenir les terres en état de fertilité. On accusa la Tarasque de dévorer des femmes et des enfants, mais aussi de bousculer les digues péniblement établies, de rompre de ses coups de queue les barrages qui empêchaient les eaux d’inonder une Camargue dont on ne savait pas qu’elle serait un jour transformée en rizières. Ainsi naquit la fête de la Tarasque, monstre de carton et de toile que l’on fit courir à la Pentecôte dans les rues de la ville autant pour se moquer d’elle que pour rappeler au bon peuple le retour toujours possible des catastrophes naturelles » (Jean-Paul Clébert, Les Fêtes en Provence).
Cette légende païenne a évolué au contact du christianisme : « On connaît la légende qui fait habiter le monstre au bord du Rhône, dans une cavité aquatique naturellement creusée sous le château de Tarascon, et le combat victorieux de sainte Marthe qui, venue évangéliser la Basse Provence, ligota à jamais ce symbole du paganisme » (Jean-Paul Clébert, Les Fêtes en Provence).
Comme dans la légende, cette gravure montre sainte Marthe domptant la Tarasque munie de son crucifix. Les jambes de sa dernière victime dépassent encore de la gueule de la Tarasque. En arrière-plan se trouve la foule assistant au miracle du château de Tarascon, sur les berges du Rhône.
Suivant les thèses, certains acceptent les faits à la lettre et les tiennent pour vérité tandis que d’autres les considèrent comme de pieuses allégories : l'arrivée de sainte Marthe à Tarascon marquerait alors le triomphe du christianisme sur le paganisme. D’autres se demandent s'il ne s’agit pas d’une ancienne tradition conservant parmi les hommes le souvenir de l'époque antédiluvienne, la Tarasque pouvant être un dragon de la race du Léviathan. Les positivistes, enfin, cherchent, avec plus ou moins de vraisemblance, l'origine de ce récit dans la déformation d'événements historiques. Sainte Marthe s’inscrirait pour certains dans la lignée des « sauroctones » (tueurs de dragons), tel saint George terrassant le Dragon.
La Tarasque est bien vivante et ne semble pas manquer de Tarascaïres pour courir lors des fêtes de la Tarasque.
De nombreuses initiatives locales voient le jour régulièrement, contribuant à la sauvegarde et à la reconnaissance de ce patrimoine. Cependant, d'une manière générale, les communautés signalent un manque de moyens humains, financiers et d'espaces de transmission, qui pèse sur les conditions de réalisation du rituel festif et ne permet pas toujours son actualisation. Certains témoins signalent aussi le manque de soutien des collectivités territoriales.
La difficile transmission de la langue occitane peut également entraver la mémoire, la perpétuation et donc la recréation des chants liés à certaines pratiques.
Les témoins rencontrés n'expriment pas tous les mêmes demandes quant à la reconnaissance institutionnelle. Quand certains espèrent plus de moyens financiers et humains pour perpétuer la fête, d'autres imaginent des retombées économiques sur toute la ville et ses habitants grâce à un label culturel. Il émerge aussi des réticences quant au processus de patrimonialisation de la fête et/ou de l'animal, considéré comme un risque de fixation du rituel.
Modes de sauvegarde et de valorisation
La Tarasque est présente physiquement en vitrine (« Antre ») toute l’année, les têtes ancestrales trônent en bonne place au château, très visité. Une statue de la Tarasque a été élevée en ville et ses représentations sont multiples, dans l’église Sainte-Marthe ou dans les devantures de commerces tarasconnais.
Depuis 2006, le conseil régional du Languedoc-Roussillon (auj. Occitanie) encourage la promotion des cultures occitanes et catalanes dans le cadre de l'appel à projets <em, lancé tous les ans au mois de juin. Ce dispositif, ouvert à tous, a pris en compte la question de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel depuis 2013, en ajoutant un article valorisant les projets prenant en compte les spécificités du patrimoine vivant : « La Région attire […] l'attention des porteurs de projets sur l'intérêt à développer des actions autour du patrimoine culturel immatériel tel que le définit l'Unesco ». Cet appel à projets a déjà permis de créer des animaux totémiques, tel le Tribus Lupis de Cournonterral (Hérault), ou d'aider au financement de rencontres d'animaux totémiques. Cependant, le délai très court entre la date de soumission du dossier (mois de juin) et la saison festive ne permet pas à tous les acteurs de se saisir de cette opportunité. Ce principe de festival ne permet pas non plus d'inscrire des actions durables et quotidiennes. Certaines communautés signalent aussi le besoin d'être accompagnées pour la réalisation et la conception des dossiers administratifs. De fait, comme l'Unesco le préconise, « sauvegarder » signifie assurer la viabilité du PCI, c’est-à-dire assurer sa recréation et sa transmission permanentes ; sauvegarder le PCI, c’est transmettre du savoir, du savoir-faire et du sens » ; il est donc important que les communautés puissent proposer et se saisir d'outils techniques, financiers et humains qui leur permettront de créer pour elles-mêmes les bonnes conditions de réalisation et d'actualisation de leurs pratiques et d'y être accompagnées.
Le Centre Interrégional de Développement Occitan (CIRDOC) développe depuis quelques années des actions de valorisation de ce patrimoine par le biais d'expositions, de collectages, de projets numériques ( www.occitanica.eu ) et de rencontres.
Actions de valorisation à signaler
La Tarasque sort chaque année et de nombreuses invitations la font voyager dans toute l’Europe : elle est déjà partie trois fois à Lille, dans toutes les villes jumelles de Tarascon, en Espagne, en Allemagne et en Italie. Elle participe aux rassemblements d’animaux totémiques, notamment à Loupian (Hérault) depuis près de dix ans, mais aussi à Fraga, à Taragona, à Barcelone et au Portugal. Lors de ces sorties, Christian Guiot insiste sur les belles rencontres faites dans ces rassemblements.
À la suite de contacts pris avec les Géants du Nord, une rencontre a été organisée avec l’équipe de la fête historique des Louches de Comine, venue en 2013 à Tarascon faire le Jet des Louches au balcon de la mairie. La fête des Louches est une fête historique cominoise célébrée chaque année depuis 1884 le deuxième weekend d'octobre. Selon une légende locale médiévale, un seigneur fut emprisonné dans une tour de son château, le temps de lui soustraire ses biens. Il eut l’idée de jeter une cuillère, frappée de ses armoiries, à des couvreurs qui travaillaient sur un toit sous son lieu de détention. La nouvelle de sa présence se répandit et le prisonnier fut libéré par la population. En commémoration de cet événement, des louches sont jetées sur le parcours du cortège et sur la Grand-Place de Comines. En 2014, les Tarascaïres ont été invités à Comine et ont poussé la Tarasque pour la fête du Jet des Louches.
Enfin, le Drac de Beaucaire est venu à Tarascon et la Tarasque a traversé le Rhône à son tour, événement marquant, car les deux villages ne s’entendaient historiquement pas bien.
Modes de reconnaissance publique
L’inclusion de la présente fiche à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel en France constitue une reconnaissance publique de l’élément.
Inventaires réalisés liés à la pratique
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Bibliographie sommaire
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ARANEGUI GASCO Carmen, dir., La Tarasque de Noves. Réflexions sur un motif iconographique et la postérité, Avignon, Fondation Calvet, 2004.
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FOURNIER Laurent-Sébastien, L’Impact de l’appellation « Chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité » en France : le cas des géants et dragons processionnels, Paris, Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture (CNRS-EHESS), 2009, 90 p.
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VORAGINE Jacques de, La Légende dorée, [1261-1266], éd. Paris, Gallimard, 2004, 1664 p.
Filmographie sommaire
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Sitographie sommaire
● Occitanica, base de données de la Médiathèque occitane
● Ville de Tarascon
Mairie de Tarascon, 12 Rue de Lolly, 13150 Tarascon, 04 90 97 16 68 Christian GUIOT, président de l’association des Chevaliers de la Tarasque, ZI du Roubian, 16 rue des Charpentiers, 13150 Tarascon, latarasque@laposte.net
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Rédacteur de la fiche
Marie Gaspa, avec la collaboration de Perrine Alranq (CIRDOC – Mediateca Occitana)
Enquêteur(s), chercheur(s) ou membre(s) du comité scientifique associé
Marie Gaspa
Lieux(x) et date/période de l’enquête
Tarascon, fêtes de la Tarasque (29 juin 2014) et entretiens (août 2014) VI.3. Données d’enregistrement
Date de remise de la fiche :
Janvier 2015
Année d’inclusion à l’inventaire : 2019
N° de la fiche : 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00425
Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2mc
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf
Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tarasque
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