Le fado est un genre artistique d'origine portugaise, développé à partir du deuxième quart du XIXe siècle à Lisbonne (Lencastre 2015, 7). Musique, chant et poésie sont les éléments essentiels de cet art poético-musical né de la langue portugaise [Lévée.T1/15]. Le fado est considéré comme la musique traditionnelle et urbaine de la ville de Lisbonne [Do Carmo.T1/05].Actuellement, ressenti comme une musique qui représente tout le Portugal [Henriques.T1/20], il est devenu le genre le plus populaire de chant urbain. La plupart des communautés portugaises le considèrent comme un symbole de leur identité culturelle nationale.

Le fado est un genre artistique d'origine portugaise, développé à partir du deuxième quart du XIXe siècle à Lisbonne (Lencastre 2015, 7). Musique, chant et poésie sont les éléments essentiels de cet art poético-musical né de la langue portugaise [Lévée.T1/15]. Le fado est considéré comme la musique traditionnelle et urbaine de la ville de Lisbonne [Do Carmo.T1/05].

Actuellement, ressenti comme une musique qui représente tout le Portugal [Henriques.T1/20], il est devenu le genre le plus populaire de chant urbain. La plupart des communautés portugaises le considèrent comme un symbole de leur identité culturelle nationale. Sa diffusion liée à l’émigration portugaise en Europe et en Amérique, et plus récemment par les réseaux de la musique du monde, a contribué à renforcer son image identitaire symbolique (UNESCO 2011, 3) : « c'est une espèce de drapeau portugais que l'on montre à l'étranger comme un chant national, mais c'est un chant urbain ; ce sont des chants de Lisbonne » [Cunha.T1/23].

De manière traditionnelle, le fado est interprété par une voix soliste et deux guitares, viola et guitare portugaise [Do Carmo.T1/05]. Cependant, l’évolution actuelle du fado permet de créer des expériences avec d'autres instruments : « on peut rajouter d'autres instruments, la basse ou la contrebasse […] ; il y a beaucoup d’expériences qui se font. Ces dernières années, on a rajouté de la percussion ; il y en a qui font du fado au piano, mais ce sont des expériences » [Cunha.T1/17].

Lieu(x) de la pratique en France

Île-de-France

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

Portugal ; diaspora portugaise en France ; diaspora portugaise en Europe (principalement Allemagne, Royaume-Uni et Espagne) ; Amérique (principalement Brésil, États-Unis, Canada et Venezuela) ; Afrique du Sud. La diaspora est présente dans d'autres pays comme la Chine, l’Angola, l’Australie, les Pays-Bas, l’Inde ou le Mozambique.

D'après l'analyse des entretiens réalisés avec les informateurs et les porteurs de traditions et l'observation directe effectuée auprès de la communauté franco-portugaise fadista, la recréation et la transmission du fado paraissent s'articuler autour de cinq éléments : la musique, la poésie, l'interprétation du chant, l'espace culturel et la communauté fadista.

 

 

Préambule : les termes « fado » et fadista

 

L’étymologie du mot « fado » vient du latin fatum, qui signifie « destin » en français. Cependant, au cours des années, le mot « fado » et son dérivé fadista ont porté une diversité de significations selon les contextes d'usage : « [..] le mot « fado » veut dire destin, du latin fatum, mais en portugais il y a d'autres connotations : on peut dire la vie de tous les jours, par exemple, un paysan qui dit, tiens, aujourd'hui, je vais à mon fado, ça veut dire, je vais aller à mon travail. » [De Sousa.T1/04] ; « […] fadista, en tant que désignation permettant de définir les prostituées ainsi que la dénomination des bordels en tant qu'entité : casas de fado. À travers d'autres témoignages, […], de l'année 1840, dans ces maisons de fado, une musique chantée par des fadistas » (Ribeiro 2011, 8).

En portugais : « Este verso, que remonta ao ano de 1838, é bastante expressivo sobre a vida boémia que existiria na época, mas explica também a definição do termo “fadista”, enquanto designação para definir as prostitutas assim como a denominação dos bordéis como a entidade “Casas de Fado”. Através de outros depoimentos, como por exemplo de Miguel Queriol, relativo ao ano de 1840, nestas “Casas de Fado” existia música cantada pelas “fadistas” ».

« Au départ, fadista était utilisé pas seulement pour ceux qui chantaient le fado, mais pour les proxénètes, et les prostituées chantaient aussi le fado ; c'était un mot un peu péjoratif pour parler de quelqu'un de mauvaise vie » [De Sousa.T1/10].

Aujourd'hui, le terme fadista (en français, « fadiste ») est utilisé seulement dans le cadre artistique, tant pour se référer aux chanteurs que pour dénommer les connaisseurs et la communauté de personnes liées au fado : « Fadiste, normalement, c’est les gens qui chantent le fado, mais vous pouvez entendre assez régulièrement qu’autant est fadiste celui qui chante que celui qui écoute » [Dos Santos, D.T1/04)]. « [...] Le fadiste, c'est beaucoup plus que le chanteur de fado ; le fadiste, c'est celui qui est dans toute cette ambiance pendant toute sa vie ; c'est pas que dans le moment où il écoute le fado ou il le chante. C'est tout un état d'esprit et ça, c'est le plus difficile à comprendre. » [Cunha.T1/26].

 

 

La musique

 

La sonorité spécifique de la guitare portugaise apporte à la musique de fado sa caractéristique principale. Même si, de manière récente, les expériences musicales avec d'autres instruments sont abondantes dans le fado [Cunha.T1/17], la guitare portugaise reste l'élément indiscutable. Philippe De Sousa, musicien et musicologue, aide à définir techniquement le son de la guitare portugaise : « Cordophone à fond plat, chevalet mobile, cordes pincées et cordes doublées en acier. Jouée avec les ongles ou plus souvent avec des onglets, ce qui donne une attaque de la note assez forte au départ ; ensuite, la note garde une assez longue résonance aussi due aux cœurs de doubles cordes. Le timbre est un peu métallique (cordes acier) et aiguë (les cordes graves sont doublées à l'octave supérieure), mais garde une grande sonorité de « bois » (graves) dans sa résonance. On joue souvent avec le vibrato en tirant plus ou moins sur les cordes sur la partie du manche. » [De Sousa.Q1/03].

La guitare portugaise en général accompagne le chant, mais peut aussi se produire en solo, dans l'introduction du chant, et lors des guitarradas (morceaux instrumentaux) [De Sousa.Q1/05], souvent interprétées au début des soirées fado, - au moins en région parisienne. Le second élément important dans la musique de fado est la viola, plus communément nommée guitare classique. On peut lui ajouter d'autres instruments, telle la basse ou contrebasse [Cunha.T1/17 et De Sousa.Q1/04]. Fado-tradicional / Fado-musicado, ou Fado-canção

Le fado traditionnel (parfois appelé aussi fado castiço) est le plus ancien. « Normalement on parle de fado castiço pour désigner un style très populaire, presque brut. Mais ça peut aussi vouloir dire fado tradicional ou antigo ou clássico » [De Sousa.Q1/08]. Le fado traditionnel accorde au genre l'une de ses spécificités les plus remarquables : « En règle générale, les fados traditionnels n'ont pas de refrain et sont des formes musicales fixes (harmoniques et parfois aussi mélodiques), auxquelles plusieurs poèmes peuvent être appliqués, à condition qu'il y ait une adéquation entre les mesures de la musique et les métriques des poèmes, en général, quatrains, quintils, sizains ou dizains. » (Mendonça 2012, 82).

En portugais : « Os fados tradicionais, via de regra, não possuem refrão e são formas musicais fixas (harmónica e às vezes também melodicamente) às quais se podem aplicar diversos poemas, desde que haja uma adequação entre os compassos da música e a métrica dos poemas, em geral, quadras, quintilhas, sextilhas ou décimas ».

Lorsque les musiciens, les chanteurs ou les connaisseurs parlent de « fado traditionnel », ils parlent exclusivement de la mélodie ou de l'harmonie de base, c'est-à-dire de la musique sur laquelle le chant de fado va être interprété : « […] quand on demande un fado traditionnel à un guitariste, le plus important, c'est de dire le nom du fado et la tonalité ; [...] quand on demande au guitariste de jouer ce fado, je ne dis jamais le titre du poème, je dis toujours le titre du fado, parce que, pour eux, le plus important, c'est de savoir qu'ils vont jouer fado georgino [par exemple] et je leur dis la tonalité. » [Cunha.T1/09].

Selon les fadistes, le répertoire musical traditionnel s'est développé à partir des trois premiers fados traditionnels connus : le Fado Menor, le Fado Corrido et le Fado Mouraria. « Il y aura [lors du concert] un fado menor, qui est la première musique de fado qui a été faite, qui a donné naissance aux autres musiques » [Rainho.T1/21]. « Dans le fado [traditionnel] de Lisbonne, il y a deux grands types de fado, les racines du fado qui ont donné la naissance ensuite à tout le répertoire. C'est le « fado corrido » ou « fado mouraria », qui sont au peu près pareils, et le « fado menor ». Donc, l'un est en majeur et l'autre en mineur […]. De ces deux fados, il est né tout le répertoire. » [De Sousa.T1/12].

Dans le répertoire du fado existent deux grandes typologies par rapport à l'articulation entre la musique et le texte. Le fado traditionnel (fado-tradicional), où n'importe quel poème peut être utilisé, sous réserve d'adapter la métrique à la mélodie, et le fado chanson (fado-cançao), où la musique et le poème sont inséparables : « Le fado-musicado est une musique écrite pour des paroles précises non-changeables, qu'on appelle aussi fado-canção, en antinomie au fado-tradicional qui n'a pas de refrain, non considéré comme une chanson (canção). » [De Sousa.Q1/02].

 

Répertoire de fados traditionnels / répertoire d'Amália Rodrigues

 

Plusieurs fados sont considérés par les praticiens et les connaisseurs comme « traditionnels » et constituent une sorte de « corpus musical », non encore recensé jusqu'à une date récente, sans doute du fait du caractère oral de leur transmission. L'un des premiers catalogues a été répertorié par le musicien Antonio Parreira et publié en 2014, avec le soutien du Museu do Fado de Lisbonne [ http://www.ofado.pt/?p=6026  ]. 180 partitions sont répertoriées dans O Livro dos fados (cfr. Bibliographie sommaire), mais tout semble indiquer que le nombre pourrait augmenter dans les prochains recensements : « Dans le fado traditionnel, nous avons un répertoire autour de 300 fados traditionnels » [Cunha.T1/08]. « On disait qu'il y avait 180, 200, puis 300 ; après, il y en a qui disent qu'il y en a plus ; alors, il y a une ou deux listes qui ont été faites, qu'on peut trouver sur internet (*), où il y a à peu près 200 fados, mais il n’y a pas vraiment de liste établie, déjà, d'une part, parce que le fado est une tradition orale et il y a très peu de partitions. Il y a très peu de temps où on a commencé à transcrire les fados » [De Sousa.T1/20]. « Entre 200 et 300 ; parfois, on parle de beaucoup plus [...]. Je suis sûre qu'il y a des fados qui ont été oubliés, qu'on va trouver dans un vieil enregistrement » [Do Carmo.T1/02].

(*) Cfr. les listes en ligne :

https://fadotradicional.wixsite.com/fadotradicional/fado-margaridas

http://www.portaldofado.net/content/view/2781/363/

Comme les fadistes ont un répertoire canonique de fado traditionnel, pour le fado musicado (fado chanson), le corpus est bien établi parmi les praticiens franciliens, comme nous avons pu constater lors de nos enregistrements de fados en région parisienne. Une partie très importante de ce corpus est constitué par des chansons de l'ancien répertoire de la grande diva du fado, Amália Rodrigues (Lisbonne 1920-Lisbonne 1999) : « […] mais il y a quand-même une espèce de canon, de chansons de fado que tous les guitaristes vont connaître, et donc bien sûr, les chansons d'Amália, ils les connaissent presque toutes » [Cunha.T1/09]. Au moins 24 sur 90 des fados enregistrés auprès des chanteuses et chanteurs franciliens appartenaient au répertoire d'Amália Rodrigues (cfr. annexe 3).

Fado de Lisboa / Canção de Coimbra (ou « fado de Coimbra » ou « balada de Coimbra)

Si le débat autour de l'origine du fado (cfr. partie III.1. Repères historiques) et l'origine de la guitare portugaise (cfr. partie I.6. Éléments matériels liés à la pratique) est de pleine actualité, l'inclusion de la Canção de Coimbra dans le genre musical du fado crée aussi des controverses. Luciana Mendonça, de l'Université de Porto, en se référant à la chanson de Coimbra, parle d'un genre complètement différent en termes d'origine et de caractéristiques esthétiques (poétiques, mélodiques et interprétatives) (Mendonça 2012, 72). Dans le même sens, Luis P. Ribeiro Castela insiste sur la nécessité d’éviter la confusion avec l'expression « fado de Coimbra », lorsqu'on évoque le genre musical typique de la même ville : « un genre musical séculaire, créé par sa population et par les étudiants de l'Université [de Coimbra], qui n'a rien à voir avec le fado en provenance de Lisbonne » (Ribeiro 2011, 23). En région parisienne, l'avis du musicologue et musicien Philippe De Sousa est un peu plus nuancé et prudent, et même s'il reconnaît le développement d'un style propre à Coimbra - « Ils ont fait un style propre [à Coimbra], mais le style de Coimbra, il s'est défini beaucoup plus tard, c'est seulement au XXe siècle […] jusqu'aux années 50 » [De Sousa.T1/12] -, il considère qu'il existe un lien entre les deux genres, au moins, par l’origine : « Il y a deux types de fado, le fado de Lisbonne et le fado de Coimbra. Les puristes diront que le fado de Coimbra n'est plus du fado. On est plus dans la chanson de Coimbra (balada de Coimbra). Originalement, les deux étaient la même chose en fait. Il y avait un accompagnement très simple. Le texte primait. » [De Sousa.T1/12].

Dans tous les cas, la chanson ou fado de Coimbra est fortement sous-représentée en Île-de-France par rapport au fado lisboète (cfr. Infra annexes 2 et 3 Rapport des musiques et poèmes collectés en Île-de-France (octobre-décembre 2018). « Il y en avait un [représentant du fado / chanson de Coimbra], Toni Gamba, mais ça fait très longtemps qu'on ne l'entend plus, et [...] Alves de Oliveira, qui vit depuis très longtemps en France. » [Gonneau.T1/36]. « Le fado de Coimbra à Paris, il n'y a pas beaucoup. Il n'y a pas de guitariste que de Coimbra. Les guitaristes jouent fado de Lisbonne et de Coimbra. Même pour les chanteurs, il n’y a, à ma connaissance, qu'un chanteur de fado de Coimbra, Alves de Oliveira. » [De Sousa.T1/18]. Pour cette présente fiche n’a été captée qu’une seule chanson de Coimbra, lors des cinq manifestations enregistrées en région parisienne, aux Rencontres Gaivota du château Lorenz (Bry-sur-Marne), le 21 octobre 2018 [Fado 21-04:42 A Meia note ao luar (chanson de Coimbra), interprètes : Maria Jose Henriques, Filipe Ferreira (fado vadio)].

 

 

2. Poésie et représentations

 

Le texte poétique

 

Les paroles du fado chanté proviennent en majorité de textes poétiques écrits en langue portugaise, même dans le fado chanson (Mendonça 2012, 84).

En portugais : « Os fados canção têm uma música composta especificamente para um poema e, salvo raríssimas exceções, possuem refrão ».

Le répertoire poétique chanté en région parisienne hérite de cette longue évolution de la poésie de fado à Lisbonne et ailleurs sur le territoire portugais (Lencastre de Bragança 2015), sans omettre l'apport des fadistes franciliens dans la composition de nouveaux fados en langue portugaise et française (cfr. annexe 4).

La langue portugaise comporte des longueurs de vers qui s'adaptent plus naturellement au parler : « […] le fado est né de langue portugaise ; il n'est pas né d'une autre langue et il est lié à sa poésie, lié à sa musique, il est lié à sa rythmique. Le fado est pour beaucoup un vers qu'on appelle les redondilhas maiores, qui, en fait, [est] un vers de 7 pieds [syllabes] et c'est le vers le plus naturel pour la langue portugaise. » [Levée.T1/15].

Selon le programme du séminaire de Daniel Gouveia dédié à la poésie de fado (Seminário de Letristas de fado) tenu en 2015 au Museu do Fado de Lisbonne, les strophes et les vers les plus utilisés dans les textes poétiques du fado sont les suivants : quatrain, quintil, sizain (quadras, quintilhas, sextilhas) pour les strophes ; pentasyllabe, heptasyllabe, décasyllabe et alexandrin (redondilhas menor e maior, decassílabos, alexandrinos), pour l'extension et l'accentuation des vers. Cela correspond à peu près aux informations obtenues auprès des praticiens franciliens [De Sousa.T1/19, De Sousa.Q1/06 et Levée.T1/15] et à la bibliographie (Lencastre 2015, 10).

 

Sujets et représentations

 

L’héritage poétique constitué pendant près de deux siècles de transmission orale du fado offre aux interprètes franciliens une grande diversité de sujets et des représentations de la société portugaise, pour la plupart encadrés dans le contexte urbain de la ville de Lisbonne (Lencastre 2015 ; Vieira Nery 2012 ; cfr. aussi annexe 3 Rapport des musiques et poèmes collectés en Île-de-France, octobre-décembre 2018).

L’image d'un fado qui raconte toujours des histoires mélancoliques et tristes est rapidement contesté par l'analyse de la littérature spécialisée et par les fadistes eux-mêmes : « Le fado peut chanter tous les sujets, donc l'amour, la tristesse, la joie, il peut décrire. Il y a aussi des fados descriptifs, qui décrivent des endroits typiques, mais le fado chante les sentiments, chante les douleurs, chante la joie, peut chanter tout dans la vie. Le fado, c'est le destin, qu'on peut changer ou pas, selon l’interprétation de chacun, mais c'est ce qu'on ressent au moment. » [Cunha.T1/25]. « [Le fado] n'est pas toujours grave. En fait, c'est vrai qu'il y a des fados aussi qu'on peut dire plus joyeux, parce que le fado, c'est quand-même une musique locale, donc c'est quand même une musique qui chante aussi la ville. Cette musique chante beaucoup Lisbonne et c'est une musique qui chante aussi les personnages qui sont dans Lisbonne, les amourettes qui chantent, aussi les vendeurs ambulants, la vielle dame du coin de la rue, la petite jeune fille dont l’amour s'en va et puis un jour revient. C'est une musique qui chante le quartier, donc c'est pas une musique qui est toujours grave. » [Levée.T1/10].

Pour Valérie Do Carmo, directrice de l’académie de fado de Vincennes, le caractère des récits de fado est « intense », ce qui pourrait donner une piste pour comprendre pourquoi certains publics associent le chant de Lisbonne à un imaginaire plutôt « triste » : « Ça peut être une histoire gaie, pas forcément triste, plus intense que triste. L'intensité est dans l'amour, dans une histoire entre frère et sœur, dans une fête, histoires de la ville de Lisbonne, paysages, fleuve. » [Do Carmo.T1/05].

Dans son travail de recherche Quando o Fado é Confissão (Quand le fado est une confession), João M. Lencastre explique que, depuis le début du genre, le fado a presque tout été : satire, voix contre le régime, l'Église ou l'injustice sociale, chronique des coutumes, chant d'amour et de nostalgie (saudade), de jalousie et de trahison, et même réconfort pour les migrants portugais (Lencastre de Bragança 2015). Rui Vieira Nery, dans l’ouvrage Fados para a República (Fados pour la République), sur la période 1870-1927, indique le caractère des textes alors en circulation : lyriques, affectueux, dévotionnels, festifs et militants. A posteriori, l’auteur restitue cet univers plus proche du mythe du fado, qui se rapproche des stéréotypes : « Et de la même manière, nous trouvons des poèmes dans lesquels la description de la vie sociale quotidienne est faite par la simple évocation de petites tragédies individuelles […]. Il est question d'orphelin, de veuvage, d'incapacité physique, de petit crime de proximité, de violence domestique [...] » (Vieira Nery 2012).

 

 

3. Le chant : interprétation, émotion et confession

 

João M. Lencastre, dans sa thèse sur la période 1927-1962, propose l’émergence d'une nouvelle poésie populaire de fado, surtout à partir de l'établissement de la censure en 1927, une poésie intimiste, chargée d’émotion, où l’interprétation du chant devient extrêmement subjective : « En écrivant une autre poésie, ces poètes populaires n'ont pas mentionné rien qui soit essentiellement extrinsèque à eux, comme une rangée de fleurs impersonnelle, la mort d’un comte aux mains d’un bourreau ou la sécheresse prolongée que provoque la faim chez ceux qui en ont déjà. Au contraire, ces poètes ont chanté la nostalgie (saudade), la trahison, le malheur, la tromperie, la jalousie, le destin auquel nous ne pouvons pas s'échapper, pas comme des sentiments qui leur étaient étrangers, mais comme quelque chose vraiment ressentie. » (Lencastre 2015, 12).

En portugais : « Ao escrever uma outra poesia, estes poetas populares não referiam nada que lhes fosse essencialmente extrínseco, como um renque de flores impessoal, a morte de um conde às mãos de um rufião ou a seca prolongada que provoca fome em quem já a tem. Muito pelo contrário, estes poetas cantavam a saudade, a traição, a desgraça, o engano, o ciúme, o destino ao qual não podemos fugir. Não como sentimentos que lhes eram estranhos, mas como algo que sentiam verdadeiramente. »

Ce caractère subjectif, intense et émotionnel de l’interprétation du chant a été, sans aucun doute, la spécificité du fado la plus évoquée par les fadistes franciliens : « […] le fado, aussi la vie, c'est le destin, qu'on peut changer ou pas, selon l’interprétation de chacun, mais c'est ce qu'on ressent au [sur le] moment où on le chante, et c'est aussi un sentiment qui peut changer selon mon état d'esprit. Je peux chanter un fado maintenant d'une telle manière et le même fado demain d'une autre manière complètement différente parce que je suis différente. Je ne suis pas la même personne aujourd'hui que j'étais hier ou que je le serai demain, donc mon état d'esprit va forcément changer la façon dont j’interprète ce fado. » [Cunha.T1/25]. « […] C'est un état d'esprit. Moi, j'explique souvent que, dans une journée, on a plusieurs états d'âme. On peut se réveiller très triste et finir la journée très heureux, et le fado, c'est ça, c'est pouvoir raconter en trois minutes un état d'âme qui soit triste, heureux. Ça peut être une trahison, ça peut être une rencontre, ça peut être plein de choses. » [Rainho.T1/12]. « Dividir, ça c'est le grand maître du fado, Marceneiro insiste là-dessus, savoir diviser, c'est-à-dire, dans chaque vers, repérer là où il faut éventuellement le couper pour prendre le souffle et surtout pour mettre en valeur tel ou tel mot, ou tel couple de mots par rapport aux autres, de façon à faire sentir aux gens. » [Gonneau.T1/24].

Mais il semble qu’à certains moments l’interprétation des chanteurs et chanteuses de fado va encore plus loin dans l’adéquation du chant à un état d'esprit passager ou à une émotion éphémère et qu’il s’agit d’une nécessité de transmettre lors du chant une part intime que l'interprète n'arrive pas à exprimer dans la vie quotidienne : une confession, selon Lencastre : « Ou peut-être que le fado ne chante que les thèmes autour desquels tout tourne : l'amour et la mort. Et ce faisant, le fado ouvre la porte à la confession du chanteur de fado, au partage de la réalité qui l’entoure et qui la constitue. Si nous rejoignons cette dimension de partage et confession à l’espace intime […], nous élevons le fado à une dimension supérieure. Le fado est pour chanter de la poésie à la première personne du singulier. » (Lencastre 2015, 13).

En portugais : « Ou talvez o fado cante apenas os temas à volta dos quais tudo gira: o amor e a morte. E ao fazê-lo, o fado abre a porta à confissão do fadista, à partilha da realidade que o envolve e que o constitui. Se unirmos esta dimensão de partilha e confissão ao espaço intimista da colectividade de bairro, da casa de fados, onde o português é língua dominante, elevamos o fado a uma dimensão superior. É o fado a cantar poesia na primeira pessoa do singular. »

Les fadistes attestent ce besoin de partage et de confession bien réel dans l’interprétation du fado :

« […] ce que j'ai rencontré dans le fado comme sensation, c'est addictif et extrêmement libérateur de chanter du fado. Il y a quelque chose de..., on peut être complètement à 200 % soi-même et tout d'un coup l'assumer, alors que, juste avant, j'osais pas dire à quelqu'un ce qu'on va finalement avouer dans un fado. Là, il y a quelque chose de complètement libérateur du point de vue des émotions, des sentiments. » [Levée.T1/01]. « […] Il y avait beaucoup de monde et, alors qu'on venait chanter, on avait peur et c'est important d'avoir peur parce que ça nous manque, on se sent fragile quand on a peur et ça permet de libérer les émotions finalement, d'être plus dans le fado en fait. » [Levée.T1/18].

« […] pour moi, parce que ça racontait l'histoire de ces gens-là et quand je l'ai chanté […], c'était pas la première fois que je l'ai chanté, mais ce jour-là, je l'ai tellement ressenti, que j'ai même commencé à..., j'ai eu des larmes aux yeux, quand je l'ai chanté, et j'étais tellement émue pendant ce fado, parce que c'était l’émotion du public que j'avais devant moi, qui m'a aussi transportée vers cette scène que je chantais […]. C’était un cas unique. Je l'aime beaucoup [ce fado], il est profond, mais cet épisode, il s'est plus jamais répété. C'était unique. » [Cunha.T1/25].

Cette implication très personnelle dans l'interprétation du chant de fado n'est pas anodine : elle est également recherchée, car la communauté fadiste « oblige », d'une certaine façon, l’interprète à être lui-même, à trouver une manière de se différencier des autres. Cette différenciation est perçue par le public, donnant lieu à la reconnaissance au sein de la communauté fadiste : « et quand je parle d’interprétation, je veux parler du style du chanteur et donc, chaque chanteur est censé créer son propre style, et c'est d'ailleurs le plus difficile dans le fado […]. Quand je pars pour un fado traditionnel […], je suis censée m’éloigner le plus possible de l'original, si je chante un fado, qui a déjà été enregistré, donc je dois montrer que je suis capable de m’éloigner de cette version originale et de montrer "ma patte", on va dire, en tant que chanteuse ou chanteur, donc, je suis censée être reconnue, justement pour ça. » [Cunha.T1/09].

L’injonction à être soi-même est transmise aussi par les professeurs de l’Académie de fado de Vincennes, selon Lizzie Levée : « Il va apprendre [l’élève] à développer sa propre créativité, parce que c'est important en chant du fado, c'est ce qu'on appelle "estilar", "estilar" […]. C'est tout simplement, à partir d'un texte et d'une mélodie, arriver à exprimer aussi mélodiquement, se libérer de cette structure mélodique de base pour exprimer ce qui nous est singulier. » [Levée.T1/23].

 

 

4. Espace culturel et communauté fadiste

 

Au Portugal, les restaurants et les tavernes sont les endroits traditionnels de recréation et de transmission de la pratique du fado. Pour chanter et écouter le fado, pour rencontrer la communauté fadiste, pour apprendre et pour transmettre, il faut passer par le restaurant ou la taverne : « O fado acontece [dans les restaurants] : des moments extraordinaires, quelqu'un va venir [de façon impromptue] et va chanter un fado d'une manière différente. L'endroit où les gens se retrouvent, on peut "vivre" le fado. Même au Portugal, les restaurants […] pour certains musiciens, chanteurs, deviennent comme une deuxième maison. Une deuxième famille » [Do Carmo.T1/03].

Ces restaurants ou tavernes où le fado se produit, où les maîtres fadistes donnent des conseils aux amateurs qui veulent apprendre [Cunha.T1/20], où la communauté fadiste se rencontre, ceux qui jouent de la musique, ceux qui chantent, ceux qui écoutent et ceux qui vivent le fado, sont nommés en portugais casas de fado (en français, « maisons de fado »).

D’après l’expérience de Monica Cunha à Alfama, l’un des quartiers du Vieux Lisbonne, où s’interprète le meilleur fado de la ville, « […] ils vont passer une demi-heure, une heure dans une maison de fado pour revoir les amis, pour boire un verre et écouter quelques fados. C'est très spécial. C'est des gens qui ne chantent pas, mais qui sont dans ce milieu, comme si c'était eux, comme si ça les appartenait [...]. C’est des gens qui ont vraiment besoin d'écouter fado, d'être dans des maisons de fado pour vivre leur vie quotidienne. Ça fait partie, c'est une espèce de famille ; d'ailleurs, on le dit beaucoup : "ma famille du fado" » [Cunha.T1/28].

Depuis le début de la pratique du fado en région parisienne, les restaurants portugais ont été le lieu de rencontre de la communauté fadiste : « […] il y avait énormément de restaurants qui faisaient venir des artistes, des chanteurs, des musiciens, de là-bas, qui venaient de fois pour une semaine, ou quinze jours, et qui certains ont fini par rester. » [Henriques.T1/23].

Les maisons de fado doivent avoir des caractéristiques spéciales. Selon Julien dos Santos, propriétaire de la cave et bar à vins Portologia, à Paris, « une maison de fado, c'est un lieu où on va ressentir la musique [...], petit lieu intimiste où il y a vraiment un échange entre les musiciens, le chanteur et le public. [...] ; c'est vraiment important, donc du calme, de la pénombre, de la sérénité [...]. Et je pense que cette maison-là [Portologia] retransmet l'ambiance intimiste dont a besoin pour le fado. » [Dos Santos, J.T1/07]. Dans le même sens, la fadiste Jenyfer Rainho se souvient du restaurant Saudade : « De petite, on allait souvent manger dans un restaurant portugais, qui est à Versailles, qui s'appelait le Saudade, donc, nous quatre, avec mes parents […]. C'était, alors, beaucoup de cigarettes, très petit, familial, et des bougies partout, c'était vraiment traditionnel [...]. Le restaurant lui-même respirait le fado. » [Rainho.T1/07].

Mais le réseau des restaurants franciliens (cfr. partie IV.1. Viabilité/Vitalité) n'est pas le seul endroit en région parisienne où on peut expérimenter le fado. Le fado s’interprète :

― à l'occasion des fêtes associatives,

― au cours des soirées privées [Gonneau.T1/33],

― lors des célébrations et fêtes populaires de la communauté franco-portugaise en Île-de-France [Dos Santos, D.T1/18], comme le 25 avril, date de la révolution des Œillets [Heitor.T1/14] ; les célébrations importantes du calendrier festif étant, en outre, le 10 juin, jour du Portugal (Dia de Camões), les célébrations dos Santos populares, les 13, 24 et 29 juin, et la festa de São Martinho, le 11 novembre (Cordeiro, Hily et Meintel 2000, 63-64).

― dans des concerts et dans des soirées de rencontre, pas nécessairement traditionnelles, où l'intérêt n'est pas seulement de mettre en valeur le fado auprès de la communauté franco-portugaise, mais aussi de le rendre visible auprès des autres communautés d’Île-de-France, telles les rencontres autour du fado organisées par l'association Gaivota, les soirées du bar à vin Portologia et du café Les Affiches.

L’expérience des Lusofolies est pour l'instant suspendue [Henriques.T1/13].

 

Organisation des soirées de fado

 

Sur les conditions adéquates pour une bonne écoute du fado, Valérie Do Carmo et Jean-Luc Gonneau insistent dans la nécessité du silence [Do Carmo.T1/04 et Gonneau.T1/18].

Le silence conditionne l'organisation des soirées de fado et la réussite de l’expérience du fado. Il est fréquent que les spectacles de fado se divisent en plusieurs sets : « le commun, c'est d'avoir quatre ou cinq parties où on fait un morceau, quelques morceaux de fado pendant un quart d'heure ou 20 minutes. Après, on fait une pause, on revient. Ça, c'est le plus normal, parce que, comme dans le fado, on est censé d'être en silence, on ne peut pas chanter pendant très longtemps, parce que les gens vont forcément avoir envie de parler, de bouger. Il aura certainement du bruit et c'est la manière que nous avons trouvée de pouvoir garder le silence pendant le fado. » [Cunha.T1/07].

La préparation de la présente fiche s’est accompagnée de l’assistance à six manifestations en Île-de-France, dont cinq ont été documentées : deux Rencontres Gaivota (21 octobre et 18 novembre 2018), concert à Aulnay-sous-Bois (17 novembre 2018) ; soirée au café Les Affiches (7 décembre 2018) et soirée Portologia (12 décembre 2018). Cinq d'entre elles pourraient être considérées comme des soirées de fado traditionnelles, selon les caractéristiques de la salle de spectacle et du public présent, assez proches de l’idéal fadiste. La 6e manifestation, un concert, a eu lieu dans une grande salle, plus adaptée à des manifestations théâtrales ou des spectacles de danse ou de musique classique, dans les conditions donc plus proches de celles d'un concert « standard ».

Dans ces soirées traditionnelles, le spectacle a toujours débuté par un morceau instrumental (guitarrada), où la guitare portugaise a été l'instrument soliste, accompagné d'une viola ou d'une viola et d'une basse. Une guitarrada a ouvert aussi le concert de Jenyfer Rainho et de Joaquim Campos. Les spectacles traditionnels ont été divisés en plusieurs sets, où le/la fadiste ou les fadistes invité(e)s ont alterné leurs performances avec de moments dits de fado vadio. Le fado vadio permet aux amateurs de participer dans une soirée de fado : « […] quelqu'un m'a invité à fréquenter, à essayer au moins d'aller une fois dans une maison de fado vadio ; donc, c'est une maison qui a une scène ouverte à tous ceux qui ont envie d'essayer de chanter » [Cunha.T1/03]. « Le fado vadio, c'est le fait que ça soit pas le fado professionnel, donc par principe, chante qui veut […]. On a fini sa journée de travail, eh bah ce soir, je vais chanter, alors c'est l'avocat, c'est le taxi, c'est l'ouvrier, c'est l’infirmière, c'est le chômeur, c'est tout le monde. » [Lévée.T1/19]. «  Le fado vadio pour moi, c'est le vrai fado ; donc, les gens rentrent dans la taverne, dans le bar, et chantent O fado vadio, le "fado qui voyage". Le fado vadio, en portugais, ça veut dire, qu'on l'attache pas » [Heitor.T1/03].

La soirée finit en règle générale avec une desgarrada, ce qui fut le cas lors des cinq soirées suivies, où deux desgarradas ont été documentées, au café Les Affiches et à la fin des Rencontres Gaivota le 21 octobre 2018) : « […] en fait, c'est vieux comme le fado […]. Au départ, c'était normalement improvisé. De moins en moins, c'est encore fréquent dans les musiques du folklore de certaines provinces. J'ai entendu ça [la desgarrada] dans un restaurant qui est disparu, dont le patron était du nord du Portugal, et il faisait des défis comme ça. » [Gonneau.T1/20]. « Cantar ao desafio ou desgarrada est la même chose. Cantar ao desafio veut dire "chanter au défi", ça vient aussi d'une tradition du nord du Portugal où l'on chante ao desafio avec la concertina (accordéon diatonique) et où on improvise beaucoup plus que dans le fado et ce sont de véritables défis et provocations. Dans le fado, on a gardé cette tradition, mais aujourd'hui, elle est beaucoup plus édulcorée. Peu des chanteurs et chanteuses savent vraiment improviser les paroles avec les rimes. La plupart finissent par chanter des quatrains déjà écrits ou qu'ils reprennent à d'autres poèmes. […] Que ce soit dans le folklore du nord du Portugal ou dans le fado, le desafio ou desgarrada est toujours chanté sur la même musique (tonalité majeure I et V). » [De Sousa.Q1/09-10].

Les soirées-concours ont aujourd’hui disparu : « Non, il n'y a plus. Il y a eu des concours de fado. Le dernier concours, c'est en 2000 justement [gagné par Conceição Guadalupe, l'autre finaliste étant Paulo Manuel]. Alors, le concours de fado, c'était une idée qu'avait lancé Joaquim Campos, qui lui est toujours en activité, un très bon chanteur, de l'ancienne école, et donc, chaque restaurant qui faisait du fado, sélectionne un ou deux représentants et puis il y avait la grande finale, qui se passait dans une grande salle, je crois qu'une année, c'était l'Olympia. » [Gonneau.T1/27].

Portugais et français.

Actuellement, les instruments traditionnels pour produire la musique de fado sont la guitare portugaise et la guitare classique, dite viola en portugais. Dans le passé, le fado était aussi accompagné par le piano [De Sousa.T1/17]. Cependant, d'autres instruments d'accompagnement sont joués : basse (par Dominique Oguic), contrebasse (par Philippe Leiba), percussion (par Ney Vieira) et violon solo (par Natalia Juskiewicz), qui se substitue à la voix.

 

 

La guitare portugaise

 

La guitare portugaise a une forme de poire et six cordes doublées [Do Carmo.T1/05]. Son origine, comme d’ailleurs celle du fado, est loin de faire consensus (Ribeiro 2011, 5 et 44). L’hypothèse la plus répandue est celle d'une variante de la guitare anglaise (Ribeiro 2011, 44), elle-même dérivée du cistre baroque : « La guitare portugaise est un descendant direct du cistre baroque. Le cistre était plus petit, avec moins de cordes, dix cordes, puis onze, douze [comme la guitare portugaise]. Il se jouait un peu partout en Europe et les Portugais l'ont adopté et transformé jusqu'à donner cet instrument. Il y avait un luthier portugais qui était à Porto, qui s'est inspiré beaucoup d'une guitare anglaise, un cistre anglais » [De Sousa.T1/16]. Le système d'accordage actuel de la guitare portugaise a été développé au Portugal à partir du cistre ou guitare anglaise : « Les luthiers portugais ont développé ce système [d'accordage] qui est devenu une marque de fabrique de la guitare portugaise, mais aussi qu'on peut trouver dans d’autres instruments : le cavaquinho, la viola braguesa, la viola de aram » [De Sousa.T1/16].

Les guitares portugaises de Lisbonne et de Coimbra présentent des différences certaines, dans la forme, la tonalité et la technique de jeu : « On peut voir dans la guitare portugaise deux modèles de guitare. Celle-ci, c'est un modèle de Lisbonne, mais pas le modèle de Coimbra, qu'on reconnaît tout de suite, parce qu'au lieu d'avoir une volute ici, on a une larme en bout, en forme de larme, plat ; ça, c'est le signe de la guitare de Coimbra et elle est un peu plus étirée, en forme de poire, un peu plus oblongue et un peu plus grande, donc accordée un ton en-dessous de celle de Lisbonne. La technique de jeu à Coimbra n'a rien à voir avec celle de Lisbonne […]. Ce format de Lisbonne s'est stabilisé fin XIXe début XXe siècle, on va trouver ce format, et celui de Coimbra, un peu moins rond, un peu plus étiré, en forme de poire, il va se définir début XXe, dans les années 1930-1940. » [De Sousa.T1/16].

Le seul lieu en région parisienne où l’on peut acheter et réparer une guitare portugaise semble se trouver à Vincennes ; « On [l'Académie de fado de Vincennes] a un accord avec un luthier de Vincennes, justement, Guillaume. Il a été au Portugal, il s'est formé et il fait venir des guitares. C'est fabriqué uniquement au Portugal. » [Do Carmo.T1/22].

 

 

La tenue traditionnelle

 

Seul le châle est porté par certaines fadistes, comme un élément important à prendre en compte : « Après, c'est chaque personne. Chaque personne est différente au niveau de s'habiller sur scène. Avant, il y avait un code. Je sais que les femmes mettaient le châle au moment d'aller chanter, parce qu'il fallait, comme quand on va à l'église, il fallait se couvrir les épaules et la fadiste se mettait le châle sur les épaules par respect pour le fado, parce qu'on voyait le chant comme une prière, en fait […]. Ça, c'est ce qu'on m'a expliqué et aujourd'hui, en 2018 il y a eu l'évolution, il y a les couleurs [...]. Mais je pense que c'est important de perpétuer la tradition [...]. J’ai jamais chanté sans châle et après je connais des collègues qui le font, que je respecte, mais... le fado est né avec le châle. » [Rainho.T1/25]. Sur les sept chanteuses interrogées pour la réalisation de cette fiche, trois n’utilisent pas le châle.

Depuis les origines de la pratique, le fado a été transmis oralement : « Le fado, c'est une musique de transmission orale. C’est pas une musique écrite. On comprend pourquoi, dans une même famille, on va avoir plusieurs musiciens ou chanteurs, parce qu'en fait, c'est la tradition orale. Il y a pas de partition. Il y a des fados qui se jouent depuis 200 ans sans jamais avoir été écrits. [...] Tous les musiciens de fado disent qu'ils ont un mestre [maître] qui va leur apprendre [...]. Cette transmission a permis l'évolution du fado. Le musicien ajoute un nouvel accord [lorsqu'il enseigne à l'autre musicien] et il va à créer un nouveau fado. C'est comme ça qu'on a créé 200 fados traditionnels. » [Do Carmo.T1/01].

En région parisienne, la transmission naturelle de la pratique s'est confrontée à deux problèmes majeurs : le modèle d'intégration assimilationniste et le nombre réduit d'opportunités pour les apprentis en région parisienne, en comparaison avec Lisbonne. Pour prévenir la rupture de transmission, une école a été fondée en 2014 à Vincennes : l'Académie de fado. « La génération de mon père, ils ont 70 ans, elle est vieillissante. Ils n’ont pas forcément transmis aux nouvelles générations leur savoir du fado. Ma génération a fait d'autres choses, on s'est intégré... ; tout ça s'est un peu dilué. » [Do Carmo.T1/08]. « […] La façon dont les gens commencent à chanter le fado, donc à Lisbonne, c'est plus ou moins naturel. Les gens s'approchent comme moi [...]. On commence à fréquenter les maisons de fado. Petit à petit, on commence à chanter dans les soirées de fado vadio et puis après, on est invités à chanter professionnellement, donc ça, c'est la manière la plus naturelle. À l'étranger [à Paris], […] comme il y a beaucoup moins de soirées fado, c'est plus difficile pour les gens qui commencent à chanter, parce qu'ils ont moins d'opportunités de chanter aussi, donc il y a une académie de fado à Vincennes. » [Cunha.T1/20].

 

Dans le cas du patrimoine culturel immatériel local, la pratique traditionnelle est supposée connue de la plupart des habitants d'un territoire donné. En revanche, dans le cas du patrimoine culturel immatériel translocal, ce principe n'est pas valable, surtout quand le praticien n'est pas issu de la communauté détentrice de ce patrimoine. Ainsi, chez la chanteuse française Lizzie Levée, la prise de conscience de l'existence d'un élément culturel allochtone ne suit pas un modèle défini : «Moi, je chantais en français, effectivement. J'écrivais de petites chansons. C'était mon grand rêve d’être musicienne […] » et « Ça commencé avec une rencontre fortuite à la télé, c'est-à-dire que je suis rentrée chez moi après une journée de lycée et j'ai allumé la télé et je suis tombée sur un documentaire à Lisbonne et je me suis d'abord prise d'amour par Lisbonne. En fait, dans ce documentaire, il y avait Mariza, qui est une grande fadiste, qui chantait 30-40 secondes maximum. Dans ce documentaire, elle chantait du fado et ça m'a bouleversé. » [Levée.T1/01].

Par ailleurs, l'appartenance à la communauté portugaise francilienne ne garantit pas non plus un parcours classique de découverte et d'apprentissage : « Je suis tombée amoureuse [du fado] quand j'avais 14 ans. J'ai fait un voyage avec ma mère en voiture, du Portugal vers la France et le poste radio est tombé en panne ; du coup, il y avait que la cassette qui marchait. On avait une cassette d'une chanteuse qui s'appelle Isabel de Oliveira et qui a chanté O xaile de minha mãe. Il est très connu et ma mère, elle a commencé à mettre cette cassette et en fait, il y avait un fado, qui m'a beaucoup ému, qui s'appelle Cruz de guerra, Croix de guerre, où, au début du fado, elle déclame, elle parle en fait, elle chante plus tard et c'est un fado qui m'a énormément touché. Ça parlait de la guerre, ça parlait d'une mère qui a perdu son fils pendant la guerre et j'ai eu ce qu'on appelle les frissons, des poils du bras qui se sont levés, et j'ai su qu'il fallait que je chante le fado. » [Rainho.T1/09]. « Ma grand-mère était pianiste […]. Vers l’âge de 15 ans, j'écoutais beaucoup de rock. […] J'ai décidé d'aller à l'université en musicologie à Saint-Denis. À ce moment-là, j'ai acheté une guitare portugaise à Lisbonne […]. Quand j'ai commencé à m'intéresser au fado, j'écoutais surtout les guitares. Et puis, bien sûr, les voix, les textes. Je suis allé au Portugal et j'ai pris des cours avec Carlos Gonçalves, qui était l'accompagnateur d'Amália Rodrigues, pendant les dix-quinze dernières années d'Amália. » [De Sousa.T1/02].

Chez Valérie Do Carmo, le parcours de transmission est plus classique : « Moi, je suis née à Paris, dans une famille où on a inculqué la culture portugaise et le fado. Mon père [Vitor Do Carmo] a commencé avec la guitare classique, puis le chant et après, la guitare portugaise. Fêtes de famille, d'anniversaire, toutes autour du fado. » [Do Carmo.T1/01].

L'Académie de fado de Vincennes a été créée en 2014 pour faciliter la transmission de la pratique, sans que, pour autant, cette nouveauté soit bien vue par une partie de la communauté fadiste, même celle du Portugal : « La création de l’Académie a été plus compliquée […], de leur faire comprendre [à la communauté] qu'est-ce qu'on est en train de faire. Ça a mis un peu de temps. Le fado étant de transmission orale, ce n'est pas une chose qu'on apprend dans une école, mais dans les restaurants, dans la rue. On leur a expliqué que l'idée, c'était plutôt de créer un lieu de rencontre et partager, ceux qui savent, parce que nous, on n'a pas de fado tous les jours à Paris. Au Portugal, on peut apprendre dans les restaurants. Ici, ça n'a pas lieu, ça coupe la transmission. » [Do Carmo.T1/18].

L'Académie de fado dispense plusieurs cours différents : guitare portugaise, par le musicien et musicologue Philippe ou Filipe De Sousa ; viola (guitare classique), par le fadiste et musicien Vitor Do Carmo et le musicien Helder Jardim ; initiation au chant, par les chanteuses Monica Cunha et Lizzie Levée et les musiciens Vitor Do Carmo et Helder Jardim dans l'accompagnement du chant ; éveil musical en langue portugaise, par Lizzie Levée ; ateliers collectifs autour du chant et ateliers collectifs autour de l’instrument. D'autres spécialistes participant régulièrement aux formations : Dominique Oguic (viola), Samia Hamounou (chant), Nuno Estevens (viola, mais actuellement au Portugal). De temps en temps, des masterclass sont proposées, assurées par des fadistes reconnus au Portugal, tels Célia Do Carmo (chant et interprétation), Miguel Ramos (viola et chant, l'un des parrains de l'Académie) ou Custodio Castelo (guitare portugaise).

 

Outre l'Académie de fado, l'apprentissage et la transmission dans les restaurants ont été partout la norme en région parisienne : « Plusieurs fadistes qui tournent maintenant en région parisienne sont partis de là, de son restaurant [le Coimbra do Choupal, du chanteur et guitariste Manuel Miranda], qui ont démarré là, au départ comme ça, pour le plaisir de chanter et qui sont, qui ont été emportés après par l'amour du fado et qui maintenant chantent effectivement en plusieurs endroits et qui sont devenus chanteurs, chanteuses et il y a eu une découverte de plusieurs talents chez lui. » [Henriques.T1/06]. « […] Au même temps, j'essayais de trouver à Paris. Je n'ai pas trouvé tout de suite. À l'époque, il n'y avait pas internet et le fado était un peu fermé et il n'était pas beaucoup divulgué, donc j'ai mis bien six mois avant de trouver un lieu où il y avait du fado. Je suis allé dans un restaurant [O Patio das Cantigas], où il y avait du fado. J'allais avec ma guitare et, super, un jeune qui joue ! J'ai été très bien accueilli et, après quelques mois, j'ai pris la place d'un guitariste qui est parti au Portugal. » [De Sousa. T1/02]. « […] J'ai découvert sur Paris les nuits de fado vadio qui avaient lieu aux Lusofolies grâce à lui [Philippe De Sousa] et grâce aussi à mes allers-retours sur Lisbonne, où j'ai rencontré d’autres fadistes qui m'ont invité aussi à chanter, où j'ai pu faire mes premiers pas en tant que chanteuse, pour pouvoir chanter du fado avec des musiciens et me frotter un peu à cette expérience-là. Mais une fois que j'étais à Paris, c'est grâce à Philippe que je me suis mise vraiment à chanter avec des musiciens. » [Levée.T1/01] « […] À partir de ce moment-là, à la maison, je chantais le fado, jusqu'au jour où je suis allée manger dans un restaurant dans le 93 qui s'appelait O Beirão, où j'ai chanté mon premier fado. » [Rainho.T1/09].

Actuellement, le circuit des restaurants qui proposent du fado régulièrement est composé d’une dizaine d’établissements (cfr. partie IV.1. Viabilité / Vitalité). En règle générale, dans ces « maisons de fado », les fadistes (chanteurs, chanteuses et musiciens) sont facilement accessibles.

Pour mieux comprendre l'histoire de la pratique d'un élément translocal, comme le fado en Île-de-France, il est nécessaire d’exposer brièvement l'histoire du fado au Portugal et le phénomène migratoire à la base de la recréation de cet héritage en territoire francilien.

 

 

L’origine du fado

 

Même si quelques doutes persistent sur l'origine du fado (Da Costa-Holton 2006, 1), l’hypothèse dominante parmi les historiens est celle d'une évolution à partir d'une danse afro-brésilienne, dénommée fado, ou parfois même lundu (ibid., 9). Le premier registre du mot « fado », associé à la musique, remonte au début du XIXe siècle : « En 1822, un géographe italien, Adriano Balbi, publie à Paris, sous le titre Essai statistique sur le royaume de Portugal et d’Algarve, une sorte de guide général sur le Portugal et ses colonies, recouvrant des domaines aussi distincts que la description géographique, démographique, sociale, économique, politique, institutionnelle et culturelle. C’est dans ce contexte que nous trouvons pour la première fois mentionné le mot « fado » en liaison avec la musique, car Balbi, se basant sur des informations reçues de Rio de Janeiro, affirme : "Le Chiú, la Chula, le Fado et la Volta-no-Meio sont les danses communes les plus habituelles et remarquables du Brésil" » [Vieira Nery 2015].

Cette danse était accompagnée de musique et de chant. Les descriptions soulignent le caractère plaintif de la mélodie chantée, avec un tempo modéré, et « un caractère vraiment poétique » (Vieira Nery 2015, 43). Dans les premières étapes du développement, il s'agissait simplement de marquer le rythme avec les mains. L'accompagnement des mains fut ensuite remplacé par la guitare (Da Costa-Holton 2015). Finalement, la danse aurait été interdite pour cause d’indécence (Pais de Brito 2001, 113) et il semble que seuls le chant et la musique soient restés.

L'histoire de la pratique au Portugal est liée à l'évolution de trois éléments : la musique des fados traditionnels, la poésie chantée et l'apparition, grâce au théâtre de revista, du fado-musicado (ou fado-cançao). Pour l'évolution de la poésie, João M. Lencastre propose trois périodes pour diviser les presque deux cents ans de fado.

 

 

Brève histoire du fado

 

Cette même segmentation de Lencastre permet de synthétiser très brièvement l'histoire du fado.

● 1830-1927

L’épisode amoureux entre la cantadeira (chanteuse) de fados Maria Severa et le comte de Vimioso illustre les premières années du fado, où le nouveau genre artistique incubé à Lisbonne commence à être découvert par l'aristocratie bohème, tandis qu’il est inscrit dans des environnements fréquentés par les prostituées, les faias (les fadistes), et les marins (Pereira 2008). Le fadiste était alors décrit en ces termes : « homem minado de taras, avariado pelas bebidas fortes e pelas moléstias secretas, com o estômago dispéptico, o sangue descraseado e os ossos esponjados pelo mercúrio - é um produto heteromorfo de todos os vícios, atinge a perfeição ideal do ignóbil » (Lencastre de Bragança 2015, 8).

Dans ce contexte, le fado lisboète du XIXe siècle évolue vers un fado différent de l’actuel, avec des danses rythmiques puissantes et sapateados, mais accompagnées déjà à la guitare et avec des chants mélancoliques (Ribeiro Castela 2011, 9). À partir de 1871, grâce à l'inclusion du fado dans le répertoire du tout récent théâtre de revue (teatro de revista) portugais, apparaît un nouveau type de fado : le fado chanson (fado-musicado ou fado-cançao) (Pereira 2008). Herminia Silva en fut l'une des grandes « vedettes ».

● 1927-1962

Avec la censure, une nouvelle poésie populaire apparaît, davantage intimiste. Ce moment fort représente l’âge d’or des Paroliers (Idade de Ouro dos Letristas). Daniel Gouveia cite les poètes suivants, qui, d'après lui, appartiennent à cet « âge d'or » : Avelino De Sousa (1880-1946), Linhares Barbosa (1893-1965), Henrique Rego (1893-1963), Frederico de Brito (1894-1977), Carlos Conde (1901-1981) et Francisco Radamanto (1908-1972) (Lencastre 2015, 12).

Au plan musical, « en tant qu'instrument soliste, la guitare portugaise a commencé à faire ses premiers pas début XXe, surtout avec un guitariste de Lisbonne qui s'appelait Armandinho, qui va devenir la référence. [...] Ensuite, Lisbonne commence à avoir d'autres guitaristes après Armandinho : Jaime Santos, José Nunes […]. José Nunes, c'est déjà dans les années 1950 [...] » [De Sousa.T1/12-13]. Pour Philippe De Sousa, les guitaristes de Coimbra, surtout grâce à la famille Paredes, ont facilité l'apparition de nouvelles pistes d’évolution pour la guitare portugaise [De Sousa.T1/12-13].

À partir de 1962

L'album Busto d'Amália Rodrigues, avec les compositions d'Alain Oulman, ouvre la voie à l'apparition de la poésie érudite dans le fado, avec des textes de Fernando Pessoa, Luís Camões, Pedro Homem de Mello, David Mourão-Ferreira, Luís de Macedo, Alexandre O'Neill ou Manuel Alegre (Lencastre de Bragança 2015). Avec la fin de la dictature de Salazar et le rétablissement de la république en 1974, le fado a connu une période creuse au Portugal : « À cette époque-là, années 1970-1980, le fado n'avait pas une très bonne image, était un peu associé à la dictature […]. Le régime s'était approprié le fado comme moyen de propagande. » [De Sousa.T1/13]. Le renouvellement du fado commence avec Carlos Do Carmo et son album Um Homem na Cidade (1976). Dans les années 1990, le fado commence à connaître un rayonnement international dans les circuits de la World Music International avec Mísia et Cristina Branco. En 2011, le fado est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité (UNESCO).

 

 

L'importante communauté franco-portugaise d’Île-de-France

 

Des trois vagues d'immigration portugaise proposées par l’historienne Marie Christine Volovitch-Tavares, la troisième (1956-1974) a fait des Portugais le groupe d'immigrés le plus important en France, vers la fin des années 1970. Les chiffres proposés correspondent à peu près à ceux cités par Manuel Dias Vaz pour les deux premières vagues : « Peu après la première guerre mondiale, 11 000 Portugais résidaient en France, en bonne partie des survivants du Corps expéditionnaire portugais venu participer à la bataille de la Somme […]. L'effectif a presque quintuplé jusqu'au début des années 1930, pour remplacer la main-d’œuvre décimée par la guerre. […] Après la seconde guerre mondiale, les flux migratoires portugais étaient très majoritairement transocéaniques. Le nombre a chuté jusqu'à 20 000 en 1954 » (Dias Vaz 2014, 88-89).

Du fait de la dictature de Salazar, de la guerre d’Angola et de la pénurie économique, le nombre de Portugais en France est passé de 50 000 à plus de 700 000 en une décennie (Volovitch-Tavares 2001). Entre 1950 et 1984, les immigrants portugais sont venus surtout du nord et du centre du Portugal : districts de Braga, Leiria et Porto (36%), Viana do Castelo, Castelo Branco et Guarda (23%) (Dias Vaz 2014, 89). La communauté franco-portugaise actuelle reste l'une des plus grandes, avec plus d'un million et demi de personnes résidant en France (cfr. partie IV.1. Viabilité).

Durant l’enquête, Valdemar Francisco, président de l'association des Amis du Plateau, a témoigné de l'arrivée des Portugais au bidonville de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le plus grand de France, où 100 000 immigrants se sont entassés dans des conditions précaires de 1962 à 1965 (Ribeiro 2005, 42).

Cfr. l’article en ligne de A.-L. A., « Champigny, retour sur l’histoire du plus grand bidonville de France », Le Parisien , 21 juin 2015 :

http://www.leparisien.fr/champigny-sur-marne-94500/champigny-retour-sur-l-histoire-du-plus-grand-bidonville-de-france-21-06-2015-4880489.php

« Quand je suis arrivé, il y avait pas le bidonville du pétrole, il y avait pas les Grands-Godets, etc., donc, c'était très éparpillé. Il y avait pas la concentration. La concentration se fait après, on va dire en 1964. En 1964, ils ont commencé à arriver […], les colonies portugaises qui sont révoltées, et puis les jeunes Portugais voulaient pas faire quatre ans de service militaire […]. Ils venaient en France, rejoindre quelqu'un de la famille ou un parent, père, oncle, etc., et puis les gens du nord du Portugal, qui étaient dans des villages [...]. Et c'est comme ça que, après, il y a une grande vague de migration et puis des baraques ont commencé à fleurir puisque, au Portugal, il y a une tradition, c'est le gîte. Dans le village, il faut pas que quelqu'un qui est venu n'a[it] pas été accueilli. » [Francisco.T1/06].

« Pendant les années 60, le bidonville de Champigny-sur-Marne représentait un marché de travail pour les Portugais clandestins et le patronat français en quête de main d’œuvre. Combien de personnes ont y séjourné ? Aucune statistique portugaise ni française ne le mentionne. Quelques organisations de type associatif, des services de l’Église française locale et portugaise à Paris avancent le chiffre de 100 000 personnes » (Leandro 2000, 169). Le maire de Champigny, M. Talamoni affirma un jour : « Ces Portugais vivent dans des conditions inhumaines, parqués dans des baraques de 2 mètres sur 2, complètement insalubres, sans électricité, comme au Moyen Âge » (Monteiro 1974, 63-64). L'association des Amis du Plateau, à l'initiative et sous l'impulsion de Valdemar Francisco, a érigé un monument en hommage au sénateur-maire communiste de Champigny-sur-Marne (1950-1975) : « Moi, j'ai toujours pensé à rendre un hommage à Louis Talamoni, qui était le maire à l'époque et qui était un bienfaiteur, quelqu'un d'humaniste » ; « Qu'il faisait froid ! Les hivers étaient beaucoup plus rigoureux. Il y avait pas au début du ramassage d'ordure, donc il a mis ça en place. Il a fait aussi installer de l'eau et de l’électricité. Au début, l'eau était des fontaines. C’était gratuit, donc voilà et cet homme-là passait de temps en temps à l'école et discutait avec les enfants et il avait tout compris, parce que, en discutant avec les enfants, il les questionnait et il savait comment ça se passait chez leurs parents » [Francisco.T1/20-21].

Après le temps très dur des bidonvilles (Champigny-sur-Marne, Nanterre, Massy, Francs-Moisins à Saint-Denis et la Campa à La Courneuve), de nouveaux HLM résorbent la population placée dans des conditions très précaires. L'opération de résorption totale du bidonville de Champigny s'est déroulée sur plusieurs années (1966-1970). En 1969, le bidonville comptait encore près de 10 000 personnes (Leandro 2000, 172). La mémoire du bidonville reste vivace, même si peu osent l'évoquer. Cette page de l'immigration est dévalorisée et dévalorisante (Leandro 2000, 172) : « Là, maintenant, je parle librement [...], mais maintenant, il a fallu une cinquantaine d'années pour qu'on puisse parler aisément de cette période. Avant, personne, très très rarement les parents, expliquaient aux enfants, à leur famille. Personne disait rien. On a vécu ça, voilà, mais on était pas malheureux, donc au début, c'est difficile, mais après, bah, la vie s'est organisée » [Francisco.T1/23].

« […] donc le fado, ils le chantaient dans les baraques, dès qu'ils buvaient une petite bibine de plus, etc. Et hop, c'était parti pour le fado. » [Francisco.T1/28]. « Les gens chantaient, chantaient. Le fado […], quand il est chanté avec émotion, ça redresse les poils, mais j'ai connu un café, tout de suite au début, quand je suis arrivé, [en 1960] après la gare, […] où il y avait le jukebox. Et il y avait du Fernando Farinha, Amália, comme il y avait Édith Piaf, voilà, Les gens en fonction, hop, mettaient leur pièce. » [Francisco.T1/18].

Il existe toujours de nos jours une importante communauté franco-portugaise dans le Val-de-Marne, aux environs de l'ancien bidonville de Champigny-sur-Marne.

 

 

La récréation du fado en Île-de-France

 

Les premières manifestations publiques identifiées d'un fado translocal, recréé par des immigrants portugais, se situent dans la seconde moitié des années 1960, dans un local appelé Le Ribatejo, près de la place de la Nation à Paris : « Et on a vu apparaître les premiers, je dirais les vrais immigrants. Donc il y a eu les deux musiciens du Ribatejo, To Moliças, qui jouait la viola, et l'autre, Robles Monteiro, qui lui jouait la guitare portugaise. » [Gonneau.T1/13]. Ces deux musiciens accompagnaient le chanteur Joaquim Silveirinha, fadiste reconnu au Portugal et décédé à Paris en 1975 : « Joaquim Silverinha, lui, était un fadiste assez connu et respecté au Portugal. D'ailleurs, il figure au Musée du Fado dans la liste de personnalités. Il était un fadiste de tradition, extrêmement sérieux, bon fumeur, bon buveur. Il est mort à 55 ans. » [Gonneau.T1/05] (Silveirinho 2012). D'autres fadistes franciliens de la première génération ont été cités par les informateurs : les chanteurs Joaquim Botelho, Manuel Boavida, Alves d'Oliveira, Maria da Luz, et probablement l'un des premiers Français, sinon le premier, intéressé par le fado, Jean-Luc Gonneau ; les guitaristes José Ramos, José Meneses, Arem Pinto et José Machado (Silveirinho 2012). Cependant, avant cette époque, le fado était déjà connu à Paris avec le passage de figures du fado portugais, tels le grand guitariste et compositeur Armandinho dans les années 1930 et la diva Amália Rodrigues, qui a chanté dans la première maison de fado parisienne, O Fado, ouverte en 1958, rue de Verneuil. D'autres fadistes reconnus venaient avec des contrats de 3 ou 6 mois, ou pour une ou deux saisons, comme Beatriz da Conceiçao ou Domingos Camarinha appelés par Le Portugal, autre maison de fado parisienne des premiers temps.

La première génération de fadistes franciliens s’accorde à faire des années 1980 l'âge d'or du fado à Paris : « [...] Une réunion avec les anciens du fado, qui discutaient et c'était unanime : ah, les années 1980, c'était l'âge d'or ! Maintenant, c'est plus ça. C'est vrai que, dans les années 1980, l'immigration portugaise a commencé à avoir un peu plus d'argent, donc ils ont commencé à sortir davantage. Il y a eu pas mal de restaurants portugais. Et il y a une période où le nombre de restaurants était restreint par rapport à la clientèle. Il y avait des restaurants qui faisaient du fado tous les jours. Pour les guitaristes, c'était l'âge d'or. » [Gonneau.T1/13]. Les « maisons de fado » les plus fréquentées dans les années 1970-1980 furent le Ribatejo, qui proposait des soirées de fado tout au long de la semaine, et le Portugal, rue de Trévise, qui, contrairement au Ribatejo, visait une clientèle aisée d’hommes d’affaires et de diplomates. Il y avait aussi fado tous les jours au Vasco de Gama et à la Cour des Miracles, gérée par Helder Antonio, où Jean-Luc Gonneau chantait. En banlieue, il y avait à Colombes (Hauts-de-Seine) le restaurant Chez Claudia Maria, et à Versailles (Yvelines), le Saudade, géré par Agostinho, dont est d’ailleurs issu un guitariste de viola portugais, qui a fait carrière dans le fado francilien : Casimiro Silva. Avec Adriano Silva (viola), Manuel Miranda, guitariste de guitare portugaise et très reconnu dans le circuit actuel du fado francilien, est déjà actif au début des années 1980 dans le restaurant Le Fado (d'abord sous le nom de O Lisboa), dans le 18e arrondissement, rue du Roi d'Alger.

 

D'autres établissements cités par les informateurs et actifs pendant ces années furent : Avril au Portugal, O Patio das Cantigas, Patio das Guitarras et L'Express. Dans ces maisons de fado, des fadistes franciliens se produisirent, comme Zeni d'Ovar, Deolinda Rodrigues, Maria José Valerio, Joaquim Ramos, Maria Galhardo ou Sousa Santos, et les guitaristes Casimiro Silva, Manuel Miranda, José Ramos, Manuel Corgas, Flaviano Ramos. Plus tard, des musiciens et fadistes des nouvelles générations y débutèrent leur carrière, comme le guitariste Philippe De Sousa et les chanteuses Conceição Guadalupe et Julia Silva.

Parmi d’autres, les établissements Le Beirão à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le Coimbra do Choupal aux Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le Parc et le Saint-Cyr Palace, à Paris, et O Sinfonia à Montrouge (Hauts-de-Seine) relient l'époque de l'âge d'or du fado francilien des années 1970-1980 avec le circuit actuel. Au cours des années 1980-1990 et au début du XXIe siècle, de nouveaux noms ont continué à apparaître dans le monde du fado en région parisienne, tels ceux qui se sont produit au Beirão et au Coimbra do Choupal : des chanteurs et des chanteuses, comme Ana Paula, Cinda Castel, Claudia Costa, Conceição Guadalupe, Eugenia Maria, Jenyfer Rainho, Julia Silva, Tony do Porto, Mané Santos, Susana Lopes, Liza Maria, Carlos Neto, Diogo Rocha, Paulo Manuel, Augusto Graca, João Rufino, Luisa Reis, Monica Cunha, Andreia Filipa, Arminda Cruz ou Diane Santos, et des habitués du fado vadio, comme Hugo Manuel, Fernando Rosas, Maria de Conceição, Miguel Faneca (fado de Coimbra), Maria José ou les Français Karine Bucher et Jean-Luc Gonneau. De premiers musiciens français apparaissent et s'intègrent aux soirées de fado, comme le contrebassiste Philippe Leiba et de nouveaux guitaristes franco-portugais, Hugo Miguel (viola) et Fernando Risso (Silveirinho 2012) [Gonneau.T1].

 

 

L'évolution de la pratique en Île-de-France est alimentée grâce à deux sources :

― la terre d’origine, à travers les nouveautés qui arrivent du Portugal par les liens que la communauté fadiste franco-portugaise conserve avec les praticiens portugais ; ainsi, la chanteuse Monica Cunha voyage fréquemment à Lisbonne pour chanter et rencontrer la communauté fadiste lisboète [Cunha.T1/28] et les fadistes portugais viennent à Paris pour assurer des stages à l'Académie de fado de Vincennes [Do Carmo.T1/19] ;

― le contexte urbain et multiculturel francilien, qui facilite l’expérimentation avec d'autres musiques et d'autres langues ; ainsi, l'utilisation d'instruments peu habituels dans la pratique du fado, comme le violoncelle ou le marimba [De Sousa.T1/19], l'adaptation de poésie française aux mélodies des fados traditionnels [Levée.T1/16] ou les expériences avec la musique de blues (fado-blues) de Dan Inger [Dos Santos, D.T1/01].

 

 

La technique de jeux de la guitare portugaise

Pour Philippe De Sousa, « dans les années 1990, il y a une toute nouvelle génération, qui est aujourd'hui sur le devant de la scène, qui a développé surtout la technique de jeu. Il y a des compositeurs qui ont composé des choses, mais c'est surtout la technique de jeu qui est devenue plus virtuose, et on peut se permettre plus de choses […] ; des traits de guitare qui sont devenus plus rapides et on se permet plus de liberté, même dans l’harmonie » [De Sousa.T1/23]. Lui-même, compositeur de musique de fado, « fai[t] question de ne pas jouer que du fado et de jouer d'autres choses, pour garder l'esprit ouvert et jouer avec d'autres musiciens, ce qui est important, même pour le fado lui-même, pour mon développement, pour alimenter mon jeu, le faire évoluer, que ça soit techniquement, harmoniquement. » [De Sousa.T1/24].

 

 

L’évolution du texte

 

D'après De Sousa toujours, l'évolution ne serait pas limitée à la guitare portugaise : « [...] il y a encore une évolution ; alors il y a des poètes, des chanteurs, chanteuses, musiciens, qui vont faire évoluer le style. Je pense qu'on est plus dans un rapport d’ouverture déjà par rapport aux autres générations, et de vouloir ouvrir et faire évoluer la musique en s'inspirant d'autres styles musicaux. On peut entendre des mélanges. Misia, elle le faisait déjà, aussi Carlos Do Carmo, et ensuite, Mariza, Cristina Branco ont déjà commencé ce processus de mélange. Moi, je joue dans un projet où j'ai des pédales avec des effets sonores, où je joue avec la masse sonore, pas seulement avec la guitare portugaise. » [De Sousa.T1/27].

 

L’apport d’autres instruments

Certains instruments sont utilisés, qui ne font pas partie du binôme canonique de la musique du fado (guitare portugaise et viola) : percussion, basse, contrebasse et violon. Dans ce contexte de pratique translocale, recréée dans le contexte multiculturel et urbain de la région parisienne (13 millions d'habitants), les expériences de fusion avec d'autres musiques sont presque inévitables : « [...] on m'appelle souvent pour jouer quelques morceaux, soit pour enregistrer un thème ou mélanger avec d'autres musiques, soit comme invité de concert, pour jouer avec d'autres musiciens. » [De Sousa.T1/18]. « […] En général, ça marche assez souvent, surtout qu'on est assez contents de partager notre culture avec d'autres gens, qu'on se retrouve avec des Çmusiciens qui n'ont pas la même culture. On aime bien recevoir et donner, faire cet échange […]. Un souvenir, je pense au violoncelle [...] : je me souviens d'une chanteuse algérienne, qui est à Toulouse et qui avait fait un projet avec […] chant, marimba, guitare portugaise et violoncelle ; un peu, comment dire, inattendu, mais ça marchait très bien, en fait. Tout ce mélange se faisait très bien. Je me souviens bien de ce concert. Le projet n'est pas allé plus loin. On a fait une dizaine de concerts, mais c'était agréable » [De Sousa.T1/19].

 

La langue utilisée

Le genre artistique du fado francilien doit se « confronter » à la « pression » multiculturelle. Il est censé s'adapter à un environnement culturel tout à fait distinct de celui d'origine. La langue portugaise devrait rester le principal véhicule de transmission de cet univers du fado, mais la communauté fadiste verra, sans doute, l’émergence de nouvelles formes d'expression, en conséquence de l'utilisation d’autres langues présentes en région parisienne. L'une des premières tentatives d'adaptation de poèmes français à la musique du fado a été réalisée par la chanteuse française de fado, Lizzie Levée, avec l'adaptation de poèmes de Baudelaire (L'Albatros) et de Louis Aragon (Elsa) : « […] je voulais dire que je chante le fado aussi en français.[…] Dans ce parcours que j'ai eu avec le fado, en tant que Française, ce qui m'a frustré par rapport aux autres Français avec qui j'avais envie de faire découvrir cette musique, c'est de voir qu'ils ne pouvaient pas comprendre ce qui se passait entre la musique et le texte ; en fait, jusqu'à quel point la musique et le texte venaient s'influencer l’un l'autre […]. Donc j'ai essayé de mettre dans un fado traditionnel, de chanter un poème de Baudelaire, qui est L'Albatros,< /em> que tout le monde connaît en France […]. Je pense que c'est intéressant pour le Français qui n'a pas accès du coup à la langue portugaise. » [Levée.T1/16 et 23]. Elle a souhaité « exprimer tout ce que j'ai envie d'exprimer dans le fado, en jouant le fado traditionnel, en chantant le fado traditionnel comme je l'aime, mais en rajoutant cette dimension culturelle. » [Levée.T1/21].

 

L’adaptation des thèmes ?

Il n’existe pas de fados avec des sujets ou des représentations de la vie à Paris, comme c’est le cas pour la ville de Lisbonne. En revanche, certains parlent de l'exil et de l'immigration : « On n'en a pas [des fados qui parlent de la vie à Paris]. En fait, j'en connais pas. Il y a des fados qui racontent l'histoire de l'immigration, où ils parlent des Portugais qui sont en France […]. Mais sur la vie à Paris, non […]. On a des choses qui vont raconter le manque du pays, ça arrive ; certains fados qui racontent le fait quand on vit l'exil ; en fait, le fait de vivre en dehors du Portugal et cette difficulté que ça peut être, pour les gens, de vivre loin de la famille, de leur pays. Ça, il y a certains fados qui parlent de ça, de cet exil, de ce manque, la saudade, et du manque du pays, de la famille. » [Do Carmo.T1/06].

L'un des derniers albums (en format EP) publié par des fadistes franciliens est Fado Clandestino, avec des morceaux instrumentaux de Philippe De Sousa et de Nuno Estevens. Le fado qui donne son nom à l'album a été écrit par Lizzie Levée (cfr. annexe 4) et adapté à la musique du fado Margarida composé par Miguel Ramos. Le texte parle de l'exil et le mot clandestino fait référence à l'immigration portugaise clandestine en France, qui fuyait la dictature et les conditions de vie difficiles : « C'est pas une histoire dont j'ai beaucoup entendu parler quand j'étais à l'école [...]. Je n'en ai pas entendu parler en tant que française. Donc, quand j'ai découvert cette histoire, les gens qui partent de leur pays, à pied, qui traversent l'Espagne, les Pyrénées, qui viennent en France, qui sont pour beaucoup exploités par, du coup, leurs employeurs français qui sont là, qui vivent dans des bidonvilles [...] et puis c'est une histoire universelle, puisque ça se répète parmi beaucoup de peuples encore aujourd'hui. » [Levée.T1/14].

 

L’émergence d'un fado parisien ?

Certains des éléments du patrimoine culturel immatériel translocal francilien peuvent avoir un caractère éphémère. Le fado lisboète recréé en Île-de-France pourrait être l'un de ces éléments. En effet, comme évoqué déjà, le fado devrait se confronte à la pression multiculturelle pour s'adapter à un nouvel environnement. Cette adaptation conduit souvent à la transformation de l’élément original : dans quelques générations, il est possible qu’émerge un nouveau type de fado, le fado parisien.

« […] Je remarque qu’aujourd'hui, ces enfants portugais [ceux de la deuxième génération née en France], ils ont envie de renouer avec cette culture, avec cet art et donc je pense qu’en fait, on est aujourd'hui sur un renouveau du fado, qui ne sera pas le même. Ça peut pas être le même […]. Là maintenant, on va avoir un fado, justement, qui est un fado parisien […], un fado d'ici, et je trouve ça intéressant, en fait aussi. Alors, forcément, il est moins actif, pour le moment incomparable avec le fado qu’il y avait ces années-là [années 1980], mais je pense qu’avec toutes les dynamiques qu'il y a, toutes les initiatives qu'il y a, le fado va tout simplement reprendre une nouvelleun nouveau souffle, une nouvelle forme, une nouvelle façon de se faire. » [Levée.T1/26].

« Les gens de Lisbonne vont peut-être le voir comme quelque chose qui n'est pas le fado originel, fait par l'immigration, mais c'est vrai qu'à Paris, il y a toute une nouvelle génération de gens qui portent le fado et que le font évoluer avec l’esprit de ne pas forcément copier ce qu'on fait à Lisbonne, mais de créer quelque chose ici. Ce qui est très important. En faire, en fait, donner une identité, presque parisienne du fado, quoi. » [De Sousa.T1/28].

Dans quelques générations, le fado lisboète s’effacera-t-il à Paris, pour donner lieu à un nouvel élément patrimonial, le « fado parisien » ? Il faut tenir compte du fait que la communauté francilienne qui perçoit le fado en tant que patrimoine est fondée sur une base multiculturelle. Il est donc possible que cet héritage transformé, et devenu local [parisien], coexiste avec la version originelle et translocale [lisboète], car une partie de la communauté pourrait encore le percevoir comme patrimoine. Les pratiques culturelles vivantes du PCI translocal, surtout celui qui est en contact étroit avec d'autres cultures, en contexte urbain, amènent la comparaison avec l'évolution des espèces, où un être vivant (une culture donnée) évolue à partir d'un premier jeu de gênes, avec des phénomènes d'hybridation avec d'autres espèces (d'autres cultures).

L'aspect démographique et l'activité associative sont deux éléments clés à prendre en compte lorsque l'on considère la continuité de la recréation d'un élément culturel immatériel translocal. Dans le premier cas, la communauté portugaise reste toujours l'une des plus importantes parmi les populations immigrées en Île-de-France, avec 243 490 personnes en 2015 selon les statistiques de l'INSEE.

En ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3569310?sommaire=3569330&geo=REG-11#IMG1B_V1_ENS

Le résultat continue à être pertinent si les calculs sont élargis au niveau de la communauté franco-portugaise, c'est-à-dire les immigrés arrivés pour la plupart lors de la grande vague des années 1956-1974, puis la première et la deuxième génération, nées en France. La communauté s’élève alors à 1 522 000 personnes en France (Tribalat 2015, 22-27), dont une partie très importante habite en région parisienne. Si, à l'aspect démographique, on ajoute la cohésion sociale de la communauté franco-portugaise, qui génère une importante activité associative (725 associations en 2002, franciliennes pour la plupart), le contexte socio-culturel serait effectivement adéquat pour assurer la viabilité de la recréation et la transmission d'un élément immatériel au sein de la communauté franco-portugaise. Dans le cas du fado, dans la mesure où ce genre artistique est très vivant dans la région de Lisbonne surtout, le fait que la population immigrée d'origine portugaise vienne, pour la plupart, du nord et du centre du Portugal (Dias Vaz 2014, 89) est même favorable à sa viabilité, car le fado est devenu un chant national [Cunha.T1/23 et Henriques.T1/20] (UNESCO 2011, 3).

Cfr. l’article en ligne de Nicolas Fertin, « Les Portugais d’Île-de-France ont bien changé », Le Parisien, 7 octobre 2002 : http://www.leparisien.fr/paris/les-portugais-d-ile-de-france-ont-bien-change-07-10-2002-2003464587.php

 

Vitalité

 

Même si la fréquence actuelle des manifestations autour du fado est inférieure à celle des années 1970-1980, le nombre de restaurants qui proposent régulièrement des soirées de fado semble avoir augmenté, ou du moins est stable : « Non, il n'y a pas moins de restaurants, je crois qu'il y en a même plus, mais qui font du fado moins fréquemment. » [Gonneau.T1/29]. Avec l'inclusion du fado dans le circuit des musiques du monde, de plus en plus de spectacles de fado sont accueillis dans de grandes salles de concerts : « C'est dans des grandes salles. C'est pas juste dans les petites associations portugaises. Le fado est maintenant reconnu effectivement comme une musique du monde et tout le monde veut en faire. » [Henriques.T1/19].

Alors que cela peut changer rapidement, le circuit francilien de fado repose actuellement sur une quinzaine de restaurants, qui proposent du fado régulièrement, occasionnellement ou très ponctuellement, sur des fêtes associatives ou communautaires, tel le 25 avril, célébration de la révolution des Œillets, sur des soirées privées et des concerts dans de grandes salles [Gonneau.T1/33]. Quelques restaurants proposent du fado régulièrement et occasionnellement, selon le site « Coin du fado » (cfr. Sitographie sommaire) :

― tous les quinze jours : Portologia ;

― une fois par mois : Saudade, Le Vilareal et Le Comptoir Saudade à Paris ; Saudade à Versailles et Les Jardins de Montesson 2 à Montesson (Yvelines) ;

― de manière occasionnelle : La Barraca à Villejuif (Val-de-Marne) ; La Mendigote à Saint-Prix (Val-d’Oise).

D'autres restaurants cités sur le site « Le Coin du fado » proposent du fado très ponctuellement : Le Bon Poulet à Chelles (Seine-et-Marne), Le Lieu Dit à Paris, Le Centre à Tournan-en-Brie (Seine-et-Marne). Le site mentionne aussi des associations portugaises qui organisent des manifestions autour du fado, telle l'association d'Amitié franco-portugaise de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne).

Outre les restaurants, l'association Gaivota propose du fado une fois par mois au Château Lorenz à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne). L'Académie de fado de Vincennes organise également une fois par mois des soirées au restaurant Passarito à Paris. Enfin, le collectif Le Coin du fado tient une soirée tous les deux mois au café Les Affiches à Paris.

Tous les informateurs et porteurs de traditions interrogés considèrent que la situation actuelle du fado en Île-de-France est bonne ou du moins assez bonne. Certains affirment que la situation pourrait s'améliorer dans le futur, pour trois raisons :

― le renouvellement de l'intérêt de la communauté franco-portugaise, en particulier des nouvelles générations, pour la culture portugaise : « […] le fado est un élément identitaire de cette jeune génération de mes enfants et d'autres, qu'on a trouvé au fado vadio de Lusofolies, ou que tu trouves aux Affiches, ou que tu trouves au Portologia. » [Heitor.T1/11]. « J’ai l’impression que même le peuple portugais redécouvre le fado » [Dos Santos, D.T1/02]. « Je remarque que, aujourd'hui, ces enfants portugais, ils ont envie de renouer avec cette culture, avec cet art et donc je pense que, en fait, on est aujourd'hui sur un renouveau du fado » [Levée.T1/26].

― le Portugal comme destination touristique à la mode : « Ça, c'est aussi du fait du tourisme, ces trois dernières années. On a eu énormément de Français à visiter le Portugal et donc qui finalement ont découvert, redécouvert le fado et ils ont découvert de nouvelles voix. » [Dos Santos, J.T1/15] ; « Le Portugal a été déclaré il y a quelques jours pour la deuxième fois meilleure destination de vacances. Les lusodescendants n’arrêtent pas d'en parler. » [Dos Santos, D.T1/12] ; « […] des Français, qui ont envie d'organiser une soirée fado pour faire connaître aux amis parce qu'ils sont partis au Portugal en voyage et ils sont tombés amoureux de cette musique » [Cunha.T1/19] ;

― l'inclusion du fado dans le circuit des musiques du monde et, en 2011, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité (UNESCO) : « Oui, très certainement, je pense, je suis même sûre et je pense que c'est à partir de là quand même que le fado a explosé au niveau international. » [Henriques.T1/19].

Cependant, sur le plan du renouvellement des porteurs de traditions, le fado en Île-de-France est menacé par un certain déséquilibre entre le nombre de chanteurs et le nombre de guitaristes spécialisés en guitare portugaise. D'un côté, on assiste à l’émergence d'une nouvelle génération dans le domaine du chant, composée exclusivement de femmes (Monica Cunha, Jenyfer Rainho, Lucia Araujo, Tania Caetano, Teresa Carvalho, Lizzie Levée et Claudia Costa, pour ne citer que les plus visibles), et, de l’autre, très peu de jeunes guitaristes qui se font voir dans le circuit.

 

Menaces et risques

 

La diminution de la fréquence de manifestations autour du fado renvoie à plusieurs raisons :

― l’atténuation de l'effet des vagues migratoires [Levée.T1/26 et Dos Santos, J.T1/12] ;

― le fait que la première génération née en France a laissé un peu de côté sa culture d'origine par processus d'intégration [Do Carmo.T1/08] ;

― le manque de valorisation du fado n'est pas assez valorisé, qui limite le tarif des événements [Dos Santos, J.T1/14] ;

― la concurrence des autres musiques du monde, sans compter l'offre culturelle extrêmement abondante de la région parisienne [Gonneau.T1/18] ;

― moins de professionnels et plus d'amateurs [Rainho.T1/22] ;

― une économie tendue en général [Gonneau.T1/ 29] : « Le fado n'est pas rentable. [Je le fais] parce que je veux continuer à transmettre le fado. » [Dos Santos, J. T1/14].

Ainsi, même si le fado se porte bien en région parisienne, des menaces persistent sur la recréation, et notamment sur la transmission, de cet élément patrimonial. Comme évoqué, le lieu traditionnel de transmission a été toujours la famille et les maisons de fado (restaurants ou tavernes). À quelques exceptions près [Do Carmo.T1/01], la famille francilienne n'est plus un lieu de transmission. En revanche, les maisons de fado sont toujours très importantes pour l'échange naturel entre les maîtres et les apprentis. Si la fréquence des soirées de fado reste insuffisante, la chaîne de transmission risque de se rompre. Ainsi, le renouveau naturel des guitaristes de guitare portugaise, élément presque incontournable dans la musique de fado, n’est insuffisant : « Parce que le problème, surtout à Paris [...], le grand problème du fado, dans la communauté, c'est surtout les guitaristes, la guitare portugaise. Il y a très peu du monde qui sait jouer la guitare portugaise, parce que c'est un instrument très difficile, donc il nous manque des musiciens. » [Heitor.T1/04]. La « vieille garde » (Manuel Miranda, Manuel Corgas, Vitor Do Carmo, Manuel da Silva, Lino Ribeiro) restera encore active quelques années, mais seuls Philippe De Sousa et peut-être Eloy Da Silva, à Tours, semblent à même de prendre la relève [Gonneau.T1/35] pour représenter la nouvelle génération. Grâce à l'Académie de fado de Vincennes, apte à fournir prochainement de nouveaux talents dans cet art, l’horizon demeure favorable. La problématique concerne surtout la recréation et la mise en valeur, toutes deux liées à un territoire fortement peuplé et actif comme l’Île-de-France, où les membres d'une même communauté culturelle sont souvent dispersés sur toute la région parisienne : cela nécessite de manière chronique des espaces associatifs équipés et la coordination des différents porteurs de traditions. « On a demandé donc une salle ici à Bry[-sur-Marne], qui a été assez dure à avoir parce que j’ai attendu quand-même deux ans et demi pour avoir cette salle, celle où on fait les Rencontres [Gaivota]. » [Henriques.T1/13]. « Actuellement, il y a moins de professionnels et plus d'amateurs, ce qui fait que c'est un petit peu compliqué pour présenter, en fait, aux organisateurs le fado, parce que, du coup, il n'y a pas de syndicat. Ici, en France, il n’y a pas d'association qui représente le fado. » [Rainho.T1/22].

Modes de sauvegarde et de valorisation

 

Sans structure rassemblant tous les acteurs susceptibles de s'engager dans la sauvegarde du fado francilien, les mesures de sauvegarde existantes sont proposées, de manière autonome, au reste de la communauté fadiste par des personnes ou des structures associatives intéressées par cette sauvegarde. Les actions de sauvegarde visent, en majorité, la promotion et la mise en valeur auprès d’autres communautés culturelles de la région parisienne, sauf les actions de transmission et de rencontres, comme celles menées par l'Académie de fado à Vincennes ou certaines maisons de fado, telle celle de Julien Dos Santos, propriétaire de Portologia, cave et bar à vins de porto : « Dans mon cas, dire, si c'est pour le fado, si c'est pour gagner d'argent que je fais du fado, je vais dire non. Je préfère, parce que j'aime le fado, parce que je veux continuer à transmettre le fado. » [Dos Santos, J.T1/14]. Quant aux mesures de sauvegarde, comme l'identification, la documentation, la recherche ou d'autres types de mise en valeur, les actions sont pratiquement inexistantes, à quelques exceptions près, comme la collection de livres sur le fado de l'éditeur-libraire João Heitor [Heitor.T2].

 

 

Actions de valorisation à signaler

 

● Académie de fado

Ce lieu de rencontre et de transmission est la seule école en France dédiée à l’enseignement des disciplines distinctes du fado. Située à Vincennes (Val-de-Marne), elle a été fondée par Valérie Do Carmo [Do Carmo.T1/08], en même temps que l'Académie de flamenco de Anita Losada, ces deux écoles faisant partie de l'Académie de musiques et danses du monde.

« L’Académie de Fado, c'est un truc important. Ça, c'est une idée importante […]. C’est récent, c'est quatre ans. Ce qu'a fait Valérie Do Carmo à l'Académie de fado, c'est une nouveauté vraiment, qui a apporté au fado des nouveaux talents, soit déjà affirmés, soit qui commencent à s’affirmer, qui a donné du travail aux musiciens et chanteurs, qui donnent des cours, etc. C’est appréciable. Ça, par contre, ça n'avait été jamais fait. » [Gonneau.T1/30]. « Viola, guitare portugaise : cours toutes les semaines, collectifs, individuels, ateliers où les instrumentistes se rejoignent tous pour jouer ensemble. Le chant : soit des sessions individuelles, où il y a un fadiste et ils répètent un répertoire de fado choisi par eux et les musiciens, qui correspond à leur type de voix, capacité vocale. Quel que soit le niveau vocal, on peut chanter le fado. C'est pas une question de puissance vocale, c'est plus de l'émotion. La personne apprend le compas, la tonalité. Des ateliers collectifs une fois par mois : ils s'entendent, où on parle aussi de musicologie. On parle de certains auteurs interprétés, parce que, parfois, il y a des personnes qui ont vécu toujours en France et qui n'ont pas de connaissances sur le fado. Des interprétés du passé et des nouveaux. » [Do Carmo.T1/09].

 

● Rencontres mensuelles Gaivota

L'association Gaivota, fondée en 2000 et dirigée par Maria José Henriques, organise depuis janvier 2017 des rencontres mensuelles autour du fado au Château Lorenz à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) [Henriques.T1/13]. La programmation des rencontres ressemble à celle d’une soirée traditionnelle de fado, avec des sets consacrés à la chanteuse ou au chanteur invité(e), alternant avec des temps de fado vadio. La différence avec une soirée traditionnelle est la place donnée aux autres musiques, notamment la chanson française et d'autres musiques portugaises, telle Música Mirandesa. L'animateur de la soirée est le musicien de blues Dan Inger, pseudonyme de Daniel dos Santos.

« Dans ces rencontres, on fait un petit peu de tout, mais surtout de la musique, surtout du fado. Mais comme moi j'ai la double culture [...], j’ai voulu, j'ai toujours voulu ça. C'est mélanger les deux cultures, donc il y a du fado, qui reste quand même le pilier de l'association Gaivota, mais on y mélange aussi de la chanson française, de la bonne chanson française [...]. On y met de la poésie. Il y a de la littérature avec notre ami João Heitor [...], qui est là avec ses livres, ses CD sur le fado. Il doit avoir la meilleure collection qui puisse exister sur le fado. Nous avons une boutique éphémère [...]. Nous avons un bar, pour que les gens puissent goûter ou découvrir nos spécialités, le fameux pastel de nata, le pastel de bacalhau. Les gens sont ravis et tout ça se passe dans la convivialité, la bonne humeur, et l'amitié. » [Henriques.T1/14].

 

● Émission de radio « Só fado »

Le fadiste à multiple facettes, Manuel Miranda, guitariste, compositeur, chanteur et ancien restaurateur du Coimbra do Choupal, anime aussi, depuis 2012, une émission radiophonique intégralement consacrée au fado. Dans cette émission produite par Radio Alfa, à Valenton (Val-de-Marne), Manuel Miranda, accompagné d’Odete Fernandes et Fernando Silva, interviewe des fadistes franciliens ou portugais et joue quelques morceaux de fado.

« Chaque vendredi, Só Fado reçoit une ou un invité(e), fadiste installé(e) en France ou de passage à Paris. Conversations avec lui [Manuel Miranda], mais surtout musique […]. L’invité est convié à chanter quelques fados ao vivo, accompagné par Manuel Miranda à la guitare portugaise, Flaviano Ramos à la viola [au moins en 2012, date de l'article], mais aussi un choix de disques, qui permet d’entendre aussi bien des vedettes consacrées du fado que des artistes moins connus, des "anciens" et des "modernes" […]. Les internautes peuvent, en rejoignant le site de Radio Alfa, se connecter à l’émission. », d’après Jean-Luc Gonneau [« So fado : un rendez-vous radiophonique chaque semaine », 30 mai 2012 : http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article1478] .

 

● Collectif « Le Coin du fado »

Jean-Luc Gonneau, membre du collectif, le définit ainsi : « Le Coin du fado, c'est une association informelle. On est abrité par un site politique. On n'a pas les moyens de créer notre propre site et on sort des articles sur le fado, essentiellement ceux que je fais pour le Lusojournal […], et puis, surtout, on tient l'agenda de ce qui se fait sur le fado sur tout le territoire, alors de ce qu'on sait. » [Gonneau.T1/37]. L’association organise aussi tous les deux mois une soirée de fado au café Les <Affiches à Paris, visant un public français. Ces soirées de fado, qui accueillent des performances avec d'autres instruments non traditionnels (cfr. extrait « Fado 10- Aos amigos duvidosos /Fado Lopes »), sont très pédagogiques, du fait des introductions didactiques, parfois exhaustives, de Jean-Luc Gonneau sur le fado qui va être chanté.

 

● Lieu culturel des Lusofolies

Le projet, actuellement suspendu, du libraire-éditeur João Heitor invitait en 2014-2016 une clientèle d’origine diverse, qui profitait de soirées culturelles, où le fado n'était pas le seul protagoniste : « Il y avait le "luso" [Lusofolies], qui était un endroit fabuleux. On se retrouvait. C'était un lieu culturel, un bar, disons, culturel, où il se passait plein de choses […]. Vous pouviez trouver des livres, des CD. Il y avait des concerts. Il y avait à boire, à manger. Enfin bon, c'était un échange fantastique dans ce lieu. » [Henriques.T1/13]. Lusofolies a fortement soutenu l’entrée du fado vadio au programme musical des soirées de fado : « [...] une révolution […]. Les gens venaient, chantaient, et c'est là que j'ai découvert Lizzie [Levée] pour la première fois, Tania [Caetano] pour la première fois, sont venues, Jenyfer [Rainho] et d'autres déjà avec l'aide de Jean-Luc [Gonneau] [...]. Un jour, dans une soirée, [on a pu] compter treize nationalités, même des Africains, des Chinois, des Italiens, des Espagnols. » [Heitor.T1/03].

 

● Collection de livres sur le fado

João Heitor, libraire et fondateur des Lusofolies, a collecté une série d'ouvrages en portugais sur le fado [Heitor.T2] : Le chant des paroles (O canto das palavras), de Jean-Jacques Lafaille ; A Triste cançao du sul, d’Alberto Pimentel ; A Severa, de Julio Dantas ; Idolos do fado, de Victor Machado ; Recordar m>Alfredo Marceneiro, de Vitor Duarte ; A mitologia fadista, d’Antonio Osorio ; O fado, de José Maciel Ribeiro Fortes ; O fado. Cançao des vencidos, de Luiz Moita ; Historia do Fado, de Ruben de Carvalho ; Fado Falado, de Baptista Bastos ; Fado de Coimbra I et II, de José Niza ; Lisboa, o fado e os fadistas, d’Eduardo Sucena ; Amalia, O romande da sua vida, de Sonia Louro. ; Historia do Fado, de Pinto de Carvalho (Tinop) ; Severa, de Julio De Sousa.

João Heitor a contribué à l’un des rares ouvrages sur le fado écrits par un auteur français : Le Fado, d’Agnès Pellerin (coll. « Les Voix de la Cité de la Musique ») [Heitor.T1/10].

 

● Premier festival consacré au fado à Paris (2019)

 

L'Académie de fado de Vincennes, en association avec Maisfado et Dyam Production, a créé le premier festival parisien dédié au seul fado. Des fadistes portugais et des musiciens et fadistes franciliens sont invités, tels le groupe Fado Clandestino, avec Lizzie Levée, Philippe De Sousa et Nuno Estevens.

 

 

Modes de reconnaissance publique

Le fado a été inclus, en 2011, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, instaurée par la Convention de 2003 de l’UNESCO (UNESCO 2011).

L’absence d’une structure qui fédère les fadistes et les personnes intéressées par la sauvegarde du fado a pour conséquence l’autonomie des actions de sauvegarde. Il en va de même pour les actions à venir. Chez les fadistes, les mesures de sauvegarde paraissent envisagées de manière individuelle, comme le fruit d'un engagement personnel, du travail d'une seule association ou à travers la prise de risques de tel ou tel auto-entrepreneur. Dans un seul cas, l'idée d'une meilleure coordination entre les différents acteurs grâce à la création d'une structure fédératrice a été évoquée : « Alors, ma vision des choses, elle a évolué. C'est plus la même, mais je pense qu'actuellement il y a moins de professionnels et plus d'amateurs, ce qui fait que c'est un petit peu compliqué pour présenter, en fait, aux organisateurs le fado, parce que, du coup, il n'y a pas de syndicat. Ici en France, il n’y a pas d'association qui représente le fado. » [Rainho.T1/22].

L'association Île du Monde, intéressée par la sauvegarde du fado francilien du fait de l’élaboration de la présente fiche d'inventaire, recommande la création d'une structure qui rassemblerait les personnes ou structures de la communauté fadiste intéressées par l’idée de démarrer un processus de sauvegarde globale, où des actions de documentation de la pratique, d'identification de porteurs et d'informateurs, de promotion, de préservation, de transmission ou d'autres formes de valorisation pourraient être envisagées.

Les principaux moteurs de recherche utilisés (SUDOC, www.sudoc.abes.fr  ; CAIRN, www.cairn.info  , OpenEdition, www.openedition.org  ; Thèses, www.theses.fr  ou HAL,  hal.archives-ouvertes.fr ) n'ont donné aucun résultat s’agissant de textes sur la sauvegarde ou l'histoire du fado en Île-de-France (mots-clés « fado Paris », « fado Île-de-France » et « fado France »).

La recherche sur la base de données Ibn Battuta (http://mcm.base-alexandrie.fr:8080/about.htm) du centre de documentation de la Maison des Cultures du Monde/Centre français du patrimoine culturel immatériel (MCM/CFPCI) ne donne aucun résultat pour des praticiens franciliens, mais documente des praticiens portugais, comme Custodio Castelo, Cristina Branco ou Misia. Des 37 résultats trouvés sur le site de l'Institut national de l’audiovisuel (INA),

( https://www.ina.fr/recherche/search?search=fado ), la plupart sont des extraits des performances d'Amália Rodrigues et aucun ne correspond à des fadistes ou des musiciens franciliens.

La base de données du musée des Instruments de Céret ( http://music-ceret.com/ ) ne donne aucune réponse au mot-clé « guitare portugaise ».

À la Maison méditerranéenne des Sciences de l'homme, a base de données Gaub de la phonothèque ( http://phonotheque.mmsh.huma-num.fr/dyn/portal/index.seam?page=alo&aloId=9733&fonds=&cid=65 ) donne seulement une entrée, qui correspond à un concert de Zeca Afonso à Marseille.

Pour la documentation au Portugal, le Museu do Fado propose un catalogue de photographies, partitions, textes de chansons, instruments, phonogrammes, documents professionnels, livres et publications sur le fado. Il compte 18 205 entrées (en 2011). Une base de données de 15 000 phonogrammes (en 2011) est accessible sur le site de l'Université Nova de Lisboa ( http://www.fcsh.unl.pt/fonogramas/ ) (UNESCO 2011, 12) et une autre, sur un site géré par le Museu do Fado ( http://arquivosonoro.museudofado.pt/  ). Sur le « fado à Paris », le musée propose 5o entrées, pour la plupart des mentions d’artistes portugais passés temporairement à Paris pour se produire.

Le seul site qui offre une documentation abondante est YouTube. Presque tous les musiciens et fadistes franciliens téléchargent des enregistrements sur cette plate-forme en ligne. Cfr. résultat de la recherche avec les mots clés « Sousa Santos fado Paris » : https://www.youtube.com/results?search_query=Sousa+Santos+fado+paris

 

 

Récits liés à la pratique et à la tradition

 

Il a été demandé à certains informateurs de préciser comment ils se représentaient l'origine du fado. Cette question reste ouverte dans l'imaginaire des praticiens et des connaisseurs, même si l'historiographie actuelle vise clairement une origine brésilienne à partir d'une danse afro-brésilienne, confrontée a posteriori à l'influence de la musique et de la poésie locales et aux réglementations gouvernementales (prohibition de la danse).

Aucun des sept membres de la communauté fadiste interrogés ne s’est clairement positionné à l’égard des différentes hypothèses de l'origine de la pratique. Cependant, à partir de certaines notions évoquées par les fadistes, on peut constater la circulation d’idées dominantes dans l'imaginaire collectif.

Sur les lieux traditionnels de la pratique les premières années, la combinaison entre Lisbonne, les bars ou la rue et les prostituées entre Lisbonne, les bars ou la rue et les prostituées est la plus évoquée : « Chantés par des prostituées pour attirer les hommes sur des bars à Lisbonne » [Dos Santos,D.T1/02] ; « D'autres disent qu'il est né dans les ruelles de Lisbonne » [Rainho.T1/13] ; « On sait qu'au début du siècle le fado commençait à être chanté dans des petites tavernes à Lisbonne, des endroits mal fréquentés, des prostituées, des histoires d'alcool, des voleurs. » [Cunha.T1/04] ; « Des marins, qui, quand ils rentraient à Lisbonne, se mélangeaient avec les femmes de mauvaise vie, dans les tavernes » [Do Carmo.T1/07] ; « Née dans les ports, est-ce que c'est une musique qui est née en Lisbonne parmi les prostituées ? » [Levée.T1/15].

Sur les origines de la pratique, plusieurs canaux possibles se transmettent au sein de la communauté. Les marins sont nommés à cinq reprises : « Je pense que les chants des marins se sont inspirés aussi de ça. » [Dos Santos.T1/02] ; « un chant populaire venu des marins » [Rainho.T1/13] ; « musique qui est née parmi les marins » [Levée.T1/15] ; « on le dit, des chants des marins » [Cunha.T1/25] ; « plusieurs thèses de musicologues ; une première : des marins » [Do Carmo.T1/07].

Le Brésil est évoqué cinq fois aussi : « une musique qui est née [...] au Brésil » [Levée.T1/15] ; « qui a aussi emprunté quelques sonorités brésiliennes » [Cunha.T1/25] ; « La Cour du Portugal s'est réfugiée au Brésil et, en revenant, a apporté une musique. » [De Sousa.T1/06] ; « Nouvelle thèse, le fado viendrait du Brésil. » [Do Carmo.T1/07] ; « J'aime le fado, alors qu'il vient du Brésil. » [Henriques.T1/32].

Trois fois, des récits l’ont plus ou moins lié au monde musulman : « On a été envahis pendant beaucoup d'années par les maures et je pense que, lorsqu'ils sont partis de la péninsule ibérique, ils ont laissé des traces. » [Rainho.T1/13] ; « qui a eu certainement d’autres influences, notamment de présence arabe à Lisbonne » [Cunha.T1/25] ; « J'aime le fado, alors qu'il vient du Brésil ou d'Afrique. » [Henriques.T1/32].

Le mélange, le métissage et l'influence de diverses musiques et cultures ont aussi été cités : « Le fado, c'est un métissage de plusieurs cultures. » [Rainho.T1/13] ; « d'autres influences,  [...], qui a aussi emprunté quelques sonorités » [Cunha.T1/25] ; « Je crois qu'un peu les deux. J'ai pas de préférence, mais c'est vrai que, d'un côté, on entend le chant comme un texte raconté, une histoire racontée comme ces chanteurs qui allaient de ville en ville, et, d'un autre côté, on entend musicalement une musique un peu plus syncopée par rapport ce qui se faisait dans le folklore. » [De Sousa.T1/07] ; « Lorsqu'ils sont rentrés, ils ont amené une musique [danse lundu ?] : le « lundum », un peu lancinante ; ensuite, elle s'est mélangée avec des racines lisboètes et a créé le fado. » [Do Carmo.T1/07].

 

 

Inventaires réalisés liés à la pratique

 

Il n'existe pour le fado francilien aucun inventaire ou recensement d'informateurs ou de porteurs de traditions, non plus qu’aucun inventaire discographique publié par les fadistes franciliens. Quant au fado au Portugal, malgré l'obligation d'inclure l'élément dans un inventaire du patrimoine culturel immatériel de l’État partie pour être inscrit sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l'UNESCO (critère R.5) (UNESCO 2011, 12), le fado n'est toujours pas inclus à l'inventaire national du PCI au Portugal.

Cfr. https://www.dn.pt/lusa/interior/fado-cante-e-dieta-mediterranica-nao-constam-do-inventario-nacional---associacao-8773067.htm l et http://www.matrizpci.dgpc.pt/MatrizPCI.Web/pt-PT/Pages/Home.

 

 

Bibliographie sommaire

 

Cette bibliographie correspond aux ouvrages utilisés par la réalisation de cette fiche.

 

Ouvrages imprimés

 

● Cordeiro (A.), Hily (M.), Meintel (D.), « La fête des Portugais : héritage et invention », Revue européenne des migrations internationales, vol. 16, 2000, n° 2 Fêtes et rituels dans la migration, p. 59-76.

● Da Costa Holton (K.), The fado historiography: old myths and new frontiers en Portuguese Cultural Studies, University of Massachusetts, 2006.

● Dias Vaz (M.), La Communauté silencieuse. Mémoires de l'immigration portugaise en France, Elytis, 2014.

● Mendonça (L.), « O fado e “as regras da arte”: “autenticidade”, “pureza” e mercado », Sociologia, revista da faculdade de letras da Universidade do Porto, Vol. XXIII, 2012, p. 71-86.

● Monteiro (W.), Les Émigrés portugais parlent, Paris, Casterman, 1974.

● Leandro (M. E.), Au-delà des apparences. Les Portugais face à l'insertion sociale, Paris, Éd. L'Harmattan, 2000.

● Lencastre de Bragança (J.-M.), Quando o Fado é Confissão. “E na minha confissão/vão as rimas do meu fado", Lisbonne, Faculté des lettres de l’Université de Lisbonne, 2015.

● Pais de Brito (J.) et Frais (A.), « Le fado : ethnographie dans la ville », Recherches en anthropologie au Portugal, 2001, n° 1 La ville sensible, p. 103-120.

● Parreira (António), O Livro dos Fados. 180 Fados tradicionais em partituras, Lisbonne, EGEAC/Museu do Fado.

En ligne : http://www.museudofado.pt/gca/index.php?id=22&p=3

● Pereira (S.), « Circuito Museológico », dans Museu do Fado 1998-2008, Lisbonne, EGEAC/Museu do Fado, 2008.

● Ribeiro (A.), Le Fado pour seul bagage, Paris, Éd. Osmondes, 2005.

● Ribeiro Castella (L.-P.), A Guitarra portuguesa e a Canção de Coimbra. Subsídios para o seu estudo e contextualização, Coimbra, Faculté des lettres de l’Université de Coimbra, 2011.

● Tribalat (M.), « Une estimation des populations d’origine étrangère en France en 2011 », Espace populations sociétés, 2015/1-2, p. 22-27.

● Vieira Nery (R.), Fados para a República, Lisbonne, Imprensa nacional/Casa da Moeda, 2012.

● Vieira Nery (R.), Une histoire du fado, Paris, Éd. de la Différence, 2015.

● Volovitch-Tavares (M.-C.), Les Phases de l’immigration portugaise, des années vingt aux années soixante-dix, Villeurbanne, École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, mars 2001.

En ligne : http://barthes.enssib.fr/clio/revues/AHI/articles/volumes/volovitch.html

 

 

Documents hors dépôt légal

 

● Académie de fado, Dyam et Maisfado (Paris), dossier de presse du festival « Fado in Paris », 2019.

● Anonyme, « Casa de Fados : Solar da Alegria », site Restos de Coleccao, 20 avril 2016. En ligne sur :

http://restosdecoleccao.blogspot.com/2016/04/casa-de-fados-solar-da-alegria.html

● Cité nationale de l’histoire de l’immigration (Paris), L'Immigration portugaise dans la littérature. Sélection bibliographique, Médiathèque Abdelmalek Sayad, 2013. En ligne : http://www.histoire-immigration.fr/sites/default/files/musee-numerique/documents/portugal_litt.pdf

● Gouveia (Daniel), dir., Seminário de Letristas de fado, Museu do Fado, Lisbonne, 2015 ( ?). En ligne : http://www.museudofado.pt/gca/index.php?id=48

https://www.rtp.pt/noticias/cultura/poeta-e-investigador-daniel-gouveia-orienta-seminario-de-letristas-de-fado_n801354

● Ribeiro (Altina) et Inger (Dan), « Trois notes de blues pour un fado ». En ligne :

https://books.google.fr/books?id=tnAzDgAAQBAJ&pg=PT50&dq=le+fado+en+France&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjfiquk1Y_UAhXLPxoKHZB0B4sQ6AEIKDAB#v=onepage&q=le%20fado%20en%20France&f=false

● Silveirinho (J.), article « Contribution à une histoire du fado à Paris », Le Coin du fado, 2012.

Seul texte retraçant l'histoire du fado francilien, en ligne sur : http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article997

● UNESCO, « Le fado, chant populaire urbain du Portugal », dossier de candidature n° 00563, 6e session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel, Bali, 2011. En ligne : https://ich.unesco.org/fr/RL/le-fado-chant-populaire-urbain-du-portugal-00563

 

 

Discographie et enregistrements en ligne

 

Cette liste non exhaustive présente la discographie des chanteurs et des musiciens franciliens qui ont accepté de contribuer à la présente fiche. Il ne semble pas exister de liste publiée d'albums ou d'enregistrements audio et/ou vidéo de praticiens franciliens ; cette liste pourrait être l'une des possibles missions d'une structure fédérative à constituer (cfr. partie IV.3. Mesures de sauvegarde envisagées).

● Lúcia ARAÚJO, chanteuse

Cd enregistrés : « Herança »

● Tania CAETANO, chanteuse

Enregistrements en ligne : « Confesso », en ligne sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=nANohBOkCGU

● Joaquim CAMPOS, chanteur

Cd enregistrés : « Meus fados, minha vida », « Perfil de artista »

● Tereza CARVALHO, chanteuse

Cd enregistrés : « Gotas de Fado »

Enregistrements en ligne : « Hortela Saudade », en ligne sur YouTube :

https://www.youtube.com/watch?v=nANohBOkCGU)

● Mónica CUNHA, chanteuse

Cd enregistrés : « Cor de Fado »

● Philippe DE SOUSA, musicien de guitare portugaise

Cd enregistrés (fado) :

Flaviano Ramos et Filipe De Sousa, « Fados e Guitarradas », Fado29 (2001)

António Barros, « As Rosas do meu Jardim », Fado29 (2002)

Renato Figueira, « O Sol do Algarve », Fado29 (2002)

Philippe De Sousa, « Boîte à petits... », Audeo (2004)

« Rondes, Comptines et Berceuses du Portugal », ARB (2005)

Cinda Castel, « Foi Deus », (2005)

Zéni d'Ovar, « Fados pour Amália », Socadisc (2005 ?)

« Une nuit de Fado à Paris », concert Les Affiches, Jean-Luc Gonneau (2006)

Casimiro Silva et Philippe De Sousa, « Fado », Fado29 (2010)

Shina, « Sinto-me Fado », DistriRecords (2012)

Andreia Filipa, « Fado Sentido », Sinfonia (2013)

Philippe De Sousa, « Fado Portugal », Cézame éditions (2014)

Mónica Cunha, « Cor de Fado », (2015)

« Fado Clandestino », EP (2018)

Philippe De Sousa, « Illustrations sonores », Fado29 (2019)

● Conceição GUADALUPE, chanteuse

Cd enregistrés :

« Fado saudade esperança »

« Encore »

« Pecados de Amor »

« Um Fado para Minha Mãe »

« Recordaté de mim »

« O Fado e Eu »

● Lizzie LEVEE, chanteuse

Cd enregistrés : « Fado Clandestino », (2018)

Titres : « Fado Clandestino » auteur Lizzie Levée / compositeur Miguel Ramos (fado Margaridas) ; « L’Albatros » auteur Charles Baudelaire / compositeur Joaquim Campos (Fado Alexandrino) ; « Terra e Mar » instrumental composé par Philippe De Sousa ; « Maldição » auteur Armando Vieira Pinto / compositeur Alfredo Marceneiro (Fado Cravo) ; « Fado da Sina » auteur Amadeu do Vale / compositeur Jaime Santos ; « Além Fado » instrumental composé par Nuno Estevens.

 

Enregistrements en ligne :

« L’Albatros », en ligne sur You Tube :

https://www.youtube.com/watch?v=dAVFuS2S0oQ

« Fado Clandestino », en ligne sur You Tube :

https://www.youtube.com/watch?v=epooy2051Yk

● Manuel MIRANDA, chanteur et musicien de guitare portugaise

Cd enregistrés : « Fado em Paris » et « Obrigado Senhor Fado »

● Jenyfer RAINHO, chanteuse

Cd enregistrés : « Quem serei sem ti » (2005) et « Confissões » (2011)

● Casimiro SILVA, musicien de viola et chanteur

Cd enregistrés : « Fados » et « Casimiro »

Des expériences hors fado ou de fusion entre différents instruments sont aussi à mentionner :

● Philippe DE SOUSA

Cd enregistrés (guitare portugaise, hors fado) :

Zé Perdigão, « Sons Ibéricos », Acid Records (2013)

Bévinda, « Lusitania », Celluloid (2011)

Bévinda, « Outubro », Suoni Migranti (2007) Bévinda, « Luz », Harmonia Mundi (2003) Timothy, « L'intranquille Exil », Ovação (2018)

Lizzie, « Navigante » (2015)

Daniel Miranda, « Marionette », Catapult (2014)

Facundo Torres, « Sombras Criollas » (2010)

Cuarteto Cedrón, « Para que voz y yo », Gotan/Mélodie (1997)

Cuarteto Cedrón, « Piove en San Telmo », Gotan/Harmonia Mundi (2004)

Lulendo, « Angola », Believe/Nola Musique (2005)

Dan Inger, « Le Quatrième » (2007)

Dani Selva, « Seconde Génération », Kemouka (2010)

Rômulo Gonçalves, « Braise Ocre », LGSR (2013)

Pegy, « Troisième Acte » (2014)

● Conceição GUADALUPE

Cd enregistrés (hors fado) : « Mulher Chorona » et « Vamos Dançar »

● Lizzie LEVEE

Cd enregistrés (hors fado) : « Navigante » (avec Philippe De Sousa, à la guitare portugaise)

● Dan INGER, musicien de blues et créateur de « fado-blues »

Site : http://www.daninger.com/

Cd enregistrés : « Atlanticoblues » (2002), dont le fado-blues « Solidão Ela e eu » ; « Le Quatrième » (2007)

Enregistrements en ligne :

« La Maison sur le port », Quartet Fado Blues, en ligne sur You Tube :

https://www.youtube.com/watch?v=hU1v77JmBiw

« Noite e Ressaca » et « La Saudade », Quartet Fado Blues, avec Philippe De Sousa à la guitare portugaise, en ligne sur You Tube :

https://www.youtube.com/watch?v=3q6Flm5Rdpo

 

 

Filmographie sommaire

 

● Filmographie de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration : L'Immigration portugaise en France. Filmographie, Médiathèque Abdelmalek Sayad, 2013. En ligne sur :

http://www.histoire-immigration.fr/sites/default/files/musee-numerique/documents/filmoport2.pdf

● Paris, troisième ville du fado dans le monde, prod. Lapetitecouronne.tv, 2015.

Seul reportage vidéo sur des fadistes franciliens, en ligne sur :

https://vimeo.com/127302387

● Les Voix du fado, 2018, documentaire avec production et réalisation françaises sur le fado lisboète. En ligne sur :

https://quefaire.paris.fr/44997/semaine-des-cinemas-etrangers-2018-les-voix-du-fado

● Documentaire (en cours) de l'association Île du Monde, fondé sur les entretiens des membres de la communauté fadiste en Île-de-France et l'enregistrement des soirées de fado et des concerts franciliens d’octobre à décembre 2018.

 

 

Sitographie sommaire

 

Description de la pratique

● Site « Fados do fado : letras »

http://fadosdofado.blogspot.com/2018/11/noite-de-inverno.html

● Site du Musée virtuel de José Lucio Ribeiro de Almeida

http://www.jose-lucio.com/

● Blog « Fados tradicionais »

http://musicastradiconaisdefado.blogspot.com/

● Site « Fado tradicional »

https://fadotradicional.wixsite.com/fadotradicional/fado-margaridas

● Portail « Portal do Fado »

http://www.portaldofado.net/content/view/2781/363/

 

Mise en valeur du fado

● Académie de fado

https://www.academie-defado.com/

Cfr. article « Elle a créé la première académie de fado d’Ile-de-France à Vincennes », Le Parisien, 3 juillet 2014 : http://www.leparisien.fr/vincennes-94300/elle-a-cree-la-premiere-academie-de-fado-d-ile-de-france-a-vincennes-03-07-2014-3974203.php

● Collectif « Le Coin du fado »

http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/-LE-COIN-DU-FADO

● Émission « So fado » (Radio Alfa)

https://radioalfa.net/shows/so-fado/ Cfr. article de Jean-Luc Gonneau, « So fado : un rendez-vous radiophonique chaque semaine », La Gauche cactus, 30 mai 2012 : http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article1478

● Festival « Fado in Paris » (compte Facebook) https://www.facebook.com/fadoinparis/

Cfr. article de Jean-Luc Gonneau, « Festiva Fado in Paris : Jorge Fernado et tout un programme au Trianon, les 6 et 7 avril », Luso Jornal, ; 29 mars 2019 : https://lusojornal.com/festival-fado-in-paris-jorge-fernando-et-tout-un-programme-au-trianon-les-6-et-7-avril/

Cfr. article « Le premier festival du fado débarque à Paris », Latina, la radio caliente : t https://www.latina.fr/news/le-premier-festival-du-fado-debarque-a-paris-37199

● Lusofolies (compte Facebook)

https://www.facebook.com/Lusofolies/

Cfr. compte Facebook Les Amis de Lusofolie’s :

https://www.facebook.com/lesamisdelusofolies/?eid=ARAjl6-G3F-sK5JY6sITOC8bu3XYuYX5qjxmXZ2lI77ekzl-4YkAmoQZ3pWdREWi453au9YEGhFYAg_2&timeline_context_item_type=intro_card_work&timeline_context_item_source=100010423567829&fref=tag

● Museo do fado, Lisbonne

http://www.museudofado.pt/personalidades/detalhes.php?id=234 http://arquivosonoro.museudofado.pt/

● Rencontres mensuelles Gaivota (site) : http://www.gaivota-fado.com/

● Ville d’Aulnay-sous-Bois, rubrique « Le Portugal en fado »

https://www.aulnay-sous-bois.fr/agenda/loisirs/culture/par-type/musique-et-concert/le-portugal-en-fado/

 

Fadistes et musiciens

● Lucia ARAUJO

Site My Major Company : https://www.mymajorcompany.com/enregistrez-le-1er-cd-de-lucia-araujo-fadista/edit?fbclid=IwAR2djjDeB54rF-H8f9yjpr2rO5wlyqKa0WQ85voqrIBuSJa-YFURn58nTPI

Compte Facebook : https://www.facebook.com/Fadista-L%C3%BAcia-Ara%C3%BAjo-1416217315339759/

● Tania Raquel CAETANO

Compte You Tube: https://www.youtube.com/channel/UC_FfDz4HZxQ-Lu-sSWI1yfg?fbclid=IwAR2Q6FszfMw4KqJVPU-2z4npxxlv1TH25jMZHeO1Wbc4glcmuIUXRmx7Des

● Joaquim CAMPOS

Compte Facebook : https://www.facebook.com/joaquimcampos.joaquimcampos

● Tereza CARVALHO

Compte Facebook : https://www.facebook.com/people/Tereza-Carvalho-Fado/100009929254501

● Claudia COSTA

Compte Facebook : https://www.facebook.com/Claudia-Costa-The-Voice-756130137747652/

● Monica CUNHA

Compte Facebook : https://www.facebook.com/monicacunhafado/

Compte You Tube : https://www.youtube.com/user/LePetitrienpt

Compte Soundcloud : https://soundcloud.com/monicacunha-fado

● Philippe DE SOUSA

Site : http://www.philippedesousa.com/

● Lizzie LEVEE

Compte Facebook : https://www.facebook.com/LizzieOfficiel/

● Manuel MIRANDA

Compte Facebook : https://www.facebook.com/manuelmirandafado

● Sousa SANTOS

Compte Facebook : https://www.facebook.com/sousasantos.fado

● Jennyfer RAINHO

Compte Facebook : https://www.facebook.com/jenyrainhofado

En grande mesure, le contenu de la présente fiche a été alimenté par l'analyse qualitative de douze entretiens réalisés auprès des informateurs et des porteurs de traditions et d’un questionnaire à l’appui (cfr. annexe 1). Les témoignages des praticiens et personnes engagées dans la sauvegarde ont compensé une bibliographie quasi inexistante sur le fado en Île-de-France, sauf exception (Silveirinho 2012).

Les références au document de transcription sont ainsi données dans la fiche : [Nom de la personne interviewée. numéro de l'entretien [T1 ou T2 pour 1er ou 2e entretien ; ou Q1, pour questionnaire n°1] / Section de la transcription [normalement chaque section correspond à chaque question de l’enquêteur]). Dans les documents de transcription, à chaque section numérotée est précisé la durée de l'entretien en minutes et secondes. Les documents de transcription seront disponibles pour les chercheurs intéressés auprès de l’association Île-du-Monde.

 

Entretiens réalisés

Les entretiens réalisés (cfr. annexe 1) ont amené à rencontrer les praticiens et individus suivants, engagés dans la mise en valeur du fado francilien :

● Monica CUNHA, chanteuse de fado (fadista) et professeur à l'Académie de fado de Vincennes. Réf. entretien : Cunha.T1. Plusieurs fados enregistrés.

● Philippe ou Filipe DE SOUSA, musicien de guitare portugaise), compositeur, musicologue et professeur à l'Académie de fado de Vincennes. Réf. entretien : De Sousa.T1, De Sousa.Q1. Plusieurs fados enregistrés.

● Valérie DO CARMO, directrice de l'Académie de fado de Vincennes. Réf. entretien : Do Carmo.T1.

● Daniel DOS SANTOS, chanteur et musicien de blues (alias Dan Inger), membre de l'association Gaivota et animateur des rencontres mensuelles Gaivota. Réf. entretien : Dos Santos, D.T1. Plusieurs chansons enregistrées.

● Julien DOS SANTOS, propriétaire de la cave et bar à vins Portologia, organisateur de soirées de fado. Réf. entretien : Dos Santos, J.T1.

● Valdemar FRANCISCO, président de l'association Les Amis du Plateau et chanteur de chanson française. Réf. entretien : Francisco.T1. Extraits de chansons enregistrées.

● Jean-Luc GONNEAU, connaisseur et vulgarisateur de l'histoire du fado lisboète et parisien, animateur des soirées de fado, chanteur occasionnel de fado (fadista) et jazziste, organisateur de soirées de fado au café Les Affiches, membre du collectif Le Coin du Fado. Réf. entretien : Gonneau.T1. Plusieurs fados enregistrés.

● João HEITOR, éditeur et libraire, créateur et organisateur du projet Lusofolies. Réf. entretiens : Heitor.T1 et Heitor.T2.

● Maria José HENRIQUES, présidente de l'association Gaivota et organisatrice des rencontres mensuelles Gaivota, chanteuse occasionnelle de chanson française et de fado. Mme Henriques a particulièrement collaboré à la présente fiche, par sa médiation avec la communauté et la recherche d’informations qui en ont enrichi le contenu. Réf. entretien : Henriques.T1. Extraits de chansons enregistrées.

● Lizzie LEVEE, chanteuse de fado (fadista) et de chanson française, professeur à l'Académie de fado, compositrice de poèmes en portugais pour fado. Réf. entretien : Levée.T1. Extraits de fados enregistrés.

● Jenyfer RAINHO, chanteuse de fado (fadista). Réf. entretien : Rainho.T1. Tous ses fados chantés lors du concert à Aulnay-sous-Bois ont été entregistrés pour la présente fiche.

 

Autres praticiens rencontrés

D'autres personnes liées à la communauté fadista ont été rencontrées, sans que des entretiens documentés puissent être réalisées. Toutefois, ces riches rencontres ont servi à alimenter le contenu de la présente fiche :

● Lucia ARAUJO, chanteuse de fado (fadista), a bien éclairé la section « Chant : interprétation, émotion et confession ». Plusieurs extraits de fados enregistrés.

● Claudia COSTA, chanteuse de fado (fadista). Performance aux Rencontres mensuelles Gaivota enregistrée.

● Filipe FERREIRA, chanteur occasionnel de chanson française et fado. Extraits d’un échange aux Rencontres mensuelles Gaivota enregistrés.

● Conceição GUADALUPE, fadiste très active dans le circuit, auteur de six albums enregistrés, lauréate du dernier concours de fado à Paris. Performance à la soirée au Portologia et quelques extraits de la soirée au café Les Affiches enregistrés.

● Manuel MIRANDA, l'un des membres les plus visibles et actifs de la communauté fadiste depuis plusieurs décennies, guitariste de guitare portugaise, chanteur (fadiste), animateur de l'émission radio « Só Fado ». Quelques fados enregistrés.

● Casimiro SILVA, auteur des classiques du fado en Île de France, spécialiste de la viola, chanteur de fado. Extraits enregistrés.

● Vitor TEIXEIRA, fadista occasionnel, présent lors des performances de fado vadio. Extraits enregistrés.

 

Autres praticiens enregistrés

Des fados complets et des extraits performés ont été enregistrés dans le cadre de la présente fiche, avec la participation des praticiens suivants :

● Fadistes : Joaquim CAMPOS et Tania CAETANO

● Fadistes occasionnels (fado vadio / scène ouverte) : Paulo MANUEL, David

ALEXANDRE, Amélia (Académie de fado), Sofia PAULA, Elisa (Académie de fado), Ana

ROCHA, Tereza RODRIGUES, Ana (soirée Portologia), Maria JOSE (soirée Portologia)

● Musiciens :

- guitare portugaise : Lino RIBEIRO

- viola : Pompeu GOMES, Ana LUISA

- basse : Dominique OGUIC

- contrebasse : Philippe LEIBA

- percussion : Ney VIEIRA

- violon : Natalia JUSKIEWICZ

Tous les membres de la communauté fadiste rencontrés soutiennent l'inclusion du fado en Île-de-France à l'Inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Pour l'instant, le consentement est oral. Le processus de recueil des consentements écrits est en cours.

Rédacteur de la fiche

 

Pepe Pastor, médiateur culturel de l'association Île du Monde, +33 (0)6 32 78 63 03 pepe.pastor@iledumonde.org

 

 

Enquêteur(s), chercheur(s), membre(s) du comité scientifique associé

 

Frida CALDERON, anthropologue, présidente de l’association Île du Monde

Stéphanie MAGALAGE, experte en communication, chargée de communication de l'association île du Monde (correction du texte)

Daniel ORTIZ, anthropologue, responsable production audio-visuelle de l’association Île du Monde

Simone TORTORIELLO, sociologue, responsable de la recherche socio-ethnographique de l’association Île du Monde

 

 

Lieux(x) et date/période de l’enquête

 

Paris et région Île-de-France, octobre-décembre 2018

 

 

Données d’enregistrement

 

Date de remise de la fiche: 25 avril 2019

Année d’inclusion à l’inventaire: 2019

N° de la fiche: 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00433

Identifiant ARKH: ark:/67717/nvhdhrrvswvk2mk

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode :https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fado

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