La région de Briançon compte parmi ses traditions une danse, appelée “Bacchu‐Ber”.
Les habitants du hameau de Pont‐de‐Cervières sont les garants de la pratique de la danse du Bacchu‐Ber. La « Société des admirateurs du Bacchu‐Ber », créée en 1935, participe à la conservation et à la perpétuation de cette danse traditionnelle. Elle est résidée par Frédéric Arnaud, qui se charge également de recruter des danseurs et ’organiser des répétitions en vue de la représentation annuelle de cette danse.
Le Bacchu‐Ber est une danse pratiquée dans le hameau de Pont‐de‐Cervières. Ce hameau se situe dans la commune de Briançon, localisée dans le département des Hautes‐Alpes, en Provence‐Alpes‐Côte d’Azur. Lors de la représentation annuelle, les danseurs effectuent une première danse sur la place de l’église Saint‐Roch‐et‐Saint‐Marcel, puis se rendent à la place Jean Jaurès pour effectuer une seconde représentation.
La danse du Bacchu‐Ber est un rite singulier qui n’est pratiqué que dans le hameau e Pont‐de‐Cervières.
Plus largement, les danses d’épées sont pratiquées en Belgique, en Angleterre, dans es provinces historiques de la République Tchèque et en Italie.
Le Bacchu‐Ber est un nom populaire donné à une danse qui est exécutée par des jeunes hommes armés d’épées. Une représentation annuelle a lieu le 16 août, durant la fête patronale du jour de la Saint Roch, dans le hameau de Pont‐de‐Cervières.
Les danseurs ont besoin d’un espace de cinq mètres sur cinq mètres. Des planches de bois sont disposées au sol et forment un espace délimité pour la danse. Des barrières délimitent l’espace consacré au public, et celui prévu pour les danseurs. Des gradins sont aussi installés afin que le public puisse profiter de cette manifestation. Une couronne de fleurs orange est généralement accrochée au‐dessus de chaque espace dédié à la danse.
Le groupe se compose de neuf danseurs, deux porte‐emblèmes, sept à huit chanteuses, et quatre à cinq accompagnateurs ou remplaçants. Les neuf danseurs sont costumés : ils portent des chemises et des pantalons blancs, des cravates noires, et des ceintures rouges. Ces tenues sont issues d’une configuration mise en place en 1935. Les ceintures rouges représentent les tenues civiles historiques des provençaux.
Les femmes sont en habit traditionnel du Briançonnais. Elles portent une coiffe blanche nouée sous le menton, et apposent un châle sur leurs épaules. De différentes couleurs mais toujours assorti à l’ensemble de leur tenue, ce châle est fixé au centre de la poitrine à l’aide d’épingles. Une longue jupe couvre le bas de leur corps. Ces jeunes femmes chantent pendant que des hommes dansent. Le chant des femmes est une mélopée sans parole. Cette mélodie est composée de dix‐neuf mesures à deux temps (Tiersot 1901, p. 386).
Les danseurs effectuent quarante‐cinq figures en deux parties distinctes :
Aux prémices de cette danse, les hommes forment un cercle autour du plancher, et restent immobiles tout en appuyant la pointe de leur épée au sol. Ils posent ensuite leur épée à plat sur le sol puis la récupèrent. Tout en effectuant une rotation sur eux‐mêmes, chaque danseur prend alors par la main la pointe de l’épée se trouvant à sa gauche. Ils se mettent en marche, en formant une chaîne et en marquant le pas sur le tempo du chant. Chaque danseur doit passer sa tête sous la pointe de l’épée de son voisin. Les danseurs forment ensuite une figure appelée la « lève » où un danseur se place au centre d’un cercle formé par les huit autres. Sa tête est emprisonnée dans les épées qui s’entrecroisent. Certains considèrent que ce geste est le symbole d’un sacrifice au dieu Soleil.
Lors de la deuxième partie, les hommes forment deux carrés, trois triangles, une étoile, puis de nouveau un carré.
La représentation dure environ vingt minutes.
Le groupe est composé de jeunes, dont l’âge se situe entre vingt et trente ans.
Le Bacchu‐Ber est une danse qui se transmet de génération en génération. Le chant, qui est primordial au bon déroulement de la représentation, est décrit de la manière suivante en 1901 par Julien Tiersot : « J’ai pu me convaincre moi‐même que la transmission s’opère avec une fidélité scrupuleuse : le soin extrême mis par les chanteuses à placer exactement non seulement les moindres notes de la mélodie, mais jusqu’aux consonnes du Tra la la qui l’accompagne, atteste des préoccupations d’exactitude que n’ont pas en général les chansons populaires, et prouve que les dépositaires du « secret » tiennent à honneur de le conserver intact » (Tiersot 1901, . 387).
De nos jours, les répétitions sont moins nombreuses que dans le passé quand les danseurs et chanteuses étaient entraînés de manière plus rigoureuse. La Société des admirateurs du Bacchu‐Ber veille à ce que cette tradition soit maintenue en organisant chaque année une représentation. Les danseurs et les chanteuses, issus de la région du Briançonnais, sont formés par Frédéric Arnaud, le président de l’association. Des répétitions sont organisées à raison d’une fois par semaine, durant le mois de juillet. Les danseurs sont des jeunes hommes qui montrent la volonté d’intégrer le groupe. Ce sont les adolescents qui reprennent la place des plus vieux danseurs, ainsi, les habitants se relaient de génération en génération.
Les origines de cette danse sont inconnues à ce jour bien que nombres d’historiens et d’ethnographes se soient penchés sur la question. Cette danse reste pourtant inspirée de la pyrrhique, danse martiale et religieuse pratiquée en Grèce antique, qui tirerait elle‐même ses origines d’une pratique de l’Age de Bronze.
L’aspect géométrique et mathématique de cette danse permet l’hypothèse d’inclure ans son histoire la période d’invasion sarrasine qui eut lieu dans les Hautes‐Alpes, entre les 10e et 11e siècles.
Pieter Brueghel (1525‐1569) illustrera cette danse dans l’une de ses gravures, conservée au Cabinet des Estampes de Bruxelles. Peintre flamand du 16e siècle, il accompagnait François 1er dans ses campagnes durant les guerres d’Italie. Cette anse devait donc déjà être pratiquée à l’époque.
La tradition voulait que les jeunes danseurs aillent voler des sapins dans les forêts entourant le village, afin de décorer le contour de l’esplanade en bois. Six sapins étaient ainsi disposés. En 1731, une information fut prise contre des jeunes hommes de Pont‐de‐Cervières, car ils avaient justement dérobés des arbres, afin de décorer la place publique le jour de la Saint‐Roch. Ces jeunes hommes, d’après L’inventaire sommaire des Archives départementales des Hautes‐Alpes, se vengèrent de cette sanction, avant de s’en aller danser dans le hameau.
En 1806, l’Académie de musique de Briançon inaugura un cours où l’apprentissage des figures du Bacchu‐Ber était enseigné au corps de ballet. Puis, en 1869, lors de l’inauguration de la statue Ladoucette dans la commune de Gap, des danseurs réalisèrent une représentation de Bacchu‐Ber. Cette manifestation fut reproduite la même année, lors des élections municipales de la ville.
Pendant la guerre qui suivit, la danse du Bacchu‐Ber faillit disparaître. Le Club Alpin prit alors la décision d’en assurer la pérennité en attribuant une subvention pécuniaire à chaque danseur.
Henri Blanchard, au terme d’une laborieuse recherche, décevra nombre d’érudits des danses d’épées lorsqu’il publiera, en 1914, L’Art populaire dans le Briançonnais. Le Ba’cubert. Il n’était pas parvenu à comprendre les origines de cette danse, ni les raisons pour lesquelles elle se pratiquait depuis des siècles dans le hameau. Cette tradition est ainsi depuis toujours considérée comme un « mystère », les explications es figures étant également inconnues.
D’autre part, la Société des admirateurs du Bacchu‐Ber a organisé une grande représentation de cette danse en 1934 à Nice, où le groupe a remporté le 1er prix des provinces Françaises.
Avant 1935, les tenues des hommes n’étaient pas imposées, si bien que Julien Tiersot décrit en 1901 des danseurs vêtus d’une ceinture bleue. Durant la guerre, cette danse s’effectuait parfois à l’aide de bâtons. Les danseurs pouvaient également faire une quête entre les deux parties de la danse : c’était aux plus jeunes danseurs qu’incombait cette tâche.
Le Bacchu‐Ber demeure la seule danse d’épées en chaîne connue en France.
Les habitants de Pont‐de‐Cervières sont fiers de cette danse, et les mystères qui entourent ses origines permettent de constituer un véritable mythe dans la mémoire collective. Les danseurs et chanteurs sont uniquement des habitants du hameau de Pont‐de‐Cervières ; ainsi, cette manifestation traduit un respect aux anciens et aux coutumes locales.
Avant que le Bacchu‐Ber soit dansé, les noms des habitants décédés durant l’année sont énumérés. Cette pratique, mise en place seulement depuis quelques décennies, démontre de la valeur de cette danse : elle permet, entre autre, d’honorer la mémoire des anciens.
Bernard Faure‐Brac, ancien président de la Société des admirateurs du Bacchu‐Ber, décrivait cette danse comme l’âme du hameau de Pont‐de‐Cervières.
Si la Société des admirateurs du Bacchu‐Ber ne prenait pas en charge l’organisation de la manifestation annuelle de la danse, la pratique de la danse du Bacchu‐Ber risquerait de disparaître. Cette association encadre les acteurs nécessaires à la mise en place de la manifestation. Elle a également contribué à créer un véritable événement le jour de la Saint‐Roch. D’autres danses y sont pratiquées, des animations et des concerts sont organisés, etc. Cet événement est décrit comme la dernière journée permettant la mise en avant des valeurs traditionnelles de la ville de Briançon.
Les membres de l’association, ainsi que les danseurs et les chanteuses sont garants d’une tradition perpétuée par leurs aînés. Tous conscients de l’importance de la pérennité de cet événement, la danse du Bacchu‐Ber n’est pas un rite qui est menacé de disparition. Il est toutefois pratiqué avec moins d’entrain qu'auparavant.
Au niveau national, le groupe de Bacchu‐Ber a obtenu le 1er prix des Provinces Françaises en 1934. Il s’est notamment produit au Salon de la Montagne à Grenoble, Saint Martin d’Hères, et à Saint‐Ouen.
Au niveau international, le Bacchu‐Ber a été dansé à San‐Giorio, Di Susa, Asti, Turin, Oulx, Fenestrelle et Bagnasco, notamment lors des rencontres internationales de danses d’épées. Au mois de mai de l’année 1998, un groupe de danseur a été présenté lors du Festival international de danses d’épées à Withby, en Angleterre.
Un documentaire sur cette danse a été réalisé en 1979 ; diffusé sur TF1, il fut réalisé dans le cadre d’une série sur le patrimoine national. Le documentaire R.A.I.S.A.T, tourné en 1999, relate également l’histoire de cette danse. Enfin, en 2000, France 3 ’y est également intéressée, dans le cadre du Tour de France cycliste.
La journée du 16 août est entièrement organisée par la Société des admirateurs du Bacchu‐Ber qui assure de ce fait la pérennité de cette danse.
L’Office du tourisme de la ville de Briançon, en la personne de Lydie Galloppe a fourni une première gamme d’informations. Frédéric Arnaud a mis à disposition des photographies et une fiche de présentation de la danse écrite par un ancien président de l’association, Bernard Faure‐Brac. Jean‐Paul Grollier, habitant de Briançon, a procuré le précieux texte de Julien Tiersot. La fiche a été relue et validée par Frédéric Arnaud.
Blanchard R. (1914), L’art populaire dans le Briançonnais, le Ba’cubert, Editions Champion.
Petiot H. (1921), « Briançon. Esquisse de géographie urbaine », Revue de géographie alpine, Tome 9, n° 3, p. 341‐456.
Dates et lieu(x) de l’enquête : Juillet 2015, Pont‐de‐Cervières. Participation aux répétitions de la danse organisées par la Société des admirateurs du Bacchu‐Ber
Date de la fiche d’inventaire : Septembre 2015
Nom des auteurs de la fiche : Léa Butez, Etienne Capron, Francesca Cominelli
Photographies : Salvo Manzone, Léa Butez et Frédéric Arnaud
N° d'inventaire Ministère Culture : 2015_67717_INV_PCI_FRANCE_00373
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk269
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