Dans la pratique de la religion catholique, un des faits marquants en ce début du XXIe siècle, est le renforcement d’une pratique dévotionnelle populaire: l’"adoration publique des saints".
L’arrivée dans les églises de populations immigrées originaires des départements d’Outre-mer, d’Afrique sub-saharienne et d’Asie, a contribué à renouveler "l'adoration publique des saints", à la rendre plus visible, faisant de la statuaire des saints, des espaces de prière et de recueillement, individuels et collectifs. Allumer une bougie devant une statue, prier Marie, prier les saints, ou solliciter leur intercession constituent autant de gestes et de pratiques dévotionnels auxquels toute une communauté de croyants s’identifie et dans lesquels elle se retrouve. La statuaire de l’église Saint-Joseph Artisan dans le 10ème arrondissement de Paris fait l’objet d’une pratique dévotionnelle discrète mais soutenue et constante.
Si l’église en tant que lieu du rassemblement, la croix et l’autel constituent sur le point théologique les objets les plus importants, les statues des saints dans les églises sont l’objet de véritables et profondes dévotions. Elles sont le lieu immatériel de pratiques religieuses ancrées dans la piété populaire.
L’église Saint-Joseph Artisan dans le 10ème arrondissement de Paris illustre cette pratique dévotionnelle qui, selon le Père Hervé Guillez, responsable de la paroisse, apparaît "essentielle pour la vie des personnes et pour leur expression religieuse".
Inscrite géographiquement dans un quartier du Nord-est parisien où la population immigrée est importante et multiethnique, la pratique de l’adoration (ou de la vénération) des saints s’est revivifiée et s’est renforcée sous l’influence croissante d’une communauté de fidèles originaires des départements d’Outre-mer, d’Afrique subsaharienne et d’Asie. Comme le souligne le Père Guillez, "on voit qu’il y a un attachement à la dévotion des saints qui est plus marquée chez ces groupes culturels, ethniques, que chez les "Français de souche" (…) On peut dire qu’ici sous le vocable de Saint-Joseph, vous voyez le 19 mars1 et le 1er mai2, une assemblée plus importante qu’un jour ordinaire.(…) comme un dimanche alors que l’on est en semaine, ça tient à ce qu’il y a des origines de d’autres pays. Les saints pour le monde africain et antillais, c’est important et on va avoir une couleur de peau plus foncée dans l’auditoire ces jours-là". Sans les statues, beaucoup de fidèles, selon le père Hervé Guillez, "ne se reconnaîtraient plus dans l’église".
Tout au long du jour, des hommes et des femmes viennent allumer une bougie et se recueillir devant les statues de Saint-Joseph, de Sainte-Thérèse, de Sainte Geneviève, de Sainte Rita, de la vierge Marie ou encore de Saint-Antoine.
"Ici, la communauté va se retrouver plutôt autour de la statue de Saint-Joseph, c’est ce qui nous fait dire que nous sommes les chrétiens de la paroisse de Saint-Joseph. Vous avez Saint-Joseph dans la cour, dans l’église, des lieux où les gens passent, où ils s’arrêtent (…) je vois beaucoup de gens qui rentrent dans l’église, s’arrêtent devant la statue de Saint-Joseph "(…) Ici, le patrimoine, c’est la statue de Saint-Joseph, c’est une évidence" (…) c’est cela qui dit que nous sommes de cette église-là, de cette communauté-là et petit à petit de découvrir pour ceux qui arriveraient, combien Saint-Joseph, ce n’est pas qu’un nom comme ça parce qu’il faut donner un nom à l’église, il y a quelque chose ici qui est liée à cette présence".
"Dans les célébrations liées à Saint-Joseph, il y a une couleur particulière, il y a quelque chose qui est là et qui ne sera pas en général dans les églises parisiennes mais sur cette communauté catholique particulière. Les personnes mettent des bougies à Saint-Antoine, à Sainte-Rita mais ici, on les met de manière plus spécifique à Saint-Joseph, cela a du sens pour les gens".
"Cette pratique est à la fois personnelle et communautaire. Personnelle, parce que l’on va venir à une heure qui est la sienne pour mettre une bougie et prier Saint-Joseph, ce n’est pas une pratique tout de suite communautaire et en même temps, on se reconnaît faisant tous le même geste à un moment qui sera le sien. Communautaire parce que l’on va se retrouver ensemble à des moments qui sont signifiants, on prie le mercredi à l’attention des gens qui ont mis des attentions sur le cahier avec ceux qui sont là, on prie à ces attentions là, on n’hésite pas à les lire, à les présenter dans la prière de la messe de la semaine, et puis il y a les fêtes de Saint-Joseph, le 19 mars et le 1er mai, journées importantes pour notre communauté paroissiale".
"Hier, j’étais en train de prier et une famille tamoule est venue mettre des bougies à toutes les statues des saints, ils viennent en famille, les grands-parents, les parents et les enfants. On voit que c’est quelque chose d’essentiel pour l’ensemble de la famille et donc les parents le transmettent aux enfants. On ne sait pas comment les enfants le vivront dans quinze ans mais je suis sûr qu’à leur âge, c’est un geste important qu’ils font en famille".
"Dans la religion, un symbole, s’il ne vous fait pas vivre, il n’est plus symbolique. Un objet, s’il n’est plus utilisé dans le rite, il n’a plus d’importance. Si vous allez à une fête, et si vous ne vous retrouvez pas dans le jour de la fête, c’est une juste une fête qui est sur le calendrier".
"Ici, les statues qui sont là dans l’église sont rentrées dans les mœurs parce que l’on est dans le temps du religieux, ce n’est pas dans l’instant, les choses se décantent petit à petit. (…). Les statues, c’est dans la vie des gens. Pour la statue de Saint-Joseph, c’est cette statue-là et pas une autre".
1 Jour de la fête de Saint-Joseph.
2 Fête de Saint-Joseph Artisan instituée en 1955 par le pape Pie XII destinée à être célébrée le 1er mai de chaque année.
214, rue Lafayette 75010 Paris
Dès 1848, des jésuites allemands cherchent à regrouper les immigrés de langue allemande travaillant sur les chantiers de Paris. Ils créent avec eux une chapelle en bois, une école tenue par des Frères des écoles chrétiennes, un dispensaire et une école de filles tenue par les sœurs de Saint-Charles de Nancy.
Une église en pierre, Saint Joseph des Allemands, remplace la petite chapelle en 1866.
En 1867, l’empereur François-Joseph s’arrête à la mission et lui fait don de vitraux : St François, St Joseph, et Ste Élisabeth (patronne de son épouse, Élisabeth de Hongrie plus connue sous le nom de Sissi). Les congrégations mariales offrent d’autres verrières et l’orgue. Avec la guerre de 1870, la communauté est dispersée. En mai 1871, la chapelle est bombardée, les verrières brisées. En 1872, les Alsaciens, les Lorrains et les Luxembourgeois fuient l’occupation prussienne et se réfugient près de cette église où on parle leur langue. Ils sont accueillis en particulier par le Frère Alpert. Les verrières sont remplacées, des statues de Saint-Joseph et de la vierge Marie ornent les autels.
En 1880, les lois de Jules Ferry prennent les écoles, les jésuites ne peuvent que desservir la chapelle. De 1897 à 1900, le Père jésuite Adolphe Vasseur orne l’église de peintures murales illustrant la vie de St Joseph, et l’épopée des jésuites dans le monde. En 1907, les biens de la mission sont vendus. Le prince Max de Saxe en rachète une partie. En 1914, la mission est mise sous séquestre comme « bien allemand » mais le culte continu. En 1924, les biens sont restitués au Prince Max de Saxe et la mission devient « Mission des Luxembourgeois et étrangers de langue allemande ». Les Jésuites s’en vont et sont remplacés par les prêtres du Sacré-Coeur de Saint Quentin. L’un d’entre eux, le Père Stoeffels, meurt en déportation à Dachau en 1942.
Un autre prêtre illustrera de sa présence cette église: l’abbé Franz Stock, aumônier allemand des prisons de Paris pendant la guerre. En 1958, après le départ du dernier aumônier luxembourgeois, le diocèse de Paris récupère les locaux et crée ainsi la paroisse Saint Joseph Artisan. Les prêtres du Sacré-Coeur s’en vont en 1991 et sont remplacés par des prêtres diocésains (Le Père Dominique Cordier de 1991 à 2000, le Père Pierre de Parcevaux de 2000 à 2006 et le Père Hervé Guillez de 2007 à aujourd’hui). Depuis 1991, les biens immobiliers appartiennent à l’Association Diocésaine de Paris (ADP).
Personne(s) rencontrée(s)
Le Père Hervé Guillez, responsable de la paroisse Saint-Joseph Artisan (Diocèse de Paris)
Localisation (région, département, municipalité)
Île-de-France, Paris, 10ème arrondissement
Latitude: 48°52’53.38’’ N. Longitude: 2°22’03.09’’ E.
Adresse : 214, rue Lafayette
Ville : Paris
Code postal : 75010
Téléphone : 01.46.07.92.87 (Secrétariat) / 01.46.07.61.61 / 06.66.99.80.69
Adresse de courriel : sjoart@wanadoo.fr
Site Web
Dates et lieu(x) de l’enquête : du 15 août au 16 novembre 2009
Date de la fiche d’inventaire : Novembre 2009
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Bernard Dinh / Élise Begin
Nom du rédacteur de la fiche : Bernard Dinh (photos © Bernard Dinh)
N° d'inventaire Ministère Culture : 2009_67717_INV_PCI_FRANCE_00039
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2wg
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dulie
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