En France, on atteste la présence de boucheries dès l’époque romaine.
Clé du travail des viandes, la découpe intervient au milieu d’une chaîne opératoire allant de l’animal sur pied à la mise en étalage.
En France, on atteste la présence de boucheries dès l’époque romaine. Au Moyen Âge, dans les grandes villes et notamment à Paris, la profession s’organise sous forme de corporations. Au XIXe siècle, les premières nomenclatures administratives des morceaux sont établies. Une découpe spécifique émerge à Paris. Cette découpe dite « parisienne » devient la référence nationale avec l’apparition des premières écoles de boucherie, de nombreux ouvrages relatifs au métier et à sa technique, ainsi que dès 1894, d’une organisation professionnelle nationale. Cette découpe se diffuse et se nomme désormais « découpe bouchère à la française ».
Clé du travail des viandes, elle intervient au milieu d’une chaîne opératoire allant de l’animal sur pied à la mise en étalage. Ces savoir-faire consistent en une reproduction d’une série de gestes précis, pour valoriser au mieux le muscle en faisant appel à une connaissance anatomique poussée, en vue d’obtenir des morceaux spécifiques adaptés à des préparations culinaires variées et ainsi de limiter le gaspillage.
La communauté est composée des 80 000 professionnels et apprentis exerçant dans les 18 000 boucheries artisanales françaises. La transmission de l’élément repose essentiellement sur une interaction entre les professionnels, le monde éducatif et les apprentis. L’apprenti se forme à des savoir-faire acquis chez le maître d’apprentissage, puis complétés et homogénéisés en alternance en centres de formation d’apprentis (CFA).
La communauté détentrice des savoir-faire de la découpe bouchère à la française, selon l’expression de la communauté, est composée des 80 000 professionnels et apprentis exerçant dans les 18 000 boucheries artisanales. Le secteur compte 42 000 salariés et une centaine d’enseignants et contribue à former chaque année 10 000 apprentis et plus de 1 500 adultes en reconversion professionnelle.
Un fort sentiment d’appartenance à cette communauté est partagé par ses membres, en témoigne l’enquête menée lors du Salon de la Boucherie Charcuterie Traiteurs qui s’est tenu à Angers en 2022 : 92% des sondés répondent « oui » à la question « La Boucherie est-elle, selon vous, une grande famille ? ». Cette cohésion s’explique notamment par un héritage historique issu des corporations, qui a permis la construction d’une organisation professionnelle, la Confédération Française de la Boucherie, Boucherie-Charcuterie, Traiteurs (CFBCT). Seule organisation représentative des bouchers, la CFBCT fédère plus de 40% des entreprises de la branche professionnelle, un taux d’adhésion élevé dans le monde du syndicalisme français. La CFBCT est présente sur le plan national, régional et départemental, avec un maillage territorial aujourd’hui composé de 99 syndicats départementaux.
La transmission des savoir-faire de la découpe bouchère à la française repose sur une forte interaction entre les professionnels et le monde éducatif. Les professionnels gèrent les 112 CFA de qui disposent d’une formation en boucherie sur le territoire national via le réseau des Chambres de métiers et de l’artisanat, dans lesquelles de nombreux artisans bouchers sont élus. La création en 1957 de l’École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande (ENSMV) par la Confédération et via un financement interne volontaire des bouchers, témoigne de l’attention portée par la communauté à la transmission de son savoir-faire.
La communauté se regroupe régulièrement lors d’événements professionnels et syndicaux (salons, assemblées générales, concours) qui rythment l’année ainsi que sur les réseaux sociaux.
En France, la pratique se retrouve dans tous les territoires, dans l’hexagone comme en outre-mer.
La découpe bouchère à la française s’observe aussi hors de France. Ce savoir-faire est transmis à des professionnels venus se former en France, qui le transmettent à leur tour à l’étranger, ou encore dans le cadre de relations professionnelles avec des bouchers français. On observe une influence de cette pratique dans les régions limitrophes, particulièrement celles qui sont francophones. À titre d’exemple, en Wallonie, une découpe de la carcasse similaire, inspirée de la découpe bouchère à la française, est mentionnée par le Président de la Fédération Nationale des Bouchers, Charcutiers et Traiteurs de Belgique. Ces interactions entre professionnels de différents pays peuvent être une source de réinterprétation réciproque. Le développement des réseaux sociaux contribue également aux échanges de technique professionnelle et à la diffusion de ces savoir-faire.
Il existe aussi une diffusion institutionnelle de l’élément hors de France. En 2019, un partenariat a été mis en place entre la CFBCT, l’ENSMV et l’Institut des sciences et métiers de la viande d’Argentine. Plus récemment, la CFBCT a été sollicitée dans le cadre d’un projet de création d’une école de boucherie à San Francisco aux États-Unis. L’ENSMV accueille régulièrement des bouchers venus de l’étranger qui souhaitent découvrir les savoir-faire de la découpe bouchère à la française.
La terminologie des différents morceaux de viande est intimement liée à la découpe car elle sert de guide technique à l’apprenti. Ces guides oraux formalisés graphiquement façonnent les techniques et se retrouvent aujourd’hui dans les nomenclatures officielles.
La communauté utilise le français comme langue véhiculaire courante. Les artisans bouchers utilisent un vocabulaire spécifique pour désigner leurs outils (la « feuille », la « boutique ») ou les morceaux de viande issus de la découpe à la française (l’« araignée », la « poire », le « merlan ») dont le sens pour les bouchers est différent du sens commun.
Ces vocabulaires sont enrichis de termes ou d’expressions propres aux bouchers évoquant les qualités attendues lors de la découpe bouchère à la française : « chef à grande feuille » : boucher au poignet habile, la feuille désignant un couperet à lame fine ; « coupe glacée » : coupe parfaite ne présentant aucune trace du fil du couteau. Ils rendent compte de l’importance de l’observation dans le savoir-faire à travers des termes spécifiques comme « salière » (première vertèbre du bœuf à l’apparence d’une salière).
Depuis le milieu du XIXe siècle, les artisans bouchers utilisent un langage professionnel spécifique : le louchébem. Cet argot de métier transforme les mots de la langue commune (argot cryptique) en appliquant une règle fixe qui les rend incompréhensibles à des membres extérieurs à la communauté bouchère : louchébem (boucher), leufbem (bœuf), lorsomic (morceau), lilefèm (filet). Le louchébem permet d’échanger entre bouchers et permet parfois au maître d’apprentissage d’aiguiller l’apprenti dans ses gestes de découpe face aux clients.
Cet argot professionnel est un élément fort de l’identité des bouchers, un signe de reconnaissance et un élément d’adhésion et de ralliement à la communauté. Après une période de déclin, il reste transmis aux apprentis de manière informelle lors des échanges sociaux dans les centres de formation et surtout en entreprise, où son utilisation est courante.
De plus amples informations sur les aspects linguistiques liés aux savoir-faire de la découpe bouchère à la française sont disponibles en Annexe II.
À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, le boucher détaillant commence à aménager son local professionnel avec soin pour répondre aux nouvelles règles sanitaires et à la concurrence commerciale. Une structuration de plus en plus normée en trois espaces distincts s’impose alors. La boucherie se compose ainsi d’une zone de vente (vitrines réfrigérantes, mobilier et éclairage conçus pour mettre en valeur la viande), d’une zone de stockage (chambre froide) et d’un laboratoire (atelier de découpe et de préparation).
La boucherie est le théâtre du déroulé d’une « scène » tantôt cachée des yeux du spectateur-client dans les coulisses d’un laboratoire ou directement visible pour les tâches nécessitant la manipulation de morceaux plus petits (coupe d’une côte, ficelage, etc.). Une des nouvelles tendances est de donner à voir au client, à travers des cloisons vitrées, l’intérieur des laboratoires et ce qui s’y déroule : l’ensemble de la pratique de la découpe, la technicité qui y est associée ou les phases d’« affinage », visibles via la présence d’armoires à maturation.
Les musées français comme le musée Carnavalet à Paris ou le Mucem à Marseille ont de longue date identifié l’intérêt de ce patrimoine, comme le montre la présence dans leurs collections d’enseignes de bouchers. En Bourgogne, un vitrail de la Collégiale de Semur-en-Auxois (XVIe siècle, classé au titre du patrimoine mobilier, Plateforme ouverte du patrimoine) représente les savoir-faire de la corporation des bouchers.
D’autres éléments liés au patrimoine bâti sont présents dans les collections, voici ci-dessous un autre exemple.
Les boutiques étaient traditionnellement signalées dans chaque ville et village par des enseignes donnant sur la rue, pour signifier la présence d’une boucherie. Elles tendent actuellement à disparaître, même si certaines sont classées.
Des aménagements architecturaux et certains mobiliers sont spécifiques à la boucherie : grille, carrelage, crochets, rails de suspension, glacière/chambre frigorifique, plaques de découpe, vitrines d’exposition, etc.
Pour mettre en pratique la découpe à la française, un boucher s’appuie sur plusieurs éléments matériels, à commencer par ses outils, qui sont sa propriété (l’ensemble des outils est nommé « la boutique »). Parmi ceux-ci, on peut citer les couteaux, ayant chacun une forme spécifique et une fonction très définie (feuille pour fendre l’os, couteau à désosser, dénerver, trancher, piécer, etc.).
Une meule à eau peut éventuellement être utilisée pour l’affutage. Un fusil est indispensable pour l’affilage afin de réaffiler ses outils tout au long de l’exécution de la découpe. D’autres outils systématiquement utilisés peuvent être cités, comme la barre à dents de loup pour suspendre les carcasses, l’allonge pour suspendre les morceaux, la fourchette pour hisser les morceaux… le tout étant associé au billot, support ici central de toute la pratique, généralement en bois debout de charme cerclé de hêtre.
Outre les fonctions pratiques, il faut souligner l’aspect esthétique et symbolique dans le choix des outils, particulièrement des couteaux, considérés par les membres de la communauté comme « le prolongement de la main ».
Les collections des grands musées français regroupent aussi des éléments liés aux objets, comme des outils (couperets, tranchets, crocs, tables). Voici quelques exemples ci-dessous.
Un recueil d’objets et de témoignages, intitulé « Un objet qui vous est cher » a été initié par le comité scientifique ayant accompagné la démarche de patrimonialisation et mené auprès de la communauté en avril 2023. La figure 7 est issue de cette opération ; les objets et témoignages recueillis se trouvent en Annexe III.
Les savoir-faire de la découpe bouchère à la française s’acquièrent essentiellement au cours d’une formation en alternance durant un apprentissage. L’apprenti boucher se forme à des savoir-faire acquis chez le maître d’apprentissage, puis complétés et homogénéisés en alternance en CFA et qui peuvent être par la suite consolidés par des stages professionnels tout au long de la carrière. Il est coutume de dire parmi les professionnels que l’entreprise forme au métier et que le CFA forme à l’examen. À l’issue de deux ans de formation, l’apprenti obtient son certificat d’aptitude professionnelle. Il peut entrer sur le marché du travail ou poursuivre ses études en suivant un brevet professionnel, un certificat de spécialisation vente-conseil ou des formations supérieures allant jusqu’à la licence professionnelle, visant à former les futurs chefs d’entreprise ou responsables de magasin. Un apprentissage plus réflexif peut donner lieu à un master en lien avec l’histoire et les cultures de l’alimentation, dans le cadre de l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation.
Afin de maintenir une formation répondant aux besoins des professionnels et aux évolutions des pratiques alimentaires, la communauté, à travers sa Confédération, met régulièrement à jour, en collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, les référentiels des certifications. Le nouveau référentiel du certificat d’aptitude professionnelle Boucher est ainsi entré en vigueur à la rentrée de septembre 2023. Cette révision vise à remettre les fondamentaux de la découpe bouchère à la française (désossage, parage, etc.) au cœur de l’apprentissage en déconnectant la partie vente du certificat d’aptitude professionnelle, qui fait l’objet d’un certificat de spécialisation.
La formation aux savoir-faire de la découpe bouchère à la française comprend un ensemble de matières telles que l’anatomie ou la cuisine. Elle est essentiellement orale chez le maître d’apprentissage et laisse une grande place au jargon.
Les savoir-faire de la découpe bouchère à la française s’acquièrent par la répétition des gestes techniques, par l’écoute et l’observation attentive des différentes pratiques et par mimétisme. La formation suit un ordre précis, les apprentis apprennent une gestuelle après l’autre : ils reçoivent d’abord un morceau à préparer, qui est déjà séparé de la carcasse, puis ils progressent pièce par pièce pour arriver à savoir travailler l’ensemble, et ils finissent par savoir extraire l’ensemble des morceaux à partir de la carcasse. Les apprentis sont aussi formés à l’utilisation de leurs sens, fortement mobilisés pour la découpe. Par exemple, le toucher est essentiel pour apprécier le grain de viande (teneur en tissu conjonctif).
L’expérience occupe une place cruciale : après l’apprentissage, les bouchers estiment que plusieurs années sont nécessaires pour maitriser la découpe et l’utilisation des outils.
La transmission de ces savoir-faire se retrouve sous d’autres formes. La transmission d'entreprise donne la possibilité au cédant de faire appréhender les techniques professionnelles au repreneur, dans une continuité intergénérationnelle. Il faut aussi évoquer le mentorat et la préparation des concours, tels que l’examen « Un des Meilleurs Ouvriers de France » ou les autres concours professionnels, qui sont l'occasion de valoriser la technicité, de magnifier la qualité et la précision des gestes et de susciter une émulation au sein de la communauté. On atteste la présence de tels concours d’« adresse professionnelle » dès la fin du XIXe siècle.
Concernant les supports de cette transmission, de nombreux ouvrages mentionnés dans la bibliographie détaillent les techniques liées aux savoir-faire de la découpe bouchère à la française. Dernièrement, la collection « Ressources pour Apprendre » (bœuf, veau, agneau, porc, volaille et gibier, et prochainement équin et caprin) a été créée par la profession et mise à la disposition des formateurs, apprentis et maîtres d’apprentissage.
• Des bouchers contribuent à la formation professionnelle en qualité de formateurs au sein des écoles et centres de formation et en qualité de maître d’apprentissage en entreprise ;
• Les professeurs de boucherie encadrent les jeunes en CFA ;
• Les titulaires de l’examen « Un des Meilleurs Ouvriers de France » de la classe boucherie étal, dont les missions contiennent la formation des jeunes ;
• Les personnes mobilisées pour les examens, les concours et les démonstrations : les correcteurs et l’ensemble des professionnels qui évaluent et préparent les candidats lors des examens, des démonstrations techniques et des concours professionnels (par exemple : concours « Un des Meilleurs Apprentis de France », examen « Un des Meilleurs Ouvriers de France », Salon de la boucherie, etc.) ;
• Les CFA et le réseau des Chambres de métiers et de l’artisanat ;
• L’École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande accueille des professionnels et apprentis de tous les territoires venant se former et se perfectionner tout au long de leur carrière ainsi que des adultes en reconversion. L’ENSMV participe à la construction de l’identité de la communauté par la transmission d’un ensemble de savoir-faire, codes, usages et pratiques ;
• Les organisations professionnelles du métier (la CFBCT, notamment au travers de sa commission nationale de formation, et ses organisations territoriales) ;
• La Commission Paritaire Nationale Emploi Formation (CPNEF), qui valide la politique de formation de la branche professionnelle ;
• L’ensemble des bouchers français, qui contribuent au financement de la formation professionnelle, notamment via la collecte « Promo Jeunes métiers de la viande ». Il s’agit d’une association paritaire qui regroupe les organisations patronales et syndicales représentatives de la profession et qui a pour objectif de soutenir et valoriser l’apprentissage, par exemple en accompagnant des jeunes lors de visites pédagogiques (élevages, marchés de gros…) ou lors de formations ;
• L’opérateur de compétences des Entreprises de proximité (OPCO EP) et France Compétences, pour le financement de la formation des salariés ;
• Le Fonds d’Assurance Formation des Chefs d’Entreprises Artisanale (FAFCEA) pour le financement de la formation des chefs d’entreprises, associés, conjoints collaborateurs et de leurs auxiliaires familiaux.
• Le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, partenaire essentiel dans l’établissement du contenu et la validation des diplômes certifiant la maitrise des savoir-faire de la découpe bouchère.
Si la découpe des animaux pour en prélever la viande est étudiée par les préhistoriens, les outils spécifiques qui sont encore utilisés en boucherie actuellement (couperet, couteaux spécifiques) apparaissent dès la fin de la période gauloise en même temps qu’une découpe de gros des carcasses similaires pour les différentes espèces consommées. On peut néanmoins considérer qu’en France, les boucheries apparaissent à la période romaine, si l’on estime que l’acception de cette appellation implique un lieu aménagé pour abattre les animaux et préparer la viande dans un but commercial, selon une découpe standardisée des carcasses. Durant l’Antiquité, une seule boucherie existe, celle du bœuf. Au Moyen Âge, en milieu urbain surtout, les viandes de boucherie se diversifient : même si le bœuf demeure la référence pour la découpe (cf. article II, V, 18 du Ménagier de Paris, 1393) sans doute en raison de la technicité plus grande pour son abattage. On débite indifféremment sur l’étal, le porc et le mouton. « Tuer, tailler et vendre chair » constitue dans plusieurs documents réglementaires le cœur du métier associant abattage, découpe et commercialisation des morceaux plus ou moins différenciés. La caractéristique d’un boucher à la fois abattant et détaillant va persister jusqu’au XIXe siècle, où deux branches professionnelles vont se distinguer progressivement : la boucherie de gros (monde des abattoirs) et la boucherie de détail (monde des boucheries). La réflexion hygiéniste qui se met alors en place éloigne, tout en regroupant les tueries, la première des centres urbains vers la périphérie, tandis qu’elle diffuse dans la trame urbaine, au plus près des clients, la seconde. Cette dissociation a progressivement recentré l’activité bouchère sur la vente et donc sur la mise en valeur de morceaux à partir de carcasses conditionnées hors de la boucherie proprement dite.
Dès le milieu du XIXe siècle, des nomenclatures administratives des morceaux de viande existent pour des raisons fiscales de taxation (varier le taux de la taxe selon la qualité des morceaux, répartis en trois catégories). Ces nomenclatures ne concernent d'abord que les viandes vendues en ville. Des écarts peuvent exister entre les classifications des bouchers, des marchands et des administrations, car la notion de « qualité » de la viande est difficile à définir. Avec la libéralisation du marché parisien de la viande (1858), les classifications qualitatives s'affinent progressivement jusqu'en 1914 et concernent peu à peu toutes les viandes vendues sur le territoire national (avec des nuances entre villes et campagnes). Aux simples critères de quantité de graisse et de race vont s'ajouter une différenciation selon l'anatomie de la bête. En 1915, une commission spéciale des cours des viandes est mise en place par le gouvernement à cause du contexte tendu de la Première Guerre mondiale. Ce contexte accélère la mise en place d'une classification nationale des qualités de viande (qui utilise comme modèle les catégories existantes à Paris). Dans les années 1920 et 1930, les tensions sont importantes entre les pouvoirs publics et les bouchers car la question de la nomenclature des viandes est étroitement liée à celle du barème des prix (et donc du niveau de taxation appliqué aux différentes pièces de viande). Après 1945, les tensions restent vives entre pouvoirs publics et bouchers sur les enjeux de classification et de taxation (lutte contre la cherté de la vie). Même si l'ordonnance de 1945 (ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945) qui encadre les prix de la viande est abrogée en 1986, il n'en reste pas moins que la question de la classification des viandes demeure sensible car les fraudes sont parfois difficiles à détecter.
C’est à partir de la seconde moitié du XIXe siècle qu’une découpe spécifique apparait à Paris pour répondre à un marché croissant en lien avec l’expansion urbaine et dans un contexte de centralisation du pouvoir comme des mœurs et de la mode : la découpe bouchère parisienne va devenir ensuite la référence nationale.
Il faut également mentionner que la diffusion d’un modèle de découpe a été favorisée par la CFBCT notamment via la mise en place des concours de boucherie et la diffusion des livres de Georges Chaudieu, boucher et auteur de nombreux ouvrages sur le métier, dont le classique Boucher de Paris (deux tomes) qui présente la découpe et préfigure les manuels de formation actuels Ressources pour Apprendre à partir de la seconde moitié du XXe siècle.
Plusieurs évolutions sociales et matérielles sont à noter.
La place des femmes en boucherie change ; l’évolution technique et sociétale a permis aux femmes de se positionner en tant que détentrices et praticiennes des savoir-faire de la découpe. Les femmes représentent 8 % des effectifs des CFA et, en 2022, Stéphanie Hein devient la première femme titulaire de l’examen « Un des Meilleurs Ouvriers de France » en boucherie. L’étude de l’évolution des candidats au concours « Un des Meilleurs Apprentis de France » permet d’objectiver ces données sur le temps long : c’est avec l’édition du concours de l’an 2000 que l’on voit s’opérer un changement dans le nombre annuel de candidates. Celui-ci semble s’accentuer : entre les années 1980 et les années 2000, seules quatre candidates ont participé à la finale nationale de ce concours. Depuis 2000, une situation inverse peut être observée : seules cinq éditions de la finale n’ont pas eu de femme candidate. Néanmoins, le nombre de candidates reste généralement marginal par rapport au nombre total de candidats (un peu moins de 10% par an en moyenne depuis 2000).
Du point de vue des évolutions matérielles, l’électrification réduit la pénibilité du travail, en rendant plusieurs types d’opérations moins difficiles : motorisation pour le transfert des carcasses, ce qui rend la force physique moins nécessaire en amont de la pratique de la découpe, certains morceaux de gros pouvant peser plus de 100 kg. L’introduction de nouveaux alliages métalliques (acier et inox) facilite l’entretien des outils tranchants et les rend plus efficaces (couteaux, fendoirs, hachoirs). L’apparition du froid industriel et des chambres froides permet de pré-découper les pièces de viandes et d’améliorer la maturation, puisque la viande ne risque plus de s’altérer. La législation et la communauté, via la branche professionnelle, renforcent aussi la prévention des risques, notamment musculosquelettiques, et des accidents du travail : ; gants et tabliers métalliques, chaussures de sécurité et vêtements de protection permettent d’éviter les coupures et blessures.
En matière d’emprunts de la pratique, les échanges entre professionnels de différents pays, par exemple à l’occasion de concours internationaux ou de stages, engendrent fréquemment des emprunts et des adaptations, qui concernent des gestes techniques ou les produits finis. À titre d’illustration citons les récents échanges entre bouchers français et argentins qui ont porté sur la valorisation intégrale des carcasses en vue de réduire le gaspillage.
La vitalité des savoir-faire de la découpe bouchère à la française repose sur un nombre croissant d’apprentis et de salariés dans le secteur de la boucherie depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, on dénombre plus de 10 000 apprentis en formation dans la filière bouchère et plus de 42 000 salariés dans la branche professionnelle. Le nombre de reconversions dans le métier de boucher est également en hausse depuis une dizaine d’années, avec des personnes ayant tous types de profils.
Historiquement, la communauté des bouchers est très impliquée dans les structures qui défendent les savoir-faire artisanaux et l’élevage français. De nombreux bouchers sont eux-mêmes élus par leurs pairs au sein d’interprofessions et de chambres consulaires (Chambres de métiers et de l’artisanat).
Sur un plan mondial, les savoir-faire de la découpe bouchère à la française se diffusent hors de France, notamment lors de la création d’écoles. À titre d’exemple, les formateurs d’une école de boucherie créée récemment en Argentine ont suivi un stage de trois semaines tant pour apprendre la découpe bouchère à la française que les techniques d’enseignement en France.
Alors que la consommation de viande se maintient, la forte baisse de la production bovine en France (entre 2016 et 2023, la France a perdu 553 000 vaches à viande) dont souffre la filière représente une menace pour l’élément car cela entraine une forte augmentation d’importations d’animaux ayant des caractéristiques d’âge, de poids, d’alimentation et de conformation différentes des animaux locaux. Cela implique que l’âge à l’abattage régresse en France, pour des motifs économiques, alors que l’une des spécificités de la boucherie artisanale française repose sur la tradition d’abattre les bovins plus matures (à 30-36 mois, contre 20-24 mois pour la viande industrielle). Ces nouvelles caractéristiques d’âge, de poids et de conformation influencent la découpe et les qualités organoleptiques des différents morceaux qui en résultent. La viande moins mature est moins stable, a une durée de conservation réduite et doit être découpée plus rapidement, elle est « moins faite » selon l’expression de la communauté. Cette situation induit également des importations de morceaux déjà découpés. Par exemple, la demande en restauration est très tournée vers les morceaux à griller comme la bavette, très présente dans les importations, ce qui contribue à diminuer la place des savoir-faire de la découpe bouchère à la française.
L’uniformisation des modes d’élevage menace l’élément car il existe un lien indissociable entre les savoir-faire des bouchers et ceux des éleveurs. Différents territoires français riches d’une grande biodiversité créent une mosaïque de paysages et de terroirs à l’origine de 92 viandes sous signes de qualité et d’origine (Appellations d’origine protégée, Indication géographique protégée, Agriculture biologique et Label rouge). La boucherie artisanale s’est très tôt mobilisée pour accompagner le déploiement de ces différents signes de qualité et d’origine, garants de modes d’élevage vertueux et de la qualité de la viande. Pour mettre en valeur les qualités de chaque viande et de chaque terroir, il faut un artisan capable d’en apprécier les spécificités (par exemple la race, la conformation, l’état d’engraissement).
L’élément est également menacé par un changement culturel, celui de la consommation croissante de viande hachée. En France, la quantité de viande consommée est stable, mais on observe une augmentation constante de la proportion de viande hachée, en particulier chez les jeunes. Dans les années 1960, la part de viande hachée dans la consommation de viande française était inférieure à 10% alors qu’elle est de plus de 50% en 2024. Certains morceaux, auparavant détaillés (par exemple le bœuf mode lardé), ne le sont plus aujourd’hui, ce qui entraine une perte de savoir-faire.
L’évolution des modes de vie constitue une dernière menace. Au sein des foyers, le temps dédié à la cuisine au quotidien tend à diminuer, induisant une perte de connaissances des manières de cuisiner, notamment les morceaux à cuisson lente, qui sont de moins en moins fréquemment utilisés et découpés. Or, la finesse de la découpe à la française est fortement corrélée aux modes de consommation culinaires. Par exemple, pour le cheval, la menace pourrait aller jusqu’à la disparition des savoir-faire. Après une forte incitation publique, l’hippophagie est aujourd’hui menacée par un faisceau de circonstances politiques, économiques et symboliques.
• Les référentiels des diplômes sont périodiquement mis à jour par la CFBCT en collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (par exemple : révision du certificat d’aptitude professionnelle Boucher en septembre 2023)
• La collection Ressources pour Apprendre (qui regroupe des éléments sur la découpe du bœuf, du veau, de l’agneau, du porc, de la volaille et du gibier) a été créée par la profession et le Guide de l’alternant est distribué dans les CFA. La numérisation de ces supports pédagogiques est en cours pour illustrer les savoir-faire de la découpe bouchère à la française via la création de modules vidéo et un travail sur la découpe en réalité virtuelle. Ces différentes ressources sont en cours de réalisation et seront regroupées sur une plateforme en ligne intitulée Campus digital des métiers de la viande.
• Des concours évaluant tant la technicité que la créativité des participants sont organisés régulièrement afin de susciter une émulation au sein de la communauté et de mettre en lumière les savoir-faire de la découpe bouchère à la française : concours « Un des Meilleurs Apprentis de France », « Un des Meilleurs Ouvriers de France » ainsi que de nombreux concours régionaux. Il convient également de noter la création d’une équipe de France de boucherie. Les participants à ces concours sont évalués sur le respect des fondamentaux de la découpe bouchère à la française (désossage, parage, ficelage…).
• Des objets liés aux savoir-faire de la découpe bouchère à la française sont présentés dans les collections de différents musées (musées nationaux, musées amateurs).
• Des canaux de communication entre professionnels ont été créés et sont régulièrement alimentés, contribuant à entretenir les liens unissant les membres de la communauté. Par exemple : La Boucherie Française, mensuel tiré en moyenne à 10 000 exemplaires avec quatre lecteurs par exemplaire en moyenne, publie régulièrement des articles mettant en avant les concours (plateaux des candidats, contenu des épreuves techniques dont évaluation sur la technique de la découpe, etc.) et présente des formations à l’ENSMV axées sur les techniques de découpe. D’autres réseaux comme le groupe Facebook « Les Garçons Bouchers(ères) » rassemble 18 000 professionnels sur les réseaux sociaux, la page Facebook de la Confédération, ou encore le nouveau site internet de la Confédération avec de nombreux visuels illustrant les savoir-faire de la découpe bouchère à la française, etc. Tous mettent en avant les réalisations des concours, transmettent des informations pour des stages professionnels visant à peaufiner les savoir-faire, etc.
• L’octroi d’une bourse CIFRE pour une thèse d’anthropologie financée par la CFBCT et débutée en septembre 2022 : « Analyse anthropologique d’un processus de construction patrimoniale : le cas de la découpe bouchère à la française » (Pierre Mancini, sous la direction d’Isabelle Bianquis et Marie-Pierre Roure-Horard, Université de Tours, Laboratoire Citères, UMR 7324).
• Une enquête initiée par le comité scientifique et inscrite dans le cadre du master II « Master Histoire, Civilisation, Patrimoine, Sciences historiques Parcours Cultures et Patrimoines de l’alimentation » lors du Salon de la Boucherie d’Angers en 2022. La richesse des échanges et les réactions positives ont créé une dynamique et lancé une réflexion sur la meilleure manière de partager les éléments recueillis. Les résultats recueillis lors de cette enquête sont disponibles en Annexe IV.
• La campagne de communication « Artisan & boucher, un savoir-faire en héritage » a été lancée lors de l’émergence du projet de candidature des savoir-faire de la découpe bouchère à la française, elle permet à la démarche portée par la communauté d’être identifiée par le grand public.
• Un recueil d’objets et de témoignages, intitulé « Un objet qui vous est cher », a été mené auprès de la communauté en avril 2023, à l’occasion de l’assemblée générale de la profession organisée à Roanne. Près de cinquante objets et témoignages ont été recueillis, souvent liés aux savoir-faire de la découpe bouchère à la française (couteaux, cours sur la découpe dans des carnets d’apprentis, etc.). L’Annexe III fournit plus de détails sur cette opération.
• La nomenclature des dénominations des morceaux de viande est définie par l’Arrêté du 18 mars 1993 relatif à la publicité des prix des viandes de boucherie et de charcuterie
• L’examen « Un des Meilleurs Ouvriers de France » en boucherie
• Le titre de Maître Artisan boucher, délivré par les Chambres de métiers et de l’artisanat à des chefs d’entreprise qui ont valorisé leur savoir-faire et leur activité pendant plusieurs années et formé des apprentis
La communauté a identifié les mesures de sauvegarde suivantes :
• Poursuivre la mise à jour des référentiels des diplômes de baccalauréat professionnel et brevet professionnel : la CFBCT travaillera en lien avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
• Poursuivre le développement des ressources pédagogiques dédiées aux savoir-faire de la découpe, avec la création d’un module culturel et historique issu des échanges tenus dans le cadre de la candidature entre le comité scientifique et la communauté. Ce module sera intégré à la plateforme « Campus digital des métiers de la viande ». La CFBCT travaillera à l’élaboration de ce module en lien avec l’École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande et l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation.
• Ajouter un tome cheval à la collection Ressources pour Apprendre. Cela résulte des réflexions tenues lors des réunions du conseil scientifique concernant le risque de perte des connaissances liées à la découpe de la viande chevaline.
• Poursuivre la numérisation des ressources pédagogiques liées aux savoir-faire de la découpe bouchère à la française, sur le modèle du projet mené pour la collection Ressources pour Apprendre, afin d’y inclure des ressources supplémentaires. Poursuivre le développement de la réalité virtuelle, notamment pour former à la découpe. La CFBCT travaillera en lien avec l’École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande et d’autres partenaires pédagogiques.
• L’opération « Un objet qui vous est cher », initiée par le comité scientifique provoque une prise de conscience collective de la dimension patrimoniale des objets et récits personnels détenus par les membres de la communauté. Afin de pérenniser ces objets et témoignages et de mettre en perspective leur dimension patrimoniale, des actions de communications dédiées seront mises en place. Des articles réguliers seront notamment rédigés dans le journal La Boucherie Française afin de valoriser la démarche d’inscription à l’Inventaire national. La CFBCT valorisera cette dimension patrimoniale, en lien avec l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation.
• Créer une association des anciens lauréats du concours « Un des Meilleurs Apprentis de France » bouchers pour en faire les ambassadeurs des savoir-faire de la découpe bouchère à la française auprès des apprentis en formation. La CFBCT sera chargée de la création de cette association.
• Développer, en partenariat avec l’interprofession, les relations et les échanges entre apprenants dans les différents métiers de la filière (futurs éleveurs, bouchers, cuisiniers, etc.)
• Proposer des recettes qui valorisent le savoir-faire de la découpe bouchère à la française et en particulier certains morceaux moins bien identifiés des consommateurs.
Recherche et documentation
• Créer un lieu de sauvegarde des matériels recueillis dans le cadre de la démarche d’inventaire et de la thèse CIFRE. Il s’agirait d’un lieu physique, hébergé dans les locaux de la CFBCT, et d’une plateforme en ligne. À titre d’exemple, la plateforme en ligne pourrait regrouper les enregistrements audio des entretiens réalisés dans le cadre de la thèse CIFRE.
• Renforcer les liens avec le master « Master Histoire, Civilisation, Patrimoine, Sciences historiques Parcours Cultures et Patrimoines de l’alimentation » de l’Université de Tours, en particulier dans le cadre du module viande, en Master 2, par exemple avec des recherches sur des recettes anciennes. Ce master accueille des étudiants dont certains sont des professionnels des métiers de bouche.
• Rédiger une page Wikipédia sur les savoir-faire de la découpe à la française, sur la base de cette fiche et en lien avec PCI Lab. La CFBCT se chargera de la rédaction, en lien avec l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation.
• Créer un lieu de sauvegarde des matériels recueillis dans le cadre de la démarche d’inventaire et de la thèse CIFRE. Il s’agirait d’un lieu physique, hébergé dans les locaux de la CFBCT, et d’une plateforme en ligne. À titre d’exemple, la plateforme en ligne pourrait regrouper les enregistrements audio des entretiens réalisés dans le cadre de la thèse CIFRE.
• Renforcer les liens avec le master « Master Histoire, Civilisation, Patrimoine, Sciences historiques Parcours Cultures et Patrimoines de l’alimentation » de l’Université de Tours, en particulier dans le cadre du module viande, en Master 2, par exemple avec des recherches sur des recettes anciennes. Ce master accueille des étudiants dont certains sont des professionnels des métiers de bouche.
• Rédiger une page Wikipédia sur les savoir-faire de la découpe à la française, sur la base de cette fiche et en lien avec PCI Lab. La CFBCT se chargera de la rédaction, en lien avec l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation.
La candidature des savoir-faire de la découpe bouchère à la française a reçu quatre lettres de soutiens et douze lettres de consentements.
Basselot, Virginie, cheffe de cuisine et co-présidente d’Euro-Toques France
Casella, Stefano, propriétaire de la boucherie dell'edera San Lazzaro di Savena (Bologne, Italie) et président du Sindacato Esercenti Macellerie Bologna
Laurioux, Bruno, président de l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation Shahzadi, Sobia, consommatrice, cliente en boucherie artisanale
Andreoni, Monica, bouchère italienne salariée à la boucherie Leboeuf à Paris
Chevalier, Alberte, bouchère retraitée, présidente de l’association des anciens présidents de la boucherie, charcuterie, traiteur, Var
Cosse, Lucie, bouchère, responsable à la Maison Cosse, Paris
Drouyer, Michel, boucher retraité, Meilleur ouvrier de France, trésorier de l’association des anciens présidents de la boucherie, charcuterie, traiteur, Hauts-de-Seine
Durand, Robert, boucher retraité, secrétaire de l’association des anciens présidents de la boucherie, charcuterie, traiteur, Isère
Guihard, Jean-François, Maître-artisan boucher, président de la CFBCT, Morbihan Hein, Stéphanie, bouchère et Meilleur Ouvrier de France à Montlouis-sur-Loire, Indre-et-Loire Heurtier, Christian, artisan boucher à Limoges, Haute-Vienne
Leboeuf, Romain, artisan boucher et Meilleur Ouvrier de France à Paris
Perrin, Pierre, boucher retraité, Rhône
Simonet, Aurélien, directeur et formateur chez AnéauR Formations, centre de formation spécialisé en boucherie et charcuterie, Saint Denis, Ile de La Réunion
Yacoubi, Abdelhafid, artisan boucher à Manosque, Alpes-de-Haute-Provence
• Roger, Gérard, Le fils du boucher, Luneray, Bertout (coll. « Métiers d’hier et d’aujourd’hui en Normandie »), 2005
« Devenu ouvrier, [l’apprenti] était ensuite initié au travail de désossage. Il lui fallait d’abord exceller dans le désossage du collier de bœuf pour avoir accès à des morceaux plus nobles. Lorsqu’il savait parfaitement désosser un bœuf, il était promu aux fonctions de second au bœuf sans balance, puis chef au bœuf. En fin de formation, il était initié au travail du veau, comme second, quand il était capable de le fendre en quartiers. Il devenait chef au veau et accédait au mouton comme second puis chef. Il devait pouvoir remplacer le patron. Il commandait à tous alors que le chef au veau ne pouvait commander que le veau et le bœuf. Pour devenir chef au veau et au mouton, il lui fallait maîtriser la fente de chacun. Pour accéder à cette reconnaissance professionnelle, il devait fendre impeccablement le corps de vertèbres en son milieu, la moelle épinière ou amourette tranchée de moitié sur chaque côté, les apophyses épineuses en deux, dans une fente sèche ».
• Colette, Le Fanal Bleu, Paris, Hachette, 1956
« À part les boucheries, à part le papier d’étain et les pommes, je cherche en vain l’opulence ancienne du premier arrondissement. Je retrouve, j’apprécie encore le chic que ces Messieurs de la boucherie mettent à parer la viande. Un boucher coupant, tranchant, élaguant, ficelant, façonnant vaut un danseur, un mime. Boucher de Paris s’entend ! La huppe d’or sur le front, la joue pareille à l’aurore et l’oreille comme une rose, les cordons du tablier noués à l’ordonnance, juste ce qu’il faut de taches de sang, ça et là, ah ! Madame, le boucher de Paris vaut le coup d’œil, sinon mieux. »
• Chez le boucher (chanson populaire), interprétée par Jean-Pierre Coffe, 2011
« Dans not’ quartier, y a un boucher, un bon et joyeux drille
Très rigolo, plein d’à-propos, surtout auprès des filles
Il connaît bien l’goût d’un chacun et, quand il se présente
Un jeune tendron, pour du rognon ou bien d’la viande saignante
Vite, il lui dit, tout réjoui :
J’en ai un p’tit bout qui f’ra sûr’ment votre affaire
Y en a pas beaucoup mais d’quoi bien vous satisfaire
J’en ai un p’tit bout qui f’ra sûr’ment votre affaire
Y en a pas beaucoup mais c’que j’ai, c’est bon comme tout
V’là qu’l’autre matin arrive soudain une petite bonne charmante
Qui lui dit : J’veux un pot-au-feu, dans les trois francs cinquante
T’nez, s’il vous plaît, dans l’faux-filet
J’préfère ça à la rouelle
Et, pour le poids, mettez pour moi, un superbe os à moelle »
• Une vache à mille francs (parodie de Jacques Brel), interprétée par Jean Poiret, 1966
« Une vache à mille francs,
F'rait l'filet à cent francs,
L'rumsteck à soixante francs,
Le gîte à quarante francs,
L'aloyau à trente francs,
La culotte à vingt francs.
Un' culotte à vingt francs,
F'rait la côte à quinze francs,
La poitrine à douze francs,
La bavette à dix francs,
Le collier à huit francs,
Le jarret à quatre francs.
Un jarret à quatre francs,
Ce s'rait intéressant
Et plus avantageux
Pour faire un pot-au-feu
Qu'un jarret à mille francs,
Un jarret à quatre francs… »
• Musée Carnavalet – Histoire de Paris (Paris) : musée consacré à l’histoire de Paris qui rassemble plus de 640 000 œuvres, de la préhistoire à nos jours (peintures, sculptures, maquettes, enseignes, dessins, gravures, affiches, médailles et monnaies, objets d’histoire et de mémoire, photographies, boiseries, décors et pièces de mobilier)
• Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Marseille) : Héritier du musée d’Ethnographie du Trocadéro et du musée national des Arts et traditions populaires, le Mucem oriente la politique d’enrichissement de ses collections et fonds ethnographiques vers l’Europe et la Méditerranée.
• Musée de la coutellerie (Thiers) : Le musée retrace l’histoire sociale et économique de la coutellerie à Thiers depuis son installation sous forme artisanale jusqu’au début de son industrialisation. Les 700 pièces exposées témoignent du savoir-faire des couteliers, de la diversité des formes et de leurs évolutions en fonction des modes de vies, des techniques et des matériaux. La collection présente des œuvres de centres couteliers français ou étrangers du XVIe siècle à nos jours.
• Maison traditionnelle de la Boucherie (Limoges) : Depuis le XIIIe siècle jusqu’au XXe siècle, le quartier de la Boucherie à Limoges a été habité par les bouchers et marqué par leur vie sociale et professionnelle. La maison traditionnelle de la Boucherie évoque l’activité de cette corporation et met en scène la vie des bouchers et de leurs familles qui abattaient sur place, vendaient et cuisaient au rez-de-chaussée, vivaient dans les étages, tout en séchant des centaines de peaux de moutons et de porcs dans des greniers à claire-voie.
• Musée de la boucherie ancienne (Saint-Calais) : musée créé par un boucher à la retraite, qui regroupe une collection d’une centaine d’outils anciens datant de 1900 à nos jours.
• Petit musée de la boucherie (Hagenthal-le-Bas) : musée créé par un boucher à la retraite, qui regroupe une collection de milliers d’objets.
• Mini-musée des Charmilles (Meslay) : musée créé par un boucher à la retraite, qui regroupe des objets de son père, grand-père et arrière-grand-père, bouchers depuis 1902.
• Bégat, Georges, Méthode de travail des muscles du bœuf, du veau et de l’agneau, Paris, éditions SEPETA, 1997
• CFBCT, Ressources pour apprendre, Coupes et découpes service détail, « l’agneau », Paris, éditions SEPETA, 2018
• CFBCT, Ressources pour apprendre, Coupes et découpes service détail, « le veau », Paris, éditions SEPETA, 2018
• CFBCT, Ressources pour apprendre, Coupes et découpes service détail, « le bœuf », Paris, éditions SEPETA, 2020
• CFBCT, Ressources pour apprendre, Coupes et découpes service détail, « le porc », Paris, éditions SEPETA, 2022
• CFBCT, Ressources pour apprendre, Coupes et découpes service détail, « la volaille et le gibier », Paris, éditions SEPETA, 2023
• CFBCT, La Boucherie française, journal professionnel (mensuel), depuis 1946
• Chaudieu, Georges, La technique de la présentation et de la décoration des viandes, Paris, Peyronnet, 1949
• Chaudieu, Georges, Bonneville, Achille, Boucher de Paris, La coupe, la préparation des viandes et les étalages dans la boucherie de Paris, tome 1 généralités - le bœuf, Paris, Peyronnet, 1950
• Chaudieu, Georges, Bonneville, Achille, Boucher de Paris, la coupe, la préparation des viandes et les étalages dans la boucherie de Paris, tome 2 – le veau – le mouton – les étalages, Paris, Peyronnet, 1957
• Chaudieu, Georges, Pour le boucher, Paris, Dunod, 1959
• Chaudieu, Georges, Manuel pratique de boucherie, Malakoff, Dunod, 1969
• Chaudieu, Georges, Le Petit dictionnaire de boucherie et de boucherie-charcuterie, Paris, Peyronnet, 1970
• Chaudieu, Georges, Le livre de la viande, Paris, Flammarion, 1986
• Confédération internationale de la boucherie et de la charcuterie, Découpe professionnelle d’un quartier arrière de bœuf (français, anglais, allemand), 2001
• Conte, Patrice et Vallet, Christian Vallet, Le geste du boucher : découpe et consommation de la viande de la préhistoire à nos jours, Limoges, ARCHEA, 1993
• Dangin, François, Connaissance de la carcasse, les cahiers de la boucherie, Paris, éditions SEPETA, 1972
• Derue, A, La découpe des viandes de boucherie, Paris, Lanore, 1982
• Gascar, Pierre, Les bouchers, Paris, Éditions de Nesle, 1973
• Gouet, Guy, Préparation des viandes, Paris, éditions SEPETA, 1998
• Grimod de La Reyniere, Alexandre-Balthazar-Laurent, Manuel des amphitryons, contenant un traité de la dissection des viandes à table, la nomenclature des menus les plus nouveaux et des éléments de politesse, 1808
• Grimod de La Reyniere, Alexandre-Balthazar-Laurent, Almanach des gourmands : servant de guide dans les moyens de faire excellente chère / par un vieil amateur, 1803- 1810
• Horard, Marie-Pierre et Laurioux, Bruno (dir.), Pour une histoire de la viande, Tours, Presses universitaires de Rennes, Presses universitaires François Rabelais, 2017
• Leboeuf, Romain, Boucherie, Leçons en pas à pas, Paris, Hachette (Éditions du Chêne), 2019
• Office national interprofessionnel des viandes, de l’élevage et de l’aviculture (OFIVAL), Coupes et découpes
• Poisson, Jean, Thèse « La coupe dite ‘de Paris’ des animaux de boucherie et des bases anatomiques », Vigot Frères éditeurs, 1938
• Thieulin, Gustave, Brézol, Paris, 1970
• Le Ménagier de Paris. Traité de morale et d’économie domestique composé vers 1393 par un bourgeois parisien, édition présentée par le Baron Jérôme Pichon, 1846-1847, Paris, Crapelet pour la Société des bibliophiles françois, 1846
• Tendre et Saignant, réalisé par Christopher Thompson, produit par Les Films du Cap, 2020, 91 minutes
• Garçon Boucher, réalisé par Florian Geyer, produit par Quark Productions, 2013, 49 minutes
• Le Sang des bêtes, réalisé par Georges Franju, produit par Forces et Voix de France, 1949, 21 minutes
• Page de la CFBCT : https://www.boucherie-france.org [consulté le 22/06/2023]
• Page de l’École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande : https://ensmv.com [consulté le 22/06/2023]
• Page Facebook Les bouchers, bouchers-charcutiers de France : https://fr.facebook.com/people/Les-bouchers-bouchers-charcutiers-de-France/100077392331533/ [consulté le 22/06/2023]
• Page Facebook École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande : https://www.facebook.com/ensmvparis/ [consulté le 22/06/2023]
• Page Facebook Les Garçons Bouchers(ères) : https://www.facebook.com/groups/zoe35460/ [consulté le 22/06/2023]
Guihard, Jean-François ; Boucher dans le Morbihan, président de la CFBCT
Maison de la Boucherie, 98 boulevard Pereire, 75017 PARIS
01 40 53 47 50
cfbct@boucherie-france.org
https://www.boucherie-france.org
Sillier, François ; Boucher dans le Loiret et président d’honneur de l’École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande
Heurtier, Christian ; Boucher en Haute-Vienne
Hein, Stéphanie ; Bouchère en Indre-et-Loire, MOF en boucherie
Martinet, Victor ; Rédacteur en chef de La Boucherie Française
Mulette, François ; MOF en boucherie, responsable pédagogique à l’École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande
Vincendeau, Gilles ; Boucher en Indre-et-Loire
Clavel, Pascal ; Boucher en Isère
Constant, Louis ; Boucher en Haute-Corse
Constant, Jérémy ; Boucher en Haute-Corse
Coutanceau, Camille ; Boucher en Ariège
Davin, Maurice ; Boucher dans la Drôme
Deiber, Éric ; Boucher dans le Haut-Rhin
Deshayes, Thierry ; Boucher dans l’Oise
Dumas, Jean-Raymond ; Boucher dans les Yvelines et président de l’École Nationale Supérieure des Métiers de la Viande
Dumesnil, Gilles ; Boucher en Seine-Maritime
Hamard, Jérôme ; Boucher en Loire-Atlantique
Harand, Christophe ; Boucher dans la Nièvre
Langlais, Véronique ; Bouchère à Paris
Lapalus, Benoit ; Boucher dans la Loire
Lavielle, Marie-Carmen Fonctions ; Bouchère dans les Landes
Riedinger-Balzer, Jacqueline ; Bouchère dans le Bas-Rhin
Rittaud, Lionel ; Boucher en Savoie
Roux, Michel ; Boucher dans le Puy-de-Dôme
Ruffier, Sébastien ; Boucher dans l’Orne
Schaal, Dominique ; Boucher dans les Hauts-de-Seine
Talenton, Christophe ; Boucher dans le Lot-et-Garonne
Tornati, Dino ; Boucher dans le Vaucluse
Horard, Marie-Pierre ; Maîtresse de Conférences, Université de Tours
UMR 7324 du CNRS CITERES, Laboratoire Archéologie et Territoires
Coordonnées
UMR 7324 du CNRS CITERES, 33-35 allée Ferdinand de Lesseps, BP 60449, 37204 Tours 02 47 36 11 90
horard@univ-tours.fr
Bianquis, Isabelle ; Professeur Émérite des Universités, Université de Tours
UMR 7324 du CNRS CITERES, Équipe Cost
Coordonnées
UMR 7324 du CNRS CITERES, 33-35 allée Ferdinand de Lesseps, BP 60449, 37204 Tours 06 29 85 50 57
bianquis@univ-tours.fr
Horard, Marie-Pierre ; Archéozoologue, Maîtresse de conférences, Université de Tours
Bianquis, Isabelle ; Anthropologue, Professeur Émérite des Universités, Université de Tours
Birlouez, Eric ; Ingénieur agronome et sociologue de l’alimentation
Cronier, Emmanuelle ; Professeure d’histoire contemporaine, Université de Picardie-Jules Verne (Amiens)
Descamps, Benoît ; Docteur en histoire médiévale, Chercheur associé, Laboratoire de Médiévistique occidentale de Paris (LaMOP)
Leteux, Sylvain ; Historien, Membre associé, Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHIS), UMR 8529 (CNRS, Université de Lille)
Mancini, Pierre ; Doctorant en anthropologie, Université de Tours / UMR CITERES, Équipe Cost
Stengel, Kilien ; Enseignant PhD, Chercheur associé, Responsable de l’Université ouverte des sciences gastronomiques, Université de Tours, Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation, Villa Rabelais
France, décembre 2021 - octobre 2023
26/06/24
2024
2024_67717_INV_PCI_FRANCE_00539
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La découpe des carcasses de bovins étant considérée par la communauté comme la plus emblématique de la découpe « à la française », l’Annexe I reproduit les étapes d’une découpe à partir d’une carcasse de bovin. À chaque étape sont notamment précisés les outils utilisés, les sens sollicités, les morceaux obtenus et liens des actions avec les principes de développement durable.
Divers aspects linguistiques liés aux savoir-faire de la découpe bouchère à la française sont précisés : origines et évolutions, construction du louchébem, exemples de termes, etc.
Plusieurs dénominations se réfèrent au jargon ou à l’argot des bouchers : « louchébem », « largonji des bouchers », « largomuche du louchébem ».
Le louchébem se développe à partir du milieu du XIXe siècle, dans les abattoirs et au marché aux bestiaux de la Villette (1867-1974), et se diffuse en France, au même titre que la découpe, grâce à la mobilité sur le territoire des apprentis bouchers venus se former à Paris.
Le louchébem connaît un succès dans les salons littéraires à la fin du XIXe siècle.
Leufbem : bœuf
Liandvé : viande
Liftecbé : bifteck
Lilefèm : filet
Linguem : couteau
Loiges, loigics : os
Lorsomic, lorceaumic, lorceaumuche : morceau
Louchébem, loucherbem : boucher
Certains mots de louchébem sont devenus communs et ont aujourd'hui leur place dans le langage familier.
Loufiat : filou
Loufoque : fou
En loucedé : en douce
Lerche : cher
Alléchante : viande fraîche, bien coupée et de belle présentation
Araignée : muscles placés sur l’os du bassin, dont les fibres s’étalent comme des pattes d’araignée. Avance : table en bois sur laquelle on coupe et on prépare les viandes.
Avoir une bonne main : désigne un boucher sachant bien apprécier les viandes à l’épluchage et à la coupe. Boucher sûr de ses gestes.
Avoir bonne mie : animal avec un bon rendement en muscle consommable Belle-mère : surnom de la scie du boucher
Boutique (ou « coutelière » dans certaines régions) : boîte en forme de trapèze qui sert au rangement des couteaux.
Carapaçon : partie de la carcasse de bœuf, taureau ou vache, comprenant la poitrine, le plat de côtes, le tout d’un seul tenant formant une grande surface ressemblant au carapaçon de cuir du harnachement d’un cheval.
Carré : nom donné à la partie des côtes articulées sur les vertèbres dorsales des animaux (carré d’agneau, carré de veau, carré double)
Chef à la grande feuille : expression élogieuse désignant les chefs aux poignets habiles, la feuille désignant un couperet à lame fine
Choléra : mauvaise viande dans l’argot du XIXe siècle
Coupe glacée : coupe parfaite ne présentant aucune trace du fil du couteau Couperet : grande hache avec une courte poignée
Estaque : nom donné au fusil des bouchers dans le nord de la France
Etau, étal : autrefois la boutique du boucher. Aujourd’hui, la place d’un boucher sur un marché ; par extension, la planche de bois sur laquelle le boucher découpe la viande.
Fendoir : grande hache à long manche principalement utilisée dans les abattoirs et qui sert à fendre les bœufs.
Feuille : couperet à lame mince
Fusil : tige d’acier taillé que les bouchers portent au côté et qui sert à redresser le fil des couteaux. Un fusil en bon état sert également d’aimant.
Lingue : couteau, vient probablement de l’argot courant
Parfendre : trancher
Parures, rafraîchissures : légères coupes sur les morceaux de viande pour les rafraichir
Piéçards : bouchers vendant des morceaux tranchés, vendus à la pièce et non au poids, dotés d’un coup de couteau très précis permettant que chaque pièce soit identique en poids.
Première : quartier arrière de l’animal, regroupant les meilleurs morceaux (entrecôte, filet, faux filet, cuisse)
Salière : première vertèbre cervicale du bœuf. A plat, à l’apparence d’une salière
• CFBCT, Louchebem, Paris, éditions SEPETA, 2011
• Plénat, Marc, « Morphologie du largonji des loucherbems », Langages, no 20/8, 1985, pp. 73- 95
• Robert L’Argenton, Françoise, « Larlépem largomuche du louchébem. Parler l’argot du boucher », Langue française, vol. 90, no 1, 1991, p. 113-125
• Saugera, Valérie, « Brèves de billot : fonctions de l’argot des louchébems de Paris », Journal of French Language Studies, vol. 29, no 3, 2019, p. 349-372
• Saugera, Valérie, « Louchébem : la pérennité d’un argot à clef », La linguistique, vol. 57, no. 2, 2021, pp. 137-164
• Schwob, Marcel et Guieysse, Georges, Étude sur l’argot français, Paris, Imprimerie nationale, 1889
• Terni, Jennifer, LCL Lecture: Valérie Saugera and the Secret Language of Butchers, Literatures, Cultures, and Language
https://languages.uconn.edu/2018/03/21/lcl-lecture-valerie-saugera-and-the-secret-language-of butchers/ , 21 mars 2018 [consulté le 18/01/2023]
Basé sur le travail de recherche mené par Pierre Mancini dans le cadre de sa thèse « Analyse anthropologique d'un processus de construction patrimoniale : le cas de la découpe bouchère à la française »
L’Assemblée générale (AG) de la CFBCT, organisée en avril 2023 à Roanne, a donné lieu à l’un des évènements de mobilisation de la communauté des bouchers organisés dans le cadre de la démarche de patrimonialisation de la découpe bouchère à la française.
L’idée était d’échanger de façon plus informelle avec les bouchers (soit mener une petite enquête au cours des repas, avec deux ou trois questions pour permettre aux bouchers de faire des réponses croisées soit de proposer un format différent). L’expérience d’Emmanuelle Cronier pour ses travaux sur la Grande guerre évoquée lors du Conseil scientifique a engendré l’idée de solliciter les bouchers afin qu’ils fassent parvenir un objet du métier qui leur est cher.
Afin que les bouchers puissent partager leur lien à un objet emblématique du métier – au cours de l’AG ou en amont (en envoyant des photos) – plusieurs étapes ont été formalisées :
Une annonce du projet a été transmise aux participants de l’AG le 31 mars 2023. Elle leur demande de transmettre un objet ou une photo d’objet. Une adresse e-mail dédiée (jesoutiens@boucherie france.org) a été créée et transmise pour favoriser l’envoi de photos et de témoignages en amont. Un e-mail de rappel a aussi été transmis le 11 avril 2023. Par ailleurs, une annonce a été faite au Conseil d’Administration de la CFBCT afin de s’assurer d’avoir a minima les objets de ses membres.
Un flyer a été conçu et distribué dans chaque pochette donnée aux Présidents des Syndicats départementaux de la boucherie. Un stand a été mis en place pour pouvoir recueillir les objets – orné d’un kakémono, de flyers, de quelques objets apportés par François Mulette, MOF en boucherie (cf. Image 1 ci-dessous) et des derniers numéros de La Boucherie française. Ce stand devait permettre de collecter les données suivant le protocole défini sur place (cf. infra).
Au cours de l’AG, cette initiative a été annoncée à deux reprises : le premier jour (dimanche) lors de la présentation sur scène des membres du Comité scientifique présents et à nouveau le second jour (lundi) lors de la table-ronde organisée avec le Comité scientifique.
Il a été rappelé que l’envoi des objets peut continuer sur la boîte e-mail dédiée à ce sujet. J’ai accès à cette boîte afin de pouvoir régulièrement ajouter d’éventuels ajouts. Le traitement des premières données recueillies fait l’objet du présent compte-rendu. Certaines prises de contact sur l’AG devront être suivies d’échanges ultérieurs ou de visites sur le terrain.
L’idée a été formulée de proposer dans La Boucherie Française une rubrique consacrée aux objets qui auront été envoyés, classés par catégories, créant ainsi une sorte de « feuilleton » pour proposer à nouveau, de façon régulière, de participer à l’opération.
Lorsque nous avons mis en place le stand, nous nous sommes accordés sur un protocole commun de récupération des informations : il s’agissait, d’une part, de prendre l’objet en photo (ou de demander à transmettre la photo par e-mail), et, d’autre part, d’enregistrer le témoignage lié à cet objet.
Pour les objets reçus par e-mail, nous avons pris soin de réceptionner les informations (la (les) photo(s) accompagné(es) du témoignage écrit), de les répertorier dans un tableau (cf. ci-dessous) et de répondre individuellement à chaque participant – après la tenue de l’AG. S’il n’y avait pas de témoignage, ou si celui-ci était trop court, nous avons demandé, dans notre réponse, quelques informations complémentaires ou proposé un entretien téléphonique.
Ce sont près de 50 objets qui ont pu être recueillis, venant de plus de 30 bouchers et bouchères à travers la France. À la suite de cette collecte, nous avons choisi de classer les objets recueillis par grandes catégories afin d’avoir une meilleure lisibilité d’ensemble. Il s’agit de lister les objets matériels liés à la filière en amont, à la formation/transmission, à la préparation de la viande et la découpe, à l’aménagement et l’organisation de la boucherie. Ces distinctions sont relativement arbitraires et doivent permettre une lecture plus fluide de l’ensemble du catalogue. Nous ajoutons en à ce rapport, un tableau d’inventaire des objets récupérés pour en avoir une vue d’ensemble.
Toutes les photos ci-dessous ont été soit transmises par e-mail, soit prises sur place, à l’exception de la couverture du livre Louchébem (photo téléchargée d’internet) et des photos du couteau de Véronique Langlais (photos montrées depuis son compte Instagram1).
Livres d'études |
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J’ai commencé en 1962, on allait à l’école une après-midi par semaine, et on avait ça, comme livre de technologie. Franchement, il y a toutes les techniques… c’est à lire. Il faut le lire, c’est pas mal ! L’estimation des carcasses, c’est un truc de fou. C’était mon livre d’apprentissage. Il est pas mal fini. Il y a des choses qui ont changé ? Oui, beaucoup… l’estimation des carcasses, tout ça. Le geste a pas changé. Les bêtes sont toujours les mêmes, ça changera pas ! |
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C’est mon maître d’apprentissage qui me l’a offert et me l’a dédicacé. [...] Je pense que j’ai été un apprenti tout ce qu’il y a de plus lambda, mais ce livre a provoqué un déclic chez moi. [...] Qu’est-ce que vous avez fait de ce livre, après ? Pratiquement tout ce qui est dedans, en recettes, a été essayé, chez moi à la maison. Encore maintenant, selon que je fasse des préparations ou quelque chose, j’utilise ce livre. [...] J’ai mes parents, qui n’étaient pas du tout dans le métier, j’ai eu envie de faire ce métier-là. Je sais pas si j’étais voué à un grand avenir, en tous cas c’est ce maître d’apprentissage-là qui m’a mis sur la voie de l’excellence. Il y a quoi à l’intérieur de ce livre ? C’est beaucoup de traiteur, il y a de la boucherie, évidemment, oui, oui, mais il y a de la technicité sur tous les process où on explique vraiment les phases techniques lors des fabrications. C’est une bible ! Elle est où, chez vous ? Elle est chez moi, dans la salle à manger. Il y a très peu de livres, mais celui-là, il y est ! Et mes enfants qui grandissent ont déjà eu l’occasion de le feuilleter à plusieurs reprises. [...] Les grands ne veulent pas reprendre… maintenant, j’en ai remis des petits en route, qui sait, peut-être que eux se lanceront dedans, on ne sait pas !
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Carnet de notes |
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Je suis boucher depuis 42 ans. [...] C’est un ancien professeur de boucherie de Rouen, qui est tombé à la retraite, et qui m’a apporté un sac qui appartenait à son père, qui était boucher à l’époque. Il savait pas trop quoi en faire, il m’avait dit « je te le laisse, si un jour ça peut te servir… tu le donneras à qui va de droit parce que - il me dit - moi ça me donne rien ». Qu’est-ce que vous en avez fait, vous ? Je les ai gardés 3-4 ans, et j’en faisais rien du tout. Alors en fin de compte, avec la Confédération qui nous a fait un appel pour avoir des objets un petit peu extraordinaires, je les ai apportés. [...] Mon papa était artisan-boucher, mon grand-père était charcutier. Voilà… mon père a mal tourné, il est devenu boucher ! Là on n’a que des objets de ce Monsieur, qui vous a tout légué, et de votre famille, il y a des choses qui vous ont aussi été léguées ? Non, pas spécialement. Ça a été renouvelé au fil du temps. Qu’est-ce que vous aimeriez que l’on fasse de tout ça, idéalement ? Si ça sert pour la candidature, gardez toutes ces archives, et puis, pourquoi pas, une fois qu’on les aura utilisées, si la Confédération veut les garder pour mettre dans leurs vitrines, au contraire, et que ce soit accessible à tout le monde ! Surtout que ça restait enfermé dans un sac…
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Diplômes |
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Le brevet de maîtrise, dans le métier de boucher charcutier, en Alsace, c’est vraiment la distinction suprême. [...] Mon grand-père était titulaire du brevet de maîtrise mais celui-là n’est pas dans nos murs [...] le premier que nous avons, c’est celui de mon papa, qu’il a eu en 1962, alors qu’il s’est installé en 1960. Pour lui, il disait toujours que c’était extrêmement important, d’avoir le diplôme, même si c’était compliqué [...]. Mon père [...] nous a élevés dans cette culture de l’excellence [...] et donc la formation et le diplôme, ça fait partie de ça. Ils sont accrochés dans notre boutique principale, en bonne place. Et moi-même, j’ai pas de ce genre de diplôme, puisqu’à l’époque où j’étais en capacité d’apprendre ce métier, les femmes, on était plutôt à l’étal ou à l’administratif, mais pas dans les ateliers de production. J’ai eu la médaille de la reconnaissance artisanale de la Chambre de Métiers, il y a quelques années, donc je l’ai encadrée pour avoir aussi un petit diplôme à mettre ! Pour vous c’est important que les clients les voient ? C’est la preuve que l’on maîtrise le métier de bout en bout, d'ailleurs on les appelle « maîtres bouchers-charcutiers » et dans tout l’artisanat, en Alsace, c’est important. C’est pas au niveau du Meilleur Ouvrier de France mais ça a une valeur certaine. - Jacqueline RIEDINGER-BALZER (Bas-Rhin) |
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Outils de marquage |
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Là je vous ai amené la roulette sanitaire de l’abattoir de mon grand-père, [...] qui se trempait dans l’encre et on roulait toute la carcasse d’un bout à l’autre, pour montrer que la carcasse avait été inspectée et déclarée. Et là, on remonte au grand-oncle de ma femme, c’est le fer à marquer les boeufs. On le trempait dans la braise et, quand il était rouge, on marquait les cornes des bœufs qu’on avait achetés pour pouvoir les identifier. [...] Ca vous fait quoi, d’avoir ces objets ? On perpétue la tradition… moi je suis la 3ème génération de bouchers de la famille, les enfants, la 4ème… ce sont des objets de famille, ça représente le métier, c’est notre mode de vie ! Je vais peut-être dire une bêtise, mais c’est pas tout à fait la boucherie, c’est plutôt l’élevage ? Il faut savoir que les bouchers, à l’époque, étaient tous, plus ou moins, éleveurs. Et y’avait pas les abattoirs comme il y a maintenant, chaque boucher avait son abattoir, ou dépendait d’un autre boucher qui avait son abattoir. Le schéma, chez mes grands-parents, c’était la boucherie, devant, et l’abattoir, derrière. Est-ce que vous arrivez un peu à maintenir ce fil aujourd’hui ? Vraiment, un peu, parce qu’on peut plus abattre nous-mêmes, donc on passe par les abattoirs. Mais on perpétue la tradition d’acheter des animaux vivants, on les achète sur pied, on les emmène à l’abattoir, on les récupère. On essaie de travailler au plus proche de la tradition. - Sébastien RUFFIER (Orne) |
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Scies et couperets |
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Ça, c’était pour fendre les carcasses. Maintenant, c’est fait à la scie électrique, bien sûr, mais avant on partait du haut de la colonne vertébrale, des vertèbres sacrées, et on fendait la carcasse avec ça. C’est très très lourd, rien que le poids et le geste permettaient de sectionner la vertèbre et trancher les apophyses épineuses. [...] Il fallait être costaud parce que franchement, quand on arrivait en bas de la carcasse, on en avait plein les bras ! C’est que pour le bœuf. Pour le veau on a une feuille, qui est un peu plus lourde, et pour l’agneau, une feuille un peu plus légère. Ce qu’il faut, c’est que ça coupe très bien. Quand ça coupe bien, la section est franche, et on s’y reprend pas à deux fois. [...] Maintenant on fend plus les carcasses comme ça. |
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Outil[...] de la boucherie des années 1960. [U]n couperet pour la fente des bêtes. - Jean-Raymond DUMAS (Yvelines) |
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Voici la feuille que mon grand-père Davin Louis a donnée à mon père Davin René en 1946, qui lui-même me l’a remise en 1964 et que j'ai utilisée jusqu'en 1999, année de ma retraite. Cet outil nous servait uniquement pour fendre les agneaux, 6 à 8 par semaine. |
C’est un parteret ou un couperet. Je l’ai toujours vu, depuis que je suis tout gamin, dans la boucherie familiale. [Il] appartenait aux propriétaires de la boucherie que mes parents ont racheté en 1967 [...] Je l’estime à peu près entre les années 40 et 50. [...] On s’en sert toujours parce que j’ai pas trouvé mieux que ça pour travailler. [...] Plutôt pour fendre les crânes de veau, ou les crânes d’agneau. Il a deux fonctions, une fonction tranchante, pour fendre les crânes, et une fonction derrière, pour décoller le périoste sur certains os comme les apophyses transverses. [...] Quand j’y pense, je me dis qu’il a une histoire, mais comme je l’utilise tous les jours, c’est quelque chose qui m’appartient. C’est vrai que quand je le prête à un jeune pour faire un concours, je lui demande de faire vraiment attention de pas le perdre… ça arrive que les jeunes se fassent piquer les couteaux… [...] Les petites tâches d’usure, c’est de la javel [Explications par e-mail : il a malheureusement mal supporté la javel lors d’un protocole MRS… (oublié toute une nuit dans la javel d’où la marque sur la partie gauche)] |
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Bon, ça c’est la vieille scie. Là, ils m’ont changé la lame, mais normalement, c’était une lame beaucoup plus plate, beaucoup plus large. Et c’est vrai qu’avant on n’avait pas de scie électrique, on sciait tout à la main. Moi, je fais tout à la main. Même les osso buco, tout. J’ai toujours tout coupé à la main, parce que ça chauffe moins l’os et il y a une meilleure conservation derrière. - François MULETTE (ENSMV) |
Couteaux |
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Ces objets, c’est des couteaux à désosser, qui sont très très fins, parce que ça permettait de travailler l’agneau et pas percer, trop inciser dans la viande. C’est des couteaux qui ont de l’âge : aujourd’hui au niveau sécurité, ces couteaux, ils peuvent traverser un tablier de protection, et on n’y a plus droit. Mais on les garde en souvenir, parce que quand on prenait un couteau, on pouvait avoir deux couteaux à côté de soi, et on savait lequel était le sien puisqu’il est fait à sa main, et on le ressent. Un couteau, ça se ressent. |
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Le vrai, c’est celui-ci, il était à mon père, et je l’utilise toujours. Je m’en sers pas pour ça, hein, je m’en sers pour éplucher les bavettes, les onglets… c’était un couteau qui a été affûté, qui a servi et qui a été arrondi pour faciliter le fait de dénerver. Comme Dominique, 4ème génération de bouchers, sauf que là, c’est moi qui ai passé le relai à mon fils. Moi je suis la 3ème, lui c’est la 4ème mais il a 28 ans, mais nous avons, mon mari et moi, nos grands-pères respectifs, nos pères… c’est magnifique. C’est vraiment de la passion. [...] J’ai flashé sur vos couteaux, alors… ceux-là, ce sont ceux de François Mulette …attention à vous ! [rires] [...] Vous tous, là [désigne le Comité scientifique], vous m’intéressez fortement, parce que je suis à la réflexion d’un ouvrage sur la viande. J’ai pris pas mal de notes sur, effectivement, tout ce qui est sociétal, tout ce qui est histoire, tout ce qui est nutrition, aussi, faut que ça englobe plein de choses, mais que ce soit pédagogique. Faudra que je voie avec Victor. [...] [Le couteau que j’ai,] c’était à mon père, je l’utilise toujours, j’évite de l’affûter, mais de toutes façons, les métaux ne sont plus les mêmes que ceux que nous avons maintenant, et ça s’abîme beaucoup moins à l’affûtage, donc on a moins besoin de les affûter. - Véronique LANGLAIS (Paris) |
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Un couteau, une lancette qui appartenaient à mon grand-père qui a tenu la boutique que je tiens actuellement de 1941 à 1976 dans le Morvan, après avoir travaillé comme boucher à Paris rue Vaugirard. La lancette, je l'emmène ce week-end dans mes bagages. - Christophe HARAND (Nièvre) |
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Voici le carquois2 de mon père lors de son apprentissage… 1959. - Pascal CLAVEL (Isère) |
Autres objets |
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Objets de mon père qui bien sûr était boucher comme son père. Ils m'ont été transmis par lui et je m'en suis servi et ensuite je les ai, à mon tour, transmis à mon fils qui s'en sert toujours aujourd'hui. Il s'agit d' [...] une gouge pour les gigots d'agneau mais aussi pour les jambons cru, le prizuttu chez nous. - Louis et Jérémy CONSTANT (Corse) |
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Ça c’est des lardoirs, qui sont longs parce que c’est des lardoirs pour cuisse de bœuf. Il y a des parties de la cuisse de bœuf qui sont sèches, et on mettait du gras de bardière dedans, qu’on passait dans de l’huile et du thym, pour parfumer. On passait ça dans les cuisses de bœuf, de la graisse de porc, ça permettait de nourrir les parties très maigres, sèches, à la cuisson. Il y a différentes tailles de lardoirs, plus long, moins long, suivant ce qu’on faisait : ça c’était pour les jumeaux et les gîtes à la noix et puis ça, c’est pour une cuisse de bœuf et des morceaux un peu plus conséquents. [...] Le lardage, c’était quelque chose de bien précis, les jumeaux en 5 parties et les gîtes à la noix en 7 parties, tout équilibré, qu’il y ait la même distance entre chaque lardon pour équilibrer le moelleux sur les parties très sèches. C’est des outils qui ont vécu, et qui vivent toujours ! |
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Fusil offert par mon père, pour l'obtention du CAP. |
Matériel lié à la gestion et à l'organisation de la boucherie |
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Et un crochet des années 1960 pour des grosses pièces de viande. - Jean-Raymond DUMAS (Yvelines) |
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Deux pesons, un grand et un miniature. - Jean-Raymond DUMAS (Yvelines) |
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En photo une romaine ainsi qu'un[e] lancette qui appartenaient à mon grand-père. |
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Ça c'était pour peser. C’était une balance romaine, je pense. [...] C’est un département [l’Ariège] qui est resté très rural, très ancré dans la qualité de vie. On trouve beaucoup de [boucheries] tradis. On a des races à viande, des agneaux de race tarasconnaise, la race locale, on fabrique du fromage… [...] Pour moi, la boucherie tradi, c’est le boucher qui va choisir ses bêtes chez l’éleveur, qui va faire abattre à l’abattoir, et qui va vendre un produit local, de courte distance. Le tradi, c’est celui-là : il va aller discuter avec l’éleveur, il va échanger, voir comment on peut améliorer la qualité de la viande, etc. C’est un savoir faire, un échange entre l’éleveur et le boucher. Et on arrive à sortir de bons produits à mettre sur l’étalage. Donner un produit de qualité. Sans avoir un produit exceptionnel, tu vois, mais en qualité nutritive, parfait ! C’est un vrai savoir, et un savoir-faire, vous l’avez appris comment ? C’est un peu dans les gènes aussi, mais ça s’apprend. Tout petit, tu formes les jeunes à partir dans les campagnes, à aller voir les bêtes, à discuter avec l’éleveur et à échanger. Ces moments d’échange, ils sont très importants. Dans la société actuelle, on n’échange plus. Ça va trop vite. [...] Il est important pour moi de vivre ma passion comme ça. [...] - Camille COUTANCEAU (Ariège) |
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Balance utilisée dans les années 50-60, par mes grands-parents et mes parents. Exposée actuellement dans ma boucherie. |
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Sur ma 2ème boutique, j’ai un niveau -2, en fait, c’était exploité. Celui qui a la porte très épaisse, c’était une chambre de congélation, d’où l’épaisseur de la porte. La deuxième c’était la réception de marchandises et de matières premières. C’est deux pièces différentes là, donc ? Oui, voilà, absolument. Vous avez une pièce qui est représentée avec des crochets [...] pour accrocher la viande, travailler la viande. Et la seconde, pour faire des réceptions de choses qu’ils congelaient. Le but au niveau -2 par rapport à la boutique, c’est qu’il y avait une équipe en place, ils travaillaient avec des collectivités, y’a une cinquantaine d’années à peu près, [...] la famille c’était Allard, le père, le fils, deux générations. Ils ont travaillé longtemps dedans et c’est resté, je veux pas dire comme neuf, mais c’est hyper propre. [...] L’idée pour moi, aujourd’hui, là j’ai re-eu les clés, ils ont renforcé, ils ont refait les IPN, j’ai un archi qui est dessus, l’idée c’est de refaire un labo et exploiter un marché, à Talensac en centre-ville. Pour faire un 3ème point de vente. [...] Ça vous fait quoi de voir ce genre de pièces ? Ça fait que j’ai pris le magasin parce que j’ai vu ça. J’ai vu l’outil de travail, et je me suis dit « c’est magique », quoi. [...] Ça a plus qu’un sens. C’est l’histoire de la boucherie, quoi. On fait un bond en arrière de 200 ans, je pense. Ça représente quoi dans votre quotidien ? Pourquoi vous avez voulu y refaire un labo ? Au début je pensais faire un restaurant privatif, mais tout simplement pour une raison de sécurité, il faut un accès, une sortie, des coupe-feu, c’est trop compliqué pour faire une cuisine. Du coup, je suis boucher alors pour faire une boucherie, un labo, on a ce qu’il faut, tout est sur place, les frais sont les minimum : je mets des billots, des groupes pour les moteurs et puis, j’ai envie de dire, ça roule… ça demande que ça, à revivre ! - Jérôme HAMARD (Loire-Atlantique) |
Documents divers (administratifs, ouvrage, etc.) |
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Me concernant, je parlerai du livre Louchebem que j’ai reçu en cadeau en 2011 lors de sa parution et que j’aurai exceptionnellement pour cette AG. Il contient de beaux textes écrits par différentes personnalités alliant la viande à l’art, à la philosophie ou à la politique. Il est également illustré de belles gravures et photos très originales. Cet ouvrage était exposé dans notre magasin ouvert à la vue de la clientèle qui pouvait le feuilleter et l’apprécier. Régulièrement, je tournais les pages pour afficher un texte et/ou photo en rapport avec la saisonnalité de la viande ou pour illustrer une action. Je l’ai même prêté à une cliente qui adore lire les grands écrivains et qui avait toujours une citation ou un poème à partager avec le personnel et nous mêmes. - Marie-Carmen LAVIELLE (Landes) |
Photographies personnelles |
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Photo de la boucherie de mes parents en 1960… devant la vitrine, mes parents Louis et Jeanne Roux, mon frère et ma soeur. Photo de la même boucherie en 2019 lors de la fermeture pour cause retraite, Michel et Paule Roux, Franck et Maria nos employés depuis plus de 40 ans. 59 ans séparent ces 2 photos… - Michel ROUX (Puy-de-Dôme) |
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Voici mon grand-père en tournée. - Thierry DESHAYES (Oise) |
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Une photo de la boucherie des années 1960. - Jacqueline RIEDINGER-BALZER (Bas-Rhin) |
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C’est une affaire familiale, sous le même nom depuis 1937. [...] Ça, c’est le jour de l'ouverture, le 10 avril 1937. Il faut savoir que tout ça, c’était vendu en deux jours… ça a ouvert le jeudi matin et le dimanche midi tout était vendu. Tout, tout, tout était vendu. Il y avait pas de frigo, donc ils étaient obligés de vendre ! Et à cette époque-là, le grand-père nous racontait que tous les bouchers de la rue sont venus travailler avec lui toute la nuit du mercredi pour préparer la viande. C’était vraiment une belle entente, hein. [...] Il y avait de la viande de partout, partout. Vous êtes de la famille ? Oui oui, maintenant c’est notre fils, derrière, qui va s’occuper de reprendre tout ça. [...] Il y avait que de la viande. Que de la viande ! Il y avait pas de pâté, pas de cochon, pas de saucisse. C’était vraiment que de la viande. On faisait l’étalage dehors à cette époque-là, on avait encore le droit. Surtout à Noël : à Noël, il y avait les volailles. [...] Faut les garder [...] C’est un petit condensé de tout ! - Dominique Schaal (Hauts-de-Seine) |
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C’est l’évolution, voilà. Raphaël, maintenant il a son CAP de Boucher, et il est en traiteur, il fait des services, tout ça, il est toujours en apprentissage. Ça vous fait quoi de voir ça ? On est contents, on est fiers. Vous êtes d’une famille de bouchers ? Non non. J’ai commencé moi-même par connaître, apprendre comme ça. Et passé mon apprentissage. [...] Il reflète la vie que j’avais à son âge, quoi. J’ai pas eu de possibilités dans la boucherie mais j’étais toujours avec mes oncles dans l’élevage. On a un rapport avec les éleveurs, que je maintiens parce que j’achète tout en ferme, sur pied. Et c’est quoi la situation aujourd’hui de ce savoir-faire ? Ah bah oui, oui. Pour moi, après je suis peut-être un des derniers de la génération, mais pour moi c’est primordial. C’est plus important que la découpe et tout le reste ? C’est un tout. Une anecdote : y’a une fois j’ai acheté une bête, pas à contre-cœur mais qui me plaisait plus ou moins bien. Et même dans le frigo, je l’aimais pas autant qu’une carcasse qui me faisait plaisir. Avant de faire plaisir au client, on se fait plaisir nous, quand on achète sur pied des carcasses ! - Benoît LAPALUS (Loire) |
Pour éviter de trop biaiser l’étude, son intitulé se voulait volontairement large, proposant aux artisans-bouchers d’apporter « un objet professionnel qui leur est cher ». Cette étude nous permet de poser plusieurs constats :
Tout d’abord, contrairement à l’intuition de départ qui pouvait nous laisser penser que les bouchers apporteraient essentiellement des couteaux, les objets recueillis sont très variés et ne sont pas seulement représentatifs de la découpe en tant que telle. Certains évoquent l’apprentissage du métier, la préparation de la viande – plus largement que la découpe –, ou encore l’aménagement et l’organisation de la boucherie.
D’une façon générale, le lien à ces objets traduit une forme d’intimité. Cela est particulièrement visible lorsque les objets présentés sont des photos anciennes ou des articles de presse, mais aussi dans certains objets issus d’une lignée familiale de bouchers ou transmis par un proche. Certains choisissent de continuer à utiliser ces objets avec le sentiment de faire perdurer ainsi « la tradition ».
1. Il s’agit du compte @bouchere_rocknroll_. Les images ci-dessous en ont été extraites.
2. Généralement appelé "boutique".
Basé sur le travail de recherche mené par Pierre Mancini dans le cadre de sa thèse « Analyse anthropologique d'un processus de construction patrimoniale : le cas de la découpe bouchère à la française »
Créé en 2014 par Michel Garnier, qui en est aujourd’hui le Président, le salon de la Boucherie, Charcuterie et Traiteur est un événement professionnel organisé tous les deux ans à Angers. Il s’agit, en 2022, de la quatrième édition (l’édition 2020 ayant été annulée en raison de l’épidémie de covid 19) qui s’est tenue les 16 et 17 octobre.
Le salon est composé de plusieurs espaces :
- une grande halle (« Hall Ardésia ») avec les stands de différents exposants ;
- une autre halle (« Hall C ») où sont présentés quelques vaches et agneaux ;
- un espace consacré aux conférences et démonstrations (le « Ring ») ;
- une plus petite salle (la salle « Ardésia ») consacrée aux rencontres et échanges.
Le premier jour, on annonce près de 1700 badges commandés en ligne et on estime que plus de 2000 personnes (en comptant ceux qui prendront leur badges le jour même) participeront au salon. Il s’agit du seul salon consacré exclusivement aux métiers de boucher, charcutier et traiteur (les autres salons de références, comme le SIRHA à Lyon, étant plus largement consacrés à l’agro-alimentaire ou à la restauration).
L’événement étant très spécifique en son genre en France (et, semble-t-il, en Europe), il représente, pour le Comité scientifique, une occasion unique de pouvoir aller à la rencontre de la profession afin de sonder quelle est l’appréhension de la découpe bouchère auprès de la « communauté ». Pour cela, plusieurs pistes de travail ont été envisagées, faisant notamment intervenir les étudiants du Master « Cultures et Patrimoines de l’Alimentation » (Master CPA, Université de Tours) sous la direction de Marie-Pierre Horard.
Les étudiants du Master CPA ont en réalité travaillé sur deux types d’enquêtes, l’une quantitative et l’autre, qualitative :
- D’un côté, en élaborant un questionnaire qui avait pour but de sonder de façon massive les visiteurs du salon. Celui-ci était distribué aux abords du stand de la CFBCT (situé en face du « ring ») ou dans les allées du salon, complété par les visiteurs et disposé dans une urne transparente. Ce questionnaire rassemblait plusieurs questions interrogeant l’outil le plus important pour chaque boucher, son lien au louchébem, à la « profession » et au métier. Plus de 200 (208) questionnaires complétés ont pu être récupérés à la fin de l’événement et seront analysés par moi-même (cf. infra) ;
- De l’autre côté, en préparant une enquête qualitative, pour laquelle les étudiants devaient interroger individuellement des participants au salon afin de recueillir leur ressenti quant à la découpe bouchère. Il leur était proposé de mener 4 ou 5 entretiens chacun avec la trame ci-après, de les enregistrer (avec leur téléphone), mais aussi d’observer ce qui se passe dans le salon, prendre des notes et des photos. Pour chaque entretien, les étudiants devaient aussi relever la profession de la personne interrogée, ainsi que (si possible) son âge (ou tranche d’âge).
Trame proposée pour les entretiens individuels : |
NB. Sur le salon, après quelques premiers entretiens menés, les étudiants ont révélé que la dernière question posait problème – difficile à énoncer, peu claire pour la personne interrogée – et il a été proposé de changer de question pour « Quelles sont les évolutions du métier de boucher ? »
Il a été convenu que ce serait les étudiants eux-mêmes, dans le cadre de leur cours, qui feraient la retranscription intégrale des entretiens et un rapport exposant les résultats de cette enquête.
L’idée était ici de profiter de ce salon pour établir un premier contact avec plusieurs bouchers ou apprentis qui pourraient constituer un premier panel, à élargir par la suite. Interroger aléatoirement des bouchers circulant dans les allées du salon serait ainsi une première étape de l’enquête ethnographique menée par la suite pour la conduite de la thèse.
Afin de pouvoir sonder rapidement les bouchers, d’éviter de les importuner outre mesure (puisque ceux-ci sont déjà très sollicités par diverses enquêtes et concours lors de leur venue), nous choisissons ici, après s’être assuré d’avoir affaire à un boucher, d’aller à leur rencontre dans les allées du salon et de ne poser que quelques questions appelant des réponses succinctes.
Bonjour Monsieur/Madame, - D’après vous, qu’est-ce qui caractérise le métier de boucher ? Merci pour vos réponses. Seriez-vous d’accord pour que je vous recontacte si j’avais d’autres questions à vous poser sur votre travail, dans le cadre de ma recherche ? |
Cette façon de procéder, sorte de « micro-trottoir », permet d’établir un lien simple, courtois et rapide avec le boucher. Un seul boucher a refusé de répondre à ces questions. Personne n’a refusé d’être recontacté par la suite. Les résultats de cette enquête, composée de 25 micro-entretiens, sont proposés ci-après.
Nous avons recueilli 208 témoignages et les questionnaires nous permettent de dresser un profil général du panel interrogé. Si l’on observe, par exemple, les activités professionnelles des personnes interrogées (cf., on remarque que sur les personnes ayant accepté de remplir le formulaire, 89% sont directement « de » la profession (les apprentis – futurs bouchers –, salariés, chefs d’entreprise ou conjoint collaborateur et retraités sont ainsi représentés en différentes nuances de bleu ci-dessous). Les 11% restants sont soit des formateurs ou enseignants (sans précision quant à la matière enseignée), soit d’autres fonctions diverses – agriculteur, lycéen, dirigeant syndical ou autre.
On note ici une légère surreprésentation des apprentis. De même, si l’on regarde la répartition géographique des personnes sondées, on note une surreprésentation de certaines régions (Pays de la Loire, Bretagne, Centre-Val de Loire) et une absence de certaines autres régions (Hauts-de-France et Outre-Mer) qui peuvent s’expliquer par la localisation et la facilité d’accès au salon (Angers).
Les questions posées permettaient de traiter deux aspects du rapport au louchébem. D’un côté, la question (2) du formulaire, « parlez-vous louchébem ? », offre la possibilité de comprendre dans quelle mesure cet argot professionnel est parlé aujourd’hui. D’un autre côté, la question (3) approfondit le lien personnel au louchébem de chaque personne ayant répondu.
Nous pouvons tout d’abord remarquer que plus de la moitié (54%) des personnes interrogées parle le louchébem. Afin d’affiner cette étude, nous avons ensuite souhaité observer dans quelle mesure le louchébem serait plus ou moins parlé 1 en fonction du nombre d’années d’exercice. Pour cela, nous avons distingué deux groupes, les professionnels installés (salariés, chefs d’entreprise ou conjoint collaborateur et retraités) d’un côté, et les apprentis de l’autre.
Nous remarquons ainsi que le louchébem reste encore parlé dans la plupart des cas, et – chose assez frappante – est encore plus parlé chez les jeunes (les apprentis) que chez les personnes qui sont (ou ont été) installées.
Nous avons aussi souhaité regarder s’il existait une différence dans le nombre de locuteurs selon les régions. Pour cela, et puisqu’a priori, le louchébem serait plus parlé à Paris qu’en province, nous avons distingué Paris et l’Ile-de-France, d’un côté, et l’ensemble des autres régions de l’autre.
Ce graphique semble confirmer l’idée selon laquelle le louchébem serait plus parlé dans la capitale et sa couronne (72% de locuteurs) qu’en province (43% de locuteurs). Néanmoins, ces données sont à prendre avec précaution en raison du faible nombre de répondants exerçant en Ile-de-France (18 personnes seulement contre 187 pour le reste de la France).
Nous avons enfin voulu étudier le rapport personnel que chacun accorde au louchébem. C’est la question (3) du formulaire qui nous a permis de nous attarder sur cet aspect. Là encore nous avons opéré une distinction entre ceux qui sont installés et les apprentis qui le seront prochainement. Cette distinction nous permet d’évaluer dans quelle mesure l’ancienneté dans le métier influe potentiellement sur le rapport au louchébem.
Ici nous pouvons observer que ce sont les apprentis qui accordent le moins d’importance, a priori, au louchébem, puisque d’une majorité (au moins 56%) précise que « c’est folklorique », tandis que plus de la moitié des professionnels installés, alors même qu’ils le parlent moins, « est attachée » à cet argot professionnel.
Toutefois, le grand nombre de personnes n’ayant pas répondu à cette question peut nous interroger sur la bonne compréhension de son intitulé et des deux champs proposés. Le mot « folklorique » peut d’ailleurs prêter à confusion : puisqu’il est ici opposé à « j’y suis attaché », il semble clair que l’on souhaite souligner l’idée d’un objet « pittoresque mais dépourvu de sérieux » (cf. Larousse, « folklo »), mais cette proposition peut aussi être interprétée comme quelque chose de « relatif au folklore », et donc tout simplement lié à une pratique culturelle traditionnelle. On peut donc supposer que certains ont coché cette deuxième proposition simplement pour souligner l’idée que le louchébem s’inscrit dans la culture bouchère traditionnelle, et non pour dire qu’il s’agit de quelque-chose de désuet.
La question (5) proposait aux sondés de ranger par ordre d’importance différents éléments qui pourraient, selon eux, « représenter la boucherie française ». Seules 150 personnes ont répondu correctement4 à cette question. Établir une gradation entre les quatre éléments proposés ne fut sans doute pas une tâche aisée pour les personnes interrogées, mais ce type de sondage permet de faire apparaître une première tendance.
Il ressort en effet que « l’art de la découpe » est presque unanimement reconnu comme « très important » ou « important » pour représenter la boucherie française. Viennent ensuite la « relation avec le client » puis « la présentation des viandes dans les vitrines », qui semble assez proches dans l’évaluation de leur importance, avec un petit avantage pour le premier des deux items. C’est enfin « le système de formation et nos écoles » qui serait « le moins important » des quatre éléments proposés (ce qui ne signifie pas qu’il n’est pas important, mais bien qu’il l’est moins que les autres).
Nous avons interrogé les personnes interrogées sur l’outil auquel elles seraient le plus attachées, dès la toute première question du formulaire. Les champs laissés vides ou faisant figurer des éléments qui ne sont pas des outils (« ma femme », « boucherie », « Intermarché », par exemple) ont été inclus dans la catégorie « ne se prononce pas ».
C’est donc le couteau qui est le plus cité (plus de 80%). Le fusil et le billot le sont également, dans une bien moindre mesure (moins de 5% chacun).
Ayant rapidement perçu que le couteau était l’outil qui ressortait le plus, et puisque certains faisaient le choix de spécifier le nom du couteau5, nous avons, lorsque cela a été possible, demandé de préciser à quel couteau ils pensaient spécifiquement. Il ressort ainsi que c’est le désosseur qui arrive largement en tête dans les réponses (plus de 75%), suivi par la feuille et le trancheur (autour de 10% chacun) et enfin de l’éplucheur (cf. ci-dessous).
Ce sont au total 24 bouchers qui ont été sondés de cette façon. Un 25ème boucher, M. Patrick Mias, rencontré sur le salon, fut interrogé selon le même protocole mais en différé (par téléphone, le 21 octobre 2022). L’objectif de ces mini-entretiens était, nous l’avons vu, double : d’une part, de récupérer quelques informations exploitables immédiatement sur le ressenti de chacun quant au métier de boucher, d’autre part, de faire connaissance avec quelques bouchers ou apprentis qui pourront ensuite être recontactés pour l’enquête générale. Une retranscription de ces 25 premiers entretiens se trouve en annexe.
Les bouchers et bouchères interrogées ont été choisies au hasard, puisqu’il s’agissait d’aller à leur rencontre dans le couloir qui faisait face au stand de la CFBCT. De ce fait, nous n’avons pas eu la main ni sur la répartition géographique des personnes interrogés, ni sur la parité des répondants (sexe ou catégorie socio-professionnelle). S’il ressort un déséquilibre, celui-ci pourra être corrigé par la suite, lorsque l’on élargira le panel d’enquête à d’autres régions françaises ou étrangères – se référer à la méthodologie des entretiens ethnographiques qui sera proposée pour l’enquête de thèse. Il convient de préciser que les questions ont été posées debout, souvent « sur le vif ». Ce cadre ne semble ainsi pas propice à une réponse longue et détaillée, comme cela se reflète dans les entretiens menés, beaucoup ne dépassant pas 2 minutes. Il s’agissait avant tout d’établir un premier contact.
Contrairement aux entretiens préparés par les étudiants du Master CPA (cf.infra), l’objectif de ces deux premières questions très succinctes n’était pas d’entrer directement dans le sujet de la découpe bouchère, mais bien d’essayer de cerner dans quelle mesure celle-ci apparaît de façon spontanée dans les discours autour du métier de boucher et, le cas échéant, quelle place elle y occupe. Afin de ne pas biaiser les réponses, lorsque je suis allé à la rencontre des bouchers, je me suis présenté en indiquant simplement que je « fais[ais] une enquête pour la CFBCT ».
La carte représentant la répartition géographique des personnes sondées révèle à la fois la diversité des personnes qui ont répondu au micro-trottoir (s’il s’agit en grande majorité d’artisans bouchers, on trouve aussi un fournisseur, des formateurs, un ancien boucher, des personnes impliquées dans les syndicats et confédérations, etc. mais aussi des femmes bouchères et aussi bien des personnes en ville, en zones péri-urbaines ou en zones rurales) et une légère surreprésentation de l’ouest de la France malgré une répartition correcte sur différents espaces du territoire. Nous pourrons ainsi orienter l’élargissement de notre enquête à d’autres personnes en prenant en compte certaines zones non prises en compte, notamment le nord-est, le centre, et tout le sud de la France, ainsi que l’Outre Mer.
Même si l’objectif n’était pas tant d’obtenir des résultats concrets que d’établir un premier contact afin de pouvoir ensuite solliciter de nouveau les personnes interrogées, nous pouvons noter plusieurs éléments saillants de ces premiers mini-entretiens.
Le premier élément, qui ressort dans la quasi-totalité des entretiens, est un aspect capital pour le boucher : le lien avec le client. « Bien servir le client », « être [à son] service » nous dit Christian Heurtier, lui « faire plaisir » – expression utilisée à la fois par Fabien Michel et par l’apprenti Pierre Broizat. Cela passe par deux leviers d’action :
D’un côté, vendre une viande « bien travaillée » (Philippe Soulard), et « proposer la meilleure viande ou le meilleur morceau possible » (Christophe Ip Yan Fat). Éviter dans la mesure du possible « la viande de merde » (David Verdier).
De l’autre côté, « c’est la clientèle qui [leur] dicte », indique Christophe Ip Yan Fat. Cela signifie qu’il faut, pour Kristofer Rault, « bien conseiller ses clients ». Comme le détaille Anne-Sophie Conjat Bach, l’idée est ici de réussir à « apporter le bon conseil de choix de morceaux, le bon conseil de cuisson par rapport à la demande du client », « éventuellement les recettes » (Julien Gallard, fournisseur de volailles).
Ainsi, le bon boucher est celui « qui va faire tout pour son client » (David Verdier), « être proche de ses clients » (Sébastien Pichereau). Il doit « donner envie au client, au consommateur » ajoute Patrick Mias et pour cela, « savoir mettre [la viande] en rayon » explique Michaël Benion. C’est le client qui reste juge, il « doit se dire « ouais, là il y a du boulot » (Laurence Badet), comme le détaille Michaël Benion :
Vendre et emballer un produit, c’est bien beau, mais on aime bien les retours. Le but c’est qu’on parle de nous à table, tout simplement. J’ai pas envie qu’ils parlent de moi en mal…
Il en découle que le boucher se positionne comme maillon de la filière, comme « la personne qui va passer entre l’éleveur, l’abattoir et le client » (Donovan Delcroix). Philippe Lalande rapporte à ce sujet des propos qu’il a entendu de Paul Bocuse, qui lui aurait dit « les bouchers vous faîtes partie d’un des maillons de la cuisine ».
En amont, François Mulette explique qu’il « faut penser […] « éleveur – boucher ». C’est hyper important, on est dans une filière ». Car « en amont, l’éleveur, c’est lui qui fait la bête » (Patrick Mias), « le premier maillon, c’est celui de l’élevage » (Philippe Lalande), et par conséquent, « faut avoir un respect du travail de l’éleveur » (David Russeil).
En aval, le conseil du client peut aller jusqu’au « rôle pédagogique [de] rééduquer la clientèle » (Christian Heurtier). Lui donner envie implique aussi de « toujours, travailler son étalage. Toute la journée – du matin au soir, tu retravailles ton étalage » (Pascal Moine).
Cette position centrale, entre un éleveur en amont et un client en aval, engendre un fort sentiment de responsabilité puisque « tout le travail qui est bien fait en amont, on peut le foutre en l’air » (Patrick Mias) et « si ensuite le boucher par lui-même fait pas le bon travail, le coupe pas correctement, le cuisinier […] va mal le cuire » (Philippe Lalande).
La notion de « respect » apparaît ainsi assez fréquemment dans les discours. Cette idée est formulée en détail par Christophe Ip Yan Fat :
Un bon boucher c’est quelqu’un qui est capable de respecter cette viande, en amont et en aval. De travailler avec délicatesse, avec finesse […] C’est le gars qui achète ses animaux en ferme, dans de bonnes structures, auprès de bons éleveurs, où il y a un bien-être animal. Et si c’est un boucher qui a des salariés, il faut qu’il y ait un bien être salarial.
Ou encore par Pascal Moine :
Le respect de l’éleveur, de l’élevage. Le respect de ses ouvriers, des gens qui travaillent avec lui. Et le respect de sa clientèle. Et après, le plaisir de voir un étalage toujours au cordeau et toujours bien fini. Un jeu de couleurs, un bel étalage. De belles pièces de viande.
Vient donc la question du travail du boucher en lui-même. Le « bon boucher doit être énormément polyvalent désormais, avec bien évidemment, tout ce qui va être en rapport avec le métier, donc au niveau de la découpe des viandes » (Julien Gallard, fournisseur de volailles). La découpe est décrite de différentes façons dans les récits, car il faut « montrer ce que c’est le métier […] pas croire que les bouchers c’est tous des découpeurs de vache » (Christophe Ip Yan Fat). Joël Bazin détaille la pratique du boucher qui va « désosser, dénerver, dégraisser, couper » tout comme Guy Tourdias indique qu’il faut « désosser, parer, éplucher » et Patrick Mias parle de « préparer les morceaux, de dénerver, d’éplucher, de séparer… ». Cette pluralité de termes techniques pour décrire le « travail » de la viande s’explique par la démarche générale, décrite par Anne-Sophie Conjat-Bach :
Nous avons des techniques de découpe qui sont spécifiques à la boucherie française, puisque nous allons chercher chaque muscle et nous désossons os par os chaque animal.
Cela nous permet de comprendre pourquoi deux termes récurrents sont l’ « optimisation » ou la « valorisation » de la viande. « Valoriser, éviter les pertes […] c’est bête mais on est dans un système d’optimisation » explique Kristofer Rault. Pour Jacqueline Riedinger-Balzer, il s’agit de « travailler de la carcasse et de valoriser tous les morceaux ». « Travailler le produit c’est le valoriser au maximum » (Philippe Soulard), « qu’on ait un rendement optimum » (Michaël Benion). Le bon boucher est, dans cette perspective, « celui qui va valoriser sa viande à fond » (David Verdier).
Cette idée de « valorisation » par le « travail de la viande […] [à partir de la] bête brute, avec les os, la carcasse, tout ça » (Pierre Broizat) peut s’expliquer d’au moins deux façons :
- Économique, pour David Russeil par exemple :
Le respect du produit c’est d’en retirer la meilleure chose. La travailler le mieux possible, avec les meilleures techniques. Avoir un très beau désossage, pour éviter d’en mettre à la poubelle, c’est pareil. Avoir des produits d’exception, arriver à les valoriser au maximum, pour arriver à donner une plus-value à nos produits. Parce que si on dit « une bonne viande », bien sûr elle va coûter cher à l’achat. Donc faut être derrière, nous on arrive à la revendre avec une plus-value assez forte.
- Écologique, pour Christian Heurtier par exemple :
La revalorisation du travail de l’éleveur pour le bien-manger des gens. On peut pas faire les uns sans les autres. On parle beaucoup d’écologie, tout ça… si on ne lie pas les trois – l’éleveur, le transformateur et le consommateur – on n’y arrivera pas.
Le travail de la viande ressort comme élément capital, mais cela ne fait pas tout : « vous avez le boucher qui est désosseur, le "boucher de laboratoire" qui ne fera jamais que ça, parce que c’est son truc. Et après vous avez la catégorie des bouchers-vendeurs, […] qui sa[ven]t vendre quand il[s sont] devant [leur]s clients » (Laurence Badet).
D’où l’importance de « la transmission de ce savoir-faire » (Anne-Sophie Conjat-Bach), du « doigté, [de] la main d’œuvre, parce qu’il faut un bon coup de main » (Guy Tourdias) pour travailler la viande. Cela peut-être, pour Joël Bazin suivre une « formation avec un bon maître d’apprentissage », qui part « d’un stage, d’un apprentissage ou de la famille […][,] d’où on a fait son apprentissage, de la formation qu’on a eue, du patron qu’on a eu » (David Verdier). Cela peut se faire sur le tas, en mettant « le pied à l’étrier : […] appr[endre] le métier par des bouchers qui […] montre[nt] comment on fai[t] » (Jean-Luc Strictot), « avec l’expérience » (Christian Heurtier). Laurence Badet conclut que « vous pouvez passer tous les examens que vous vouez, c’est sur le tas : vous l’êtes ou vous l’êtes pas. […] C’est avec l’expérience. »
Il convient au boucher de savoir « se servir de l’expérience des anciens » (Christophe Ip Yan Fat), mais surtout d’être capable de le transmettre. Avant de recruter des bouchers déjà formés, Jean-Luc Strictot a « formé deux autres bouchers » lui-même par exemple. Pour Fabien Michel, un bon boucher est quelqu’un qui « aime former ». Il faut que « tu leur donnes ta passion » (Pascal Moine).
Il ressort de plusieurs entretiens que ce lien intergénérationnel n’est pas unilatéral, comme le précise Christophe Ip Yan Fat :
On apprend souvent des jeunes, aussi. Des jeunes et des moins jeunes. Faut écouter les anciens. Moi j’avais repris une boutique et j’ai toujours eu en tête les mots de mon patron que j’avais eu avant – chez qui je suis resté douze ans –, tous les conseils qu’il a pu me donner. Pour acheter, pour fabriquer, pour ne pas jeter. Faut se servir de l’expérience des anciens et faut savoir écouter les jeunes aussi, pour se remettre en question.
Il ressort ainsi que la capacité d’évolution ou d’innovation est une qualité cruciale pour les bouchers. « Savoir innover […], savoir s’adapter à une nouvelle consommation » nous dit par exemple Philippe Lalande. Et les mots ne manquent pas pour qualifier cet qualité du bon boucher : « ne ferme[r] pas la porte à l’innovation […][,] se remet[tre] en question constamment » (Fabien Michel), ne « pas avoir peur de dire "je connais pas tout" » (Christian Heurtier), « s’adapter à la clientèle, à la région, à la culture qui existe » (Philippe Soulard), « arriver à se remettre en question tous les jours […] se forme[r] tous les jours et tout au long de sa vie » (David Russeil), « s’adapter en permanence » (Anne-Sophie Conjat-Bach), être « capable de se remettre en question, au fil des années […][,] apprendre de nouvelles techniques, de nouveaux montages » (Christophe Ip Yan Fat), « continuer à se former, même à 50 ans[, faire] des stages, tous les ans » (Frédéric Bessonnet), être « à la recherche de la nouveauté, du nouveau produit » (Tristan Raitière), « faire en sorte d’améliorer les choses » (Ludovic Guillot) ou encore « être dans la recherche constante, […] aimer toujours faire mieux » (Patrick Mias). Cette capacité d’adaptation ou d’innovation implique d’« être curieux » (David Russeil), et cela peut se traduire en actes. Michaël Benion explique par exemple qu’il a « beaucoup bougé, parce que [il] voulai[t] découvrir » et Fabien Michel qu’il s’est « exporté à l’étranger, [a] donc […] réappris [s]on métier là-bas ».
Cette confrontation à l’étranger peut parfois permettre de réaffirmer une spécificité française. Comme le dit notamment Pierre Broizat qui explique qu’« en France, on a un patrimoine au niveau de la boucherie », « on a de belles richesses à travers nos régions » ajoute Philippe Soulard. Le fait de désosser à blanc est, pour Anne-Sophie Conjat-Bach, une « chose qui n’existe pas dans d’autres pays ».
Le lien à l’étranger est une question qui revient parfois. Par exemple, pour Christian Heurtier, si l’on ne conseille pas le client, on ne pourra plus répondre à sa demande de morceaux et on sera « obligés d’aller le[s] chercher à l’étranger ». Les pays étrangers sont aussi des concurrents, puisqu’ « on a des viandes maturées qui arrivent de l’étranger » (David Russeil). Pour Philippe Lalande, se confronter aux cultures étrangères est aussi une façon de comprendre sa propre façon de travailler :
Après au niveau des coupes, il existe des coupes qu’on voit partout dans le monde. Puisque par rapport à l’équipe de France, on a eu la chance de rencontrer différents pays qui travaillent totalement différemment la carcasse, les viandes ; c’est très bien fait aussi, mais les systèmes de consommation sont tellement différents.
Cela peut venir renforcer l’idée que le métier de boucher, « c’est vraiment le métier traditionnel à l’état pur », comme le dit Julien Gallard. Ce dernier parle d’ « artisan[s] », et beaucoup d’ « artisanat » (Ludovic Guillot), que l’on oppose parfois aux bouchers de grandes surfaces (Michaël Benion). La découpe revêt alors « un caractère noble » (Frédéric Bressonnet) et, « pour les très bons bouchers, ça devient un art. Comme on voit les présentations qui sont là, c’est un art de préparer la viande » (David Verdier). Le boucher est ainsi garant, pour Jacqueline Riedinger-Balzer, de l’ « authenticité ».
Dernier élément qui apparaît dans un certain nombre de témoignages c’est la passion du métier, là encore avec une variété de termes pour en parler. Il faut « être content de son métier » (Jean-Luc Strictot), « savoir bien manger, forcément » (Joël Bazin), « aimer ce qu’on fait » (Laurence Badet), « aimer son métier » (Pierre Broizat), « adore[r] son métier » (Sébastien Pichereau). Le mot « passion » ou « passionné » est cité à de nombreuses reprises (Joël Bazin, Pierre Broizat, David Russeil, Pascal Moine, Christophe Ip Yan Fat, David Verdier, Sébastien Pichereau, Frédéric Bessonnet, Ludovic Guillot, Michaël Benion, Patrick Mias). Attention néanmoins, explique David Verdier, « la passion ne fait pas tout, […] la boucherie, c’est un métier, ça s’apprend ».
À cela vient s’ajouter l’appréciation du produit. Le boucher doit « aimer la viande, savoir l’apprécier […] au goût, mais pas que le goût aussi » (Philippe Soulard), « savoir bien manger, forcément […][,] aimer la viande, naturellement » (Joël Bazin), « faut aimer la viande » (David Verdier). Cette appréciation n’est pas seulement gustative, comme le dit François Mulette, il faut « aimer toucher la viande […][,] aimer l’animal, travailler la viande, aimer manger la viande, c’est un tout », tout comme Patrick Mias, qui indique qu’il « faut vraiment aimer le produit, aussi bien au niveau du toucher que du goût ». Le toucher aussi important que le goût, ainsi que le décrit Laurence Badet :
Malgré tout, et ça c’est aussi bien propre à l’homme qu’à la femme, c’est le premier contact avec la matière première… Quand vous commencez à toucher la viande, si vous vous dites « c’est un contact que j’aime pas », il faut tout de suite vous dire « je change de métier ». Parce que c’est votre matière première et vous l’aurez toute votre vie entre les mains.
Laurence Badet livre d’ailleurs plus loin une remarque qui retient, pour finir, notre attention : « la viande c’est un animal mort, ça on revient pas dessus. Mais par contre, en tant que professionnel, si vous voulez être un bon boucher, il faut vous dire que [la viande,] c’est une matière vivante, à laquelle, vous, avec votre expérience de boucher, vous donnez une autre vie. […] On va pas aller jusque-là, mais [c’est] un peu « rendre hommage » à la matière vivante qu[e vous] travaille[z] ». Réapparait ici la notion de « respect » de l’animal mort, pourtant décrit comme matière « vivante », comme si le boucher œuvre au respect de l’être mort.
Cette idée apparaît en filigrane dans d’autres discours, comme celui de Kristofer Rault, qui nous dit qu’il cherche à « revaloriser l’animal de sorte qu’il soit pas mort pour rien ». On parle du « respect de l’éleveur et de l’animal » (Anne-Sophie Conjat-Bach), du « respect de la matière » (François Mulette) : « travailler la viande avec le respect, le respect de la matière […], parce qu’on travaille une carcasse, et avant ça, c’était un animal, qui a été bichonné, élevé, par quelqu’un qui a mis tout son cœur là-dedans » (Christophe Ip Yan Fat). Même le consommateur est, dit-on, demandeur de cette considération pour la viande, puisque « les clients se dirigent aussi sur une viande bien travaillée, respectée » (Philippe Soulard).
Et même si le mot employé distingue très clairement l’objet-viande, envisagé comme une ressource, de l’animal, on parle toujours de ce respect envers « notre marchandise, parce que c’est déjà une marchandise qui est très noble » (David Russeil). On parle du « respect du produit » (David Russeil) tout comme Pascal Moine qui conseille de « respecter le produit que tu achètes, c’est-à-dire acheter un bon produit mais le respecter en le travaillant ».
Guidés par Pascal Moine, boucher à Givry, mais aussi par Guy Tourdias, artisan boucher à Dijon et en présence de Victor Martinet, de la CFBCT, nous avons pu observer une évaluation commentée de plusieurs bêtes sur pieds présentées dans la halle dédiée (le Hall C). Il nous a ainsi été présenté à la fois ce qui est recherché et comment on détermine si la bête entre en adéquation avec la recherche.
Le boucher qui observe les bêtes va donc chercher 2:
- la finesse du « grain de viande », en pinçant la peau situé sur l’arrondi de culotte de la bête. « Il y a un critère qui ne trompe jamais, c’est le cuir, s’il se décolle ou pas. Tu choppes le cuir, si tu le prends et s’il se décolle… plus le cuir est fin, plus la viande est tendre. […] Quand le grain de viande est fin, t’as de la tendreté. »
- la finesse d’os, en observant la naissance de la queue et la largeur des pattes. « Ça, c’est pas une bouchère pour moi. […] La structure est trop osseuse. […] Aujourd’hui, c’est la première chose que tu regardes, la naissance de la queue. Là, la queue elle est grossière, elle est grosse. C’est pas le bon plan. Les pattes… c’est beaucoup trop gros. »
- de la masse, en regardant la ligne de dos, l’arrondi de culotte et le « galbe » général de la bête. « Regarde le galbe de la cuisse, c’est magnifique ! […] Là, elle a le type un peu culard. Tu regardes ses pattes : tu vois la finesse des os ? Déjà, ça te donne un rendement extraordinaire. Elle a le dos un peu creusé, mais elle a un peu de dos. Nous ce qu’on recherche c’est beaucoup d’arrière, et pas d’avant. »
- un état d’engraissement, en touchant différentes parties du corps de la bête. « Après on re garde le gras… je sais pas comment vous l’appelez, nous on dit la « panoufle » […] [GT] C’est pour l’état d’engraissement, tu touches les côtes aussi, des fois on sent un petit peu… »
L’objectif de cette évaluation sur pieds est, pour le boucher, double. D’un côté, celui-ci recherche la meilleure qualité de viande (sa tendreté par exemple), et, de l’autre, le meilleur rendement poids / carcasse, c’est-à-dire essayer d’obtenir le poids minimum pour les os et ainsi le maximum pour la viande – qui va être vendue. « Une bête comme ça, elle fait pas 500 kg, mais par contre, un rendement extraordinaire. […] [GT] Quand t’as 60% de rendement, c’est bien. Sur une bête comme ça, j’ai fait des 68%, mais c’est exceptionnel. »
En assistant à une démonstration d’affûtage de couteau, menée par le MOF formateur de l’ENSMV François Mulette et la société Fischer, puis en nous entretenons avec Jérôme Brutus, représentant de l’entreprise Fischer, nous avons pu comprendre certains enjeux actuels de l’importance de la qualité du couteau pour le boucher.
François Mulette fait, avant de commencer la démonstration, une distinction sémantique préalable. L’affûtage est le processus par lequel on aiguise un couteau avec une meule. L’affilage, quant à lui, se fait avec un fusil.
L’affûtage est une action essentielle pour le boucher. Cela lui permet de se protéger et protéger les gens qui travaillent avec le couteau. Car un couteau mal aiguisé peut être synonyme, à terme, de problèmes médicaux pour les praticiens : la coiffe des rotateurs (dans l’épaule) qui s’abîme, le coude sujet à tendinites, le poignet qui s’use. L’affûtage permet aussi d’améliorer le confort de travail et la précision. Un couteau bien affûté permet aussi de gagner du temps dans la découpe. C’est un gage d’efficacité.
L’action d’aiguiser son couteau n’est pas, toutefois, aisée. Lors de la démonstration, c’est une machine très poussée qui permet de calculer le « pouvoir de coupe » du couteau. Pour le boucher en revanche, qui ne dispose pas de ce matériel, « c’est une science qui nécessite un savoir-faire. On peut aussi utiliser un couteau sans savoir l’affûter. Affûter, c’est tout un art », nous explique Jérôme Brutus. Qui ajoute, d’ailleurs, que c’était souvent le boucher qui était sollicité par les chefs cuisiniers des alentours pour aiguiser les couteaux.
Jérôme Brutus est disposé à nous transmettre plus d’informations sur le marché des couteaux de boucheries et nous expliquer les enjeux actuels pour l’entreprise Fischer. Il nous dit, d’ailleurs, à demi-mot que la demande en couteau est différente selon les types de bouchers : la demande des artisans bouchers va ainsi se distinguer de celle des supermarchés. L’outil est donc peut-être un élément-clé pour comprendre la distinction qui se joue entre boutique artisanale et supermarché, au niveau de la découpe.
Ce salon fut non seulement l’occasion de mener les enquêtes ci-dessus mais aussi d’assister à un événement unique dédié aux métiers de boucher, charcutier et traiteur. Parmi les événements auxquels nous avons assisté figurent une démonstration de technique bouchère par l’équipe de France de la Boucherie et une démonstration d’affûtage de couteau. En outre, nous avons pu assister avec Pascal Moine, boucher à Givry, à une évaluation commentée de plusieurs bêtes sur pieds présentées dans la halle dédiée.
Les premiers entretiens menés dans les couloirs du salon nous permettent de cerner quelques discours récurrents autour du métier de boucher. Parmi eux, l’importance de la filière et la conception du boucher en tant que maillon central entre d’un côté l’éleveur/l’abatteur et, de l’autre, le consommateur ou le chef. Les détails donnés au sujet du « travail » ou de la « préparation » de la viande soulignent l’importance du geste, de la dextérité du boucher, mais aussi, dans une certaine mesure, la spécificité française de découpe. Ce métier, qui implique, selon les personnes interrogés, d’ « avoir la passion », mais aussi d’apprécier la viande, au point d’être en mesure d’offrir un ultime respect à l’animal.
Ces entretiens nous permettront de préparer une méthodologie d’enquête plus poussée, pour laquelle nous essaierons d’interroger à nouveau les vingt-cinq personnes rencontrées dans les couloirs du Salon. De premières thématiques importantes semblent ainsi tracées, que nous pouvons compléter grâce à l’enquête statistique, notamment l’importance du couteau (du désosseur en particulier), de la découpe et l’intérêt pour la patrimonialisation.
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
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