La danse des Treilles est une pratique populaire du Bas-Languedoc, réalisée dans la plaine viticole autour de Béziers d'une manière ininterrompue depuis la Renaissance.
La danse des Treilles a trouvé à Béziers, centre viticole historique, une signifiance forte au travers de cadres de pratique spécifiques et séculaires : fête du vin, fête de Saint-Aphrodise, Caritats.
La danse des Treilles est une pratique populaire du Bas-Languedoc, réalisée dans la plaine viticole autour de Béziers d'une manière ininterrompue depuis la Renaissance. La danse des Treilles a trouvé à Béziers, centre viticole historique, une signifiance forte au travers de cadres de pratique spécifiques et séculaires : fête du vin, fête de Saint-Aphrodise, Caritats. La danse est présentée également lors de fêtes populaires, de divers événements du calendrier agricole de l'ancienne société paysanne, et devant les monarques et chefs d'État en visite dans la ville. La tradition de la danse des Treilles, transmise de manière corporative ou familiale depuis le XVIe siècle, s'accompagne à Béziers de traditions séculaires, notamment le totémisme héraultais et la pratique du hautbois languedocien. La danse connaît également, au cours des siècles, une pratique soutenue dans l'Hérault et l'Aude, notamment à Pézenas, Montpellier et Narbonne.
La danse est également organisée lors de nombreux événements sociaux de l'Ancien régime à la Ve République, et devient de fait un témoin, voire en certaines occasions une actrice, de l'Histoire régionale et de l'Histoire de France : elle accompagne les révolutionnaires en 1790, la visite impériale de Napoléon III en 1852, l'évasion des officiers français de l'Oflag 17A en 1944 (La grande évasion)...
Au fil des siècles, la danse des Treilles est ainsi devenue à Béziers et en Bas-Languedoc une part incontestable de l'identité locale.
L’association La Farandole Biterroise – Escolo Trencavel (Président : Dr Serge Boyer ; Maîtresses de danse : Mme Florence Boyer - Mme Magaly Pradel – Mme Barbara Piquemal)
Pierre Garau (facteur de hautbois et de fifres traditionnels du Languedoc)
L’association Los Gavelaires d'Ouveillan (Présidente : Mme Muriel Orth), Association la Garriga lengadociana (Présidente : Mme Assié)
L’associations Lo polin de la fabo (Vias) et Les Treilles Cazoulines (Cazouls-lès-Béziers)
Région Occitanie, départements de l'Hérault et de l'Aude, ville de Béziers, ville de Ouveillan, ville de Montpellier
La danse des Treilles se pratique en Bas-Languedoc ; elle est réalisée dans une zone correspondant à la culture intense de la vigne, entre le pays Narbonnais et le Montpelliérain.
Aujourd'hui, la danse des Treilles, avec un pas originel tel que décrit dans l'Orchésographie de 1589 et soutenue par les instruments traditionnels adéquats, est pratiquée principalement dans trois communes languedociennes :
Béziers, où une transmission ininterrompue est observable depuis 1691 (Maître de danse Bernard Cavallier), et où les cadres de pratiques séculaires sont encore signifiants ;
Ouveillan (département de l'Aude), où le groupe créé au début des années 1990 (Los Gavelaires) s'inspire du savoir-faire des Treilleurs montblanais (village de Montblanc, département de l'Hérault), formés par les Biterrois Angèle Guévenoux et Léonce Beaumadier ;
Montpellier, où la Garriga lengadociana profite du travail de réinvention effectué par Léon Boulet, professeur de gymnastique au début du XXe siècle. Après plusieurs décennies d'interruption, Léon Boulet s'attelle à la recréation de certaines danses populaires locales en chorégraphiant certaines figures notées par les maîtres de danse Nocca et avant lui Pierre Le Baour. Il reçoit souvent un folkloriste de Béziers, Léonce Beaumadier, avec qui il échange sur les évolutions successives de la danse des Treilles.
Toulouse (danse du Ramelet) – Provence (danse des Jardinières) – Quercy-Rouergue (Ronds du Quercy) – Catalogne espagnole (danse des cerceaux)
La danse des Treilles est une danse populaire, réalisée depuis la Renaissance par les corporations agricoles et paysannes de Béziers, ou par des associations de différentes communes du Bas Languedoc. Il s'agit d'une danse chorégraphique à cerceaux, garnis de rubans blancs et roses, ou de treilles et pampres de vigne. Les figures de cette danse de couple évoquent à la fois les différentes phases saisonnières de la culture de la vigne, et le rapprochement des jeunes gens de la commune jusqu'à l'union maritale sous les Treilles. Cette double signifiance, pendant des siècles de pratique, a conféré à la danse des Treilles un caractère emblématique indéniable dans toute la zone viticole autour de Béziers, longtemps restée la plus étendue d'Europe. Au centre de cette zone, la ville de Béziers et chaque couche de sa société se sont approprié cette danse au fil de siècles de pratique et l'ont maintenue de manière continue jusqu'à nos jours.
La danse des Treilles est menée par un couple de tête, composé d'une Reine des Treilles et d'un chef de jeunesse (Cap de Joven). Ces deux jeunes gens, élus par leurs pairs ou désignés par le ou la maîtresse de danse, indiquent les changements de figure de la danse. Ce sont eux qui, par ailleurs, organisaient la fête de la jeunesse en recrutant les musiciens pour le bal public du soir. Le Cap de Joven et la Reine des Treilles peuvent être dirigés, pendant la danse, par un jeune homme muni d'une baguette à la manière des maîtres de danse antiques ou militaires ; ce jeune danseur, baptisé Ortala dans tout le Languedoc, entame les figures, donne le rythme ainsi que le pas de la danse ; son rôle prépondérant a inspiré la composition d'un refrain tardif (fin XIXe siècle) à la chanson des Treilles :
E Ortala, passa se vos passar, passa dejoust las treilhas
E Ortala, passa se vos passar, passa sin t'arrestar
[Ortala, passe si tu veux passer, passe sous les treilles
Ortala, passe si tu veux passer, passe sans t'arrêter]
Le nom d'Ortala est une référence à un ancien meneur et chef de jeunesse des Treilles de Béziers, ayant officié dans les années 1880 -1900 sous l'égide du maître de danse Albert Quérel.
La danse des Treilles est soutenue depuis la Renaissance par deux hautbois populaires ou par des fifres, et par un ou deux tambours. La facture des hautbois traditionnels en buis, longtemps tournés à la main de manière mécanique, ainsi que la facture des indispensables anches en roseau qui produisent le son du hautbois s'est transmise à Béziers et dans le Biterrois depuis le XVIIe siècle ; un luthier perdure encore à Béziers et assure la transmission.
La pratique de cet instrument spécifique à anche double a pu être pérennisée grâce à deux pratiques traditionnelles : les Treilles de Béziers et Montpellier, ainsi que les joutes nautiques en Agde, à Mèze et bien sûr à Sète. La danse peut également être accompagnée d'un chant en occitan, dialecte languedocien ; les paroles sont souvent modifiées suivant le cadre de pratique, ou la personnalité en visite à laquelle la danse est offerte. Les paroles qui ont rencontré le plus grand succès populaire sont celles des Treilles d'Antoine Barrière (Béziers, 1777), du docteur Bourguet (Béziers, 1825), de Julien Sans (Béziers, 1852), des félibres Louis Roumieux (Montpellier, 1878) et Junior Sans (Béziers, 1892).
À Béziers, la danse se déroule encore dans des cadres de pratique pérennes : fête de Saint-Aphrodise (saint-patron de la ville), Caritats (fête médiévale de Charité), ou encore Solencas, fêtes du vin et des vendanges. Lors de chacun de ces événements, l'animal totémique de la ville est présent et observe la danse en tant que gardien des traditions : il s'agit d'un immense chameau de bois et de toile, manié par plusieurs porteurs dissimulés à l'intérieur, qui témoigne de la bonne réalisation de la danse. Lors du défilé de Caritats, au XVIIe siècle, le Chameau de Béziers a même pu intervenir lors de saynètes théâtrales populaires, dans les rues de la ville, afin d'alerter d'un danger imminent de disparition de la tradition des Treilles ou de toutes autres traditions locales (Discours de Pépézuc sur la discontinuation des anciennes coutumes de Béziers, Jean Martel imprimeur du Roi, 1628).
Chameau et danse des Treilles se partagent les honneurs des événements et des festivités ; ils se côtoient sur les programmes officiels des XIXe et XXe siècles, ils se suivent immédiatement lors des défilés corporatifs ; les paroles de la chanson des Treilles réservent toujours une ou plusieurs strophes à l'animal totémique. Enfin, en 1662 lors de l'interdiction du défilé de Caritats pour cause de « grandes débauches », le Chameau de Béziers et la danse des Treilles sont les seules réjouissances sauvées de l'oubli par la population.
Aujourd'hui, danse des Treilles et Chameau se présentent toujours à la population dans les mêmes cadres de pratiques, auxquels il faut ajouter la Féria du mois d'août, véritable fête populaire, dans l'esprit des anciennes Caritats adaptées à la société actuelle. La danse se pratique dans des costumes traditionnels paysans du XIXe siècle faisant référence à l'âge d'or viticole de la ville de Béziers et du Bas-Languedoc ; les hommes portent un costume intemporel blanc, à la manière des assistants totémiques de l'Hérault ou des jouteurs languedociens.
La danse des Treilles est un branle de la Renaissance d'environ 15 minutes, réalisé par un nombre indéfini de quadrilles de couples. À l'image des branles de la Renaissance, des figures peuvent être rajoutées ou modifiées selon la chorégraphie de la maîtresse ou du maître de danse. Le pas de la danse, issu des pratiques bourgeoises de la Renaissance, est toujours le même ; il est composé de différentes positions et postures artistiques, décrites avec grande précision dans l'Orchésographie de Thoinot Arbeau publiée en 1589 ; il s'agit d'un pas croisé et frappé (le marque-arteil), d'un sursaut sur le pied d'appui suivi d'un léger jeté frontal (le greue). La difficulté technique ainsi que la rudesse du pas impliquent une jeunesse certaine de la part des pratiquantes et pratiquants, afin de le réaliser avec élégance pendant toute la durée de la danse ; ceci expliquant en partie l'arrêt de la pratique dans de nombreuses localités.
Marche d'introduction, timide demande de protection, passage sous la treille, passage sous les treilles, ondulation du serpent, grand serpent, petits pressoirs, grand pressoir, les dais, les lignes de vendange, la demande finale de protection, lo poton (le bisou).
Les termes de « contredanse des Treilles », « branle des Treilles », ou encore « quadrille des Treilles », qui désignent dès le XVIIIe siècle des variations de la danse régionale, témoignent d'une grande liberté artistique, ainsi que de nombreuses inventions locales. En effet, dans la pure tradition du branle médiéval et du quadrille français du XIXe siècle, la danse est évolutive ; elle est composée de figures variées, choisies dans l'incommensurable liste de contredanses connues de tous les pratiquants dans les salons bourgeois ou aristocratiques (dictionnaires de danse de Desrat, 1895, ou de Compan, 1898). La pratique séculaire de la danse populaire des Treilles semble s'établir selon le même principe et propose, suivant les localités, un agencement de figures différentes ; les interruptions de pratique à Montpellier, Pézenas ou Narbonne, et dans les villages environnant au cours du XIXe siècle, ont probablement causé la perte de certaines figures locales. Les revivals successifs, afin de rétablir la pratique, ont probablement dû se baser sur l'existant : la version de Béziers.
Aujourd'hui la danse des Treilles est pratiquée par des associations loi 1901, qui profitent soit de la transmission ininterrompue dans la région de Béziers, soit du travail de collectage effectué par les folkloristes héraultais du XXe siècle.
Occitan, dialecte languedocien ; français.
La danse des Treilles à Béziers et dans le Languedoc
La dansa de las Treilhas de Bésièrs
Hérault, Béziers, Basilique Saint-Aphrodise.
N° de notice Mérimée : PA00103373
- Cerceaux garnis de rubans ou de treilles de vigne ;
- Fifres et hautbois populaires du Bas-Languedoc (Pierre Garau, luthier à Béziers)
Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature en 1904, écrit dans son Trésor du Felibrige : « le hautbois, instrument national du Languedoc » et ajoute « Li filho de l'auboi, les danseuses » (Les filles du hautbois, les danseuses).
Actuellement, la danse des Treilles, son pas issu de la Renaissance et ses figures chorégraphiées au cours des cinq derniers siècles, sont enseignés dans un cadre associatif par La Farandole Biterroise – Escolo Trencavel. Cette association loi 1901 fut fondée en 1937, sur le modèle des écoles félibres de Frédéric Mistral, afin de perpétuer les traditions et les dialectes régionaux des pays d'Oc.
L'immense travail de collectage réalisé à l'époque par les responsables de l'association (Léonce Beaumadier, Jeanne Barthès et Auguste Domergue) auprès des pratiquants de la danse des Treilles dans le Biterrois à la fin du XIXe siècle a permis de dresser un inventaire complet de la pratique, de la fin de la société paysanne à l'avènement de la société urbaine. Dès lors, la transmission interrompue en certaines localités languedociennes a pu se poursuivre dans le Biterrois et partout en Languedoc selon les spécificités locales (musique, paroles, figures), avec toutefois une certaine uniformisation liée au caractère unique du fonds d'archives biterrois. La rédaction de ces notes manuscrites liées à l'enquête initiale (partitions, descriptions, schémas de danse) est aujourd'hui précieuse pour l'enseignement de la danse qui se poursuit aujourd'hui selon des modes opératoires contemporains : vidéos de démonstration, diffusion sur réseaux sociaux, répétitions présentielles ou à distance, fiches-actions, etc.
Ce fonds d'archives, ainsi que la pratique assidue de la danse par les pratiquants du Biterrois ont servi de modèle pour des réinventions régionales, dans des communes de l'Hérault ou de l'Aude où la mémoire lacunaire des autochtones n'a pas permis une reconstruction complète de la danse.
La danse des Treilles dans sa version uniformisée est également transmise aujourd'hui dans les groupes d'Ouveillan (Aude) et de Montpellier (Hérault).
De la Renaissance au tout début du XXe siècle, la transmission du pas et des figures de la danse des Treilles est exclusivement orale. La danse se transmet de maître de danse à maître de danse, dans les corporations dépositaires de la pratique, et parfois par les musiciens eux-mêmes (hautbois et tambours) qui voyagent et monnaient leurs savoir-faire. Après la Révolution française, et la dissolution de nombreuses association et corps de métiers, la transmission se fait dans le cercle familial, probablement lors des veillées et régulièrement lors des fêtes calendaires.
1 – Jusqu'en 1790 : transmission orale dans les corporations locales
2 – Après 1790 : transmission orale dans le cercle familial
3 – À partir de 1892 : transmission orale dans le cercle familial et transmission institutionnelle
4 – À partir de 1937 : transmission associative avec supports manuscrits ou tapuscrits
5 – Aujourd'hui : transmission associative et numérique
* Association La Farandole Biterroise – Escolo Trencavel (Président : Dr Serge Boyer ; Maîtresses de danse : Mme Florence Boyer- Mme Magaly Pradel – Mme Barbara Piquemal)
* Pierre Garau (facteur de hautbois et de fifres traditionnels du Languedoc)
* Associations Los Gavelaires d'Ouveillan (Présidente : Mme Muriel Orth), Associations la Garriga lengadociana (Présidente : Mme Assié)
* Historiens et ethnologues : M. Henri Barthès (Société archéologique de Béziers) M. Jacques Nougaret (fête de Saint-Aphrodise à Béziers)
* Maîtresse et maîtres de danse :
- Mme Garau Bernadette (Béziers, groupe de treilles Les Jardinières de l'Orb)
- Mme Tardieu Jeanne (Béziers, Reine des Treilles de l'Escolo Trencavel en 1937)
- Mme Baudou Jacqueline (Béziers, groupes de Treilles Las Cofos lisos, 1960)
- Mme Orth Muriel (Ouveillan, Los Gavelaires, 1990)
- Mme Assié Fanny (Montpellier, La Garriga, 1954)
La première mention connue de la danse des Treilles se trouve dans le Petit Thalamus des archives de la ville de Montpellier ; le texte mentionne l'an 1502, selon le calendrier local des consuls de Montpellier, mais c'est bien en l'an 1503, selon le calendrier grégorien modifié par l'ordonnance de Roussillon en 1563, que les Treilles sont dansées à l'occasion d'une visite protocolaire :
« En l'an mil cinq cens et deux, (…) pour ce que monsieur l'archiduc de Flandres fils du roy des Romains en venant du pays d'Espagne devoit passer par la ville de Montpellier, le Roy nostre sire manda et commanda aux dictz seigneurs consuls que à l'antrée dudit monsieur l'archiduc lui fusse faict telle et semblable honneur que l'on ferait à sa personne […] Les seigneurs consulz, pour festoyer [ledit] seigneur de toutes sortes, firent danser le bailh de la Treilhe, qui fust bien dancee et triunphanment».
Il est toutefois logique d'envisager une antériorité des Treilles à la date mentionnée dans le Petit Thalamus. La dénomination de la danse est elle-même significative : en effet, une danse de treilles nécessite un matériel spécifique, des treilles éponymes, des feuillages, des grappes, des pampres de vignes. Or, le 30 janvier, la vigne est à la taille, ou du moins en état végétatif. Les cerceaux de barrique utilisées pour supporter les treilles sont probablement garnis de rubans, mais pour porter ce nom, la danse avait déjà dû être réalisée auparavant, à un moment de l'année bien plus propice, de la floraison à la maturation. De plus, il est difficile d'imaginer qu'une danse inédite puisse être proposée en spectacle inaugural, lors de l'entrée en ville d'un monarque. La danse des Treilles avait probablement déjà été présentée, et en de multiples occasions, pour mériter l'honneur de représenter la ville au-devant de l'archiduc de Flandres, accueilli sur la demande expresse de Louis XII.
À partir de ce début du XVIe siècle, la pratique de la danse est signalée dans tout le Bas-Languedoc, et surtout dans les villes d’États généraux, Béziers et Pézenas. La visite de Charles IX en 1564 puis celles d'autres personnalités royales confèrent à la danse populaire une dimension royale disputée par toutes ces communes. Apparue durant l'Antiquité, la culture de la vigne se développe plus encore au Moyen-Âge jusqu'à connaître un âge d'or au début du XIXe siècle ; le choix de la monoculture intensive de la vigne de Narbonne à Montpellier dès 1820 provoque une explosion démographique dans certaines communes au centre de la zone de production, notamment à Béziers qui devient pendant plusieurs décennies la capitale économique régionale. La danse des Treilles, déjà pratiquée assidûment dans tout le Bas-Languedoc depuis la Renaissance, trouve soudainement une nouvelle justification. Si la première mention de la danse se trouve dans les archives de la ville de Montpellier en l'an 1503, c'est au centre du département de l'Hérault, au cœur du vignoble bas-languedocien, que la danse va susciter le plus grand engouement populaire. Béziers et Pézenas, demeurées des villes populaires de viticulteurs, multiplient les associations de danseuses et de danseurs de Treilles dans la tradition paysanne, tandis que Montpellier, industrialisée, urbanisée et devenue un centre politique régional, tourne le dos à l'ancienne société paysanne dès la fin du XIXe siècle. La population montpelliéraine ne peut plus, de fait, maintenir une tradition paysanne vécue. En 1892, la ville de Montpellier désire renouer avec ses traditions populaires et présenter à sa population une danse des Treilles qu'elle ne pratique plus. La municipalité montpelliéraine demande alors le prêt de treilleuses et de treilleurs, de costumes et d'hautboïstes traditionnels ; Narbonne et Pézenas n'en ont plus ; Béziers en a trop, mais son maire décide jalousement de garder sa danse et son organisation complète pour l'honneur seul de Béziers, et refuse la proposition financière de Montpellier. Cet épisode de la Révolution industrielle locale marque un tournant dans la pratique géographique de la danse des Treilles languedociennes. Dès lors, la pratique demeure vécue et signifiante dans le Biterrois, du fait d'une population agricole forte, et représentée dans la plupart des autres localités du Bas-Languedoc.
Au cours du XIXe siècle, Béziers et le Biterrois, Pézenas et le Piscénois, ainsi que Montpellier se disputent sinon la maternité, du moins l'excellence de la réalisation de la danse des Treilles. Ce n'est pas la première fois : durant l'Ancien Régime, ces communes se disputaient déjà les honneurs royaux, la tenue des États généraux du Languedoc, l'organisation de foires et marchés officiels... A la toute fin du XIXe siècle, la danse des Treilles constitue toujours un véritable enjeu culturel, hérité de l'époque monarchique ; les municipalités organisent une danse qui, du reste, est localement entretenue par des associations de quartier, héritées des anciennes corporations, par certains établissements scolaires et ponctuellement dans certains villages viticoles.
La pratique de la danse des Treilles semble plus tardive dans le Narbonnais, même si l'usage du hautbois populaire, adjuvant indispensable à la danse, est noté dès le XVIIIe siècle dans les contrats d'apprentissage ; les Treilles ont été dansées pour les entrées royales, et lors de festivités populaires comme la fête de Saint-Just. Les revivalismes du XXe siècle ont permis à des folkloristes locaux, dont Marie Finestre, de rapporter une chorégraphie similaire à la version Biterroise et Montpelliéraine de la danse, avec l'adjonction de figures complexes comme le double pressoir, qui nécessite un nombre important de danseurs.
L'histoire retient plusieurs maîtres de danse masculins dont Viguier, à la fin du XIXe siècle, qui ne parvient pas à vendre ses talents dans d'autres localités en proie, tout comme Pézenas, à l'exode rural. Une version particulière à un cerceau par danseur -et non un cerceau par couple comme il était l'usage depuis la Renaissance- se développe dans la région de Pézenas, notamment à Saint-Pargoire. Cette version, parfois décriée après-guerre par les folkloristes, est probablement issue d'une invention du maître de danse Biterrois Gabriel Picarel dans la première moitié du XXe siècle ; son groupe, très important en nombre de danseuses et danseurs ainsi qu'en nombre de représentations annuelles, faisant école. Son influence est allée jusqu'à une collaboration avec l'ethnologue français Joseph Canteloube qui choisit cette version tardive de la danse des Treilles dans une publication dédiée de 1943.
La longue tradition montpelliéraine de la danse des Treilles est sèchement interrompue par l'industrialisation. Avec le professeur de gymnastique puis maître de danse Boulet, la danse passe du vécu paysan au représenté scénique. Ce sont les paroles du Félibre Louis Roumieux, écrites à l'occasion des grandes fêtes latines organisées à Montpellier en 1878 par Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature, qui marquent toutefois la pratique régionale. Son refrain « E i o tan là, passa se vos passar (…) inspire les paroles régionales actuelles, modifiées à Béziers vers 1892 : « E Ortala, passa se vos passar ».
C'est la localité qui a conservé les derniers cadres de pratiques séculaires et signifiants : Fêtes de Caritats, Saint-Aphrodise, fête du vin. C'est l'Escolo Trencavel, association des Félibres de Béziers, qui entreprend le collectage massif de tous les arts et traditions populaires du Bas-Languedoc en 1937. Son responsable Léonce Beaumadier constitue ainsi de 1937 à 1980 un fonds d'archives unique sur les pratiques populaires du Bas-Languedoc et du grand Biterrois. Des dizaines de milliers de pièces manuscrites, tapuscrites, iconographiques concernant le patrimoine traditionnel local : danses, instrumentation, chants d'accompagnement, partitions, totémisme... Ce fonds exceptionnel permet d'observer des variations mélodiques importantes de la danse dans les villages du Biterrois : Vendres, Lodève, Lespignan, Abeilhan. Il permet en outre de retrouver des dizaines de paroles différentes à la chanson des Treilles, de 1777 à la Libération.
Ce sont les jeunes gens de chaque commune qui réalisent la danse ; à Béziers comme dans de nombreux villages de l'Hérault, les jeunes hommes et jeunes femmes étaient choisis dans les différentes corporations dépositaires de la danse : la corporation des laboureurs, celle des jardiniers, ou encore celle des viticulteurs. Chaque corporation, occupant chacune un quartier spécifique de la ville, pouvait avoir ses propres danseurs. Lors des manifestations officielles, une seule corporation était en charge de la production publique de cette danse figurant systématiquement à la place d'honneur des programmations. En 1892, la présentation de la danse par l'autorité donne lieu à une organisation démesurée : le choix des danseuses et danseurs se fait selon des critères de probité, sur enquête discrète (archives municipales de Béziers, série 1J19, 1892) et la confection de costumes sur mesure fait passer la danse de la société paysanne à l'ère de l'industrialisation. Pourtant, l'avènement de la société industrielle ne fera pas disparaître la pratique populaire de la danse des Treilles, et des associations de personnes poursuivront dans les différents quartiers de la ville une pratique officieuse, en marge des reconstitutions officielles qui préfigurent le mouvement folklorique du XXe siècle. Cette pratique officieuse permet la réalisation de la danse dans des cadres subversifs (carnavals) et la composition de paroles irrévérencieuses envers l'autorité locale ; en ce sens, la danse des Treilles et le Chameau de Béziers, doué de parole dans le Théâtre populaire de Béziers, partagent une même dimension satirique.
Au XIXe siècle, pendant l'essor méridional de la viticulture et la Révolution industrielle, les pratiquants de la danse des Treilles changent quelque peu. La société bas-languedocienne connaît une mutation sans précédent. De nombreux agriculteurs, viticulteurs, ouvriers des vignes quittent les campagnes languedociennes pour trouver du travail -et du confort- dans les villes. Les jeunes filles partent parfois avant leur famille et se font embaucher en ville comme couturière, chez de riches propriétaires utilisant ainsi leur savoir-faire traditionnel. Ces jeunes filles, surnommées les Grisettes dans toute la région, confectionnent costumes, coiffes, et pratiquent un temps les danses traditionnelles jusqu'à ce que, attirées par les nouvelles modes artistiques venues d'Europe ou d'outre-Atlantique au début du XXe siècle, elles ne tournent le dos aux anciennes traditions paysannes. L'avènement des associations culturelles, ainsi que la peur de l'avenir causée par les guerres mondiales ou la crise économique de 1929 procureront à la danse des Treilles de nouveaux pratiquants, et surtout de nouvelles pratiquantes.
En effet, ce nouveau changement dans la pratique de la danse des Treilles suit les progrès de la société toute entière au travers de l'émancipation féminine. Les françaises, accédant après la Première Guerre mondiale à des emplois jusque-là occupés par les hommes, obtiennent des droits civiques et professionnels. Dans la première moitié du XXe siècle, la direction des Treilles biterroises change de sexe ; exclusivement masculine depuis la Renaissance, elle se trouve des maîtresses de danse, des
félibresses majorales, des folkloristes reconnues qui entretiennent la tradition dans le Biterrois, et achèvent ailleurs le travail de folklorisation des anciennes traditions paysannes. Alors que les premières grisettes régionales avaient progressivement tourné le dos aux pratiques de leurs pères et mères, les jeunes filles de l'entre-deux guerres et de la Libération prennent en main le devenir d'associations locales qui deviennent, sous l'égide du Musée national des A.T.P. de Paris, des groupes d'arts et de traditions populaires. Léonce Beaumadier, à Béziers, est probablement le premier à laisser les rênes du groupe de treilleuses et treilleurs de l'Escolo Trencavel à deux jeunes femmes : Angèle Guévenoux tout d'abord, qui mène les Treilles dès 1937, puis Jeanne Tardieu, filleule du folkloriste, qui la rejoint après-guerre. Celle-ci travaille avec d'autres membres actifs de l'Escolo Trencavel, Gabrielle Roqueblave, puis sa fille Bernadette, puis sa petite-fille Florence en 2002, afin de conserver la pratique folklorique dans le giron félibre régional. Entre-temps, Jacqueline Baudou, puis Annie David avaient entretenu la pratique biterroise pendant plus de trente ans.
Ailleurs dans l'Hérault, la parité devient réelle juste après la Libération : La Montpelliéraine Evrard, descendante de Léon Boulet, reprend les Treilles locales, tandis que dans l'arrière-pays biterrois Jeanne Barthès alias Clardeluna assure la sauvegarde de la pratique au travers de son travail d'auteure, et de la fondation du Sourire Cazadarnol, groupe de danses et musiques traditionnelles.
Le début du XXe siècle remet également en lumière la pratique caritative médiévale de la danse des Treilles ; en effet le 17e régiment d'infanterie, basé à Béziers et qui se distinguera lors des tragiques événements viticoles de 1907, met en place, avec une association caritative locale, une structure d'organisation de la danse des Treilles qui perdurera jusqu'à la Première Guerre mondiale.
Certains groupes de grande qualité, inscrits dans la transmission régulière du Biterrois, se sont éteints au début du XXIe siècle ; ils officiaient dans les villages de Montblanc, Saint-Pargoire, Boujan sur-Libron, et dans le montpelliérain : Mauguio et Saint-Just.
Enfin, des associations locales, des ateliers de danse ont pu organiser sur une durée allant de quelques années à quelques décennies des évocations de la danse des Treilles, avec un pas simplifié et des figures allégées, permettant la continuation de la pratique. Au cours du XXe siècle se sont ainsi succédé des organisations et des groupes de Treilles dans différentes localités de l'Hérault : Vias, Agde, Adissan, Lodève, Cazouls-lès-Béziers, Vendres, Sauvian, Abeilhan...
Principales dates de réalisations officielles de la danse des Treilles en Bas-Languedoc (cette chronologie ne tient pas compte des multiples occurrences officieuses, populaires et spontanées de la danse) :
1503 Première date connue de réalisation ; entrée de l'archiduc de Flandres dans la ville de Montpellier (Le Petit Thalamus, archives municipales de Montpellier, AA9, année 1502).
1564 Seconde date connue de réalisation : voyage du roi Charles IX en Languedoc (Abel JOUAN, Recueil et discours du voyage du roy Charles IX, Jean Bonfons, Paris, 1566).
1777 Treilles à Béziers pour la réception de Monsieur, frère du Roy (Chanson des Treilles par Antoine Barrière, fonds d'archives Léonce Beaumadier).
1790 Béziers, fête de la fédération (14 juillet) – Treilles et bal public (Comptabilité de la commune de Béziers, Archives de la Société Archéologique de Béziers, 1790).
1810 Treilles biterroises pour le mariage de Napoléon 1er et de Marie-Louise d'Autriche (Registre des Délibérations municipales, séance du 24 mai 1810, archives municipales de Béziers).
1811 Treilles biterroises du Roi de Rome (Programme de la fête de la naissance de Sa Majesté le Roi de Rome, 02 juin 1811, archives municipales de Béziers, IN116-117).
1814 Treilles de la Restauration, au jour de l'Ascension (Circulaire du 08 août 1814, Archives municipales de Béziers, AMB, IJ116 – 117).
1823 Treilles pour le Duc et la duchesse d’Angoulême en visite à Béziers ((archives municipales de Béziers, série 1J19).
1824-1825 Treilles pour Charles X (CL. ROUCHER-DERATTE : La Fête des vendanges ou celle de l’avènement au trône de Charles X ; Pastorale en deux actes suivis du ballet des Treilles, Imprimerie X. Jullien, Montpellier, 1824 ; et « Visite de Charles X », archives municipales de Béziers, série 1D27).
1852 Treilles Biterroises à Louis-Napoléon Bonaparte (Raymond ROS, « Louis-Napoléon Bonaparte à Béziers », dans Pages d'histoire Biterroise, op.cit., p.198.
1859 Treilles pour les grandes fêtes de Caritats à Béziers (« Fêtes de Caritats de 1859 », archives municipales de Béziers, série 1J19).
1878 Fêtes latines de Montpellier (Louis ROUMIEUX, « Lou Branle de las Trelhas » dans la revue des langues romanes, cinquième volume de la deuxième série, page 281).
1890 Centenaire de l'Université de Médecine de Montpellier (Édouard MARSAL, VIe centenaire de l'Université, Hamelin frères, Montpellier, 1890.
1892 Inauguration de la Fontaine du Titan et de la foire-exposition de Béziers ; paroles de Junior Sans (Inauguration de statues, série 1J19, archives municipales de Béziers).
1939 Réception du président de la République Albert Lebrun ; danse des Treilles à Béziers et Montpellier.
1941 Fête de la Légion à Béziers (légende photographique, mars 1941, fonds Léonce Beaumadier, carton n°8).
1942 Réminiscence des fêtes de Caritats à Béziers (L.P. GUIRAUD et T. CADERAT, Caritatchs, tract publicitaire, février 1942).
1944 Danse des Treilles dites « de diversion » permettant l'évasion de 132 officiers français de l'Oflag-17A -d. (occurrence éludée du script de La grande évasion, film de John Sturges, 1963).
À l'origine, ce branle Renaissance qu'est la danse des Treilles, au pas de salon et de cour décrit par Thoinot Arbeau dans l'Orchésographie, était une prérogative aristocratique. La population languedocienne a progressivement récupéré cette danse jusqu'à devenir la principale dépositaire de son exécution et de sa transmission. Réalisée à la demande des autorités dans des cadres officiels, elle a peu à peu trouvé d'autres cadres de pratique beaucoup plus populaire lors des Solencas (fêtes de fin de vendanges), ou encore lors des mariages, des fêtes de charité... En empruntant des mouvements et des cadres de pratique dans chaque société, elle s'est mue au fil des siècles en un véritable ciment entre les individus, de la bourgeoisie et de l'aristocratie à la population agricole et rurale.
La danse des Treilles, si elle a survécu aux mutations de la société languedocienne, a profité tout comme les autres pratiques populaires et traditionnelles régionales de plusieurs revivalismes. Ceux ci ont provoqué un engouement certain pour les danses et musiques populaires, ainsi que pour leurs cadres de pratique habituels ; cependant, ces moments de renouveau soulignent la détérioration technique de la pratique au fil du temps, et deviennent eux-mêmes, paradoxalement, la cause d'altérations manifestes aux pratiques qu'ils sont censés sauver. En Bas-Languedoc, la pratique bas
languedocienne des danses et musiques traditionnelles connaît ainsi quatre revivalismes, quatre moments majeurs de renouveau :
Le premier est celui de l'industrialisation ; la Révolution industrielle de la fin du XIXe siècle cause des déplacements de populations dans la majeure partie de l'Europe occidentale et un exode rural souvent définitif. D'une manière précoce, certaines traditions populaires passent rapidement de la pratique régulière à l'oubli total. La constitution d'une toute nouvelle société civile, les peurs liées à un changement radical de mode de vie, de mœurs et de civilisation provoquent un repli identitaire, ainsi que l'apparition des premiers groupes folkloriques urbains. Les Treilles connaissent à ce moment précis une pratique à la fois traditionnelle et folklorique ; le costume pour la danse, jusqu'alors en constante évolution selon les modes, commence à se figer.
Le deuxième, le revival populaire, intervient dans les années 1930. Les malheurs et les pertes culturelles causés par la Grande Guerre provoquent un regain d’intérêt majeur à l'égard de la culture locale. Les prémices de l’Éducation populaire, ainsi que l'avènement d'une société bienveillante, favorisée par la politique socioculturelle du Front populaire, permettent aux populations citadines, aux travailleurs ouvriers ou à la nouvelle bourgeoisie de retrouver des activités locales de loisirs. Les Treilles retrouvent une grande popularité ; le costume définitif choisi est celui de l'âge d'or viticole de la ville (1850 - 1870).
Le troisième revival est celui des folkloristes du territoire. La danse des Treilles retrouve localement des cadres de pratiques tombés en désuétude, ainsi que des scènes internationales lors des premiers festivals folkloriques. Le dernier revival est celui de l'identité régionale. Dans toute la région, la lutte politique, économique et culturelle occitane qui anime les années 1970 met à mal une certaine partie de la culture traditionnelle locale, qui apparaît pour certains désuète et inadaptée aux bouleversements socio-économiques contemporains ; en effet, les anciennes traditions paysannes, les danses, les instruments, les costumes font référence à une civilisation qu'une certaine population considère comme disparue. Cependant, la danse des Treilles de Béziers profite encore à cet instant d'une mémoire collective forte, ainsi que des cadres de pratiques séculaires (fêtes du vin, de Saint Aphrodise, et Caritats). L’engouement pour les Treilles reste fort et la danse demeure populaire.
Les pratiques traditionnelles de la société populaire en Bas-Languedoc ont à la fois profité et pâti des revivalismes français. La danse des Treilles n'a pas échappé à ce phénomène dans de nombreuses localités, mais a pu se pérenniser grâce à une transmission régulière : nombreuses formations de danseurs dans les quartiers de Béziers, enseignement de la danse dans les écoles du Biterrois de 1890 à nos jours, pratique habituelle de la danse des Treilles lors des fêtes très populaires et signifiantes actuelles : fête du vin, fête du saint-patron de la ville, féria de Béziers, Escale-à-Sète, Santo-Estello régionale, Total Festum, festivals occitans, etc. En trouvant de nouveau cadres contemporains de réalisation, la danse des Treilles attire de nouveaux pratiquants ; aujourd’hui la pratique n’est plus corporative mais publique.
La danse des Treilles est actuellement réalisée dans la région viticole de Béziers et dans certaines communes du Bas-Languedoc. À Béziers, la Farandole Biterroise – Escolo Trencavel, créée en 1937, profite d'une transmission locale avérée depuis le XVIIe siècle, ainsi que de cadres de pratique pérennes. À Ouveillan et Montpellier, la danse est encore observable sous sa forme originelle mais ses cadres de pratiques sont irréguliers ou réinventés. Au cours des XXe et XIXe siècles, certaines localités ont pu pratiquer ou pratiquent encore la danse des Treilles sous des formes très simplifiées (Agde, Vias, Cazouls-Lès-Béziers…).
De nombreuses localités de la plaine biterroise, qui ont excellé pendant des décennies dans la réalisation technique de la danse, ont interrompu récemment la pratique, faute de pratiquants : Montblanc, Saint-Pargoire, Pézenas... La Révolution industrielle de la fin du XIXe avait déjà causé une désertification des campagnes et mis à mal la transmission de la pratique ; les deux guerres mondiales ont achevé ce phénomène démographique néfaste pour le Bas-Languedoc. Aujourd'hui, la mutation de la société languedocienne comporte un risque majeur pour la pratique : la population locale, si elle démontre encore un intérêt majeur pour cette danse emblématique d'une société, de son histoire et de son économie, se mue en spectatrice et non plus en actrice d'une pratique séculaire que, paradoxalement, elle apprécie toujours.
Ainsi, sur les huit groupes qui réalisaient encore la danse des Treilles dans les années 1990 (Béziers, Montpellier, Ouveillan, Saint-Just, Saint-Pargoire, Montblanc, Mauguio, Pézenas) il n'en demeure véritablement que deux à trois.
La danse des Treilles vient de faire l'objet d'une Thèse de doctorat soutenue à l'Université Montpellier III, et publiée en 2019. Cette thèse intitulée La politique des Treilles de l'Ancien régime à la Ve République – Histoire des traditions populaires en Languedoc, a pour but de présenter et d'analyser toutes les recherches qui ont été réalisées sur la pratique, et surtout de transmettre l'ensemble des états de cette pratique durant plusieurs siècles jusqu'à nos jours.
La danse des Treilles connaît encore des cadres de réalisation annuels et ritualisés, qui pour la plupart, sont ceux de l'ancienne société viticole biterroise de la Renaissance jusqu'au XIXe siècle : fête du vin, fête du Saint-Patron de la ville, défilé corporatif de Caritats... De plus, cette danse est toujours réclamée pour les mariages, les fêtes privées comme cela était le cas auparavant. Du fait de sa présence dans la mémoire collective des Biterrois, la danse des Treilles illustre souvent des visuels institutionnels et privés (vœux du nouvel an des municipalités, décors urbains, illustrations d'articles…).
D'autre part cette danse des Treilles, emblématique de tout un terroir viticole, a trouvé dans les festivals folkloriques internationaux des cadres de représentation précieux ; dès l'avènement des grands festivals d'ATP d'après-guerre, les groupes du Biterrois (Escolo Trencavel de Béziers, Association Les Treilleurs Montblanais) ou de Montpellier (Le Mimosa, La Garriga) sont allés présenter cette danse aux quatre coins de France et d'Europe. Le développement des groupes folkloriques ainsi qu'un réseau de festivals partout dans le monde a rendu à la danse des Treilles une visibilité suffisante pour attirer de nouveaux pratiquants.
Les groupes de Treilles actuels communiquent sur les réseaux sociaux et sur des sites internet dédiés :
http://www.farandolebiterroise.fr/
http://los.gavelaires.free.fr/
https://www.facebook.com/La-Farandole-Biterroise
La danse des Treilles a pu profiter dans l'histoire récente de scènes nationales et d'une grande visibilité : fête des provinces (Paris 1955), Festivals de Pékin (2008), de Funchal (2012), de Bonheiden (2016) ...
Actuellement, la danse des Treilles et autres danses traditionnelles profitent de grandes scènes dédiées à Béziers, notamment pendant la Féria, grande fête populaire du 10 au 15 août ; une journée thématique y est consacrée aux traditions méridionales. La danse des Treilles est réclamée dans de nombreuses communes de l’Hérault tout au long de l’année, pour les plus grands événements : Escale-à-Sète (fête maritime bisannuelle), Total Festum (fête occitane annuelle), etc.
La ville de Béziers est reconnue « Ville d'Art et d'Histoire » par le ministère de la culture depuis janvier 2020 ; le dossier de candidature évoque la danse des Treilles et son adjuvant le Chameau de Béziers comme deux pans incontournables de la vie culturelle de Béziers et de son patrimoine immatériel.
La Farandole biterroise – Escolo Trencavel, dépositaire actuel de la tradition des Treilles biterroise, est membre de la F.A.F.N. (Fédération amicale folklorique nationale) et du CID-Unesco. L’association profite d’un soutien financier de la part de la ville de Béziers sous forme d’un crédit d’action ; d’autre part, un projet départemental subventionné se précise autour de la musique de la danse des Treilles : il s’agit de mêler dans un même album les enregistrements du début du XXe siècle avec ceux des musiciens actuels. Enfin, le conseil général soutient la première édition des rencontres de traditions populaires à Puimisson, dans le Biterrois, le second week-end de septembre ; cet événement a pour but la rencontre entre pratiquants de danses à cerceaux (cercles du Quercy, jardinières de Provence, Ramelet Toulousain, els Cercols de Catalogne, etc.)
Il est projeté à partir de 2022 un projet pluriannuel de numérisation complète du fonds d'archives papier Léonce Beaumadier (manuscrits, tapuscrits et iconographie) par le Centre international de recherche et de documentation occitane (CIRDOC) en partenariat avec le service municipal Béziers Patrimoines.
La numérisation du fonds d'archive sonore Léonce Beaumadier, effectuée par les Archives départementales de l'Hérault en 2010-2011, fut temporairement mise en ligne en 2012. Il est actuellement étudié la création d'une plateforme de téléchargement de l'intégralité de ce fonds sonore après traitement, par l'association Farandole biterroise – Escolo Trencavel, en partenariat avec le service municipal Béziers-Patrimoines.
Constitution d'un groupe commun ponctuel et événementiel avec tous les danseurs pratiquants dans la région ; ce groupe sera baptisé « Compagnie des Treilles du Languedoc ».
Inscription pérenne de la danse des Treilles dans la programmation annuelle événementielle de Béziers et de l'Académie du Languedoc (concert aux arènes de Béziers par le Souvenir napoléonien, septembre 2021)
Robert MENARD (Maire de Béziers, président de la Communauté d'agglomération)
Élisabeth PISSARRO (1ʳᵉ adjointe à la culture – ville de Béziers)
Les enseignants d'Histoire et géographie du lycée Jean Moulin de Béziers
Henri BARTHÈS (Société archéologique de Béziers, Majoral du Félibrige)
La danse des Treilles a connu, au cours du XIXe siècle, puis lors du troisième revivalisme (dans les années 1950), une interprétation contestable de la part de certains danseurs, musiciens ou spectateurs locaux, qui voyaient en elle une réminiscence antique. Ce véritable roman régional, à l'image du roman national de la IIIe République, avait pour effet d'attribuer à la pratique pourtant séculaire de la danse des Treilles une origine deux fois millénaire... Il s'agissait de donner à la société bas-languedocienne, soumise aux interférences culturelles méditerranéennes et à de nombreux brassages de populations, une tradition locale commune indiscutable.
D'autres ont revendiqué pour la danse des Treilles - et pour d'autres pratiques corporatives - une signifiance ésotérique, afin d'ajouter à sa signifiance viticole et amoureuse une justification divine. Parmi les ouvrages interprétatifs, citons Maurice L. A. LOUIS, « Les treilles », dans Folklore, n°32, mars 1957, p 38., Jean BAUMEL, Les Danses Populaires, les Farandoles, les Rondes, les Jeux Chorégraphiques et le Ballets du Languedoc Méditerranéen, I.E.O. & La grande revue, Paris, 1958, ou encore Léonce BEAUMADIER, « Las Trelhos », dans Trencavel, n°25, Béziers, janvier 1939 qui écrit : « La danso de las Trelhos es segurament la mai anciano de nostros dansos. Lou Roumani nous ven dels Roumans ou dels Galezes, mas las Trelhos nos venoun dels Grecs. Dins la festo de Caritach, autrament dich lou Trioumfe de Beziès, que remonto siloun la legendo, al cinquième sègle, las Trelhos an figurat tant val dire toujours ».
[La danse des Treilles est assurément la plus ancienne de nos danses. Le Romarin nous vient des Romains ou des Gaulois, mais les Treilles nous viennent des Grecs. Dans la fête de Charité, autrement dit le Triomphe de Béziers, qui remonte selon la légende, au cinquième siècle, les Treilles ont quasiment toujours figuré].
En dehors de ces interprétations, nombre de praticiens (musiciens, conteurs, chansonniers, observateurs locaux, poètes, illustrateurs...) ont loué la danse des Treilles pour ses caractéristiques propres : festivité, jeunesse , popularité... « […] C'est en ces fêtes fraîches et naïves, éclairées par notre beau soleil occitanique et décorées d'un ciel constamment azuré, que sur l'air antique et traditionnel de cette joyeuse danse, les habitants des faubourgs et des bas quartiers de notre docte cité composaient une foule de couplets épigrammatiques qu'ils se renvoyaient comme une paume » (Paulinier, « À propos des Treilles », dans l'enquête Fortoul, BNF, Paris, NAF mss 3341, FAL 40599, 1856.
La danse des Treilles est actuellement considérée par les danseuses et danseurs pour ce qu'elle est véritablement : une pratique artistique et historique à la fois éprouvante et élégante. C'est aussi un témoignage de l'Histoire locale et nationale, et un sentiment particulier de s'inscrire dans une longue tradition, en tant que pratiquants, et transmetteurs. C'est ce qu'ont décrit avec beaucoup de verve l’hautboïste Beaumadier, la danseuse et poétesse Clardeluna (Jeanne Barthès), et aujourd'hui les danseurs, historiens, comédiens Boyer, Achard, et Alranq.
- Fonds Léonce Beaumadier, collection privée Escolo Trencavel, Béziers. Consultable. Inventaire réalisé par le Musée du Biterrois (musée de France) entre 2001 et 2003 : fonds papier (manuscrit, tapuscrits, iconographie), fonds sonore, instruments de musiques traditionnels (originaux des XIXe et XXe siècles)
- Sous-fonds Léonce Beaumadier [Fonds documentaire] : https://occitanica.eu/items/show/3302
- Fonds sonore Léonce Beaumadier, consultable aux Archives Départementales de l'Hérault : https://pierresvives.herault.fr/
- Petit Thalamus, « année 1502, Fol. 462 », dans Édition critique numérique du manuscrit AA9 des Archives municipales de Montpellier dit Le Petit Thalamus. Université Paul Valéry Montpellier-III, 2014. Également : Le Petit Thalamus, archives municipales de Montpellier, AA9, année 1502.
- Les Cahiers montpelliérains de Léon Boulet (disparus), copie numérique conservée par l'association Farandole biterroise – Escolo Trencavel.
Bibliographie sommaire
ACHARD Claude : « La danse des Treilles », dans le Bulletin de la Société archéologique de Béziers, volume 5, 2001, p. 89-92.
BARTHES Jeanne, alias CLARDELUNO, « Las Trelhas », dans Trencavel, n°43, juillet 1940, p. 7.
BEAUMADIER Léonce, « Ço Nostre, Las Trelhos », dans Trencavel, n°25, janvier 1939, p. 6-10.
BOYER Serge, La politique des Treilles de l'Ancien Régime à la Ve République, Histoire des traditions populaires en Bas-Languedoc, Béziers, éditions Le Chameau malin, 2019.
BOYER Serge, Le folklore dansé en bas-Languedoc : la politique des Treilles de l’Ancien régime à la cinquième République, thèse : sciences de l’homme et société : Université Montpellier 3, 2018,
disponible sur: https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02155001 [consulté le 06/05/2021]
CANTELOUBE Joseph, La Danse des Treilles, éditions Salabert, Paris, 1943.
DECITRE Monique, Dansez la France, tome I, Dumas, Saint-Étienne, 1946 ; réédition 1957. Anonyme, « Danses languedociennes, lou Chivalet, las Treilhas, la danse des bergers », dans Le magasin Pittoresque, tome IV, 1836, p. 202-203.
TROUBAT Fernand, La Danse des Treilles et le Chevalet, Hamelin, Montpellier, 1902.
La danse des Treilles – produit par La Farandole Biterroise- 2014 – 5 minutes http://www.farandolebiterroise.fr/danses/les-danses/la-danse-des-treilles/
« La Farandole Biterroise » : http://www.farandolebiterroise.fr/ [consulté le 06/05/2021]
« Fédération Amicale Folklorique Nationale » : http://www.fafn.fr/ [consulté le 06/05/2021]
« Occitanica Encyclopédie » : https://occitanica.eu/items/show/2839
BOYER Florence ; Maîtresse de danse des Treilles
154 chemin des épanchoirs 34500 Béziers
06 19 61 93 08 – farandolebiterroise@wanadoo.fr
ORTH Muriel ; Présidente association Los Gavelaires d'Ouveillan
7 rue du tramway 11 590 Ouveillan
06 27 53 32 06 – orth.muriel@orange
GARAU Bernadette ; Maîtresse de danse des Treilles
154b Chemin des épanchoirs 34500 Béziers
06 78 34 32 21 - garau.pierre.nilha@gmail.com
GARAU Pierre ; Facteur de hautbois
154b chemin des épanchoirs 34500 Béziers
06 07 72 07 94 garau.pierre.nilha@gmail.com
PRADEL Magaly ; Reine des Treilles depuis 2005
11 - Le Somail
06 46 30 02 15 magou18@live.fr
BOYER Serge ; Docteur ès études occitanes
Guide-conférencier, service municipal Béziers-Patrimoines
Président d'associations culturelles
154 chemin des épanchoirs, route de Sérignan, 34500 BEZIERS
06 19 76 13 06 – serge.boyer@beziers.fr
ALBERT Peggy ; Animatrice de l'architecture et du patrimoine VPAH
Comité scientifique « La danse des Treilles de Béziers et du Languedoc »
Lieu(x) et date/période de l’enquête
Béziers - Janvier 2018 -janvier 2020
GISPERT Cyril ; Directeur général du CIRDOC – Institut occitan de cultura
Comité scientifique « La danse des Treilles de Béziers et du Languedoc »
Lieu(x) et date/période de l’enquête
Béziers 2021
MARTEL Philippe ; Chercheur CNRS – Directeur de recherche Université Montpellier III
Chercheur associé
Lieu(x) et date/période de l’enquête
Montpellier & Béziers / 2001-2004 (direction de thèse : La politique des Treilles de l'Ancien régime à la Ve République)
VERNY Marie-Jeanne ; Professeure des universités ; Directrice de recherches Université Montpellier III Chercheuse associée
Lieu(x) et date/période de l’enquête
Montpellier & Béziers / 2016-2018 (co-direction de thèse : La politique des Treilles de l'Ancien régime à la Ve République)
LESPOUX Yann ; Maître de conférences ; directeur de recherches Université Montpellier III
Chercheur associé
Lieu(x) et date/période de l’enquête
Montpellier & Béziers / 2016-2018 (co-direction de thèse : La politique des Treilles de l'Ancien régime à la Ve République)
BARTHES Henri ; Président honoraire de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers Historien – chercheur associé
Lieu(x) et date/période de l’enquête
Béziers / 2000-2021
Date de remise de la fiche : Septembre 2021
Année d’inclusion à l’inventaire : 2022
N° Ministère de la Culture : 2022_67717_INV_PCI_FRANCE_00517
Identifiant ARKH : <uri>ark:/67717/nvhdhrrvswvkswd</uri>
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
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