Chez les Businenge, ou Noirs-Marrons, de la Guyane française et du Suriname (il s’agit de populations descendantes d’esclaves ayant fui de plantations hollandaises au Suriname, essentiellement au 18ème siècle), est réalisé un rite de passage nommé gi pangi, permettant aux jeunes filles de devenir des femmes adultes (pangi uman) aux yeux de la communauté.
Le pangi est un pagne qui, enroulé autour de la taille, servait de costume féminin quotidien. Il est porté de nos jours dans certaines occasions telles que des cérémonies collectives comme le gi pangi.
Chez les Businenge, ou Noirs-Marrons, de la Guyane française et du Suriname (il s’agit de populations descendantes d’esclaves ayant fui de plantations hollandaises au Suriname, essentiellement au 18ème siècle), est réalisé un rite de passage nommé gi pangi, permettant aux jeunes filles de devenir des femmes adultes (pangi uman) aux yeux de la communauté. Le pangi est un pagne qui, enroulé autour de la taille, servait de costume féminin quotidien. Il est porté de nos jours dans certaines occasions telles que des cérémonies collectives comme le gi pangi.
Le gi pangi est une pratique rituelle qui existe au sein des quatre communautés businenge présentes en Guyane (Aluku, Ndjuka, Paamaka et Saamaka), qui regroupent 99 200 individus environ (Price, 2018). Ces communautés sont présentes sur le territoire français suite à la fuite et à la résistance dont elles ont fait preuve, face au système esclavagiste mis en place dans les plantations du Suriname au 18e siècle.
Cette cérémonie peut être observée dans différentes communes (Maripasoula, Papaïchton, Grand-Santi, Apatou et Saint-Laurent du Maroni) et villages (kampu) situés sur la rive française du fleuve Maroni, ainsi que dans le bassin nord-ouest du littoral guyanais (commune d eMana notamment)
Cette pratique se retrouve de manière identique au Suriname, où résident également les populations businenge précitées (hormis les Aluku, très peu présents côté surinamais) ainsi que deux autres communautés, les Kwinti et les Matawaï.
Bien que chacune de ces communautés ait développé au fil du temps une identité culturelle propre, avec des spécificités parfois fortes, elles partagent tout de même un socle historique et culturel commun, ce qui leur permet de s’auto-identifier sous les mêmes appellations de Noirs-Marrons, de Businenge ou encore de Busi Konde Sama.
Dans le cadre des travaux relatifs à la conception de cette fiche d’inventaire du gi pangi, seules les pratiques des quatre communautés présentes sur le territoire français ont pu être interrogées et constituent l’objet de la présente étude.
Avant la cérémonie du gi pangi, un petit pagne appelé kwei, est donnée à la jeune fille lors des premiers signes d’apparition de la puberté, en général vers les 10-13 ans. Ce « pré-pangi » marque aussi le début des préparatifs de la cérémonie du gi pangi.
La cérémonie du gi pangi a généralement lieu entre 15 et 22 ans (voire avant, en cas de grossesse précoce), le plus souvent au moment où la jeune femme commence à fréquenter régulièrement un partenaire ou si elle tombe enceinte. En effet, tant que leur relation demeure clandestine (et, surtout, stérile) elle est tolérée par l'entourage. Cependant, lorsque leurs rapports amoureux deviennent trop voyants ils provoquent alors une rupture dans sa relation envers le bon gadu (littéralement « Dieu de la forêt »), entité jalouse du panthéon de divinités ndjuka, qui pourrait la punir tôt ou tard de maladie sans la protection assurée par la remise du pangi. Habituellement, ce sont des proches ou des habitants du village qui font remarquer aux parents que leur fille est en âge de recevoir le pangi. Ensuite, ce sont majoritairement des membres de la branche paternelle qui vont alors décider de la date à laquelle le pangi lui sera accordé et qui vont se charger de la planification de la cérémonie.
Si la jeune fille qui recevra le pangi a une grande sœur qui ne l’a pas encore reçu, cette dernière devra également le recevoir, afin de respecter l’ordre des naissances.
Les préparatifs du rituel sont effectués par la mère et les tantes de la jeune fille et sont réalisés à l’insu de cette dernière, de façon à ce qu’elle ne cherche pas à se dérober le jour de la remise du pagne. En effet, beaucoup de jeunes filles redoutent cette cérémonie, car immédiatement après elles endossent soudain des responsabilités, doivent représenter la famille et surtout ont désormais à charge de résider dans leur propre logement ou dans celui de leur futur mari. Cependant ce statut apparaît dans d'autres cas comme un gage de liberté et s’avère à ce titre très convoité par les adolescentes. A titre exceptionnel, quand la jeune fille est déjà promise à un garçon, on parle alors de potimofu uman, littéralement « la femme sur laquelle on a mis un nom ».
Lors des préparatifs, le futur mari s’il y en a, les voisins, les amis et habitants du village sont informés de la cérémonie à venir car ils devront préparer un certain nombre de biens (gudu) qui seront remis lors du gi pangi : en principe, il s’agit de plusieurs pangi et autres tissus, d’un hamac (amaka), d’ustensiles ménagers et de cuisine, d’outils pour aller aux champs, de petit matériel de pêche et de mobilier en bois pour la maison, de bois pour la cuisson (faya udu), d’ingrédients et de boissons pour le jour du rituel et surtout d’une bouilloire (ketee) et d’un pot de chambre (doodo) qui serviront pour les ablutions intimes quotidiennes de la femme. Aujourd’hui, d’autres objets de la vie contemporaine sont venus se rajouter à cette liste, telles que des vêtements de ville, des appareils électroménagers et des accessoires et produits de beauté.
Une maîtresse de cérémonie est choisie au préalable parmi les femmes de la famille de la fille concerné (mère, tantes, cousines, le plus souvent une tante paternelle ou maternelle pour les Ndjuka). La femme désignée doit si possible avoir des enfants et ne pas être en deuil.
Le jour de la cérémonie classique, toute la famille, les voisins et les amis sont invités à venir assister à l’évènement sous un carbet traditionnel dédié à cet effet. La maîtresse de cérémonie va tout d’abord présenter la future femme puis va lui retirer ou lui demander de retirer partiellement ses vêtements qui seront remis à une sœur ou à une cousine (n’ayant pas encore reçu le pangi, idéalement). Durant cette phase liminaire du rite de passage, les femmes présentes autour d’elle se permettent parfois de toucher le corps dénudé de la jeune fille.
En général, trois pangi principaux sont remis à la jeune femme au cours de la cérémonie. Un premier est attaché autour de la taille et a pour fonction symbolique de dissimuler sa sexualité naissante. On dit littéralement qu’on « cache sa pudeur » (ai tapu shen). En effet, avoir des relations sexuelles, même consenties, avant la remise du pangi est chose fortement proscrite dans la société ndjuka et constitue une source de déshonneur importante pour la famille de la jeune fille. D’ailleurs, lorsqu’il arrive qu’une femme tombe enceinte avant d’avoir reçu le pangi, seul un tjobo pangi (littéralement « le pangi sale ») lui est accordé, c’est-à-dire un pagne ayant déjà servi, afin de marquer publiquement la désapprobation de la communauté à l'égard de son comportement. En outre, mis à part le ketee et le doodo, aucun cadeau n’est en général offert à celle qui reçoit un tjobo pangi et la cérémonie de passage ne donne dans ce cas pas non plus lieu à un repas ni à une fête de famille.
Une fois le premier pangi enroulé autour de la taille par la marraine qui prononce les paroles suivantes « u gi yu pangi ye » (« nous t’avons remis le pagne »), la femme devient alors officiellement une pangi uman (littéralement une « femme portant le pangi »), dont le statut de femme adulte (accompagné de toutes les conduites normatives qu'il implique) est alors immédiatement et irrémédiablement reconnu de tous. Ensuite, un second pagne est attaché autour de sa tête (qui est, par excellence, le siège de la spiritualité chez les Businenge : Vernon, 1992) afin de protéger son âme (akaa) des esprits malveillants. Enfin, un troisième pagne est posé sur ses épaules par sa marraine, comme le symbole du soutien familial sur lequel elle pourra désormais s’appuyer pour entamer sa nouvelle vie de pangi uman.
C’est alors que vient l’étape du puu doo (mais qui peut aussi parfois avoir lieu jusqu’à plusieurs jours après) qui consiste à prendre connaissance des règles sociales qui incombent à une femme adulte, en particulier celles en rapport avec son intimité féminine. Durant cet échange, la jeune pangi uman se tient assise sur un petit banc en bois appelée bangi et c’est à ce moment que le ketee et le doodo lui sont remis et que la maîtresse de cérémonie assistée d’autres femmes de la famille (mère, tantes, sœurs aînées) va lui expliquer comment elle devra procéder pour faire ses bains intimes végétaux quotidiens. Les conduites et préceptes qu’elle devra mettre en application tout au long de sa vie de pangi uman lui sont également présentés, en particulier le respect des interdits alimentaires familiaux (kina) et le comportement social fortement encadré autour de la menstruation. Durant ce temps de discussion, un plat de riz cuit avec de l’arachide (pinda alisi) est cuisiné et la jeune femme n’a pas l’autorisation de se lever tant que le riz n’a pas fini de cuire afin de garantir la tenue d'échanges suffisants pour son apprentissage. Parfois, des libations (towé wataa) ont également lieu afin de demander aux esprits des ancêtres d'accompagner et de protéger la pangi uman dans sa nouvelle vie de femme adulte.
Durant la cérémonie, un panier (bakisi) est placé dans le village et sert à collecter les présents qui lui sont offerts par les habitants. Traditionnellement, ces cadeaux étaient essentiellement constitués de pagnes, d’ustensiles de cuisine, d’outils pour aller à l’abattis (parcelle agricole vivrière), de petit matériel de pêche et de mobilier en bois pour la maison. Aujourd’hui, d’autres objets de la vie contemporaine sont venus se rajouter à cette liste, telles que des vêtements de ville, des appareils électroménagers et des accessoires et produits de beauté. Le rituel s'ensuit souvent d'une grande fête dansante (parfois avec DJ ou groupes de musique en live) au cours de laquelle de nombreux plats traditionnels et boissons sont partagés par les convives.
Une fois le pangi reçu, les règles sociales qui s’imposent aux femmes adultes rentrent en vigueur, tant en termes de droits (la pangi uman peut désormais se rendre où bon lui semble et répondre au jeu de séduction des hommes) qu’en termes de devoirs (elle devra en particulier s’isoler lorsqu’elle est menstruée, respecter un certain nombre d’interdits alimentaires et prendre ses bains végétaux intimes chaque matin avant le lever du soleil). Surtout, il est socialement attendu que la pangi uman sache assurer la gestion d’une maison et d’une famille en toute autonomie.
Les relations sexuelles sont désormais autorisées, voire même encouragées, afin de pouvoir perpétuer le paansu, c’est-à-dire la matrilignée. Les communautés businenges sont des sociétés matrilinéaires au sein desquels les enfants appartiennent au clan familial de leur mère, appelé mama bee pikin, littéralement « les enfants du ventre de leur mère ».
Parmi les règles normatives les plus importantes que doit respecter une pangi uman, il faut noter l’ensemble des interdits autour de la menstruation. En effet, il lui est désormais totalement proscrit de cuisiner pour un homme ou de se baigner dans le fleuve lorsqu’elle a ses règles (à l’instar, notons-le, des femmes amérindiennes, pour qui le bain dans le fleuve est proscrit lorsqu’elles sont menstruées). Avant la cérémonie du gi pangi, les sécrétions menstruelles de la jeune fille sont considérées comme inoffensives mais elles sont considérées à partir de ce moment comme préjudiciables puisqu’elles peuvent altérer la force spirituelle (obia), les capacités physiques et intellectuelles et donc la santé des hommes (compagnon, père, frères) avec qui elles cohabitent. Elle ne retrouvera une certaine neutralité, de ce point de vue, qu’à la ménopause.
En ce qui concerne l’obligation sociale de prendre des bains végétaux intimes quotidiens, les femmes alternent entre plusieurs dizaines d’espèces végétales qui sont le plus souvent collectées le long des chemins, au bord des abattis ou dans les forêts secondaires (Tareau et al., 2019). Les feuilles sont mises à bouillir dans une grosse bouilloire (ketee) ou dans un chaudron (wataa bidon) puis la décoction est transvasée dans une sorte de pot de chambre appelée doodo sur lequel la femme s’assied pour faire ses ablutions, le plus souvent dans une petite pièce fermée (wasi osu) à l’extérieur de la maison, pour empêcher les courants d’air qui sont considérés comme antithétiques de ces bains chauds.
La principale langue parlée dans le cadre de ces cérémonies est le nengee tongo, langue créole à base lexicale anglaise. Il en existe plusieurs variétés dialectales, propres à chacune des communautés (aluku, ndjuka, paamaka). La langue saamaka est également utilisée, par la communauté homonyme. Il s’agit d’une langue créole à base lexicale anglaise mais partiellement relexifiée en portugais.
Dans certaines communes comme à Apatou, il existait un carbet traditionnel dédié à cette pratique. Ce lieu permettait d’accueillir la jeune fille la veille de la cérémonie et servait de lieu pour le déroulement de la cérémonie ainsi que pour la fête qui la suivait. Aujourd’hui, ces carbets ont disparu ou n’occupent plus cette fonction particulière. Cette pratique ne nécessite plus de patrimoine bâti.
A la base, le pangi désigne un morceau de tissu de forme rectangulaire, souvent décoré de carreaux et pouvant être finement brodé par les femmes businenge. Étymologiquement, ce mot dérive du latin pannus, se traduisant par « morceau d’étoffe », via le français « pagne ». Enroulé autour de la taille des femmes businenge, il est porté comme vêtement quotidien pour les activités domestiques journalières, à la maison comme aux champs.
Le matériau utilisé est le coton. Il s’agit en général de coton importé et acheté dans le commerce. Cependant, bien que très rarement, il s’agit parfois de coton cultivé et filé par les familles bushinengeelles-mêmes ou provenant de villages amérindiens.
Malgré une évolution de la pratique ces dernières années, il s’agit d’une cérémonie encore très courante chez les Businenge de Guyane puisque, selon les prescriptions sociales traditionnelles de ce groupe culturel, toute jeune femme doit impérativement s’y soumettre avant de pouvoir se mettre officiellement en couple. Pour cette raison, les plus jeunes ont régulièrement l’occasion d’assister au rituel de gi pangi de leurs sœurs plus âgées (étant noté que dans le système de parenté businenge, les cousines sont également considérées comme des sœurs classificatoires), ce qui permet une transmission visuelle et intra-familiale relativement efficiente. Lorsqu’elles deviendront tantes, les femmes ayant reçu le pangi durant leur jeunesse sauront à leur tour reproduire ce rituel, si cela est nécessaire, en devenant d’éventuelles maîtresses de cérémonie. Ainsi, on observe que la transmission est active de génération en génération dans la sphère familiale, et s’exerce essentiellement par observation puis répétition des gestes.
De même, la transmission des savoir-faire autour de la fabrication des pangi se fait principalement entre femmes au sein d’une même famille (généralement de mère en fille). Les jeunes filles apprennent petit à petit à confectionner des pagnes, comme passe-temps infantile, puis elles élaborent des créations de plus en plus élaborées au fur et à mesure qu’elles acquièrent de l’expérience en voyant d’autres femmes faire autour d’elles. Notons enfin qu’il est de coutume qu’elles donnent un nom (souvent un proverbe businenge) à chacune de leurs créations.
A savoir, que les premiers pangi réalisés en tant que femme (pangi uman) seront offerts aux femmes de sa belle-famille (belle-mère, belles-sœurs…).
Traditionnellement, et particulièrement au sein de la communauté Ndjuka, c’est une tante paternelle (au sens classificatoire du terme, sœurs et cousines du père) qui officie mais ce rôle est dévoué à une tante maternelle, dans les autres communautés Businenge. Dans tous les cas, le maître de cérémonie doit impérativement être mère (une femme qui n’a pas d’enfants ne peut pas remettre le pangi) et ne surtout pas être en deuil ni menstruée au moment de la cérémonie. Enfin, plus rarement, un oncle peut présider le rituel, en particulier dans le cas de la remise d’un tjobo pangi (le « pangi sale », littéralement, remis à la jeune fille ayant eu des relations sexuelles avant la tenue du rituel de passage), voire un tradipraticien (obiaman) lorsque l’on présume que la jeune fille soit sous la menace active d’un mauvais esprit.
Il paraît indéniable que la tradition du port du pagne par les Marrons en Guyane soit un héritage culturel afro-descendant. En effet, en Afrique sub-saharienne, la variété des motifs et des couleurs ainsi que les diverses techniques d’impression et de teinture ont fait du pagne un art textile très riche (Blé, 2012). Le tissu, appelé kenté par les Ashanti du Ghana et kita par les Ewe du Togo et du Bénin ou par les Akans de la Côte d’Ivoire, est un genre de tissage très répandu en Afrique de l’Ouest. Il est confectionné à partir de bandes tissées et assemblées, formant une étoffe aux dessins géométriques et aux couleurs éclatantes.
Chez les Businenge, ce long rectangle de tissu passé autour de la taille (le plus souvent des étoffes importées et vendues par les magasins des grandes villes du littoral guyanais et surinamais) a connu à travers les années de nombreux styles, influencés par différents courants esthétiques. Dans les années 1920, le style mamiyo consistait à assembler des bandes de tissus en patchwork pour obtenir un ensemble organisé sur lequel pouvait également être brodées des figures géométriques. À partir des années 1940, les missionnaires protestants importèrent la broderie au point de croix qui demeure aujourd'hui encore le style dominant. Après une laborieuse préparation du tissu qui doit être finement tramé en petits carreaux sur lesquels s'étend la multitude de points de croix qui forment un ensemble de dessins d’inspirations variées (motifs géométriques notamment issus de l’art tembé, scènes bibliques…). Le carré est ensuite le plus souvent ourlé avec un crocheté de coton. Enfin, une autre technique, « l'appliqué » (koti-palaki, littéralement « coupé-collé »), permet d'obtenir de jolies figures florales, animalières ou encore des personnages, auxquels sont souvent ajoutés un proverbe ou une phrase à connotation humoristique ou philosophique, en découpant la forme des pièces de tissus qui sont ensuite cousues sur le fond du vêtement (et parfois en jouant sur de jolies associations colorées entre différents tissus tels que le madras et le wax). Enfin, autres évolutions récentes, des franges empruntées aux costumes traditionnels des Amérindiens Kali’na et Palikur (franje franje pangi) et des pangi peints (felifi pangi) ont également apparus ces dernières années.
De nos jours, il arrive que de nombreuses bouteilles d’alcool (synonyme de prestige car fortement valorisées socialement) soient disposées autour de la jeune femme qui se trouve au centre de toutes les attentions. Des séances de shooting photo sont de plus en plus souvent organisées, faisant alterner tenues traditionnelles et tenues de villes modernes.
Selon les personnes interrogées, il semblerait que la pratique ait significativement évolué ces dernières années. Tout d’abord, la généralisation des études supérieures et l’entrée dans la vie active salariée pour de nombreuses jeunes femmes businenge poussent souvent ces dernières à se mettre en couple plus tardivement, avec pour conséquence des cérémonies de gi pangi qui ont lieu également de plus en plus tard. Ainsi, d’après Pakosie (1998), la remise du pangi se faisait généralement entre 12 et 17 ans (et très exceptionnellement 19 ans), alors qu’aujourd’hui il n’est pas rare qu’elle ait lieu entre 20 et 25 ans.
On observe également que des phénomènes d’hybridations culturelles entre les communautés Businenge ont lieu, en particulier avec les Saamaka chez qui ce rituel se caractérise notamment par la remise d’un plus grand nombre de pangi (jusqu’à une trentaine) et qui se distinguent le plus souvent par l’association de couleurs très vives, voire fluorescentes, que les Ndjuka semblent s’être largement appropriées ces dernières années. De même, l’adoption du style de couture koti-palaki, dont l’origine est également associée à la communauté saamaka (Price, 2020), des franges en coton empruntées aux Amérindiens Kali’na et l’association du wax sont des évolutions notables qui soulignent le dynamisme de cette pratique.
Cependant, la mise à nu intégrale de la future femme, qui précédait autrefois la remise des pangi est de plus en plus proscrite, conséquence de l’évolution sociétale. Cette pratique a été remplacée par la mise du premier pangi par-dessus les vêtements portés ou alors les vêtements sont retirés mais la scène est cachée par d’autres femmes ou par un grand pangi.
Enfin, autre changement notable, aujourd’hui la cérémonie du gi pangi fait de plus en plus souvent l’objet d’une grande fête de village, avec musique sonorisée, tandis qu’il s’agissait principalement à l’époque d’une fête familiale se tenant généralement en petit comité. Des séances de photographies sont aussi régulièrement planifiées à l’issue du rituel (souvent avec des photographes professionnels ou semi-professionnels) et il arrive régulièrement que des clichés de la cérémonie soient diffusés sur les réseaux sociaux pour immortaliser l’évènement.
La pratique rituelle du gi pangi ne semble pas être en danger immédiat. Cependant, une diminution est évoquée ainsi qu’une certaine évolution dans la forme de la pratique, comme cela a pu être évoqué plus haut.
La pratique rituelle du gi pangi ne semble pas être directement concernée par un risque de perdition, elle est plutôt retardée par la scolarisation des jeunes filles ou diminuée (moins de cérémonies), notamment par l’évangélisation de certains parents.
S’il est de moins en moins porté au quotidien, en particulier en ville, au profit des vêtements occidentaux, le port du pangi n’en demeure pas moins un marqueur d’appartenance fort de l’identité des Noirs-Marrons (Price, 2020). D’ailleurs, le pangi est très largement et fièrement porté à l’occasion des jours de commémoration de l’histoire des Noirs-Marrons au Suriname, notamment le Maroon dag, qui a lieu le 10 octobre et le jour de l’abolition de l’esclavage, koti keti, qui se tient le 1er juillet.
Autres signes forts, plusieurs associations dont la vocation est la valorisation et la transmission des savoir-faire autour du pangi (par exemple, l’association « mi anga mi pangi ») ont vu le jour ces dernières années tout comme des événements importants consacrés au pangi tels que les festivals Pangi Uman Festi, à Maripasoula, et Sa Mooi Pangi, à Saint-Laurent du Maroni, avec défilés en pangi, ateliers de fabrication, stands de vente et élections de miss.
L’évangélisation par les Eglises protestantes évangéliques, qui proscrivent fortement les valeurs et représentations religieuses traditionnelles, indissociables du gi pangi, constitue une menace non-négligeable sur cette pratique rituelle. En effet, certaines familles businenge christianisées n’imposent plus la cérémonie du gi pangi aux jeunes filles. D’autres continuent à pratiquer ce rituel tout en désacralisant progressivement son contenu.
L’installation en milieu urbain (parfois, en France hexagonale ou aux Pays-Bas) de nombreux jeunes Businenge constitue parfois un facteur d’érosion des valeurs familiales constitutives du gi pangi, à travers l’éclatement des membres d’un même lignage, et peut également être considéré comme une menace indéniable pour le maintien de ce rituel de passage dans un avenir proche. Beaucoup de femmes Businenge qui résident en ville et dont les parents n’habitent pas à proximité ont des enfants avant d’avoir reçu le pangi, puis ne se soumettent pas non plus à la cérémonie du tjobo pangi par honte ou par simple désintérêt personnel.
Pour valoriser et sauvegarder le rite de passage appelé le gi pangi, il est primordial de valoriser et de sauvegarder le pangi, l'objet phare de cette cérémonie. C’est ainsi que plusieurs ateliers de confection du pangi, ou encore de défilés, ont été organisées et méritent d’être soulignés car ils participent à la sauvegarde de ce patrimoine immatériel. Œuvrant dans cette perspective de valorisation et de transmission des savoir-faire autour du pangi, nous pouvons citer les actions et acteurs suivants :
L’association Mi-anga mi-pangi est un groupe présent sur les réseaux sociaux qui propose d’échanger sur l’histoire des Businenge et qui permet à chacun de ses membres de présenter des photos de leurs pangi.
L’association Mama Bobi se consacre à la transmission des cultures des sociétés issues du marronnage et tend des passerelles vers des domaines très variés tels que les arts et traditions populaires ou les pharmacopées et les tradi-thérapies de ces communautés.
Le Musée des Cultures Guyanaises a réalisé en 2015 une exposition temporaire nommée « Textile marron, de fibres et de mots », mettant en exergue les différentes techniques de couture (broderie, patchwork, appliqué) et accompagné d’un support pédagogique qui est toujours téléchargeable sur leur site. Le musée conserve par ailleurs dans ses collections de nombreux pangi et textiles businenge.
Le Parc Amazonien de Guyane, pilote et/ou soutient des actions et des projets visant à la valorisation de l’art et l’artisanat des populations résidant dans l’enceinte du Parc. Parmi ces actions, citons le Marché Artisanal du Maroni, manifestation organisée chaque année dans la commune de Maripasoula et qui met notamment en place des ateliers scolaires d’initiation au pangi, des cours de confection de pangi pour le grand public, en partenariat avec le CAP couture de Maripasoula, ainsi que la mise en place de stands de présentation et de vente de pangi.
L’Association Fleuve d’Hier et d’Aujourd’hui, située sur la commune de Papaïchton, propose des ateliers de transmission et de création autour du pangi.
L’Association Matapi, également établie à Papaïchton, organise chaque année la semaine de la transmission, durant laquelle des pangi sont créés et portés par les participant-e-s.
L’association à STEN FU A LIBA (ASFAL) apporte un soutien à ses membres dans différents domaines, tels que la santé ou l’éducation. L’association valorise et optimise également la transmission des savoirs traditionnels, et le partage des connaissances au travers des échanges, des débats et des ateliers.
L'association Chercheurs d'Autres œuvre à mettre en lumière le patrimoine culturel immatériel propre aux populations résidant sur le fleuve Maroni au travers de productions collectives permettant aux habitants de s’exprimer : films, expositions, discussions, concerts, conférences, ateliers, formations, etc.
La mairie de Maripasoula en partenariat avec le Parc amazonien de Guyane et l’association Aafikan Lutu, organise chaque année le festival Pangi Uman Festi, à Maripasoula, qui permet aux jeunes filles, jeunes femmes de se présenter à travers leurs pangi et de présenter leur création, le nom donné à leur pangi et justifier la raison, dans le cadre d’un concours.
Dans la même dynamique, un autre festival met à l’honneur le pangi et ses créatrices : le Sa Mooi Pangi organisé par la mairie de Saint-Laurent du Maroni. De façon plus générale, plusieurs mairies de Guyane mettent à l’honneur le pangi en l’introduisant dans les défilés de miss qui ont lieu annuellement.
L’exposition permanente sur les Abattis Cottica, installée dans le Bureau d’Informations Touristiques de Papaïchton, valorise également ce patrimoine.
Le pangi est aussi très largement et fièrement porté au Suriname à l’occasion des jours de commémoration de l’histoire des Noirs Marrons, notamment le jour des Noirs Marrons, Maroon dag, qui a lieu le 10 octobre et le jour de l’abolition de l’esclavage, koti keti, qui se tient le 1er juillet.
Enfin, notons que plusieurs marques de vêtements commercialisent aujourd’hui des pangi et favorisent ainsi une meilleure visibilité et la valorisation de ces pagnes traditionnels.
2000 : organisation d’un marché d’art et d’artisanat situé dans le camp de la transportation, à Saint Laurent du Maroni et présentant plusieurs stands vendant des pangi.
2003 : première édition du Pangi Uman festi et en 2014 miss Kwei Uman.
2005 : première élection de la miss Sa mooï pangi, à Saint Laurent du Maroni
2009, Mission de recherche CADEG, Papaïchton
2016 : expositions « Textile marron » et« de fibres et de », Musée des cultures guyanaises.
2016 : exposition "Mode Pangi, histoires & styles » mise ne place par l’association Chercheurs d’Art.
2017, La confection d’un pangi en souvenir de la Guyane, l’Office de Tourisme de Cayenne
2018 : organisation d’un atelier d’initiation à la confection du pangi par l’Office de Tourisme de Maripasoula.
2019 : un pangi est porté par Miss Guyane, Dariana Abé.
2019 : Bamby, la chanteuse guyanaise de dancehall a organisé un shooting photo valorisant les tenues traditionnelles dont le pangi.
2020, organisation du challenge « pangi au travail », à l’initiative de Josiane Karam
2020 : la Miss Guyane, Héléneschka Horth, a défilé avec une tenue inspirée du pangi à l’élection de Miss France.
2020 : challenge « mon patrimoine et moi » pour la journée européenne du Patrimoine, organisé par l’association Chercheurs d’Autres
Sans objet.
Pour que cette cérémonie soit viable et pérenne, il faut s’assurer de la continuité de confection des pangi. Pour cela, les savoir-faire liés à cette pratique doivent faire l’objet de transmission et d’apprentissage intergénérationnels.
Des entretiens avec les personnes ayant contribué à la réalisation de cette fiche, a émergé la volonté de voir les savoir-faire/compétences liés à la confection du pangi intégrer une unité d’enseignement dans les milieux scolaires de l’éducation et/ou universitaires (Arts plastique, CAP couture, option au BAC, à l’instar de la danse awassa déjà enseignée dans le cadre académique).
L’idée de la création d’un comité fédérateur représentatif de tous les groupes businenge permettrait d’accompagner les parents pour la réalisation de la cérémonie, la transmission des savoirs et savoir-faire autour du pangi et de la cérémonie du gi pangi. Le comité organiserait, en sus, des actions telles que des conférences et débats autour du gi pangi.
La réhabilitation ou la reconstruction de lieux de cérémonie pourraient être envisagées, en s’inspirant du programme de réhabilitation du patrimoine bâti de Boniville co-construit par la commune de Papaïchton, la direction des affaires culturelles et le Parc Amazonien de Guyane.
La création d’un espace socio-culturel ou un musée des cultures des Noirs-Marrons pourrait également être envisagé, dans une dimension plus large de sauvegarde et de transmission du patrimoine culturel businenge.
L’ensemble des personnes interrogées ont donné leur consentement oral pour participer à cette étude et sont d’accord pour que leurs noms apparaissent dans la présente fiche en tant que personnes-ressources.
Dans le cadre du challenge « patrimoine et moi »proposé par l’association « Chercheur d’Autre » en 2020, sur les réseaux sociaux, Cindy Tingo a partagé son expérience du gi pangi en vidéo (https://www.facebook.com/watch/?v=3232864003498316).
Des pangi issus des différentes communautés bushinenge de Guyane française sont présentes dans les collections muséales du Musée des Cultures Guyanaises.
Blé, R.G., 2012,« Le pagne. Un moyen de communication en Côte d’Ivoire », Communication. Information médias théories pratiques, vol. 30 (1).En ligne : https://doi.org/10.4000/communication.3026
Ekomie Obamé L., 2017, Les Bushinengué de Guyane : rites et croyances autour du textile, L’Harmattan.
Mouzard T. & G. Wiels, 2020, Marronnage, l’art de briser ses chaines, Loco.
Pakosie, A., 1998,« Kiya en gi-pangi, gebruiken rond volwassenwording van meisjes in de Ndyuka Marronsamenleving in Suriname »,SIBOGA, volume 8, n ° 2.
Polimé Thomas, 2014, « Maroon art and textiles » Linked Heritage an exhibition from the Amazonian Museum Network, Musée des cultures guyanaises.
Price, R., Price, S., 2005, Les arts des Marrons, Vents d’ailleurs.
Price, R., 2018,“Maroons in Guyane : Getting the Numbers Right” New West Indian Guide n°92. En ligne : https://doi.org/10.1163/22134360-09203001
Price, S., 2020,“Maroon Fashion History : An Update”, New West Indian Guide n°94.
Tareau, M.-A., Dejouhanet, L., Odonne, G., Palisse, M., Ansoe, C., 2019,« Penser la cueillette de plantes médicinales sauvages dans des sociétés en transition : le cas guyanais »,EchoGéo n°47. En ligne : https://doi.org/10.4000/echogeo.16679
Vernon, D., 1992, Les représentations du corps chez les Noirs Marrons Ndjuka du Surinam et de la Guyane française, Editions de l’ORSTOM.
Il n’existe pas de films consacrés au rite d’initiation du gi pangi.
Il n’existe pas de sites internet dédiés au rite d’initiation du gi pangi.
Madame Patra Anastasia Amoyee ; Tradipraticienne ndjuka
Lieu-dit « croisée Mana », 97 360 Mana
Madame Dawse Katleen Samoni ; Responsable d’une association de danses traditionnelles awasa
Lieu-dit « croisée Mana », 97 360 Mana
Madame Jongaman Carolina Linda ; Ancienne accoucheuse
Village de Santi Pasi, 97 360 Mana
Madame Maria Amba ; Ancienne accoucheuse ndjuka
Village de Santi Pasi, 97 360 Mana
Madame Monieki Kia ; Habitante ndjuka
Village de Santi Pasi, 97 360 Mana
Madame Adam Malaika ; Tradipraticienne ndjuka, elle est adjointe administrative à la CCOG
Saint Laurent du Maroni
Madame Abakamofou sherley ; Tradipraticienne aluku, elle confectionne des pangi.
Elle est Aide-soignante au Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais
Saint jean, Saint Laurent du Maroni
Madame Santé Adèle ; Tradipraticienne aluku
Apatou, Maïman
Madame Pauline Camboue, alias cristal ; Tradipraticienne paamaka
Saint Laurent du Maroni
Monsieur Afanis Christophe dit tii-johnny ; Président de l’association A STEN FU A LIBA (A.S.F.A.L)
48 G, avenue Paul Castaing, quartier des Sables Blancs, 97320 Saint-Laurent-du-Maroni.
Madame Adoïssé Amandine ; Responsable d’une agence de location de matériels BTP
Apatou, Maïman
Marc-Alexandre Tareau ; Docteur en anthropologie, en post-doctorat au laboratoire LEEISA
Tareau.marc.alexandre@gmail.com
Clarisse Tareau ; Interprète-traductrice en langues bushinenge (Okanisi Traduction et Médiation)
Cindy Tingo ; Etudiante en Master 2 Sociétés Interculturalité
cindy.tingo1@gmail.com
Monsieur André Pakosie ; Historien, anthropologue et tradipraticien ndjuka
Consulté en septembre 2020, via internet
Damien Davy ; Anthropologue, ingénieur de recherche au CNRS
2020 à Mana pour Marc-Alexandre Tareau ; en 2021 pour Cindy Tingo
Date de remise de la fiche : Janvier 2022
Année d’inclusion à l’inventaire : 2022
N° Ministère de la Culture : 2022_67717_INV_PCI_FRANCE_00507
Identifiant ARKH : <uri>ark:/67717/nvhdhrrvswvkswp</uri>
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia :https://fr.wikipedia.org/wiki/Bushinengue
Généré depuis Wikidata