Le chanvre est une plante ancestrale, cultivée autrefois pour sa fibre textile dans la marine et l’habillement. Elle l’était aussi pour ses graines dans la médecine et l'alimentation. Avant la deuxième guerre mondiale, la production de chanvre était florissante dans les manufactures, les filatures et les corderies. Jusque dans les années 1960, les agriculteurs entretenaient fréquemment une petite parcelle de chanvre pour leurs besoins domestiques. Les femmes filaient et tissaient encore à la ferme. L’arrivée du prêt-à-porter impulsée par l’arrivée des fibres synthétiques et du coton a porté un coup d’arrêt à la culture du chanvre en France et en Europe.

Le chanvre est une plante ancestrale, cultivée autrefois pour sa fibre textile dans la marine et l’habillement. Elle l’était aussi pour ses graines dans la médecine et l'alimentation. Avant la deuxième guerre mondiale, la production de chanvre était florissante dans les manufactures, les filatures et les corderies. Jusque dans les années 1960, les agriculteurs entretenaient fréquemment une petite parcelle de chanvre pour leurs besoins domestiques. Les femmes filaient et tissaient encore à la ferme. L’arrivée du prêt-à-porter impulsée par l’arrivée des fibres synthétiques et du coton a porté un coup d’arrêt à la culture du chanvre en France et en Europe. Le regain d’intérêt pour la fibre de chanvre, dû à ses vertus écologiques, est récent et d’actualité.

Dans ce contexte, aucune mécanisation des procédés n’avait été redéveloppée, comme cela a été le cas plus récemment avec le lin, pour lequel même les filatures n’ont pas résisté à la concurrence. La culture et la mécanisation de la transformation du chanvre sont par conséquent à l’état expérimental pour obtenir une fibre longue textile, ce qui est une opération difficile. Portées par une poignée d’acteurs engagés et les rares détenteurs de savoir-faire de cette fibre en France, des initiatives prometteuses ont permis de mettre sur le marché les premiers textiles en chanvre.

Le développement du chanvre s’est porté par ailleurs vers les matériaux biosourcés et l’écoconstruction à partir de la chènevotte ou bois de chanvre. À ce titre, la France est le premier pays producteur de chanvre en Europe, avec 17 116 ha sur les 58 000 ha en Europe, dont quelques centaines d’hectares de chanvre textile.

Portée par une poignée de tisserands et d’associations de tisserands, d’agriculteurs, de professionnels du textile, la relance de la fibre de chanvre prend un nouvel essor depuis quelques années.

Une dizaine d’artisans tissent le chanvre aujourd’hui, tels que l’atelier Aux fils de l’Arz, qui a notamment reconstitué les toiles de chanvre et de lin de Bretagne des XVIe-XVIIe siècles pour le musée de Bretagne, à Rennes, et la maison des Toiles de Saint-Thélo (Côtes d’Armor), l’atelier Lin et l’Autre au château d’Oléron, l’atelier Passe-Trame à Mazamet (Tarn), ou l’AFLAM, association angevine de Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire), qui faire revivre chaque année les savoir-faire de la culture traditionnelle et locale du chanvre, dans le cadre d’un festival.

Des agriculteurs, des institutionnels, des associations, des artisans, des distributeurs, des industriels réussissent également, depuis une dizaine d’années, à partager des dynamiques locales autour de la production de chanvre textile.

L’association Lin & Chanvre bio en Normandie participe à la relance du chanvre textile sur le modèle de la filière lin. La coopérative Virgocoop et un agriculteur passionné, Pierre Amadieu, à l’origine d’un projet lotois, activent le renouveau de la filière chanvre en Occitanie et font des recherches sur la transformation industrielle du chanvre en fibre textile autour du teillage, principal écueil de la transformation du chanvre en une fibre textile longue et fine. Ils font peigner la fibre cardée teillée par la dernière entreprise de peignage française, l’entreprise Peignage Dumortier, dans le nord de la France, pour envoyer la fibre aux deux seuls filateurs français : Safilin, dont les usines sont en Pologne, ou Emmanuel Lang, tisseur qui fait de l’expérimentation avec la relance récente d’une filature au sec en Alsace. La filière locale est donc interrompue pour ce qui concerne les filatures, second problème de la relance. Tous les professionnels travaillent en conséquence avec la seule filature encore en activité pour le chanvre, implantée en Roumanie.

Plusieurs projets liés à la production et à la transformation de chanvre textile, portés par une nouvelle communauté locale résolue, réseau d’agriculteurs bio ou non, de teilleurs, de peigneurs, de filateurs, de tisseurs et de tisserands, de filateurs, de designers textile et d’éditeurs textile, sont actuellement en gestation en France, afin de démocratiser l’usage de cette fibre facile et vertueuse, avec notamment la mise récente sur le marché de « jeans en chanvre ».

Lieu(x) de la pratique en France

Le chanvre se plaît en France dans presque toutes les conditions et peut se retrouver dans tous les types de sols. Néanmoins, il préfère les territoires à climat plutôt humide. « C'est une plante qui aime les alluvions, les terres de consistance moyenne, profondes, fertiles et fraîches; il réussit très bien dans les vallées au sol sablo-argileux » [Bonnétat, 1919]. Sa productivité est meilleure dans des sols à bon potentiel et possédant des réserves organiques et minérales importantes. Il apprécie les terres profondes, fraîches et peu acides avec un pH compris entre 6 et 8.

En Occitanie, le Lot avait formé une vallée du chanvre, dite « la chènevière », où la culture du chanvre à usage textile fait aujourd’hui un retour remarqué, ainsi qu’en Aveyron, en Lozère, en Normandie, dans l’Eure, dans la Sarthe et en Maine-et-Loire, où est située « HEMP-it », pour la production de semences françaises, sites plus particulièrement concernés par la pratique. De nouvelles communautés émergent ainsi dans le sud-ouest de la France (Lot, Aveyron, Lozère), sans compter un bassin en Camargue et en Normandie. Celles-ci accompagnent les nombreuses expérimentations qui se développent en Normandie et en Occitanie, mais aussi dans le département de l’Aube, en affichant des résultats prometteurs de relance de la filière.

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

De nos jours le chanvre à usage textile est principalement produit et transformé en Chine et en Europe (Italie, Ukraine et Roumanie).

Les deux modèles de production liés au teillage ou au « défibrage » du chanvre textile présentés dans cette présente fiche d’inventaire, donnant, avant la montée en graines et après graines, des fibres de différentes qualités, soit de différentes épaisseurs, président à la culture et à la transformation du chanvre selon ses types d’utilisation :

• Utilisation de la plante « montée en graines » ou arrivée à maturité pour l’utilisation des graines et de la paille avec production de deux co-produits :

* Issus de l’écorce à l’extérieur de la tige, les fibres de qualité technique et de moyenne gamme textile car la finesse et la souplesse sont moindres, les fibres étant à ce stade plus lignifiées ;

* Issus du cœur à de la plante, à l’intérieur de la tige, du bois, les chènevottes, des agrégats légers

• Utilisation de la plante coupée avant la montée en graines pour l’utilisation de la tige qui donnera une fibre textile de qualité, fine et longue mais moins solide et de la « chènevotte »

Le développement du premier modèle est industriel et en plein essor autour des matériaux biosourcés, de la plasturgie, de la construction et de l’alimentation. Le second modèle est à l’état expérimental car la transformation du chanvre en fibre textile est difficile et coûteuse ; il est essentiellement lié à la mécanisation qui est différente du premier modèle tout au long du process, puisqu’il s’agit d’adapter des savoir-faire traditionnels donc artisanaux à une mécanisation sans chimie pour obtenir une fibre de qualité. Il concerne la culture, la coupe et le rouissage, le teillage ou défibrage, enfin la filature.

 

Les variétés de semence

Le chanvre est une plante dont les fibres sont libériennes (du liber, fibre d'écorce) extraite de l'écorce de la plante comme le lin, le jute ou l’ortie. Le chanvre Cannabis sp., famille des Cannabaceae, est une plante annuelle herbacée à feuilles palmées. Cannabis sativa est cultivé pour sa tige donnant la fibre textile et de la chènevotte pour le bâtiment ainsi que des graines dites « chènevis » pour l’alimentation humaine et animale. Il ne faut pas le confondre avec le chanvre indien, Cannabis indica, qui est utilisé pour sa fumée psychotrope. En fait, il s'agit seulement de deux variétés qui diffèrent par la teneur en substances psychotropes, le THC.

Il existe une grande diversité de variétés de chanvre. Pour le textile, ce sont les variétés « sativa » ou « ruderalis » ou encore Datisca cannabina ou chanvre de Crête, ces deux derniers étant des chanvres vivaces mais aussi cultivables. Le chanvre est une plante à racine pivotante et à tige élevée, naturellement dioïque (fleurs mâle et femelles fleurissent sur des pieds différents). Les pieds mâles sont moins productifs en fibre que les pieds femelles, mais en revanche, très solides et fins, ils apportent des fibres qui donneront des fils d’une grande finesse pouvant par exemple être utilisés pour la broderie. Des tris étaient faits jadis dans les carrés de chanvre par les paysans experts. Des variétés monoïques c’est-à-dire des fleurs mâles et femelles sur le même pied, ont été développées et sont préconisées par les agronomes, étant plus faciles à cultiver et plus productives.

Pour cultiver le chanvre, en raison de la réglementation liée au cannabis, l’agriculteur doit avoir un contrat avec un transformateur pour pouvoir acheter de la graine de chanvre certifiée. Les variétés doivent être inscrites au Code de la santé publique pour être cultivées. Les semences qu’il produit lui-même dites « de ferme » sont interdites à cause des risques d’effets psychotropes de certaines variétés de cannabis contenant du THC.

 

La culture

Les agriculteurs sèment, cultivent, arrachent et font rouir ou pas le chanvre. Ils transformaient la tige en filasse jusqu’au milieu du XXe siècle. Aujourd’hui, ils confient le chanvre coupé à des teilleurs défibreurs, appelés aussi chanvriers qui ensuite le transmettent à des filateurs. En moyenne, 1000 m2 de culture produisent 100 kg de fibres teillées. Le chanvre peut atteindre 3 m de haut, ce qui permet d’obtenir une fibre longue dans les conditions ad hoc, appelée fibre « long brin ».

 

La préparation de la terre

Les parcelles, appelées chènevières, choisies pour la culture du chanvre doivent avoir une bonne irrigation naturelle mais pas d’eaux stagnantes. Les terres sableuses sont propices au chanvre. La préparation du terrain est importante. Il faut avoir un bon « guéret », c’est à dire une terre bien meuble et profonde, légère et grumeleuse, sans mottes. Au besoin, la terre est ameublie avec un outil à dent. En cas de gel imprévu durcissant la terre et empêchant la plante de percer, il faut ameublir avec une petite herse.

 

Le semis

Le semis se fait généralement début mai en fonction des conditions climatiques. Pour pouvoir semer, la terre doit être réchauffée, au minimum à 12°C de température. L’agriculteur plante la graine de 1 à 3 cm maximum de profondeur. Selon J.-M. Trottier, « si on marchait pieds nus dans la terre et qu’elle n’était ni trop humide ni trop froide, c’est qu’elle était prête pour recevoir la semence. Le chanvre ne pousse pas dans l’humidité et tout risque de gel doit être écarté. » La graine, convoitée par des volatiles gourmands, doit être protégée et les anciens racontent que pour éloigner les oiseaux, on envoyait les enfants courir dans les champs. Le semis doit être très dense : 45 à 55 kg l’hectare, jusqu’à 70-80 kg/ha en production spécialisée textile. Cette densité permettra d’empêcher les adventices c’est-à-dire les mauvaises herbes de pousser, et d’obtenir des tiges à moins d’1 cm de diamètre.

 

La croissance et l’entretien de la culture

La culture du chanvre ne nécessite pas d’arrosage. Il est donc très économe en eau. Sa croissance se fait sans l’aide de produits phytosanitaires puisque que la plante est un répulsif naturel aux insectes et n’a pas non plus de maladie. Le chanvre n’est pas un organisme génétiquement modifié (OGM). De ce fait, c’est un groupement de population et pas une duplication de pieds. Si une maladie se met sur un pied, elle ne propagera pas toute la parcelle. C’est pour cela qu’elle n’a pas besoin de fongicide. Le chanvre ne demande pas de désherbage non plus : cinq jours après la plantation, deux petites feuilles sortent et en dix jours une couverture végétale se forme. Elle empêche la lumière de pénétrer et par conséquence étouffe les adventices. La seule menace du chanvre est l’orobanche, plante sans chlorophylle qui pousse sur les racines. Lorsque le chanvre atteint un mètre, ses racines s’étalent et peuvent rencontrer une graine d’orobanche, qui va germer puis pousser en l’affaiblissant. Difficile de trouver une solution contre l’orobanche car le problème se remarque seulement au moment où la plante sort de terre. L’unique solution est de bien choisir son terrain. Les terres sableuses sont connues pour avoir moins d’orobanches. La hauteur atteinte varie entre 2 à 4 m (4 dans le Maine-et-Loire et 2 dans l’Aube). Si la tige est longue et fine, la fibre sera de bonne qualité. C’est une plante solide, elle ne « verse » ou n’est pas couchée par le vent, car ses racines sont profondes. Les racines pivots du chanvre, d’une profondeur d’1 m, aèrent et nourrissent la terre, la laisse exempte de mauvaises herbes et la prépare à la culture qui suivra.

C’est donc une bonne « tête d’assolement », c’est-à-dire une bonne répartition des cultures de l'année entre les parcelles d'une exploitation, pour les plantations céréalières d’automne qui vont lui succéder.

 

L’arrachage et la coupe

Après 120 jours de pousse, la chute des « chènevis » ou graines est le signe que le chanvre ne va pas tarder à être « mûr ». Il ne faut alors pas traîner : un coup de vent pourrait faire s’envoler cette graine lorsque son enveloppe s’ouvre.

À Montjean-sur-Loire, l’arrachage se fait selon la pratique traditionnelle, au moment du Festival de l’AFLAM, l’avant-dernier week-end du mois d’août. Mais en fonction des variétés et des conditions climatiques, les graines ne murissent pas en même temps et les récoltes peuvent s’échelonner tout le mois de septembre. Jadis, le chanvre était arraché. Cela demandait de la force car 15 à 20 cm de racines venaient avec la tige. Tout le monde s’y mettait, hommes, femmes, la famille et les voisins. Les mains devaient être protégées de la « sève » qui se trouve le long de la fibre. « On mettait des vieilles chaussettes sur les mains pour se protéger ».

Le chanvre a commencé à être coupé au XIXe siècle, avec l’apparition des faucheuses, ce qui facilitait le travail des paysans. Après la coupe, il était mis en « poignées », lesquelles étaient attachées par des ficelles en seigle ou en sisal moins onéreux, puis étaient posées plus loin sur le sol pour laisser place au prochain passage de la faucheuse. La graine était ensuite recueillie, ou « égrenage » et vendue à des coopératives pour être transformée.

La mise en eau pour le rouissage devait alors être immédiate pour éviter que le chanvre brûle. Ainsi, en Maine-et-Loire, les champs étaient à côté de la Loire et la plupart des chènevières à côté des rivières.

 

Le rouissage

Le rouissage est une opération essentielle, car il définit la qualité de la future fibre. Il s’agit de faire macérer les tiges de chanvre dans l’eau afin de séparer la paille ou « l’aubier », sa partie à intérieure de la partie filamenteuse, par une fermentation qui dégrade la pectine qui les lient entre eux. Il existe deux techniques de rouissage : la première, dans l’eau en rivières ou en bassins coutumière autrefois ; la seconde, au sol dans les champs, comme cela se pratique aujourd’hui. Le rouissage en rivière ou en bassin est révolu et a été arrêté en raison de la pollution de l’eau qu’il engendrait, laquelle tuait la flore et la faune aquatique, ainsi qu’en raison d’émission d’effluves malodorantes et incommodantes pour les riverains. Il est perpétué lors de démonstrations de savoir-faire dans le cadre d’actions de sauvegarde.

Le rouissage au sol est la pratique courante de nos jours. Il est néanmoins à risque à cause des conditions climatiques, de la pluie et de l’ensoleillement. C’est pourquoi la culture de nombreuses petites parcelles est privilégiée sur un territoire.

 

Le rouissage en rivière

Le rouissage fait en rivière pendant huit à dix jours nécessite une eau vive avec du courant et la force des hommes. Dans les Pays-de-la-Loire, où des personnes passionnées dépositaires du savoir-faire nous rappellent les techniques utilisées. Des chariots à roulettes descendaient directement dans l’eau (Sarthe), à La Ménitré-sur-Loire posé sur les différents étages du port de rouissage. Le rouissage s’effectuait également à partie de barges construites directement dans la Loire (cf. récit de l’AFLAM, section IV.4 infra). Il était ensuite étendu sur le sol pour sécher et blanchir à la rosée pendant trois jours de chaque côté.

Ramassé et rassemblé par « poignées ou bottes », posées debout en « tourettes » pour finir de sécher, puis engrangé, et l’hiver chauffé dans le four à pain pour faciliter le broyage. Certains fours spécifiques avaient une forme de pigeonniers, pour que les tiges de chanvre puissent être mises verticalement à l’intérieur. Dans ce cas, la mise en chauffe se faisait dans la cour de la ferme, à l’écart des bâtiments, car il n’était pas rare que ces fours s’enflamment.

 

Le rouissage en eau dormante ou en bassin

Certaines fermes pouvaient posséder leurs mares ou leurs routoirs. Le chanvre était alors plongé comme dans les rivières. L’important était d’éviter l’eau stagnante avec un filet d’eau continu venant des cours d’eau avoisinants. Cette pratique réduisait la pollution des rivières mais ne le supprimait pas complètement et a donc été progressivement abandonné au profit du rouissage en champs.

 

Le rouissage en champs

Le rouissage en champs se fait directement sur le sol de la culture, il dure plus longtemps que celui en rivière. Les agriculteurs coupent le chanvre qui tombe au sol et forme des rangées dites « andains » plus ou moins parallèles. Puis l’action de la pluie aide les micro-organismes présents dans le sol à consommer les pectines, le ciment qui colle les fibres entre elle, pour les éliminer. « L’andain » doit être « fané », c’est-à-dire retourné après une première étape de rouissage, généralement une semaine à dix jours après une première bonne pluie puis une deuxième fois, une semaine à dix jours après à la pluie suivante, puis pour faire sécher « l’andain » pendant un à plusieurs jours selon les conditions météorologiques. Une fois complètement sec, il est enroulé en « balles » tenues par de la ficelle naturelle. Dans certaines régions les agriculteurs peuvent subir une perte de production en cas de pourrissement dû à trop de pluie ou au contraire dû à une forte sécheresse. De la paille à la filasse : le défibrage

Les opérations, broyage, peignage et cardage se font au cours de l’hiver. Le broyage consiste, par une action de frappe, à séparer les fibres qui entourent la tige de la chènevotte, qui se trouve au centre de la tige. Les fibres obtenues étaient ensuite étirées puis peignées par un « ferrandier » pour enlever les derniers résidus de chènevotte et commencer les rubans de fibres. Ces résidus ou déchets « guertes » dans la Loire servaient de combustibles, en litière animale ou en paillage pour l’agriculture. La chènevotte a une capacité d’absorption de 4 fois son volume en eau sans se déformer. À la suite du peignage, la filasse de chanvre était tressée en « poupée » et rassemblée en lots de 25 kg.

Deux modèles sont actuellement en cours de développement en France pour le défibrage. Une expérimentation menée en Normandie par l’Association Lin & Chanvre bio est ses partenaires consiste en l’adaptation de la transformation du chanvre au modèle de la filière lin à savoir : couper le chanvre à la même longueur que celle du lin et adapter des machines faucheuses spécifiques puis le teiller dans les machines à teiller le lin avec des réglages spécifiques à effectuer. De nombreux essais sont en cours mais déjà concluant avec la fabrication de prototypes en chanvre. Une autre expérimentation dans le Lot est le défibrage mécanique conçu sur une machine spécifique au chanvre avec l’objectif de travailler toute la hauteur de la tige de chanvre qui peut atteindre 3 m (cf. section III.2 Évolution de la pratique).

 

Le cardage des étoupes

Les fibres courtes, dites, étoupes de chanvre, qui viennent du pied du chanvre lorsqu’il est arraché ou de la tête de la tige de chanvre et qui sont moins longues, sont aussi cardées et mises en ruban. En France, une seule entreprise, créée en 1896 et encore en activité à Roubaix, détient encore ces savoir-faire, les établissements Dumortier lavage-cardage-retorderie. Petite et agile, elle a survécu à toutes les crises et reste dépositaire des savoir-faire. Une machine « ouvre » les fibres défibrées, puis une autre machine les carde et commence le ruban. Plusieurs rubans sont ensuite réunis et étirés ensembles pour n’en faire qu’un seul appelé « guille » ; ce dernier est peigné pour finir d’éliminer les dernières impuretés non filables et paralléliser les fibres. Des recherches sont en cours pour que les « blousses », déchets issus de ce processus, puissent aussi être réutilisés.

 

Le filage

L’action de filer consiste à étirer et tordre la fibre peignée pour produire des fils de différentes épaisseurs. Il n’y a plus de filature de chanvre en activité en France, le savoir-faire est aujourd’hui entre les mains d’artisans qui le font perdurer en le pratiquant. Traditionnellement, le filage se faisait au mouillé car le fil doit être ré-humidifié pour être plus souple. Les filateurs hommes ou femmes se mouillent les mains ou utilisent leur salive. Les femmes filaient à la maison, à façon et les tisserands ou « tissiers » récupéraient les écheveaux de fils chez elles.

En Occitanie, dans le village de Livernon (Lot), Françoise Dupety file depuis plusieurs années et se passionne pour les savoir-faire textiles des matières naturelles. Elle achète sa filasse cardée localement chez son voisin Pierre, mais teste aussi des produits venant d’autres fournisseurs de fibres.

Le filage du chanvre au fuseau associé à une quenouille est le plus simple : la fibre est sur la quenouille posée en appui au niveau la taille de la fileuse et maintenue le plus souvent par sa main gauche. Avec sa main droite, elle étire et met le fil en torsion qui fait tourner le fuseau permettant l’enroulement du fil. Dans le cas du rouet, en bois également, mais muni d’une roue, d’une courroie et d’une pédale, l’action de pédaler fait tourner la roue qui avec sa courroie fait tourner la bobine sur lequel s’enroule le fil. Cela demande une bonne coordination du pied et de la main mais permet à la fileuse d’avoir les mains libres pour préparer et présenter sa fibre. La fileuse tient le ruban peigné dans ses mains et tire la fibre reliée à la bobine en le tordant et lorsqu’elle le relâche, il s’embobine. La finesse du fil est évaluée au doigt. Les fils sont ensuite mis en écheveaux à destination du cordage ou du tissage et tricotage.

Transformation en corde

Le fil de chanvre est solide, naturellement imputrescible et ne brûle pas les mains, trois qualités précieuses pour sa transformation en corde.

Vers Angers, jusqu’aux années 1960, l’entreprise Thomas à Saint-Martin-du-Fouilloux et les établissements Bessonneau, qui, à leur apogée au début du XXe siècle, employaient 2000 personnes, achetaient la filasse pour le cordage mais aussi pour les tuyaux de pompiers, les filets de pêche, les ficelles, etc. Ces entreprises ont fermé, mais, il reste en France une poignée de corderies qui travaillent avec les techniques artisanales manuelles et qui utilisent le chanvre comme matière première. Une seule est une corderie « en long » capable de produire une corde de 280 m. La Corderie Palus (cf. section IV.4 infra) en Corrèze était et est encore reconnue pour fournir des cordages de qualité, en particulier les cordes encollées et polies selon les méthodes traditionnelles, lui conférant non seulement un aspect lisse et satiné, mais aussi une qualité de tenue du toron encore inimitable avec les moyens de production modernes.

Pendant très longtemps, les cordes étaient destinées aux agriculteurs et aux coopératives agricoles (longes pour bétail, sangles pour soulever les bœufs pour la pose des fers, etc.), aux entreprises maritimes (le chanvre était alors goudronné pour résister à l’eau), au secteur du bâtiment ou plus surprenant pour les pendules des horloges, les semelles des espadrilles ou les cordes à grimper des gymnastes. De nouveaux marchés se sont développés avec l’artisanat, plus particulièrement la tapisserie d’ameublement (sièges et matelas), où les ficelles sont utilisées pour guinder, l’alimentaire avec la ficelle de cuisine pour coppa ou saucisson. Les décorateurs d’intérieur et designers ont également redécouvert cette matière naturelle en insérant dans la corde des câbles électriques et enfin la forte tendance Do it yourself dans la réalisation de macramés, technique à base de nœuds permettant de créer un produit textile le plus souvent à visée décorative. Ficelier-cordier est un métier du compagnonnage aux nombreux savoir-faire. Pour fabriquer les types de cordes nécessaires à tous ses marchés, la corderie utilise plusieurs qualités de fils de chanvre : un chanvre issu des étoupes de peignage, qui ont moins de paille et une fibre très constante, et un chanvre long brin normé pour que chaque mètre de corde résiste à la rupture normalisée. Actuellement, ces fils de corderie de gros titrages ne se trouvent plus en France et les entreprises sont contraintes de s’approvisionner principalement en Asie.

La réalisation de cordes répond à des règles précises et les cordiers emploient les mots métiers de la pratique. La technique de base « toronner » ou « retordre », consiste à assembler, tirer et tordre plusieurs fils. L’assemblage des torons s’appelle le « commettage ». Pour « commettre » une corde, il faut assembler plusieurs « torons » (4 pour une corde standard, 6 pour d’autres), parfois en rajoutant une âme (fil central autour duquel s’enroulent les torons), c’est le cas de la corde septain. Un grelin est un autre produit dont la section encore plus importante en raison des cordes qui remplacent les torons. Lorsque la corde est commise, on peut ajouter en finition, un collagène naturel pour donner un aspect satiné à sa surface.

 

Le tissage

Le tissage est un croisement de fils, dont le résultat forme l’armure d’un tissu : les fils de chaîne et le fils de trame s’entrecroisent pour former une étoffe. Les trois armures fondamentales sont la toile, le sergé ou le satin. Le tisserand doit bien connaître le comportement de la matière première qu’il va installer sur son métier. C’est particulièrement vrai pour le chanvre, une fibre végétale « sèche » qui n’a aucune d’élasticité, contrairement aux fibres animales comme la laine et la soie et qui est donc plus difficile à tisser que ces derniers car le fil se rompt. Le chanvre, comme son cousin le lin, tous deux de la famille des fibres libériennes, demandent donc, un tour de main plus exigeant que les fibres animales mais aussi que le coton, autre fibre végétale. La maîtrise d’un geste expérimenté est nécessaire et celui-ci s’acquiert « au ressenti », au fil des ans lorsque l’expérience s’accroit. Une hygrométrie propre est requise : la fraîcheur et l’humidité des ateliers sont recommandées pour le tissage du chanvre, ainsi la matière sera plus « molle » et les fils casseront moins même si les fils chanvre nécessitent plus de tension sur le métier. Marie Lépée installée à l’île d’Oléron tisse l’hiver pour avoir le taux d’humidité requis.

Les métiers à bras sont particulièrement adaptés au tissage du chanvre, car le mouvement vif et sec déclenchant le déplacement rapide de la navette participe au maintien de la tension du fil.

L’ourdissage, qui correspond à la mise en place des fils de chaîne sur le métier via une ensouple arrière qui accueille toute la longueur des fils (la future longueur de l’ouvrage) est une opération qui va nécessiter de nombreuses étapes et ses réglages. Bruno Lesteven indique qu’il faut régler les tensions pour que les fils ne « s’éboulent » ou plus communément ne s’affaissent pas, passer les fils dans les lisses liées aux cadres (enfilage, remettage ou rentrage), puis les glisser entre les dents du peigne (l’empeignage). Il faut aussi tendre les fils de cette nouvelle chaine sur le verdillon (tige de métal reliée à l’ensouple avant) et les maintenir par le demi-nœud dit du chirurgien. Vient ensuite le canetage, qui consiste à remplir les canettes avec les fils pour la trame et l’installation de la canette dans la navette qui sera lancée dans la foule, c’est dire l’espace ouvert entre deux nappes de fils de chaîne.

Le croisement des fils se fait parce que les fils de chaîne qui se soulèvent pour créer la foule, sont différents à chaque passage de la navette lancée par le tisserand. Les fils de trame qui s’ajoutent sont tassés avec le battant. Il faut respecter le dessin choisi et compter : « Le tissage, c’est comme une partition de musique, l’armure en particulier » ou « Pour tisser, il faut calculer en permanence et maîtriser la règle de trois », dit Marie.

En pratiquant le nœud du tisserand pour relier les fils de chaîne entre eux ou du « répondage », c’est-à-dire assembler les fils par torsion et frottement entre les doigts, Bruno est en mesure de mettre en place 120 m de chaîne de chanvre comme c’était la tradition en Bretagne (soit « 100 aunes de Paris », ancienne unité de mesure utilisée jusqu’en 1834). Le maintien de son savoir-faire a notamment permis de reconstituer les toiles de chanvre et de lin de Bretagne du XVIe au XVIIe siècle pour le Musée de Bretagne de Rennes et la Maison des Toiles de Saint-Thélo. Les étoffes en chanvre étaient et sont encore recherchées pour leur résistance. Pour cette raison, elles étaient utilisées pour les voiles de bateaux.

 

Français et différents patois locaux.

« Lou corbé » (chanvre en occitan), utilisé dans les noms de lieux où l’on cultive le chanvre ; la « Canebière » en provençal, les villages nommés Cénevières ou Chénevières, les lieux-dits Canabal ou Canaval.

Patrimoine bâti

 

Chaque étape de la culture et de la transformation s’effectuait avec des outils adaptés à l’époque et à la quantité, évoluant du manuel à la mécanisation. La façon de semer s’est mécanisée au fil du temps, auparavant à la main - souvent par les femmes qui mettaient les graines dans leur tablier ou dans un sac en toile « le giron » - et dans ce cas le rendement était de 2 ha la journée - puis avec une rayonneuse mécanique, et encore plus tard un « semoir à sabot ». Après l’arrachage du chanvre, les « poignées » ou bottes étaient chargées sur des carrioles avec mise en eau immédiate pour éviter que le chanvre ne brûle, puis apportées dans les « rouissoirs ». Le chanvre était ensuite séché à l’air libre ou dans des fours, conservé dans des abris, teillé à la main ou en moulins et enfin filé et tissé dans les manufactures.

 

Pour le rouissage

 

Les « routoirs ou rouissoirs » étaient des bassins maçonnés ou empierrés qui, par la suite, ont pu être reconvertis en lavoirs. Certains « rouissoirs » étaient implantés en bord de rivière pour profiter de l’eau vive, véritables ports de rouissage comme celui du Ménitré (Maine-et-Loire), constitué de grandes marches de pierre en paliers sur plus de 100 m de pavés où le chanvre était posé sur les marches et bloqué avec des pierres. D’autres étaient flottants et installés sur des barges portées par un système de « perches en bois » ou pieux enfoncés à 3 m de profondeur.

Après séchage à l’extérieur ou dans des fours à pain

Les « poignées » étaient conservées dans des granges et des greniers.

 

Pour le cordage, le filage et le tissage

 

Les corderies sont des bâtiments de grande longueur depuis l’origine, à l’image de la Corderie royale de Rochefort classée Monument historique, construite en 1666 sous Louis XIV pour fabriquer les cordages nécessaires aux bateaux à voile de la marine de guerre ; fleuron de l’architecture préindustrielle, la Corderie procède d’un calcul d’ingénieur. Pour obtenir un fil ou un câble de chanvre d’une encâblure (soit presque 200 m), il fallait « commettre ou retordre », c’est-à-dire torsader les fibres sur 300 m, en raison de la réduction de la longueur du cordage du tiers qui résulte du mouvement de torsion. Le corps de logis principal mesure 300 m. La Corderie dans son ensemble mesure 374 m de long.

De même, la Corderie Palus toujours en activité à Saint-Pantaléon-de-Larche et construite en 1908, est un bâtiment bas de 280 m de long, percé de petites ouvertures sur son pourtour le laissant ouvert au vent pour le séchage des cordages. Sachant que le plus long cordage de navire mesurait environ 195 m de longueur et que les fils étaient torsadés d’un seul tenant, il fallait donc des ateliers de fabrication aux grandes dimensions. La plupart des corderies ont fait évoluer leur activité vers le filage et le tissage, en se transformant en manufactures.

La Manufacture Bessonneau créée en 1901 qui regroupait toutes les manufactures de chanvre d'Angers en une société unique de filature, corderie et tissage. Son atelier de type architecture industrielle est un bâtiment en longueur couvert d’une toiture à deux pentes, étudié par le service régional de l’Inventaire général du Patrimoine culturel des Pays de la Loire. Les agriculteurs de chanvre de Maine-et-Loire, tel que Maurice Brouard, membre de l’AFLAM, ont vendu de la filasse à l’entreprise Bessonneau jusqu’en 1963 lors de sa fermeture. Celle-ci la transformait en fils et en produits de types voiles de bateaux, cordes, tuyaux de pompiers, filets de pêche etc.

La Filature de lin et de chanvre, corderie, ficellerie, dite Société industrielle de Ligugé (Vienne), étudiée par les services de l’Inventaire général du Patrimoine culturel de Poitou-Charentes au titre du patrimoine industriel, est une autre référence dans la transformation du chanvre ; son bâtiment comprenait en particulier : « Un magasin industriel à un étage carré et élévation à travées couvert d'un toit à longs pans et pignon couvert en tuile mécanique ; atelier de fabrication (ancien peignage à la main) en rez-de-chaussée couvert d'un toit à longs pans en tuile mécanique ; chaufferie et pièce de stockage du charbon à 1 étage carré couvertes d'un toit en ciment amiante ; cheminée d'usine en brique ; atelier de réparation à 1 étage carré et étage de comble couvert d'un toit à longs pans et demi croupes en ardoise » ( https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA86000055) pour la corderie, filage et tissage avec encore 70 métiers à tisser en 1951 ; elle cessa son activité en 1970.

 

 

Objets, outils, matériaux support

 

Teillage, cardage et filage du chanvre se pratiquaient jadis avec des outils de type ruraux en bois, en fer ou en pierre puis avec des machines et outils mécaniques avec comme objectif d’obtenir des fils de qualité les plus fins et longs possibles entre 70 et 80 cm de longueur, ce qui est actuellement impraticable pour le teillage de quantités importantes avec les moyens mécaniques du marché, mais en cours d’expérimentation.

 

Pour le teillage

Cette étape consiste à broyer puis battre : la « broie ou braie », composé autrefois d’une mâchoire en bois entre laquelle on faisait passer la plante rouie de façon répétée évoluant plus tard en une sorte de chevalet percé de quatre longues rainures dans lesquelles viennent s’emboîter quatre lames de bois fixées à un manche muni d’une poignée. Pour broyer le chanvre, la personne frappe les tiges avec cette sorte de couteau qui peut entrer dans les rainures, jusqu’à ce que toute la chènevotte soit tombée et qu’il ne reste plus que la filasse dans la main. Ce broyeur casse la tige rigide et sèche pour en extraire la fibre. Depuis le XIXe siècle, on utilise des outils mécaniques ou « turbines à teiller » munies de cylindres cannelés qui broient les tiges. Ces machines font pendant le même laps de temps le travail de 400 teilleurs à la main.

 

Pour le lissage et peignage

Le chanvre broyé est ensuite passé dans un « fer à espader » ou « lisseur », où la filasse est frottée sur le tranchant afin d’assouplir les fibres, d'ôter les déchets et de polir les fibres avant d’être peigné. Enfin le « peignage ou cardage » effectué avec différents types de peignes, finit d’éliminer les dernières impuretés et sépare les fibres les plus courtes appelées étoupes. Des peignes à dents larges associés à d’autres identiques mais aux dents plus serrées servaient à obtenir une filasse de plus en plus fine.

Pour la mise en « balles »

Les fibres sont passées dans une « presse à chanvre ».

Pour le filage

 

La « quenouille » est l’outil ancestral utilisé par les fileuses, c’est-à-dire un bâton de bois tourné sur lequel sont enroulées les fibres, tirées par la fileuse pour enrouler les fils autour du « fuseau » ; le fil subit un mouvement de torsion et s'embobine autour du « fuseau », petite bobine de bois terminée en pointe à chaque extrémité. Le « rouet », autre outil emblématique de la fileuse est apparu en Europe à partir du XIIIe siècle. Il permet d’enrouler le fil sur le fuseau à l’aide d’une roue, d’une courroie et d’une pédale. Lorsque la bobine ou le fuseau sont complètement chargés de fil, les femmes les dévident et forment des « écheveaux » à l'aide d'un « dévidoir ou ourdissoir » monté sur un pied, comprenant des chevilles circulaires. Ceux-ci étaient alors livrés au tisserand pour le tissage. Ces outils sont encore fabriqués et commercialisés. Le filage mécanisé du chanvre en filature s’est développé au début du XIXe siècle, mais n’étant destiné qu’à la draperie ou à la voilerie car il produisait un fil grossier. Ce type de filage n’était pas adapté au prêt-à-porter, car les métiers à tisser industriels peuvent difficilement tisser ensuite la fibre de chanvre, celle-ci étant trop robuste, épaisse et courte en comparaison avec la fibre de lin. La mécanisation de sa transformation est en cours de développement et à l’état expérimental sous trois formes principales en fibre longue et fibre courte. La première consiste, après le rouissage aux champs, d’utiliser le matériel de teillage et de filage du lin avec comme contrainte d’obtenir une fibre de chanvre de même longueur que celle du lin, celle du chanvre étant plus longue, c’est-à-dire de la raccourcir lors de la récolte, puis de régler les machines à teiller et à filer. La deuxième adoptée par certains praticiens pour le « teillage ou défibrage » est de créer de nouvelles machines adaptées au chanvre, c’est-à-dire teillées dans la longueur alors qu’avec les outils liniers, il est teillé dans la largeur (cf. section III.2 infra), cela pour obtenir des fibres longues. La troisième est l’utilisation le process de filage du coton ou de « cotoniser le chanvre » c’est-dire de l’utiliser en fibres courtes comme le coton, d’étirer les fibres dans des rouleaux pour former des rubans qui seront tordus et raccordés ensemble pour donner le fil définitif.

 

Pour le cordage

 

Les opérations de « commettage » se réalisent avec un outil essentiel, le couchoir ou toupin qui permet de tortiller les torons et existe de plusieurs tailles en fonction de la corde à commettre, la taille d’un cordage pouvant varier de 3 à 45/50 mm de diamètre.

 

Pour le tissage (entrecroisement de fils à angle droit)

 

Le « métier à tisser traditionnel » ou « métier à bras » (cf. section I.5 supra) se compose d’un bâti sur lequel sont installés quatre dispositifs : l’ensouple arrière sur laquelle les fils constituant la chaîne sont enroulés ; le dispositif intermédiaire qui assure la levée et la baisse des fils de chaîne pour le passage de la navette ; le peigne qui tasse les fils ; le rouleau porte-tissu sert à emmagasiner le tissu au fur et à mesure de sa fabrication.

Ces outils très élaborés de différentes tailles sont transmis dans les familles ou achetés d’occasion. Les métiers doivent être adaptés aux caractéristiques propres au chanvre qui a peu d’élasticité contrairement à la laine et la soie. Il n’y a plus qu’un fabricant de métiers à tisser en France. Les tisserands les achètent d’occasion comme Héloïse Valet qui a démarré son activité avec l’achat d’un métier à tisser « de type Lyonnais » ou les fabriquent eux-mêmes, comme le père de Bruno Lesteven, ou bien les récupèrent dans leur famille, comme Marie Lépée, tisserande à l’île d’Oléron. Elle a récupéré les métiers à tisser de son arrière-grand-mère et a acheté des métiers de toute tailles d’occasion, qu’elle choisit en fonction de la largeur de tissu voulue. Les tisserands sont très soucieux de leurs métiers et les entretiennent, pour qu’ils fonctionnent. Selon Héloïse Valet, « Pour maîtriser un métier à bras, il faut être bricoleuse, inventive et designeuse ». Ils les bricolent pour pouvoir s’y installer confortablement et préserver leur corps car le tissage en sollicite certaines parties (épaules, bras, articulations des coudes, genoux, chevilles, etc.).

La culture et la transformation du chanvre pour la production textile sont présentes sur le territoire français à titre expérimental, en particulier pour la recherche de variétés de semence et d’une mécanisation adaptée. Celle-ci concerne en particulier le mode de récolte et le teillage, développés en « Recherche et Développement », soit pour les adapter aux procédés de la filière lin, soit en créant des machines spécifiques. Les différents savoir-faire liés à sa production sont donc transmis au sein des exploitations et des entreprises par transmission familiale ou par apprentissage, dans les champs et dans les ateliers des agriculteurs, des teilleurs et peigneurs. Dans ces établissements, les anciens salariés, détenteurs du savoir-faire ont la charge de la formation des nouveaux entrants.

S’agissant de la mécanisation, le CESI École d’ingénieurs de Cahors participe au développement de procédés de défibrage du chanvre dans le Lot. Hemp-Act, l’entreprise de Pierre Amadieu accueillent les étudiants pour application dans son atelier.

 

Parcours d’apprentissage

Pierre Amadieu est agriculteur bio et fils d’un agriculteur bio de famille chanvrière. Il y a appris la culture du chanvre. Ses arrière-grands-parents eux produisaient le chanvre sur une pièce de terrain. Chaque ferme avait son jardin appelé « hort » en occitan, et la pièce de terre de chanvre s’appelait le « cannabal ». Il a découvert enfin dans le grenier de sa grand-mère une filasse de chanvre de 3/4 kg au fond d’un sac, le début d’une aventure.

Maria Fatima Pinto, cordière, la plus ancienne salariée, est rentrée dans l’entreprise à 16 ans en 1979 ; elle a maintenant 57 ans. Depuis plus de quarante ans, elle travaille aux corderies Palus. Elle a appris le métier avec Maurice Palus et maintenant elle a en charge la transmission des nouveaux cordiers qui entrent dans l’entreprise. Elle avait 3 belles-sœurs qui travaillaient déjà à la corderie.

Marie Lépée, tisserande à l’île d’Oléron, est la fille de parents agriculteurs qui avaient des parcelles de chanvre et le lin en Normandie. Sa mère transformait également les deux fibres qu’elle rouissait en bassin, teillait, peignait à la main. Elle récupérait toute la filasse restante qu’elle mélangeait avec du sable de rivière et de la chaux puis la moulait l’été dans moules carrés de bois pour faire des briques des maisons en ossature bois. Les briques étaient montées entre des lattes de bois. Sa mère et sa grand-mère filaient au fuseau qu’elles préféraient au rouet car au rouet le fil se tordait tandis qu’il était beaucoup plus régulier au fuseau. Sa mère tissait également. Marie et son mari Bruno ont appris le tissage du chanvre auprès d’elle ; ils transmettent à leur tour ces savoir-faire à une apprentie dans leur atelier.

Établissements d’enseignement

 

• Certains lycées agricoles, comme celui d’Yvetot (Seine-Maritime), font bénéficier les élèves de leurs expérimentations, telle que celle de la ferme du Lycée d’Yvetot, qui cultive biologiquement une parcelle de chanvre bio.

• S’agissant de la mécanisation, le lycée polyvalent Gaston-Monerville à Cahors (Lot) et ses classes de BTS participent à la conception production industrielle pour la construction des machines de défibrage du chanvre dans le Lot. Hemp-Act, l’entreprise de Pierre Amadieu, accueille les étudiants pour application dans son atelier, en particulier les jeunes doctorants de l’École nationale d’ingénieurs de Tarbes (ENIT). Hemp-Act apporte aussi des prestations en recherche et développement à l’Institut catholique des Arts et Métiers (ICAM) à Toulouse.

• L’Ecole nationale d’art et de design de Reims mène, dans le cadre de la chaire Idis, plate-forme créative de designers et étudiants, une recherche sur le chanvre et les éco matériaux, notamment textile sous forme de workshops avec pour objectif de développer les ressources et écosystèmes locaux autour des procédés, que les étudiants requestionnent tels que la fabrication même de fils ou de cordes en chanvre via une astucieuse machine. Un travail de deux ans a été mené sur le chanvre, clôturé par l’exposition Le chanvre, matière à innovation sociale, présentée au Cellier à Reims en 2020 et sur la plate-forme http://chaire-idis.fr/projets/le-chanvre-v2/ .

 

 

Privés et associations

 

Pour le tissage, les artisans tisserands du chanvre, une dizaine en France, organisent des stages de formation pour transmettre les techniques spécifiques liées au chanvre et au lin car les deux fibres sont généralement associées. Il existe une dizaine de formations textiles en France comprenant du tissage mais aucune formation diplômante au métier de tisserand, de même au métier de tisseur. Il existe trentaine de formation au tissage en formation professionnelle. Bruno Lesteven, tisserand spécialisé dans le lin et le chanvre, organise de nombreux stages de tissage chanvre et lin sur les divers métiers à bras de son atelier du Moulin de Peillac (Morbihan) et apporte ses conseils avisés aux jeunes tisserands.

Virgocoop est une coopérative qui rassemble les derniers détenteurs de savoir-faire du chanvre textile avec pour objectif de contribuer activement à pérennité de la filière chanvre, à la transition écologique des territoires, en développant et en portant des initiatives à forte valeur ajoutée du point de vue social, environnemental et économique. Son premier projet est celui du renouveau de la filière chanvre textile, biologique et équitable en France en reconstruisant une filière complètement locale, de la culture au vêtement fini. L’idée est de démocratiser l’usage du chanvre en France et de se passer du fil de chanvre roumain dans les cinq à dix ans. Virgocoop se positionne comme un intermédiaire entre les différents acteurs. Le réseau s’est construit autour d’une série d’expérimentations : l’achat de fils en Roumanie, la teinture chez les établissements Plo à Mazamet, le tissage chez Passe-trame dans le Tarn et, enfin, la rencontre avec les ateliers Tuffery pour la confection d’un jean en chanvre. Virgocoop a obtenu enfin une subvention de 60 000 euros de la Région Occitanie, destinée à la machine de teillage de Hemp-Act, porteuse d’un process de défibrage/teillage du chanvre.

La Corderie Palus à Saint-Pantaléon-de-Larche (Corrèze), une des dernières « corderies artisanales au long » en France, utilise les processus et référentiels écrits par le syndicat des cordiers à sa création ; l’entreprise possède un cahier explicatif des techniques par matière et par type de corde, encore disponibles dans les ateliers pour la formation des cordiers.

L’association Lin et Chanvre Bio (LCBio), créée en juin 2013 dans le Pays de Caux en Normandie, regroupe des producteurs et des transformateurs de lin et chanvre biologiques selon trois collèges de membres : les agriculteurs biologiques, les entreprises de teillage coopératives et privées et les institutions partenaires, des créateurs et marques de vêtement, des artisans du textile. LCBio se pense ainsi comme un espace d’échange sur les savoir-faire et techniques de culture du lin biologique et du chanvre, et se donne pour objectifs de mener des travaux de recherche et des expérimentations sur le chanvre, de développer la culture de lin en agriculture biologique pour tendre vers une adéquation des assolements avec l’état du marché, faire la promotion des deux fibres textiles, et enfin de favoriser la transparence des prix payés au producteur. Le lin et le chanvre sont deux fibres dont la culture et les traitements peuvent se faire dans les mêmes conditions. L’association se donne donc pour mission de déterminer un itinéraire technique pour le chanvre, dont la culture connaît un renouveau, afin d’obtenir une paille susceptible d’être teillée sur les outils liniers et une qualité de fibre répondant aux exigences de la filière textile. À terme, LCBio espère pouvoir mettre en place des filières françaises complètes de lin biologique et de chanvre textile. L’association organise une fois par an une journée professionnelle largement ouverte aux différents acteurs de la filière, ainsi que des réunions techniques permettant d’accompagner les agriculteurs désireux de se lancer dans la culture du lin biologique.

• L’AFLAM (Association fêtes animations loisirs Montjean-sur-Loire) met en œuvre le festival « de Fibres en musique ». Née il y a vingt-six ans à l’initiative des anciens producteurs de chanvre de la vallée de la Loire, elle montre les gestes de la culture et du travail de cette plante qui se pratiquaient dans cette région jusqu’au milieu des années 1960 pour la confection de cordage, textile, etc. Elle implique d’anciens agriculteurs chanvriers pour inciter et former une nouvelle génération d’adhérents plus jeunes dans la reconstitution de la culture et du travail du chanvre: rouissage, teillage, filage et fabrication de cordes présentés dans le cadre du festival.

Association Espace éco-chanvre & fibres végétales de Noyale sur Vilaine : dans le droit fil des actions conduites par l'association Les Noyales créée en 1996 pour faire revivre les savoir-faire des anciens tisserands de la Maison « La Noyale » qui produisait les toiles de chanvre les plus réputées et fournissaient la Marine royale sous Louis XV et œuvre à la découverte et à la valorisation de la plante, l'association Espace éco-chanvre & fibres végétales entend valoriser le développement et les utilisations du chanvre industriel et des fibres végétales dans ses divers champs d'application et en particulier dans le textile. La mission principale de l'association est de contribuer à la valorisation du chanvre et des fibres végétales en proposant des sessions de formations, des conférences, des débats, des expositions. À cet effet, l'association mobilise les acteurs publics, industriels, associatifs ou privés pour développer son action. Elle fonde son projet sur le partage des informations : applications et innovations (centre de ressources), en réponse aux attentes et aux interrogations des professionnels et des consommateurs.

 

Les organisations professionnelles

 

InterChanvre

Créée en 2003, l’interprofession baptisée InterChanvre voit le jour pour faire connaître les qualités de cette plante incroyable et défendre les producteurs au côté de la Fédération nationale des Producteurs de chanvre (FNPC) et les industriels sous l’enseigne de l’Union des transformateurs du chanvre (UTC). InterChanvre assure des missions d’intérêt général autour de trois piliers : l'écologie, l'économie, et l'éco-responsabilité. Elles visent à fédérer les acteurs de la filière, à assurer la représentation du secteur auprès des instances techniques, économiques et politiques pour défendre la filière et ses acteurs, à favoriser les actions de recherche scientifiques et techniques et à promouvoir les qualités environnementales du chanvre, de la filière et de ses marchés. De nos jours, InterChanvre est l’interlocuteur de l’État pour positionner le chanvre dans le Plan de Relance et dans le Green Deal au niveau européen.

Fédération nationale des Producteurs de chanvre (FNPC)

Créée en 1932, la FNPC est le regroupement de tous les syndicats des producteurs de chanvre français. Elle fait partie des plus anciennes structures agricoles françaises. Cette association syndicale a pour vocation historique la promotion et la préservation des intérêts des agriculteurs chanvriers français.

Originaire d'Asie centrale où il pousse à l’état sauvage, le chanvre a plus de 8000 ans. Il s'est répandu vers la Chine, toute l'Asie, la Russie et le bassin méditerranéen. De la Russie, il pénétra vraisemblablement en même temps que les métaux dans les pays baltes, en Germanie et en Scandinavie. Les Vikings, grands navigateurs, avaient besoin de cordes de chanvre et l'ont sans doute répandu au cours de leurs expéditions en Europe occidentale [Chevalier, 1944]. En l’an 800, sous le règne de Charlemagne, la culture du chanvre, considéré comme une denrée de première nécessité pour ses différents usages en habillement et en cordages, connaît un certain essor. Au Moyen Âge, le chanvre provenait en partie d’Italie, de Riga (Lettonie), sur la mer Baltique, et de Russie, très grand pays producteur. Également cultivé en France, il était utilisé pour un usage domestique, mais servait aussi à fabriquer les voiles et les cordages pour les bateaux. Les paysans semaient le chanvre près des rivières, où ils le rouissaient selon une méthode spécifique liée à l’eau courante. Les femmes filaient la quenouille au fuseau et fournissaient les tisserands, drapiers, cordiers en filasse et fils de chanvre.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, à l’âge d’or du chanvre, la fibre est utilisée pour fabriquer les cordages, les câbles, les échelles et les haubans, ainsi que les voiles des navires. En 1666, Colbert crée la corderie royale associée à l'arsenal de Rochefort (Charente-Maritime) et réalise un important travail pour sécuriser l'approvisionnement en chanvre du royaume. L'apogée de cette culture eut lieu au XVIIIe siècle. Les manufactures et filatures, les corderies répandues dans toute la France fournissaient la marine et le monde agricole. Les villes de Lorient, Brest, Rochefort, Toulon et Marseille, avec sa Canebière, qui signifie chanvrière en langue provençale, en particulier, étaient approvisionnées par les vallées voisines où le chanvre prospérait : celles de Maine-et-Loire, de la Sarthe, de Bretagne, de Charente, de la Vienne, de la Creuse, de Lot-et-Garonne et de Camargue. Les villages du Quercy étaient nommés Cénevières ou Chénevières, les lieux-dits Canabal ou Canaval.

La culture du chanvre était donc répandue en France, chaque ferme ayant sa « chènevière », souvent à côté du jardin. Les femmes participaient pleinement aux travaux des champs, à l’arrachage, au liage des poignées, au peignage, au cardage. Les paysannes, les voisines, les grands- mères filaient au coin du feu, les bergères dans les champs. Le chanvre était utilisé par des tisserands qui confectionnaient les textiles réputés des toiles de Bretagne ou des draperies normandes. Le Haut-Maine produisait alors 4,3 millions de livres de chanvre, devant l'Anjou et la Touraine. Les cultivateurs de la Sarthe ont connu, avec le chanvre, une période prospère de plusieurs siècles. D'autres régions le cultivaient : la Bourgogne, la région de Lyon, le Poitou, le Lot- et-Garonne et l'Auvergne, qui produisaient, d’une part, du fil (le plus beau pour les draps et les vêtements et le plus grossiers pour le linge, accessoires de cuisine et voilerie) et, d’autre part, des cordages. Une diversité de métiers existait : cardeurs, peigneuses, tisserands, toiliers, drapiers et cordiers, particulièrement en Bretagne, en Normandie et dans le Maine, qui fournissaient les foires et les marchés de France, les ports et les arsenaux.

En 1812, Napoléon lance la campagne de Russie afin de contrôler, notamment, le commerce du chanvre entre la Russie et l’Angleterre, la plus puissante marine du monde et ennemie historique de la France. Le chanvre russe fut un sujet de discorde entre les États-Unis et l’Angleterre, et aussi l’une des raisons de l’envahissement de la Russie par Napoléon car il était utilisé par la marine pour les voiles et les cordages. « Napoléon a fait le siège de l’Angleterre à cause du chanvre pour bloquer la production des voiles et des cordes des bateaux » (témoignage de Jean-Marie Trottier). En 1830, en France, 176 000 ha étaient encore exploités pour la culture du chanvre.

Jusqu’au début du XXe siècle, tout paysan entretenait encore un petit champ de chanvre. « Dans la région d’Angers, tout le monde cultivait du chanvre pour un usage domestique et pratiquait la polyculture en faisant aussi du maraîchage et l’élevage de vaches » (témoignage de J.- M.Trottier). À Peillac (Morbihan), jusqu’en 1940, une communauté de tisserands et de producteurs de chanvre se retrouvait à la foire de Redon (Ille-et-Vilaine) : la « Teillouse ». Les paysannes et paysans, qui cultivaient le chanvre dans les fermes, le teillaient dans les moulins, les tisserands, qui confectionnaient les toiles et du linge pour la maison, y participaient aussi jusque dans les années 1960. Le chanvre était une culture complémentaire et constituait un salaire annuel pour l’agriculteur, en raison de son fort rapport financier.

En 1937, le lobby de la pétrochimie américaine (Dupont de Nemours) engendre un brusque ralentissement de la production en poussant le Gouvernement américain à instaurer le Marijuana Text Act, qui taxait tellement le chanvre qu’il est peu à peu remplacé par la chimie et le synthétique. L’expansion du cannabis, autre variété de chanvre alors répandue, discrédita complètement le chanvre. Concurrencé dans son usage textile par les fibres exotiques (jute, sisal, coton) et synthétiques (nylon), mais aussi, dans l'industrie papetière, par le bois, le chanvre décline rapidement au cours de la première moitié du XXe siècle, avant son passage à une activité industrielle. Face à cette situation, les producteurs français se regroupent pour créer la Fédération nationale des producteurs de chanvre (FNPC).

Jusqu’en 1960, les dernières manufactures et filatures ferment. L’activité s’interrompt avec l’arrivée massive du coton, alors plus compétitif, du fait de la main-d’œuvre et de l’esclavage, et l’introduction de la marine à vapeur, qui ne nécessite plus de voilerie. Il ne reste plus en 1960 que 700 ha de chanvre en France et la transformation du chanvre est presque complètement abandonnée avec ses savoir-faire et ses outils. En dehors de sa transformation en textile, qui est la plus ancienne utilisation, le chanvre était cultivé pour la graine et le papier au moment de l’invention de l’imprimerie (papier à cigarettes, billets de banque fins et résistants). C’est pour la graine et le papier que la culture du chanvre a principalement été conservée. C’est également grâce à la persévérance d’agriculteurs et d’artisans dépositaires des savoir-faire de leur aïeux que les pratiques liées au chanvre textile ont pu se perpétuer.

Depuis les années 1990, porté par le fort courant écologique, un nouvel intérêt pour le chanvre permet une progression constante des surfaces en France, multipliées par trois en trente ans. L’image du chanvre est indéniablement qualitative, pour reconstruire, adapter, développer des savoir-faire, des machines et une communauté. Son développement actuel se démarque pour ses vertus environnementales, par une production industrielle effective à partir des fibres courtes et de récupération de chènevotte. Elle fournit une laine de chanvre cardée, une chènevotte fibrée pour l'isolation des maisons d'habitations, un béton de chanvre pour la construction, des plastiques biosourcés dans l’automobile, différents types de mobilier, du paillage horticole, des produits alimentaires et cosmétiques à base de chanvre, graines, huiles, etc.

En 2020, les débouchés textiles ne sont encore qu’émergeants du fait des contraintes de transformation liées à la longueur de la tige. De nos jours, l’enjeu de reconstruire une filière complète - de la culture au produit textile – est en bonne voie, en particulier à l’échelle locale, où des réseaux d’acteurs engagés sont déjà très actifs. On compte par exemple 12 ha de chanvre (Eure- et-Loir, Eure, Calvados et Seine-Maritime), 3 ha dans le Lot, 5 à 6 ha en Lozère, 30 ha en Camargue et 35 ha en Charente, mais aussi des projets d’outils mécanisés et de relance de filatures, la mise en place récente d’une filature expérimentale en Alsace portée par l’entreprise Emmanuel Lang.

L’évolution des pratiques liées à la production du chanvre textile se situe aussi bien dans sa culture que dans sa transformation ; jadis manuelles celles-ci ne cessent de se mécaniser depuis le nouvel engouement pour le chanvre datant des années 1990, en faisant l’objet de nombreuses expérimentations. Celles-ci se développent particulièrement dans les deux régions de Normandie, et d’Occitanie, mais aussi dans le département de l’Aube, en affichant des résultats prometteurs.

Sur tout le territoire, les opérations entièrement manuelles ont évolué avec la mécanisation :

• Le semoir à sabot, la faucheuse pour la coupe du chanvre, l’enrouleuse pour faire les balles rondes ont remplacé les outils manuels ;

• Le rouissage en champs s’est substitué au rouissage en rivière trop polluant ;

• Le broyage, teillage et peignage sont passés des outils en bois actionnés à la main à des outils mécanisés.

 

 

Actions spécifiques

 

En Normandie, les agriculteurs, teilleurs locaux et l’association LCBio procède à des essais de culture, récolte et teillage sur le modèle du lin, car les deux plantes libériennes ont de nombreux points communs. « En effet, les teillages ont la capacité de défibrer efficacement les tiges de chanvre sur les équipements liniers à la double condition de fournir aux teillages des tiges de chanvre conditionnées en tiges parallèles d’1 m de long et rouies comme le lin. La difficulté principale est de trouver une solution mécanique pour paralléliser au champ les tiges de chanvre pour un rouissage homogène et pour les couper en longueur d’1 m. Les arracheuses à lin ne conviennent pas car elles ne sont pas adaptées à la hauteur du chanvre (environ 2 m). Pourtant, dès lors que cette opération est réalisée, l’utilisation des équipements liniers conventionnels est rendue possible (retourneuse, enrouleuse, teilleuse). Fin 2018, l’association a fait l’acquisition d’une faucheuse/paralléliseuse chinoise. Après certaines modifications et la fabrication d’un disque coupeur pour avoir des tiges de 1m, la faucheuse/paralléliseuse a permis de bons résultats lors des premiers tests », selon LCBio. La machine permet en effet de faucher et couper les tiges de chanvre à 1 m de longueur. L’association a planté plusieurs parcelles de chanvre pour le faucher à différentes hauteurs de 2,30 m, 1,30 m (la plus concluante) et 1,10 m. Les résultats en filature après teillage ont permis d’obtenir un fil de qualité: «Les résultats actuels sont très encourageants : le premier fil 100 % chanvre normand roui au champ a surpris par sa qualité et l’ourdissage est en cours pour les premiers mètres de sergé destinés à confectionner une petite série de jeans en chanvre » dévoile l’association, et un produit fini, un jean en chanvre avec leurs partenaires français SAFILIN pour la filature, Emmanuel Lang pour le tissage et la marque Le Gaulois pour la fabrication du Jean.

En Occitanie, les parcelles de chanvre textile se multiplient dans le Lot, en Aveyron et en Lozère. Pierre Amadieu au sein de son entreprise Hemp Act et du réseau Virgocoop a mis en place un process qui s’appuie sur les savoir-faire traditionnels pour faire du textile avec pour objectif de recréer un écosystème autour du chanvre, des agriculteurs et d’une pluralité d’acteurs. La filière chanvre Midi Pyrénées qu’il a contribué à développer visait le domaine textile avec la fabrication d’un outil de « défibrage » exigeant l’étape préalable de « rouissage au sol », telle qu’on la retrouve dans la production linière. Sa démarche est différente de la précédente puisqu’il s’agit d’adapter les machines au chanvre et non l’inverse. Il peut ainsi faucher le chanvre à sa taille de maturation, ce qui permet de faire une récolte mixte avec la graine et la paille en ayant comme intérêt supplémentaire d’utiliser les outils existants : une faucheuse à section pour la récolte, un andaineur pour faner comme pour la luzerne. Il a dû inventer et mettre au point un système mécanique qui puisse « défibrer » la paille, en les passant dans la longueur sans casser les fibres et en les alignant. Pierre a trouvé et acheté des machines, une cardeuse de chanvre par exemple, récupéré des machines agricoles existantes et démonté tout cela pour obtenir les pièces nécessaires à son invention. Cette machine de défibrage des tiges chanvre dans leur longueur est actuellement en cours de développement et de prototypage. Elle sera mobile pour être mutualisée. À titre expérimental, le réseau Virgocoop et Hemp-Act, leurs partenaires Eric Carlier, tisserand de Passe-trame dans le Tarn et l’Atelier Tuffery en Lozère ont réalisé le premier jean en chanvre made in France, issu d’une filière locale, éthique et responsable.

 

 

Principe de la machine de défibrage en cours de développement

 

Les balles sont déroulées pour présenter au broyeur les tiges dans leur longueur, lequel les écrase entre des paires successives de rouleaux cannelés ce qui déstructure les pailles et permet de séparer les fibres de l’écorce et la chènevotte. Les fibres sont ensuite mises en bobines pour être cardées à l’aide d’une seconde machine, qui à partir d’un système de tambour principal et de tambours dits « travailleurs » (rouleaux à pointes) affinent la fibre.

Avec ce procédé et les tests réalisés par Pierre Amadieu, la longueur des fibres est menée à 400 mm en vue obtenir un fil relativement gros de Numéro Métrique 10/12, adapté pour des produits comme le jean. Pour un fil plus fin, les opérations de cardage sont répétées avec comme conséquence la perte de longueur. Or, plus la fibre issue du cardage ou du peignage est longue et plus le fils va être résistant. Le cardage reste incontournable pour travailler les fibres en longueur et pour aller vers la fibre textile.

Selon Pierre Amadieu, « il faudrait dans un avenir proche, développer le plus rapidement possible un processus de préparation du chanvre long brin » de 600 800 mm avec de nouvelles machines adaptées et ce sans aucune chimie.

Les fibres défibrées puis cardées sont mises en bobines, rangées par catégories et transmises à d’autres entreprises spécialisées pour le peignage ou par les filateurs qui sont équipés pour le faire. Dans l’Aube, La Chanvrière fournit son chanvre roui pour produire du chanvre cotonnisé : les fibres courtes sont cardées comme pour le coton.

Vitalité

 

Le chanvre connaît de nos jours un développement croissant lié à sa culture et sa transformation qui s’inscrivent dans la transition écologique. Globalement, il présente de nombreux atouts :

• Agronomiques, car il s'intègre bien dans une rotation. Culture de printemps, il permet de diversifier les assolements à base de cultures d'automne. Il laisse un sol propre (du fait de son comportement étouffant vis-à-vis des adventices) et meuble (du fait des racines pivotantes qui se développent en profondeur). Il ne nécessite pas de traitement en culture en particulier l’usage de produits phytosanitaires. Il est résistant à la sècheresse et n’a pas besoin dans la plupart des cas d’irrigation.

• Environnementaux, car les débouchés du chanvre ont un impact favorable vis à vis de l'effet de serre, d’après les résultats de l'analyse du cycle de vie réalisé par l'INRA sur le chanvre dans plusieurs domaines, en agronomie, en thermoplastie et dans le bâtiment. Son autre intérêt réside dans le fait que les tiges comme les graines exploitées pour une grande variété de produits sont entièrement valorisables, elles ne génèrent aucun déchet. Les graines ou chènevis sont utilisées pour l’alimentation, l’huile extraite des graines est aussi appréciée en cosmétique. L’intérieur de la tige ou chènevotte (cellulose de la plante) qui représente 65 à 70% du volume de la tige pouvaient autrefois raviver les feux de cheminée, mais sont transformés plus récemment en paillage animal et végétal pour l’agriculture et en béton de chanvre pour le bâtiment. L’extérieur de la tige (sorte d’enveloppe) qui représente 30 à 35 % du volume de la tige, contient la fibre qui deviendra pâte à papier ou filasse pour les cordages ou les produits composites, puis fils pour des produits textiles.

Le chanvre textile en particulier participe à ce nouveau développement en raison des qualités de la fibre. Les produits textiles en chanvre sont thermorégulateurs, inusables et d’un grand confort.

Outre les voiles des bateaux, on peut citer les toiles des costumes de Molières (chanvre et ortie) mais aussi les trousseaux de mariage, les chemises de travail. Marie-Rose rappelle que « les trousseaux étaient en chanvre : du linge de maison, des draps et taies d’oreiller, des torchons et des blouses de travail. Le trousseau était précieux et durait toute une vie ». Les draps de chanvre étaient solides, chauds et inusables. Les maillots de corps des soldats américains lors de la première guerre du Golfe étaient en chanvre. Stéphane Assoleri vante les vertus du chanvre en indiquant que les cordes à grimper en chanvre sont douces car elles ne brûlent pas les mains. Il nous dit aussi que le chanvre se détend en été et se rétracte en hiver ; contrairement au lin, le chanvre résiste à l’humidité. De nos jours, les tisserands qui continuent à travailler le chanvre confectionnent des produits d’ameublement (rideaux, couvertures, coussins, etc...) à façon, répondant à la demande d’une clientèle de particuliers. Certains qui ont une formation de stylisme associée au tissage font de la vente directe de produits d’habillement lors de salons et foires mettant à l’honneur les fibres naturelles. En résumé ses qualités principales résident en une solidité intéressante pour des produits comme le jean, pièce indémodable du prêt à porter et dans tous les vestiaires, et des propriétés antibactériennes et thermorégulatrices du tissu en chanvre intéressante pour des développements futurs.

Le stade actuel est la recherche et le développement avec un objectif clairement affiché de reconstruction de la filière. En ce sens, de nouvelles cultures ont vu le jour en Bretagne, dans le Lot et en Normandie. Ce renouveau privilégie les circuits courts et l’économie locale, les savoir- faire artisanaux, la coopération et la partage de moyens. Il draine une communauté engagée et soudée de professionnels, détenteurs de savoir-faire dans les secteurs de l’agriculture et le textile.

La pandémie mondiale du printemps 2020 est un accélérateur de ce développement en raison du besoin de relocalisation des filières françaises.

La valorisation et applications de ses composantes sont multiples : les fibres en papeterie, bâtiment (isolation de chanvre) ou plasturgie, textile (vêtements, ameublement, décoration intérieure) ; les graines en alimentation humaine et animale (oiseaux, appâts pour la pêche) ; le bois (chènevotte) en litière animale, paillage des espaces verts et écoconstruction.

Enfin, le consommateur a une image extrêmement positive des produits issus du chanvre pour leur caractère naturel et écologique par comparaison aux produits issus de la chimie comme les matières synthétiques.

 

Menaces et risques

La reconstruction en cours de la filière chanvre textile présentent des contraintes et des risques. Les différentes étapes de la chaîne de valeur textile exigent une coordination et une collaboration étroite des acteurs, car certains détenteurs des savoir-faire textiles sont peu nombreux voire uniques et relativement fragiles : un seul tisseur, un seul filateur, dont les usines sont en Pologne, et une filature expérimentale qui vient de voir le jour, un seul peigneur, de rares artisans tisserands et teinturiers en France.

• Coût des recherches : sans doute longues et coûteuses, car elles sont en partie portées par des petites structures et pourraient ne pas aboutir par manque de financement, demandé par l’Interprofession dans le Plan de relance national de 2020.

• Prix de la matière et du produit fini : le changement de paradigme du consommateur qui va devoir acheter un produit plus cher même si plus durable, alors qu’il est habitué au textile à bas prix.

• Concurrence : le chanvre chinois est une concurrence réelle et pourrait envahir le marché français au dépend de la production française, mais une autre initiative concurrente émerge actuellement au Canada qui s’engage dans la relance de la filière chanvre textile, production historique et jadis renommée.

Modes de sauvegarde et de valorisation

 

Plusieurs musées locaux conservent et mettent en valeur les savoir-faire du chanvre et sa transformation, rappelant sa présence sur leur territoire. Ils abordent l’évolution et les mutations des pratiques et, dans certains cas, font des démonstrations et ateliers. Ces petits musées sont ouverts sur réservations toute l’année aux groupes et au grand public au printemps et en été et s’inscrivent souvent dans une démarche « tourisme et patrimoine ».

• Musée du Chanvre et de la Ganterie à Cognac-la-Forêt (Haute-Vienne) : salle d’exposition permanente « Le chanvre d’hier et d’aujourd’hui »

• Musée du Chanvre à Bligny-sur-Ouche (Côte-d’Or) : consacré exclusivement au chanvre, culture, récolte et transformation. Démonstration sur métier à tisser, explications sur la corderie

• Musée du Chanvre et de la vie d’autrefois, prieuré de Vivoin (Sarthe) : une partie du musée est consacrée à la culture du chanvre

• Musée Agrivap Ambert, musée de la Machine agricole et à vapeur et musée des Tresses et Chapelets (Puy-de-Dôme) : faucheuses, javeleuses, batteuses, tracteurs. Atelier des Tresseurs.

• Musée de la Corderie Vallois (Seine-Maritime) : toutes les machines de la corderie : métier à câbler, retordeuse à ailettes, bobinoir, cantre et tresseuses.

• Musée des Tresses et des Lacets (Loire) : ancienne usine textile, anciens métiers à tresser en bois. Le musée atelier accueille depuis 2012 artistes et designers qui tous travaillent avec le fil.

• Corderie royale à Rochefort-sur-Mer (Charente-Maritime) : ancienne manufacture de cordage, expositions permanente et démonstrations. Actions de valorisation à signaler

• Festival « De fibres en musique », à Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire) : ce festival a été créé en 1987 par l’AFLAM (Association fêtes loisirs, animations de Montjean-sur-Loire). Ils ont commencé par replanter 1200 m2 de chanvre, avec l’aide de la Fédération nationale des producteurs de chanvre, qui leur fournit les semences certifiées. Le festival annuel dure trois jours, le 3e week-end du mois d’août. Outre les démonstrations de savoir-faire (de la coupe à la filasse), il accueille un marché « éco bio » autour du chanvre avec 25 exposants.

• Journées annuelles de lin et chanvre bio, à Saint-Vaast-Dieppedalle : fondée par un liniculteur, l’association comprend 100 adhérents et regroupe les acteurs du lin et du chanvre textile biologique qui souhaitent une relocalisation de la filière textile. L’association est un lieu d’échange et de partage d’information notamment par le biais travers de ses rencontres annuelles.

• Printemps du Chanvre à Fons (Lot) : une journée organisée par le collectif de promotion de la filière chanvre lotoise consacrée aux différentes utilisations du chanvre dont le textile. Les associations de tisserands sont restées très actives dans la préservation des fibres naturelles et du chanvre. Elles organisent des manifestations, des rencontres et des marchés qui contribuent au maintien de la communauté textile et des savoir-faire liés au chanvre.

• Marché des tisserands de Varaignes (Dordogne), organisé par l’association Fils et Métiers pour la promotion de la création textile au château communal de Varaignes. Un marché de tisserands et de créateurs textiles s’installe au cœur du village de Varaignes et réunit depuis 39 ans des professionnels du textile qui proposent leur production à la vente : mode, vêtements, accessoires, décoration etc. Il permet aux visiteurs de redécouvrir des savoir-faire par le biais d’animations pédagogiques : Atelier-musée du Tisserand et de la Charentaise, ateliers professionnels d’art textile, animations et démonstrations.

• Salon « Toutes fibres dehors » en Bretagne : biennale créée en 2006 par l’association Textiles Métiers d’Art Bretagne, fondée en 2003 par des professionnels du textile. L’objectif de cette association est la promotion des métiers d’Art dans le domaine du textile (brodeurs, tisserands, liciers, stylistes, créateurs textiles...) par le biais de l’organisation de salons et expositions textiles ainsi que l’animation de manifestations pédagogiques. Le salon est un événement unique en Bretagne. Il regroupe une quarantaine d’exposants, tous professionnels du textile et leur permet de montrer et de vendre leurs créations et productions à un public particulièrement sensible à la création, aux fibres naturelles et éthiques et à l’importance d’un achat local et conscient.

 

 

Modes de reconnaissance publique

 

• Rouet classé Monument historique de la corderie Valois, à Notre-Dame-de-Bondeville (Seine- Maritime), fin XIXe-début XXe siècle

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM76001203?domn=%5B%22industrie%20tex tile%22%5D&mainSearch=%22rouet%22&idQuery=%227524de-763-03db-af3d- 411d83e4587%22/

• Atelier Tuffery, labellisé « Entreprise du Patrimoine Vivant » en 2018 : créé en 1892 par Célestin Tuffery, il fabrique des jeans en denim et a produit le premier jean en chanvre à Florac.

http://www.patrimoine-vivant.com/fr/showcompany/5974

Deux projets régionaux, l’un en Normandie et l’autre en Occitanie s’attèlent activement à mener des actions de sauvegarde et de développement des savoir-faire du chanvre textile, avec en particulier pour projets :

Association Lin et Chanvre bio (Normandie)

• Conduire 9 ha d’essais au champ pour préciser les rendements et l’itinéraire technique

• Mettre au point le matériel de récolte du chanvre (faucheuse/paralléliseuse)

• Assurer le suivi des essais de teillage, filature, tissage, tricotage sur le chanvre récolté en essais • Évaluer la viabilité économique pour l’ensemble de la filière

• Fédérer et échanger avec les autres projets chanvre textile français et européens et notamment les travaux menés en Nouvelle Aquitaine

 

Société Hemp-Act (Occitanie)

La SAS Hemp-Act, tout juste créée, basée à Lacapelle-Marival développe des technologies textiles et chanvrières innovantes avec ses associés afin de relancer la filière chanvre textile sur le Grand Figeac, en Occitanie et dans le grand sud. Forte de plus de 20 d’expérience de Pierre Amadieu, son président, dans le domaine du chanvre textile, des biomatériaux et des renforts pour bio- composites, la SAS Hemp-Act, acteur pionnier dans le secteur des équipements pour la transformation textile des pailles et des fibres libériennes du chanvre, du lin ou encore d’orties, développe des machines pour le défibrage des pailles de chanvre et l’affinage des fibres La ligne de défibrage HD900 constitue le chaînon technologique manquant qui permettra de reconstituer des filières locales de production de chanvre textile, elle est donc attendue en France et ailleurs dans le monde. C’est ce qu’ont bien compris et anticipé ses associés, ABC Chanvre (Camargue), Viridi Galus (Charente-Maritime), M. Cyril L., et Chanvre Occitan qui se positionnent d’ores et déjà en premiers exploitants des technologies de Hemp-Act afin de devenir pionniers et leaders sur leur territoire d’une nouvelle bio économie, relocalisée. Hemp-Act ambitionne après d’ultimes étapes de R & D (recherche et développement) la livraison annuelle de 25 lignes de défibrage de chanvre et des matériels et services connexes, à compter de début 2023.

 

VirgoCoop (Occitanie)

Cet autre associé fondateur est fortement impliqué dans la démarche et travaille à l’édition textile, avec le soutien de la Région Occitanie. VirgoCoop se positionne pour produire dès 2021 des toiles de jean en fibres de chanvre 100 % Occitanie qui alimenteront l’Atelier Tuffery.

La Région Occitanie soutient le développement des filières textiles naturelles dont la laine et le chanvre à 2 niveaux via le Fonds participatif Montagne, voté par les citoyens, qui a été attribué à VirgoCoop lauréat en 2020 pour son projet sur le chanvre et via le Plan Régional Filière Textile de renforcement de la filière à tous les niveaux y compris par une étude sur la relance de la filature.

 

Interchanvre (France)

Lancement du label « Fibre de chanvre française » afin de faire reconnaitre le Made in France, la traçabilité et le « zéro chimie ».

Récits liés à la pratique et à la tradition

 

Deux pratiques significatives liées à la tradition, délivrées lors de l’enquête de terrain sont préservées car intégralement reconstituées et transmises, l’une sur le rouissage en rivière effectué par les membres détenteurs de l’Association AFLAM de Montjean-sur-Loire à l’occasion du festival « Fibres en musique » et l’autre sur la fabrication « au long » de cordes en chanvre par les membres détenteurs de la Corderie Palus à Saint-Pantaléon-de-Larche.

 

 

Le rouissage en rivière à Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire)

 

La pratique s’appuie sur la construction d’une barge directement dans la Loire. Le choix du lieu a son importance : les rouissoirs étaient flottants et installés sur les barges portées par un système de « perches en bois » ou pieux enfoncés à 3 mètres de profondeur ; celles-ci supportaient les « poignées » ou bottes de chanvre posées tête-bêche, retenues par d’autres « perches » recouvertes de paille et de sable pour être maintenues sous l’eau, cela pendant sept à huit jours selon l’ensoleillement jusqu’à décollement de l’écorce. Le soleil et la chaleur sont les deux alliés qui permettent de raccourcir ce temps et de donner une meilleure fibre. « Plus le rouissage est rapide,meilleure est la fibre », selon Jean-Marie Trottier. Les conditions du rouissage sont primordiales car bien effectué il est la garantie d’une fibre de qualité, longue, solide, d’une couleur claire presque dorée. Selon Marie-Rose, une bonne fibre se reconnaît en l’observant et en la testant : « On prend un brin et s’il n’est pas cassant, il est de bonne qualité, lorsque sa couleur est blond clair c’est lié à un rouissage rapide » et fière de son territoire elle rajoute « le chanvre de Loire était réputé pour son rouissage ». Les barges étaient faites et refaites chaque année d’août à septembre. Pour défaire la barge, après avoir ôté le sable et la paille il fallait retirer les poignées. Celles-ci alourdies par l’eau pesaient entre 4 et 5 kg sèches et atteignaient mouillées un poids de 14 à 20 kg. En outre, elles dégageaient une odeur nauséabonde de purin d’ortie et maculaient de couleur verte les blouses de chanvriers. Secouées pour éliminer les dernières feuilles restées accrochées sur la tige, elles étaient ensuite posées debout pour s’égoutter pendant 24 h. Les liens des poignées étaient déliés et les tiges de chanvre étendues à plat sur la berge ou dans les prés pour sécher pendant trois jours. Au cours de ce séchage les tiges étaient retournées à l’aide d’une balise. La rosée du matin les faisait blanchir. Les poignées reconstituées pour devenir de grosses bottes de 10 à 15 kg qui étaient mises en « tourette » pendant une journée à l’extérieur puis dans le grenier. Pour encourager les travailleurs à l’effort, « Les femmes apportaient le café et la goutte aux rouisseurs ».

 

 

La Corderie PALUS à Saint-Pantaléon-de-Larche (Corrèze)

 

La corderie appartenait depuis sa création (1908) et trois générations à la famille Palus, qui cherchait depuis des années un repreneur. En 1908, Pierre Alphonse Palus, originaire de Bergerac, installe à Brive-la-Gaillarde (Corrèze) une entreprise de fabrication manuelle de fibres mécaniques. Ces deux enfants Maurice et Raoul reprennent l’entreprise. Raoul, compagnon, est mobilisé en 1939-1940 et Maurice se charge de la corderie. Il construit avec ses ouvriers un bâtiment « au long » à Saint-Pantaléon-de-Larche. Les ouvriers, majoritairement portugais et maçons, faisaient les cordes le matin et construisaient la corderie l’après-midi. Alphonse Palus qui était compagnon, a formé ses ouvriers dont la plupart étaient originaires de la communauté portugaise. Raoul décéda dans les années 1980 et Maurice rapatria toute l’activité à Saint- Pantaléon de Larche. Maurice eut cinq enfants, qui ont repris la corderie à parts égales. Parmi eux, Annie, Jeanne et Maurice vont prendre en charge la production de cordages. Annie a été formée par son père Maurice Palus au métier de ficelier-cordier. De nos jours, la transmission du savoir- faire se perpétue grâce à Annie, toujours disponible pour former les nouveaux cordiers ainsi que Maria-Fatima, cordière experte depuis quarante-deux ans et toujours salariée de la Corderie. Annie s’est retirée et a trouvé un repreneur de la corderie en 2018, Stéphane Assolari qui s’attache à redonner avec l’aide d’Annie, sa fille Déborah (4e génération Palus et associée de Stéphane Assolari) un nouvel élan, et continuer à préserver ce patrimoine artisanal, ce savoir-faire traditionnel.

Les archives de la famille ont été malheureusement éparpillées. Il souhaite « Redonner de la fierté aux cordiers, les aider à comprendre qu’ils sont les gardiens de ce savoir- faire et de ce lieu dorénavant unique » et précise que pour être cordier traditionnel, il faut être manuel et passionné. Le travail s’exécute dans un atelier soumis aux variations climatiques, sur des outils très anciens. Il faut avoir le souci du travail minutieux propre à l’artisanat. Il faut aussi avoir certaines qualités spécifiques liées au travail en lui-même : être bon marcheur, car la Corderie traditionnelle requiert 10-15 km de marche quotidienne sur les métiers à corder de 150 m de long ; avoir de la force car tirer les fils ou commettre un cordage traditionnel ne sont pas des opérations aisées ; avoir de la régularité et de la constance sur la tension, marche et accélération pour un pas de cordage maîtrisé ; avoir la précision et le souci du détail pour la réalisation des tresses avec des fils très fins. Tous les ouvriers ont appris le métier à l’atelier, dont Mathias formé par Maria Fatima, il est certainement le ou l’un des derniers Cordiers traditionnels au long encore activité en France. Dans le contexte actuel de la Corderie, l’objectif est que tous les salariés soient multi-compétents et polyvalents. Stéphane Assoleri cherche de plus avec Pierre Amadieu à faire une corde 100% chanvre français.

 

Inventaires réalisés liés à la pratique

 

Inventaire national du patrimoine culturel immatériel (ministère de la Culture)

• Le tissage à bras (atelier de Bruno et Gaëlle Lesteven) réf. 2008_67717_INV_PCI_FRANCE_00010 : https://www.culture.gouv.fr/Sites- thematiques/Patrimoine-culturel-immateriel/L-inventaire-national-du-PCI/Inventaire- national/Savoirs-et-savoir-faire/ PCI Lab : https://www.pci- lab.fr/index.php?option=com_fichesinventaire&view=fiche&Itemid=389&id=222

• La culture du chanvre textile dans le Briançonnais réf. 2015_67717_INV_PCI_FRANCE_00368 : https://www.culture.gouv.fr/Sites- thematiques/Patrimoine-culturel-immateriel/L-inventaire-national-du-PCI/Inventaire- national/Savoirs-et-savoir-faire/

 

 

Bibliographie sommaire

 

Beaulieu (François de), phot. de Hervé Ronné, La Route des toiles en Bretagne : le lin et le chanvre, hier et aujourd’hui, Ouest-France (« itinéraires de découvertes »), 2010.

Bonnétat (L.), Les Plantes textiles : lin, chanvre, etc., Paris, Hachette et Cie, 1919.

Chevalier (Auguste), « Histoire de deux plantes cultivées d'importance primordiale. Le lin et le chanvre », Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 1944, n° 269-271, p. 51-71.

Lévêque (P.-F.), préf. de Félix Laurent, Le Chanvre : culture, rouissage, broyage et teillage, Paris, Librairie agricole de la Maison rustique, 1925.

Poperen (Maurice), Filassiers, cordiers et toiliers d’Anjou, Lyon-Angers, Association Travail et Culture, 1981.

Ségalen (Henri Alain), Le Chanvre en France, Rodez, Éditions du Rouergue, 2005.

Sol (Eugène), Le vieux Quercy : usages anciens, Cahors, Maison des Œuvres, 1947.

 

 

Filmographie sommaire

 

• Hemp For Victory, real. Nuclear Vault, 1942, 14 min 11

https://www.youtube.com/watch?v=d3rolyiTPr0

• La Corderie royale de Rochefort, émission « Le monument préféré des Français », prod. Région Poitou-Charentes, 2019, 6 min 57

https://www.youtube.com/watch ?v=tYKgiYAgy5Q

• Yvetot : le lin et le chanvre cultivés en agriculture biologique, prod. France 3 Normandie, 2020, 1 min 54

https://www.youtube.com/watch ?v=lMSx_LKS-qg

• La plus longue corderie de France, émission « Météo à la carte », prod. FR3, 2020, 5 min 49 https://www.youtube.com/watch ?v=v6a6Cr78Soo

 

Sitographie sommaire

 

• Association des fileuses et tisserandes du sud-ouest de la France

http://www.fibres-so-france.com/

• Association Interchanvre

https://interchanvre.org/

• Association Les Noyales, espace Eco-chanvre

http://www.espaceecochanvre.com/

• Association Lin et chanvre bio https://linetchanvrebio.org/

• Association Lin & Chanvre en Bretagne

https://www.linchanvrebretagne.org/lin-chanvre-bretagne_histoire-patrimoine_Patrimoine- bati_bassins-rouir_fr.htm/

• École supérieure d’art et de design de Reims

http://chaire-idis.fr/wp-content/uploads/2019/06/CARNET-CHANVRE-2-A3-compressed.pdf

• Virgocoop

https://www.virgocoop.fr/filiere-chanvre-occitanie/

• Hugues Albouy, chargé de mission, Agence de développement d’Occitanie (ADOCC), 31 rue des Tuileries, 12110 Viviez

• Pierre Amadieu, agriculteur bio, inventeur d’une machine à teiller le chanvre, gérant de l’entreprise Hemp-Act, Betille, 46120 Lacapelle-Marival, pierre.amadieu21@gmail.com

• Stéphane Assoleri, gérant Corderie Palus, avec Deborah Bannier, 4e génération de la famille Palus, fille d’Annie Bannier-Palus, 620 avenue Alexis-Jaubert, 19600 Saint-Pantaléon-de-Larche, https://www.corderiepalus.fr/ , et son équipe : Maria Fatima Pinto, cordière-ficelière traditionnelle, Virginie Valade, cordière-ficelière traditionnelle (en formation), Laetitia Ferié, cordière-ficelière traditionnelle, Mathias Gombeau, cordier-ficelier traditionnel, Stéphanie Magoutier, cordière, et Vincent Raedlé, responsable Boutique.

• Cédric Auplat, président Peignage Dumortier (anciens établissements Dumortier lavage- cardage-retorderie), 94 rue de l'Amiral-Courbet, 59200 Tourcoing, www.peignagedumortier.fr

• Françoise Dupety, fileuse, teinturière, tisserande, 241 chemin de Pouzat, 46320 Livernon

• Mathieu Ebbessen Goudin, VirgoCoop, 171 rue Hautesserre, 46000 Cahors, https://www.virgocoop.fr/

• Nathalie Fichaux, directrice InterChanvre, 140 rue du Chevaleret, 75013 Paris

• Jacques Follet, agriculteur Président Lin & Chanvre Bio, 271 impasse d'Artemare, 76450 Saint- Vaast-Dieppedalle

• Alix de Grandmaison, designer textile spécialisée en tissage et en fibres anciennes, Virgocoop, 171 rue Hautesserre, 46000 Cahors

• Bénédicte Lapierre, Lin & Chanvre Bio, 271 impasse d'Artemare, 76450 Saint-Vaast-Dieppedalle

• Marie Lépée, tisserande chanvre et lin sur métier à bras, atelier Lin et l’Autre, Village artisanal, avenue du Port, cabane n°13, 17480 Le Château d’Oléron

• Bruno Lesteven, tisserand en fibres libériennes atelier Aux fils de l’Arz, président du Syndicat professionnel des Tisserands de Bretagne, Moulin de Gueveneux, 56220 Peillac

• Véronique Maire, enseignante designeuse, ESAD de Reims, 12 rue Libergier, 51100 Reims

• Jean-Marie Trottier, vice-président AFLAM (Association fêtes loisirs, animations de Montjean- sur-Loire), 4 rue de l'Aumônerie, 49570Montjean-sur-Loire, et les membres de l’AFLAM: Annette Brechet, ancienne première chanvrière, initiatrice du festival, Rémy Cognée, bénévole chanvrier, Jacqueline Cognée (Leduc), bénévole chanvrière, Maurice Brouard, bénévole chanvrier, et Marie-Rose Trottier (Onillon), mère de Jean-Marie Trottier et ancienne chanvrière.

• Myriam Tuffery, atelier Tuffery, ZA de Saint-Julien du Gourg, 48400 Florac-Trois-Rivières

• Héloïse Valet, tisserande en fibres libériennes, La Montillouse, 35490 Sens-de-Bretagne

Toutes les personnes rencontrées ont apporté leur soutien et consentement (accueil, témoignages, contributions, information et documentation) : les élus locaux, les représentants des organisations publiques, tous les professionnels et particuliers, détenteurs de savoir-faire.

Rédacteur(s) de la fiche

 

Marie-Laurence Sapin, modéliste, conseil et formatrice en savoir-faire textiles, MLSapin Conseil, pour l’Association Tashkent marielaurencesapin@gmail.com

Catherine Virassamy, architecte spécialisée en patrimoine culturel matériel et immatériel, Association greenandcraft, le comptoir des savoir-faire, pour l’Association Tashkent catherinevirassami@gmail.com

 

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré

 

Marie-Laurence Sapin, modéliste, conseil et formatrice en savoir-faire textiles, MLSapin Conseil, pour l’Association Tashkent marielaurencesapin@gmail.com

Catherine Virassamy, architecte spécialisée en patrimoine culturel matériel et immatériel, Association greenandcraft, le comptoir des savoir-faire, pour l’Association Tashkent catherinevirassami@gmail.com

 

 

 Lieux(x) et date/période de l’enquête

 

 Peillac (Morbihan), 3 décembre 2019 ; Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire), 4 décembre 2019 ; Saint-Pantaléon-de-Larche (Corrèze), 21 janvier 2020 ; Livernon (Lot), 21 janvier 2020 ; l (Lot), 22 janvier 2020 ; Tourcoing (Nord), 4 février 2020 ; Saint-Romain-de- Colbosc (Seine-Maritime), 14 février 2020.

 

Données d’enregistrement

 

Date de remise de la fiche : 1er octobre 2020

Année d’inclusion à l’inventaire : 2020

N° de la fiche : 2020_67717_INV_PCI_FRANCE_00481

Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvksn0

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia: https://fr.wikipedia.org/wiki/Chanvre

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