Le senibelet de Gignac (avec l'Âne)

Chaque année, dans le village de Gignac, le jeudi de l'Ascension voit le rassemblement des Gignacois autour de leur Âne, animal-totem représentant le célèbre âne Martin

Chaque année, dans le village de Gignac, le jeudi de l'Ascension voit le rassemblement des Gignacois autour de leur Âne, animal-totem représentant le célèbre âne Martin, que la légende présente comme le sauveur de Gignac face aux Sarrasins en 719. L'Âne est porté et mené par la jeunesse gignacoise dans les rues du village, accompagné de l'air qui le caractérise joué par l'harmonie de la commune.

Chaque année, dans le village de Gignac, le jeudi de l'Ascension voit le rassemblement des Gignacois autour de leur Âne, animal-totem représentant le célèbre âne Martin, que la légende présente comme le sauveur de Gignac face aux Sarrasins en 719. L'Âne est porté et mené par la jeunesse gignacoise dans les rues du village, accompagné de l'air qui le caractérise joué par l'harmonie de la commune. Un rituel de simulacre de combat, le Senibelet, au cours duquel trois jeunes hommes rejouent la bataille entre Gignacois et Sarrasins, est indissociable de la fête de l'Âne. Celle-ci ne se limite pas au jeudi de l'Ascension et dure de la veille au soir jusqu'au samedi soir.

Philippe LASSALVY – responsable référent du Senibelet

Sandrine GUSMAROLI – directrice du Club Adolescents

Jean-Paul VIÉ – directeur du Centre social

Rémy PAULET – participant de la fête de l'Âne

Habitants et bénévoles de Gignac Festivités (comité des fêtes)

 

 

Nom et rôle et/ou fonction de la personne rencontrée :

 

Philippe LASSALVY, d'une ancienne famille gignacoise, est le responsable référent du Senibelet depuis une quinzaine d'années (après M. Nogier), il veille au respect de la mise en scène rituelle.

Sandrine GUSMAROLI est la directrice du Club Adolescents qui coordonne l'équipe de jeunes Gignacois encadrant l'Âne totémique (les porteurs, les meneurs, les cocardes). Jean-Paul VIÉ est directeur du Centre social et participe à l'organisation de la fête. Il est intervenu avec le Centre social à la fin des années 1980 pour impliquer la jeunesse de la commune dans la fête traditionnelle.

 

Rémy PAULET participe chaque année à la fête de l'Âne depuis son adolescence. Après avoir fait porteur (à l'arrière puis à la tête), il participa au Senibelet en tant que Gignacois puis en tant que Sarrasin. Aujourd'hui il s'occupe de commenter le Senibelet et fait partie de la guinguette de l'Âne.

 

Autres participants, bénévoles à Gignac Festivités (comité des fêtes) qui participent notamment aux aubades du mercredi soir et du jeudi matin, un porte-à-porte chez les habitants avec des enfants de la commune. Habitants de Gignac assistant au Senibelet depuis une fenêtre.

 

 

Municipalité, vallée, pays, communauté de communes, lieu-dit... :

 

Mairie de Gignac

Place Auguste Ducornot

CS 70048 – 34150 GIGNAC

Tel : 04 67 57 01 70/Fax : 04 67 57 25 65 Email : contact@ville-gignac.com/  http://www.ville-gignac.fr

 

 

Autres structures et associations :

 

Club Adolescent (Centre social Mescladis) :

10, rue Pierre Curie Espace Georges Frayssinhes Tél : 04 34 22 67 37

Email : centre-social@ville-gignac.com  http://www.mescladis-gignac.fr

 

Maison des Jeunes

Avenue du Mas Salat

34150 GIGNAC

Tél: 04 67 57 92 77

Email : maisondesjeunes@ville-gignac.com

 

Gignac Festivités (Comité des Fêtes)

21 Grand Rue 34150 GIGNAC http://www.gignacfestivites.com

Région Languedoc-Roussillon, Département de l'Hérault (34), Commune de Gignac (Ginhac en occitan, ancien nom Les Tourettes)

La fête de l'Âne (festa de l'ase) est la fête votive de Gignac. Elle mobilise les Gignacois du mercredi de l'Ascension jusqu'au samedi soir : mairie, Centre social, comité des fêtes, commerçants, habitants, enfants, adolescents... Le cœur de la fête se situe le jeudi de l'Ascension, jour de sortie de l'animal totémique de la commune, l'Âne Martin, et s'organise principalement autour de ceux « qui font l'Âne », vingt jeunes gens de 15 à 18 ans, appelés aussi selon leurs fonctions « cocardes », porteurs et meneurs. La sortie de l'Âne à l'Ascension est indissociable tout d'abord d'une légende, celle de l'Âne Martin qui sauva Gignac en alertant les villageois dans la nuit de l'Ascension 719 d'une attaque invasive de Sarrasins, puis du Senibelet, simulacre de combat très ritualisé, mettant en scène deux Gignacois se défendant contre un Sarrasin avec des souches de trintanel. L'Âne et le Senibelet de l'Ascension symbolisent ensemble la victoire de Gignac sur les Sarrasins et fournissent aux Gignacois une légende partagée, une identité communale et un repère culturel festif.

 

 

Déroulement chronologique

En amont :

Plusieurs semaines avant l'Ascension (un mois ou deux avant selon le temps), deux employés municipaux partent une journée dans la garrigue avec un tractopelle pour déterrer des racines de daphné (daphne gidum1, gnidium ou daphné de garou/garon, dit aussi « bois gentil timelée d'aphnée »2, un arbrisseau de garrigue à fleurs blanches et baies rougeâtres qui fait de grosses racines), appelées ici trintanel ou trentanel et servant au Senibelet. Avant l'usage de l'engin mécanisé, l'opération était effectuée dit-on par un employé communal outillé d'une pioche en une semaine. Les racines étant pleines d'eau, le responsable du Senibelet les porte à sécher 24 heures dans le four d'un boulanger de Gignac (pas nécessairement le même chaque année), elles deviennent ainsi plus légères et moins dangereuses. Aujourd'hui, ce sont trois jeunes hommes volontaires, d'environ vingt ans, qui effectuent le Senibelet. Les participants du Senibelet (qui d'ailleurs furent rémunérés à une époque où l'on manquait de volontaires, vers les années 1980) répètent deux ou trois fois avant le jeudi de l'Ascension au domicile du responsable du rituel pour apprendre le déroulé précis du simulacre, effectuer les bons gestes (coups de bâtons sur les coussins), essayer le casque et les bonnettes.

Le Club Adolescents (impliqué depuis les années 1980) constitue de son côté une équipe pour l'Âne, d’une vingtaine de Gignacois de 15 à 20 ans, dont deux porteurs de taille égale, une meneuse et une autre jeune fille pour tenir la queue. Les deux derniers rôles sont féminins depuis 1996. Deux équipes peuvent être constituées pour alterner le jour de la fête. Des répétitions ont lieu à partir du mois de mars pour apprendre aux porteurs les pas de l'Âne et aux meneuses les deux pas principaux qui guident l'Âne.

Au début du XXe siècle, la fête de l'Âne mobilisait plutôt la classe d'âge des conscrits (18- 20 ans). La fête porte bien les caractéristiques anciennes d'un folklore de conscrits qui marque la fin de l'adolescence et l'entrée dans l'âge adulte : port de bouquets, boisson offerte par les autres villageois, avec des licences circonscrites à la période de marge propre au rite d'étape (Van Gennep, 1999, p. 199).

Une guinguette de l'Âne s'est constituée au début des années 2000 par des trentenaires « passés par l'Âne » quand ils étaient plus jeunes et qui souhaitaient créer leur propre espace festif (buvette et musique sur la place principale).

Les festivités liées à la fête de l'Âne sont nombreuses, varient chaque année (fête foraine, DJ, bal, course d'âne, carnaval, concert, décoration de la rue du Portalet par les habitants...) et mobilisent la municipalité, le comité des fêtes, les commerçants et les habitants plusieurs semaines avant la manifestation.

 

 

Pendant la fête :

 

Mercredi, ouverture de la fête

Vers 17 heures, devant le local de Gignac Festivités (comité des fêtes de Gignac), se regroupent des bénévoles, des parents gignacois et leurs enfants pour le premier tour des « aubades » lors desquelles les plus jeunes font du porte à porte avec de fausses fleurs en bois peint qu'ils vendent aux habitants contre quelques pièces. L'argent récolté permet d'offrir aux enfants de Gignac des tours de manège chez les forains installés pour la fête. Les aubades étaient, il y a encore une vingtaine d'années, accompagnées d'un camion sonorisé qui diffusait de la musique et auparavant d'une voiture remorque avec quelques musiciens.

Vers 18 heures, une petite foule attend déjà sur la place de l'ancienne mairie pour apercevoir la tête de l'Âne à la fenêtre. À 19 heures, lorsque les cloches sonnent, la tête est présentée à la population au son du tambour (resté en bas dans la rue) par le porteur trois fois successives, en activant la mâchoire, avant de redescendre entourée par les « jeunes de l'Âne ».

Il est alors possible de toucher la tête de l'animal lors de son déplacement entre l'ancienne mairie et le local rue du Portalet, rue d'ailleurs décorée pour l'occasion par ses habitants. Le transit se fait avec le tambour et les cris des jeunes de l'Âne. Ces derniers et les trois hommes du Senibelet sont déjà en tenue (tenues blanches avec une taillole rouge pour les premiers et casque et coussins pour les seconds).

La tête y est entreposée aux côtés de l'armature du corps de l'Âne. La maison de l'Âne (l'ostal de l'ase), local d'un particulier que la légende présente comme l’ancienne propriété de monsieur Martin, propriétaire de l'âne sauveur, présente une exposition de photographies anciennes de la ville de Gignac et de la fête de l'Âne depuis le début des années 2000.

Un apéritif est ensuite offert par la mairie avec le discours officiel du maire. La soirée continue à la guinguette de l'Âne, installée sur l'esplanade, qui sert à boire et à manger (une fidéua, paella valencienne avec des vermicelles) et propose une animation musicale avec un DJ. Une banderole portant l’inscription ginhac terra occitanenca affiche un sentiment d'appartenance régionale et/ou identitaire, à la fois spécifique et au-delà du village, reliée au territoire occitan. Un panneau photographique grandeur nature du Senibelet, permet de se faire photographier à la place du Sarrasin.

Jeudi Le matin, des bénévoles du comité des fêtes continuent les aubades commencées la veille (voir plus haut). Les enfants, de 6 à 12 ans, sont divisés en plusieurs groupes avec des accompagnateurs et font du porte-à-porte en fonction d'un découpage du village par quartier.

 

Procession

L'harmonie de Gignac commence à jouer son répertoire vers 10 heures sur une place centrale de la ville, puis accompagne l'Âne du Portalet jusqu'à l'église Saint-Pierre où s'est tenue la messe de l'Ascension. Cette procession de l'Âne se fraie un chemin dans la foule rue du Portalet jusqu'au parvis où les habitants, les touristes, et le curé attendent l'animal pour la bénédiction. La danse de l'Âne et de la meneuse est lente, suivant le premier pas (voir plus bas) sur les deux premières parties de l'air de l'Âne. Arrivé devant le parvis, l'Âne est présenté trois fois consécutives au curé pour être béni, sous les yeux des trois jeunes hommes du Senibelet et d'une partie de l'équipe municipale, en effectuant entre chaque prière un aller-retour dans la foule. Le curé fait sa bénédiction en occitan lorsqu'il le peut. Après la troisième bénédiction, l'harmonie joue pour la première fois le troisième mouvement de l'air de l'Âne, la partie farandole, et la danse s'accélère en suivant le second pas plus rapide de l'Âne et de la meneuse.

L'Âne et l'harmonie partent ensuite vers la place du Planol où la foule se rend pour assister au Senibelet qui commence à midi.

 

Senibelet

Le Senibelet, généralement dit « sinébellet », est joué deux fois dans la journée. La séance du matin se déroule sur la place du Planol, petite place dans le centre du village qui accueillait traditionnellement le simulacre. L'après-midi, vers 17 heures, c'est sur la place de la Victoire (ancienne place du Monument aux morts), plus grande et plus ouverte, qu'il est joué. Les habitants ne suivent pas la procession mais devancent l'Âne de manière à garder des places avantageuses pour assister au Senibelet du Planol, derrière des barrières.

Des racines de trintanel sont parsemées sur le sol de la place. Pendant ce temps, le jeune homme jouant le rôle du Sarrasin se voit mettre des bonnettes (environ 17 et une de plus l'après-midi) sur la tête pour protéger son crâne à l'intérieur du casque. Elles sont mises en place publiquement une à une par le coordinateur du simulacre (ici Philippe Lassalvy).

Une fois les bonnettes enfilées, le public assiste à la pose du casque sur le jeune homme qui joue le rôle du Sarrasin. Il s'agit d'un moment très médiatisé du fait de ses caractéristiques spectaculaires : le casque est enfoncé sur le crâne du Sarrasin par deux hommes en lui tapant la tête contre un mur de la place, mur sur lequel subsistent de nombreuses traces des Senibelets précédents.

On lui installe également des petites serviettes entre la mâchoire et la bride du casque et derrière a nuque pour le protéger des futurs coups de trintanel. Une fois paré, le Sarrasin se voit remettre son bâton d'alisier (micocoulier, très répandu dans la région).

Le simulacre de combat commence avec un roulement de tambour qui accompagne tout le Senibelet. Le Sarrasin ouvre les hostilités en tapant trois fois sur le coussin disposé dans le dos de des deux Gignacois, qui chacun après l'autre présente son dos le genou fléchi devant le Sarrasin. Il vise avant pour que le coup soit centré puis tape précisément et à plat pour que le bâton claque sur le coussin.

Les Gignacois contre-attaquent ensuite en jetant rapidement le plus possible de racines de trintanel sur le casque du Sarrasin qui marche devant eux, leur tournant le dos. Ce moment du simulacre donne lieu à des cris du public encourageant les Gignacois et rendant hommage à la ville de Gignac.

 

Le Sarrasin lève sa batte pour signifier l'arrêt des jets de trintanel. Le public est protégé par des membres de l'organisation qui dévient les souches. Chaque mouvement (attaque et contre-attaque) est réitéré de l'autre côté de la place avec un déplacement du trio à chaque fois (environ dix allers-retours en 45 minutes). Au premier mouvement, le Sarrasin est debout, au deuxième il pose un genou à terre, au troisième il est assis et au dernier, appelé la « mise à mort », il est ventre à terre. L'équipe encadrante dispose une serviette pour le Sarrasin lorsqu'il est en contact avec le sol. Après la « mise à mort », le Sarrasin peut effectuer un ou plusieurs derniers allers-retours. Enfin le Sarrasin retire son casque et les Gignacois lui font une accolade : ce dernier moment symbolise le départ du Sarrasin et la victoire des Gignacois sur l'envahisseur.

À la fin du Senibelet, les trois jeunes hommes effectuent une sorte de salut accompagnés des11personnes encadrantes et sont ensuite félicités par l'équipe municipale. Ce moment donne lieu à une séance de photographies officielles. Les racines de trintanel sont ramassées avec une brouette. L'Âne réapparaît alors en musique sur la place du Planol (l'harmonie reste en marge de la place), effectue plusieurs allers-retours avant de repartir dans les rues.

La jeunesse de l'Âne déambule alors dans les rues et se voit offrir à boire dans un bar de la ville. L'apéritif est alcoolisé excepté pour les trois jeunes hommes du Senibelet qui n'ont pas le droit de boire jusqu'au second Senibelet de l'après-midi. La mairie offre ensuite le restaurant à la jeunesse de l'Âne. Le second Senibelet a lieu à 17h place de la Victoire, où le public a une meilleure visibilité. Les trois jeunes hommes suivent le même rituel que le matin. Il dure cependant moins longtemps. Le Sarrasin porte généralement une bonnette de plus que le matin sous son casque du fait de la transpiration. Le Senibelet se clôt encore par la danse de l'Âne.

Enfin, une course d'âne, sous forme de tiercé, est organisée avec monte à cru d'âne par des enfants et des adultes. Des festivités diverses et changeantes selon les années continuent le soir (concert, DJ...) et les jours suivants, jusqu'au samedi soir.

Description

 

La structure de l'animal fait 90 cm de hauteur, 1 m de large et 2,5 m de long. L'armature est faite de bois et d'aluminium puis recouverte d'une toile peinte. La tête de l'Âne, mobile et à mâchoire articulée (avec une chaîne en métal et un renforcement en cuir), est en bois peint en noir avec les yeux bleus, le contour des yeux blanc et rouge, les narines et l'intérieur de la bouche rouge, les dents blanches. Les oreilles sont en cuir noir et la crinière en laine mérinos noire. La tête peut être ornée de cocardes aux couleurs bleu blanc rouge. La queue est un prolongement de la toile resserré par un ruban rouge. L'animal est porté et déplacé par deux personnes de même taille, généralement de jeunes hommes, l'un à l'arrière portant l'armature et pouvant la balancer avec ses bras, l'autre devant portant l'armature avec un harnais aux épaules, les mains libres pour animer la tête. Le porteur de tête a une petite visibilité à travers l'encolure de l'animal pour suivre la meneuse au bouquet. La toile extérieure est de couleur dominante bleue. Sur les côtés sont représentés deux drapeaux français croisés, les inscriptions « Ville de Gignac » sur les drapeaux, « République Française » au-dessus et « Liberté Égalité Fraternité » au- dessous. À l'arrière, ornée d'un ruban bleu blanc rouge, l'inscription « Ex Antiquitate Renascor »3. Devant, sous l'emplacement de la tête, apparaissent les armoiries de la ville de Gignac : une couronne de laurier, la tour et trois fleurs de lys. Les outils du Senibelet, coussins et batte, ont récemment été repeints aux mêmes couleurs que l'Âne : bleu blanc rouge.

 

 

Danses et musiques

 

Danse

Les quatre porteurs et meneurs effectuent simultanément les mêmes pas de danse, la meneuse les faisant face à l'Âne en reculant. Les pas de danse ont pour fonction de coordonner les mouvements des porteurs afin de faire « danser l'Âne » et de leur permettre de se déplacer lentement sans grande visibilité. Deux pas différents correspondent à deux parties musicales différentes (bien qu'ils ne suivent pas le rythme de la musique), une partie lente sur laquelle les meneurs et porteurs sautent à cloche-pied et sur place, une partie rapide sur laquelle ils effectuent trois pas chassés de chaque côté. Ces mouvements chorégraphiques rappellent le branle-gai4 sous une forme extrêmement simplifiée5. L'Âne fait donc les pas sur place, en avançant ou en se déplaçant latéralement, puis danse également avec son corps : l'armature est balancée par le porteur de derrière. La population de la fête ne danse pas avec l'Âne.

 

Musique

Lors de la fête, c'est l'Harmonie gignacoise qui effectue l'air de l'Âne le matin du jeudi de l'Ascension. Issue du grand mouvement orphéonique qui anima la fin du XIXe siècle, l'Union Musicale de Gignac fut créée en 1892. Cette harmonie puise aujourd'hui ses ressources auprès des musiciens amateurs de Gignac et des communes environnantes. Elle est composée de saxophones, trompettes, trombones, clarinettes, cors, flûtes traversières, tambour et grosse caisse. L'air de l'Âne de Gignac, air traditionnel et anonyme, est composé de trois parties distinctes. On en trouve des partitions depuis relativement longtemps, notamment dans le Masque-Cheval de Jean Baumel (1954, p. 228-229). Les deux premières parties correspondent respectivement aux mouvements chorégraphiques lent et rapide et une troisième partie, rappelant l'air de la mère Michel, existait mais n’est actuellement plus jouée. Si la population ne danse pas, en revanche elle chante volontiers en chœur, reprenant la plupart du temps la mélodie jouée par l'harmonie et quelques fois ajoutant quelques paroles en français ou en occitan. Nous avons pu recueillir dans nos recherches bibliographiques et discographiques plusieurs versions chantées. Une première présentée dans l'ouvrage de G. Gilland sur l'histoire de Gignac (1977, p. 40)

Plusieurs enregistrements contemporains ont été réalisés, notamment le disque réalisé en 1993 par la ville de Gignac dans lequel on trouve la version traditionnelle jouée par l'Harmonie de Gignac (in situ) et chantée par J. Roussel et une version avec arrangement original par Jean Tricot (du groupe la Fanfare à Mains nues). Ce support est utilisé dans les écoles de Gignac pour transmettre l'air et la chanson de l'Âne. Un autre enregistrement original de l'air de l'Âne de Gignac (avec le texte d'Anne Clément) est intégré au chansonnier totémique languedocien « Canta canta Neneton », livre-disque pédagogique réalisé par Marie-José Lhubac et Josiane Ubaud (1995).

 

Moyens humains

Une personne appelée « meneur » ou « meneuse » tient un bouquet devant la tête de l'Âne pour le guider dans la danse et dans ses déplacements dans la ville. Une autre personne tient la queue. Depuis une quinzaine d'années, ce sont deux jeunes filles qui tiennent ces deux rôles encadrants de l'Âne. Ce ne sont pas nécessairement les deux mêmes filles aux mêmes places le matin et l'après-midi du jeudi. Deux jeunes hommes portent l'animal, l’un d’entre eux animant la tête et la mâchoire articulée (le même qui présente la tête au balcon de l'ancienne mairie). Ils sont membres du Club Adolescent et volontaires pour jouer ce rôle dans la fête. Ils sont tous les quatre habillés de blanc (tee- shirt imprimé, pantalon, chaussures) avec une taillole rouge. Ils font danser l'Âne sur l'air de l'Âne. Celui-ci est joué par l'harmonie de Gignac, un orchestre composé d'une vingtaine de musiciens. Les musiciens portent un tee-shirt blanc et un pantalon noir, parfois un foulard rouge autour du cou.

Pour le Senibelet, les trois jeunes hommes sont généralement « passés par l'Âne » et la plupart ont des parents qui ont participé au simulacre (père, grand-père...). Ils sont majeurs, à peine plus âgés que l'équipe de l'Âne. Pour le bon déroulement du Senibelet, les trois jeunes hommes sont accompagnés du maître de cérémonie (actuellement Philippe Lassalvy), d'un joueur de tambour et d'un commentateur (actuellement Rémy Paulet).

 

Lieu d'exercice

Gignac (ginhac en occitan) est une commune du Languedoc, dans le département de l'Hérault, située entre Montpellier (35 km) et Lodève (25 km) et d'environ 5 500 habitants.

L'ancien nom de Gignac est Tourette et de nombreuses étymologies sont fournies par des historiens locaux : ce nom de Tourette proviendrait des Romains en référence aux tours de ses remparts qu'ils auraient bâties, ou en hommage au préfet romain Torretius/Turritius. Pour le nom de Gignac, on nous offre là encore de nombreuses explications possibles : provenant soit de Junia, ville de Junius Torquatus (autre préfet romain) soit plus récemment en hommage aux jumeaux du frère du Comte de Toulouse : « c'est en vue de cette fécondité et de celle des femmes de nos cantons que serait venu Gignac, de gignere, gigno » (Mestre, 1988, p. 29). Le nom pourrait également être antérieur aux Romains, d’une ancienne propriété d’un gaulois Gennius qui aurait donné son nom au bourg médiéval de Giniacum.

Organisation de l'événement

Le Centre social, dont le Club Adolescents, est la structure qui porte l'activité de l'animal totémique.

La mairie conserve dans ses locaux la tête de l'Âne (en dehors des périodes de fête), les outils du Senibelet (casques, coussins, batte), offre aux Gignacois l'apéritif qui inaugure les festivités et finance les frais des Mignons (tenues, boissons et restaurant).

Le comité des fêtes (Gignac Festivités) se mobilise pour des animations tout au long du week-end de l'Ascension.

 

Participation de la communauté

La participation des enfants et adolescents par l'intermédiaire du Centre social permet de mobiliser leurs familles pendant l'événement. Les bénévoles de Gignac Festivités font également participer des enfants, plus jeunes, et leurs parents, lors des aubades dans la ville. Des habitants sont sollicités à cette occasion en amont de la fête. Les commerçants et forains sont particulièrement actifs du jeudi au dimanche, en raison de l’affluence des visiteurs. En effet, les Gignacois sont rejoints par des membres de leur famille, par des habitants des villages alentours (Puéchabon, Aniane, St-André-de-Sangonis...) et par d'anciens habitants de Gignac.

Transmission autour de l'animal totémique

De nombreuses créations ont été réalisées autour de la légende de l'âne Martin : livres pour enfant, disques... Pour n'en citer qu'un : La légende du petit âne martin pour les enfants racontée et mise en scène par le conseil municipal des enfants de Gignac (1993). Le disque sert de support à des activités périscolaires (temps de midi). Un Âne pour les enfants a également été réalisé pour des fêtes scolaires.

 

Transmission du rituel

Sandrine Gusmaroli, responsable du Club Adolescents, constitue l'équipe qui « fera l'Âne » et encadre les porteurs et meneurs volontaires, qui forment deux équipes (une initiée, l'autre novice) qui changent respectivement tous les deux ou trois ans. Elle organise les répétitions nécessaires à l'apprivoisement de l'Âne pour les déplacements et pour l'acquisition des pas de danse. Philippe Lassalvy est responsable du Senibelet et organise également des entraînements et répétitions plusieurs semaines avant l'Ascension avec les trois participants du Senibelet.

Une exposition de photographies anciennes et plusieurs créations filmiques documentaires présentent au public différents moments du rituel au sein du musée de l'Ascension.

La famille des animaux totémiques

Entre les géants du Nord et de Belgique et le bestiaire fantastique de Catalogne, se situe un bassin fort représentatif des coutumes locales donnant vie à ce qui est communément appelé les « animaux totémiques » , appellation récente et controversée utilisée pour désigner les « bêtes de toile », « dragons processionnels », « animaux-jupons » qui incarnent « l’esprit du lieu ». On dénombre entre 60 et 70 animaux totémiques dans le sud de la France, particulièrement représentés dans le département de l'Hérault où l'on en compte environ une cinquantaine. Il est difficile de dénombrer précisément ces animaux totémiques, ces derniers naissant, renaissant, disparaissant au gré des groupes, des associations, des élus, des transmissions leur permettant de trouver place et fonction au sein de la Cité. En cela ils sont particulièrement représentatifs du patrimoine vivant : les animaux-totems sont soumis à l'énergie des groupes, des fêtes, des réalités socio-politiques des lieux où ils ont élu domicile.

Les processions les plus anciennes se sont transmises au fil des générations depuis plusieurs siècles, avec parfois quelques interruptions : le Chameau de Béziers fut brûlé à la Révolution puis détruit à deux reprises au XIXe siècle, avant de renaître définitivement en 1895 par la volonté des habitants.

Mais de nouvelles effigies apparaissent ou réapparaissent chaque année, en référence à des épisodes de l'histoire ou de la mythologie locale, à l'instar du Pélican de Puisserguier en 2012.

Les animaux totémiques voient l'apparition de nouvelles générations depuis une vingtaine d'années et de nouvelles pratiques se développent afin d'intégrer les nouveaux-venus dans la grande famille des totems. Des baptêmes (batejadas) sont organisés afin que la naissance d'un nouveau animal puisse intégrer le rite collectif et la communauté. Ainsi les animaux totémiques plus anciens sont invités pour parrainer un nouveau venu, et la famille des animaux totémiques s’agrandit dans un esprit de partage et d'échanges entre les villes et villages. Il faut également noter les nombreux rassemblements d'animaux totémiques qui fleurissent au printemps et qui se développent de manière croissante d'années en années.

Les animaux totémiques les plus anciens ont été créés à partir du XVIe siècle : on peut citer alors la Tarasque de Tarascon, le Chameau (lo Camèl) de Béziers, puis l’Âne (l’Ase Martin) de Gignac et le Poulain (lo Polin) de Pézenas.

Modes de vie et représentations

Les animaux totémiques sont de forme, de taille et de poids variés, selon leur mode de fabrication, de transport et de manipulation. Cela va d’une reproduction à peu près fidèle, quoique stylisée, de l’animal, à une invention libre, soit par hybridation comme le Bœuf volant (Buou-Volaire) de Saint-Ambroix ou le Tamarou (lo Tamaró) de Vendargues (tête de lapin, corps de hérisson, ailes de cigale), soit par extraction d’un élément comme le Cocairòs de Saussan, (nommé d’après sa coa ou queue).

À l’intérieur, les porteurs (assez souvent masculins et issus de l’équipe de rugby locale) font avancer l’animal lors des déambulations. Ces bêtes mythiques possèdent en général une tête mobile qui s'allonge et se rétracte, animée par l’un des porteurs. La gueule est souvent mobile elle aussi, permettant le claquement de la mâchoire, la « gnaque ». Tous entretiennent une mobilité codée, « objet simultané de la peur et de la dévotion ».

Ces animaux-totems sont précédés d’un meneur et accompagnés par des groupes de musiciens qui jouent une mélodie répétitive, propre à l’animal. Le nombre de porteurs dépend de la taille de la construction, dont le maniement mobilise des savoir-faire spécifiques.

Les figures des animaux totémiques, parfois gigantesques, constituent les acteurs principaux de grandes fêtes populaires, préparées avec la participation active des habitants pour lesquels elles conservent une importante valeur symbolique.

Les processions diffèrent d’un lieu à l’autre mais chacune obéit à un rituel précis. Ces manifestations témoignent encore et toujours d'un dynamisme remarquable.D’autres animaux totems sont adjoints à certaines de ces manifestations. Parmi eux, le plus courant est le chevalet (lo chivalet), sorte de monture maintenue à la taille du danseur. Les autres danseurs (lo cibadier, lo fabre, lo desmoscaire) miment la domestication du cheval-esprit-sauvage.

 

 

L'âme collective des animaux totémiques

 

Tous ces animaux totémiques animent les fêtes saisonnières (carnavalesques, religieuses ou votives) à travers des rituels liés aux légendes (mythologiques ou contemporaines) qui fondent leurs origines.Les cérémonies qui motivent la sortie du totem ont une fonction initiatique, soit parce que c’est une forme d’exploit pour les jeunes gens que de les porter ou de les affronter, soit parce que la force symbolique permet de jouer à exorciser les maux de la Cité et d’en réconcilier les habitants, toutes classes sociales confondues.

S'ils ont perdu leur caractère religieux, les animaux totémiques continuent de représenter la mémoire collective, l'identité locale ainsi que l’invention constante des communautés. Ils sont les symboles de la création collective, qui prend racine dans l'histoire, les mythes, les contes et les légendes locaux. Ils s'adaptent aussi aux changements qui interviennent dans la communauté. Ainsi le Poulain de Pézenas voit ses sorties s’accroître en fonction des fêtes organisées à travers les rues. Il participera alors au mois de novembre à « Martror, la fête des morts », fête spectaculaire créée à initiative d'un collectif d'artistes- chercheurs souhaitant travailler à la restauration de rituels saisonniers ou à Noël à l’initiative de la municipalité où il endossera alors une nouvelle toile rouge.

Les animaux totémiques animent les rues, créant frayeur, joie, bonheur chez les participants. Ils participent des « charivaris », espace de la fête et lieu de sociabilité. À chaque animal correspond son rituel, sa fête et son jeu, sa relation à la communauté, aux porteurs, aux musiciens et au meneur. Certains animaux totémiques mangent symboliquement les enfants, à l'image du Bœuf de Mèze, d'autres poursuivent les jeunes filles comme la Tarasque de Tarascon, d'autres encore meurent symboliquement pour mieux renaître un an plus tard.

Ils sont à l'image de la fondation, de la conservation ou de la transformation de la Cité.

 

 

Les animaux totémiques, identités de la fête

 

S'il y a bien un élément qui rassemble dans une même grande famille les géants, dragons processionnels et les animaux totémiques, c'est bien la fête ! Tous jouent à travers rues au gré des sorties carnavalesques ou autres manifestations calendaires. La fête donne un sens à l'animal totémique tout comme l'animal totémique donne un sens à la fête. Ils sont indissociables. Ils sont les représentants de « l’exhibition collective au moment où la société proclame ce qui la fonde ».

Leur place est de ce fait dans la rue et ils symbolisent l'appartenance à une communauté et à un lieu. Mais la rue offre parfois des contraintes auxquelles il est difficile de s'adapter. L'évolution des contraintes urbaines, les législations en vigueur (pour les cafés, les associations...) mais aussi les migrations de populations obligent à procéder à des ajustements dans l'organisation des fêtes.

La vitalité de ces fêtes est encore très fondée sur la capacité d' « organisation populaire ». Ces manifestations sont parfois soumises à des injonctions municipales soucieuses de prestige, ce qui en affaiblit la portée. Mais le soutien des collectivités peut être aussi vecteur de sauvegarde et de transmission quand ces politiques territoriales permettent aux communautés de stimuler l'invention collective et d'en assurer les filiations.

Sans aucun doute ces animaux totémiques continueront à être les signes unanimes de ce qui confère aux citoyens une « identité de fête ».

 

 

De génération en génération

 

Les animaux totémiques sont mortels, comme le dit Daniel Fabre, « ils disparaissent dès que la jeunesse les abandonne ». Claude Alranq affirme quant à lui : « Les Totems sont comme nous, ils passent et ils trépassent. Là où ils sont apparus, ils n'ont jamais complètement disparus [...]. Là où ils furent nombreux, plus grandes sont les chances d'une contagion [...]. Là où ils sont isolés, moins nombreuses sont les chances d'un "éternel retour" ». Mais chaque année, il y a encore et toujours des nouveaux venus. À l'origine de la naissance d'un nouvel animal, il y a le rêve, la volonté d'un groupe de personnes, d'associations, d'élus... Partout des formes de transmission voient le jour, par mimétisme de meneur en meneur ou de porteur en porteur, par apprentissage pour les musiciens. Chaque groupe crée sa façon de transmettre ce patrimoine vivant pour le plus grand intérêt des plus anciens.

 

Historique particulier de l'entreprise, de la personne ou de l'organisme, de la forme d'expression ou de l'espace culturel faisant l’objet de la fiche :

 

Manifestations de ce qu'Arnold Van Gennep appelait les « animaux-jupons », les animaux dits totémiques sont appelés par Claude Achard « animaux de toile » (2011). Selon lui, et en critique au travail de Jean Baumel dans Le Masque-Cheval (1954), l'espèce de l'animal influerait peu sur l'analyse fonctionnelle de ces animaux artificiels. Cependant, l'âne demeure une figure animale très présente dans les fêtes carnavalesques, comme revers du cheval (monture de Dionysos par exemple), et dans les représentations chrétiennes : on peut rappeler les épisodes bibliques de l'âne qui sauve Marie enceinte vers l'Egypte, de l'âne qui mène le Christ aux Rameaux, ou encore de l'ânesse de Balaam qui parlait, de l'âne de St Martin... L'âne est ensuite associé aux pratiques carnavalesques (par exemple l'asouade de Mardi Gras), personnage de premier plan dans les carnavaladas en Languedoc (Achard, 2011, p. 279), dans les fêtes des fous et cours coculaires. Le mois de mai serait lo mes dels ases (le mois des ânes), période engendrant neuf mois plus tard le carnaval (Gaignebet in Fabre, 1976). L'âne apparaît depuis longtemps dans les fêtes carnavalesques sous forme vivante.

On peut trouver des descriptions de la fête de l'Âne et du Senibelet à Gignac dans les écrits de Claude-Daniel De Laurès (né à Gignac en 1707 et mort à Paris en 1779). L'auteur fait référence à des cultes de Vesta (vestalies), déesse de la terre, et à la présence d'un temple dans un bois près de la ville comme origine supposée de la fête de l'Âne : « On conduisait par la ville des ânes couronnés de fleurs et portant des colliers composés de certains morceaux de pâtes en forme de petits pains ronds (...) On assure qu'avant qu'on eut introduit dans cette ville la machine de Martin, on conduisait en cérémonie au moulin des ânes ornés de fleurs et chargés de blé dont on faisait des pains qu'on distribuait aux pauvres ». Il évoque également un lien avec le Senibelet : « Quant aux Senibelets, il y a des personnes qui pensent que leur combat ne représente autre chose que l'action vigoureuse qu'on attribue à nos habitants, lorsqu'après leur conversion à la foi, ils chassèrent de la ville à coups de pierre les prêtres de leur idole, et que c'est pour conserver la mémoire de cet heureux événement, qu'ils renouvellent de temps en temps cet exercice. Quoiqu'il en soit de ces conjectures, on a toujours regardé ces coutumes singulières comme un reste de l'idolâtrie de nos anciens habitants » (De Laurès, 2004, p. 133). L'étymologie du mot « senibelet » demeure incertaine. Trois propositions sont à retenir ici : senibelet pourrait provenir de sinibellès, contraction d e senior belus, une divinité du paganisme héritée des Romains (mais dont l'héritage ne serait resté qu'à Gignac ?), ou d’un dérivé de cingo (« ceint ») et villus (« peau »), correspondant aux « moyens employés par les jeteurs de racines pour mettre leurs dos et leurs poitrines à l'abri de trop fortes secousses pendant le combat » (Mestre, 1988, p. 54), ou encore venir du nom des combats de gladiateurs appelés autrefois les cingi-velles devenues en un mot cinivelles (Gilland, 1977, p. 41), ou de l'occitan simbel, « combat », « embuscade » (Achard, 2011, p. 281) ou enfin de l’évolution de signum belli, « signe de guerre », représentation de combat (Mistral, Tresor du Félibrige).

 

De Laurès remarque que les combats simulés étaient depuis plusieurs siècle en usage en France : « Rien de plus célèbre dans l'histoire que les joutes et les tournois que les Français inventèrent pour pousser les hommes à manier les armes avec adresse surtout dans des temps où l'on combattait corps à corps » (De Laurès, p. 75). Il relate les affrontements de deux bandes rivales, parfois violentes, avec des bâtons d'alisier et du trintanel : « Les combattants s'assemblent sur la grande place. Les uns paraissent en habit de pantalon bigarré du signe du soleil et de la lune, extrêmement large, dont on a rempli le vide avec de la paille ou toute autre matière propre à garantir des contusions, un casque de fer en tête, des bottines aux jambes, un sabre de bois d'alisier en main, mince vers le milieu et gros à l'extrémité, dans la vue de le rendre plus piant et de frapper avec plus de force ; les autres sont munis de grosses racines qu'on a eu soin de préparer en quantité (...) Ainsi s'engage le combat (...) Il est encore sanglant pour plusieurs, mais il n'y a, à ce jour, ni plainte, ni information, ni pansement de blessure à payer. La justice est comme suspendue en faveur des combattants et les chirurgiens sont très portés à s'employer sans exiger aucun salaire ». Il fait référence également à la fête de l'Âne et à l'existence d'une confrérie, « la confrérie des laboureurs, dépositaires de la célèbre machine », l'animal artificiel, pour une fête proche de la caritat médiévale, avec une quête pour les pauvres et une parodie carnavalesque de cortège officiel et de cour de justice : « Dans les réjouissances publiques, on conduit dans la ville en cérémonie et au son des instruments de musique, une grande machine en forme d'âne, ornée de guirlandes et entourée de jeunes gens qu'on appelle "Mignons" galamment habillés, qui distribuent aux passants des bouquets pour quelque petite monnaie qu'on leur donne. Ce simulacre à qui l'on fait faire des courbettes, des révérences, des pirouettes, se nomme "Monsieur Martin". Ce seigneur a ses officiers de justice et ses huissiers qui servent à l'exécution des sentences que sa cour prononce, après la déposition des témoins vrais ou faux, contre ceux que l'on accuse d'avoir manqué de respect à sa Seigneurie et qui reçoivent sur le dos, au bruit des instruments militaires et en cadence, autant de coups de pelle de bois, qu'ils y ont été condamnés, selon la gravité du délit imputé [...] On faisait anciennement dans la maison de Monsieur Martin un festin, où assistaient MM. Le Curé, vicaires, viguier, juges, consuls et autres notables. [...] La confrérie des laboureurs, dépositaire de la célèbre machine, jouit de la maison de Martin et de petites rentes de ce seigneur. Elle faisait autrefois, le jour de l'Ascension, une quête de pain qu'elle distribuait aux pauvres de l'hôpital » (De Laurès, p. 73-74).

L'animal aurait été propriété de la confrérie jusqu'en 1955 pour devenir propriété communale (Gilland, 1977, p. 39). De Laurès notait déjà une première apparition de l'Âne aux officiels, rappelant la présentation de la tête au balcon la veille de l'Ascension : « La veille de la sortie, on le régale d'une sérénade et sa première sortie est destinée à MM. D'Azémar, seigneurs directs de cette ville, qui reçoivent de sa part un œillet ».

Si l'Âne semble faire allégeance aux pouvoirs locaux, des propriétés subversives ont néanmoins été relevées dès le XIIe siècle au sujet de la présence d'un Âne dans les églises du Languedoc : « En 1198 l'évêque de Paris, Eude de Sully, avait interdit – par l'intermédiaire d'un légat du pape – l'entrée d'une effigie d'âne dans la cathédrale d'Agde » (Fabre, 1977) et encore au début du XVIIe siècle : « Entraient dans nos églises, avec un âne choisi par les fous, un grand nombre de Saliens (prêtres païens). [...] Il venait à l'église, plein d'effronterie, en sorte que les cérémonies sacrées devenaient une fête honteuse [...] le nom de cette messe est messe de l'âne » (Achard, 2011, p. 280).

Jugée simple dérision, profanation ou reste de paganisme, la fête de l'Âne dérange jusqu'au pouvoir royal. Louis XIV tente de la supprimer en 1685 en communiquant l'ordonnance suivante : « Sa Majesté ayant été informée qu'on a accoutumé chaque année, le jour de l'Ascension de faire sortir et marcher en pompe dans les rues de Gignac, au district de Béziers, une mâchoire en forme de tête qui ressemble à un âne et de créer à cette occasion quelques officiers, ce qui est une espèce de fête toujours accompagnée de beaucoup de débauches, de scandales et de désordres. Sa Majesté ne voulant pas souffrir la continuation de cet abus, lequel est contre les bonnes mœurs. Sa Majesté pour ces causes, a défendu et défend très expressément sur peine de désobéissance aux habitant de Gignac et aux autres personnes de quelques conditions qu'elles soient de faire conduire dorénavant dans les rues de ladite ville, ladite machine et de faire tout ce qui avait accoutumé d'être pratiqué dans cette manière de fête que Sa Majesté a supprimée entièrement, enjoignant au gouverneur, commandant en chef, ses lieutenants généraux en Languedoc, intendants de justice en ladite Province et tous les autres officiers qu'il appartiendra de tenir la main chacun à son égard à l'exécution de la présente ordonnance. Fait à Versailles le 16e jour de mai 1645. Signé Louis ».

 

Certains auteurs, comme Claude Achard, interprète l'inscription Ex Antiquitate Renascor comme effet et résistance à cette ordonnance. Des maires et consuls auraient été poursuivis pour avoir, en dépit de l'ordonnance, laissé sortir l'âne Martin « mais la force de la coutume et le goût du peuple obligent les magistrats à tolérer et à fermer les yeux aux entreprises. C'est ainsi qu'on voit reparaître M. Martin avec l'inscription qu'il a sur le dos : Ex Antiquitate Renascor. » (Achard, 2011, p. 76). Effectivement, l'âne Martin demeure jusqu'aujourd'hui une figure forte dans la ville de Gignac, et symbolise à la fois la résistance des Gignacois et leur « identité de fête » (Fabre, 1977, p. 211). L'Âne effectue aujourd'hui une procession affirmant des valeurs patriotiques et cherchant la bénédiction de l'Église, le prêtre en fonction se « soumettant à la coutume » (Fabre).

Les témoignages du XXe siècle parlent d'un Âne plus agressif qu'aujourd'hui dont la danse n'était pas si appliquée : il poursuivait les filles, bousculait les passants, mordait de temps à autre (Achard, 2011, p. 277). Le meneur ne tenait pas un bouquet mais un « tambourin orné de rubans et de fleurs » (Gilland, 1977, p. 39). Avant la présence de l'Harmonie, les musiciens employaient des fifres, des hautbois languedociens et des tambours (ibid, p. 119). L'Harmonie, appelée auparavant l'Union musicale, symbolisait au début du XXe siècle la réunification après la première guerre mondiale des musiciens républicains et des musiciens blancs, qui avaient fait scission en 1906 (ibid, p. 120). En ce qui concerne le Senibelet aux XIXe et XXe siècles, des témoignages (Mestre, 1988, p. 55) rapportent la présence de plusieurs combattants (notamment plusieurs Sarrasins), de l'usage du casque (le premier aurait été importé d'Espagne par le Gignacois M. Montels) et des bonnets de coton (au nombre de 14 alors qu'il en a été dénombré 17 en 2014). À la fin du XIXe siècle, la maison de l'Âne avait aussi pour fonction d'abriter des victuailles pour les combattants du Senibelet (ibid.).

Pour Claude Achard (2011, p. 381), les légendes associées aux animaux héraultais seraient des justifications a posteriori de leur existence, faites de récits qui puisent plus volontiers dans l'histoire que dans domaine des croyances. Ces légendes auraient donc été conçues et divulguées plutôt par des érudits locaux. Cependant, c'est dans la culture populaire que l'appropriation des animaux fut la plus probante, le peuple associant ces derniers à la fête. La référence à une invasion sarrasine du début du VIIIe siècle dans la fête de l'Âne peut être identifiée comme participant à ce que Karine Basset (1998) et des folkloristes nomment le « légendaire sarrasin » : un « ensemble des récits de tradition orale et écrite autour du thème des Sarrasins, ces Arabes musulmans venus, au VIIIe siècle, à la conquête de ce qui ne s’appelait pas encore l’Europe. Il semble que la figure du Sarrasin soit passée dès le Moyen-Âge dans la tradition populaire occidentale ; Maxime Rodinson a ainsi pu évoquer l’existence de “tout un folklore très répandu en France, qui signale un peu partout des traces d’anciennes présences sarrasines, thème repris et développé par les vieux historiens et notamment les hagiographes” » (Basset, 1998).

La légende de l'âne salvateur face à l'invasion sarrasine de l'an 719 n'apparaît pas encore dans les récits du XVIIIe siècle comme celui de De Laurès et serait donc postérieure. La version historique de cet événement relate une première vague de résistance des Gignacois face à l'envahisseur qui serait revenu à la charge obligeant les habitants de la ville à se réfugier dans le bois voisin. Les Sarrasins auraient donc vaincus en occupant la ville et la détruisant. D'un point de vue historique, la présence de Maures est relatée au début du XVIIe siècle, et des témoignages parlent de Gignacois « descendants » de ces étrangers, surnommés marrans (marrons), caps farrat, ou encore frisats (frisés).

Comme le montre Karine Basset, la légende aurait donc effectivement été favorisée, comme dans d'autres régions françaises, pour affirmer la nécessité d'une histoire « locale » contre une histoire dominante « nationale », par les érudits locaux à la fin du XVIIIe siècle pour exalter et/ou bien rejeter le souvenir des Sarrasins. Karine Basset de continuer : « L’image du Sarrasin est double ; il est à la fois barbare et représentant d’une civilisation qui fut brillante, destructeur et bâtisseur, à l’instar de ce qu’il en est dans la tradition populaire, qui attribue aux Sarrasins aussi bien l’anéantissement de villes entières que l’apport des principales techniques de la culture locale » (ibid). Le Senibelet n'est qu'un « exemple parmi tant d'autres en Europe Occidentale de ces fêtes de Maures et Chrétiens qui commémorent [ensemble et à la fois] les invasions sarrasines et la Reconquista victorieuse » (Fabre, 1977).

Daniel Fabre voit enfin dans le Sarrasin avant tout la figure du Sauvage et dans le Senibelet un jeu social mettant en scène le combat entre l'ordre et le chaos, la destruction et l'harmonie, la vie et la mort, dont l'issue serait le rite sacrificiel nécessaire au retour à la société : « La violence réciproque qui a déchiré les ennemis fraternels s'efface pour laisser place à l'échange des désirs et à la communion du banquet » (Fabre, 1977, p. 199-200).

La fête de l'Âne et le Senibelet, indissociables, sont ancrés à Gignac par différents héritages, à la fois religieux et politique, populaire et érudit et ont pour fonction l'expression pour les Gignacois contemporains d'une appartenance locale et d'une identité festive.

La fête de l'Âne et son Senibelet sont plus que vivaces à Gignac. Cependant, un manque de moyens humains et financiers peuvent restreindre la manifestation en pesant sur les conditions de réalisation du rituel festif : les musiciens de l'Harmonie ne jouent par exemple que le matin du jeudi de l'Ascension. Le second Senibelet de l'après-midi, et la sortie de l'Âne au même moment, ne bénéficient pas du cadre musical a priori indissociable de l'animal. Cette seconde session, d'ailleurs plus accessible au public du fait de son lieu d'exécution, risque donc de perdre partiellement son efficacité rituelle pour la cohésion des habitants en devenant une représentation privée d'une partie de son sens (air de l'Âne et paroles). La difficile transmission de la langue occitane peut également entraver la mémoire, la perpétuation et donc la recréation des chants liés à l'air de l'Âne. La légende de l'invasion sarrasine est quant à elle très ancrée dans le récit officiel de la fête, mais peut éventuellement masquer d'autres significations de la présence de l'Âne et du Senibelet (raisons calendaires, carnavalesques). Aucune dérive identitaire et excluante n'a été notée sur le terrain mais cela reste à vérifier dans la mesure où le légendaire sarrasin peut représenter une altérité dans le village. Actuellement, le rôle du Sarrasin dans le Senibelet est le rôle le plus valorisant pour les participants ce qui peut confirmer les thèses de K. Basset ou D. Fabre, d'une fonction double du Sarrasin et de son héritage. Enfin, l'essentiel de la fête de l'Âne et de la manipulation de l'animal totémique repose sur le volontariat d'un groupe de jeunes gens et sur l'encadrement d'une institution, le Club Adolescents.

Actions de valorisation

De nombreuses actions de valorisation sont à noter : la communication de la municipalité, les activités du Centre social et du comité des fêtes et la mobilisation de leurs membres, les sensibilisations régulières effectuées dans les écoles de la ville par le personnel enseignant et périscolaire.

 

Modes de valorisation

Nous avons pu noter de nombreuses créations musicales (amateurs et professionnelles) autour de l'air de Gignac, des créations plastiques avec les enfants de la ville (petit Âne), des décorations dans l'espace public par des résidents bénévoles, des réalisations de films documentaires, clips, des expositions publiques de photographies anciennes de la fête, et la volonté de tous les acteurs de la fête d'agrandir la manifestation en la prolongeant jusqu'au samedi soir (concerts, jumelages, carnaval...).

 

De nombreuses initiatives locales voient le jour régulièrement, contribuant à la sauvegarde et à la reconnaissance de ce patrimoine. Cependant d'une manière générale les communautés signalent un manque de moyens humains, financiers et d'espaces de transmission qui pèsent sur les conditions de réalisation du rituel festif et qui ne permettent pas toujours son actualisation. Certains témoins signalent aussi le manque de soutien des collectivités territoriales. La difficile transmission de la langue occitane peut également entraver la mémoire, la perpétuation et donc la recréation des chants liés à certaines pratiques. Les témoins rencontrés n'expriment pas tous les mêmes demandes quant à la reconnaissance institutionnelle. Quand certains espèrent plus de moyens financiers et humains pour perpétuer la fête, d'autres imaginent des retombées économiques sur toute la ville et ses habitants grâce à un label culturel ; mais émergent aussi des réticences quant au processus de patrimonialisation de la fête et/ou de l'animal, considéré comme un risque de fixation du rituel.

Il est à noter que, depuis 2006, le Conseil Régional Languedoc-Roussillon « encourage la promotion des cultures occitanes et catalanes » dans le cadre de l'appel à projets Total Festum qui se réalise tous les ans au mois de Juin. Cet appel à projets, ouvert à tous, à pris en compte la question de la valorisation du Patrimoine Culturel Immatériel depuis 2013 en ajoutant un article valorisant les projets prenant en compte les spécificités du patrimoine vivant : « La Région attire [...] l'attention des porteurs de projets sur l'intérêt à développer des actions autour du Patrimoine Culturel Immatériel tel que le définit l'Unesco ».

Cet appel à projets a d'ailleurs permis la création d'animaux totémiques tel que le Tribus Lupis de Cournonterral ou d'aider aux financements de rencontres d'animaux totémiques. Cependant le caractère restrictif de temps (mois de Juin) ne permet pas à tous les acteurs de se saisir de cette opportunité. Ce principe de festival ne permet pas non plus d'inscrire des actions durables et quotidiennes. Certaines communautés signalent aussi le besoin d'être accompagnées pour la réalisation et la conception des dossiers administratifs. Notons aussi que le CIRDOC (Centre interrégional de développement occitan) développe depuis quelques années des actions de valorisation de ce patrimoine par le biais d'expositions, de collectages, de projets numériques (www.occitanica.eu) et de rencontres.

Si, comme l'Unesco le préconise, « sauvegarder signifie assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, c’est-à-dire assurer sa recréation et sa transmission permanentes, [si] sauvegarder le patrimoine culturel immatériel, c’est transmettre du savoir, du savoir-faire et du sens », alors il semble important que les communautés puissent proposer et se saisir d'outils techniques, financiers et humains qui leur permettront de créer pour elles- mêmes les bonnes conditions de réalisation et d'actualisation de leurs pratiques et d'y être accompagnées si ils le souhaitent.

ACHARD Claude, Poulains et bestiaires magiques, [Maraussan], Atelier Tintamarre, 2011, 398 p.

BASSET Karine, « Le légendaire Sarrasin : quelques enjeux de mémoire », Confluences méditerranéennes, Hiver, 1997-1998, p. 65-74.

BAUMEL Jean, Le "Masque-Cheval" et quelques autres animaux fantastiques. Étude de folklore,d'ethnographie et d'histoire, IEO, Paris, 1954.

DE LAURÈS Claude-Daniel, Mémoires pour servir à l'histoire de la ville de Gignac et de sesenvirons, Supplément aux Cahiers d'Arts et traditions rurales, Montpellier, 2004 (XVIIIe siècle).

FABRE Daniel et CAMBEROQUE Charles, La fête en Languedoc. Regards sur le carnavalaujourd'hui, Privat, Toulouse, 1977.

FABRE Daniel, « Le monde du carnaval (note critique) », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 31e année, n°2, 1976, pp. 389-406.

GAIGNEBET Claude, Le carnaval : essais de mythologie populaire, Payot, 1974.

GILLAND Gilbert, Histoire de Gignac de son origine à nos jours, Paysan du Midi, 1977.

MESTRE Jacques, Histoire de la ville de Gignac et des communes de son canton des origines à1900, Office de Tourisme, Syndicat d'Initiative Intercantonal Gignac-Aniane, Arts et Traditionsrurales, 1988.

VAN GENNEP Arnold, Le folklore français, tome 2, Cycle de mai, de la saint-Jean, de l'été et de l'automne, Robert Laffont, 1999 (1937-1958).

Dates et lieux de l'enquête : 28-29 mai, 6 juin, 4 septembre et 24 novembre 2014

Date fiche d'inventaire : décembre 2014

Auteur de la fiche : Anaïs Vaillant, ethnologue

Nom du rédacteur de la fiche : Anaïs Vaillant, avec la collaboration de Perrine Alranq (CIRDOC – Mediateca Occitana)

 

N° inventaire de la fiche: 2018_67717_INV_PCI_FRANCE_00402

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Animaux_totémiques_de_l'Hérault

Généré depuis Wikidata