Attestée dans la ville depuis 1289, cette pratique jadis en grande vogue lors du Jeudi gras a très sensiblement évolué
Depuis le début des années 2010, la famille Codega, bouchers à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), maintient la vieille tradition des bœufs gras. Attestée dans la ville depuis 1289, cette pratique jadis en grande vogue lors du Jeudi gras a très sensiblement évolué. Sous la responsabilité des garçons-bouchers organisateurs de cette tradition, les animaux étaient autrefois lâchés dans la ville, face aux interdictions. Ce parcours libre s’est progressivement transformé en promenade, puis en simple exposition
Depuis le début des années 2010, la famille Codega, bouchers à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), maintient la vieille tradition des bœufs gras. Attestée dans la ville depuis 1289, cette pratique jadis en grande vogue lors du Jeudi gras a très sensiblement évolué. Sous la responsabilité des garçons-bouchers organisateurs de cette tradition, les animaux étaient autrefois lâchés dans la ville, face aux interdictions. Ce parcours libre s’est progressivement transformé en promenade, puis en simple exposition. Aujourd’hui, la boucherie Codega est la seule à mettre en valeur son métier en présentant à la population plusieurs bœufs gras ou vaches engraissées. Mais il n’y a plus de défilé d’animaux joliment décorés entourés de danseurs et musiciens basques.
Avec l’accord et un arrêté de la municipalité, plusieurs animaux sont exposés dans la rue, devant la boutique, durant un samedi matin de la fin de l’hiver. Les animaux (six à sept bœufs ou vaches), sélectionnés par l’éleveur et le boucher, arrivent tôt dans la matinée. Ils sont descendus des bétaillères et attachés fermement sur des barrières devant le magasin. Ils sont alors, devant le public présent, méticuleusement lavés et brossés, puis décorés avec des cocardes colorées et enrubannées. Cette exposition donne lieu à la venue de curieux et de clients. C’est l’occasion de nombreuses photographies devant les animaux pour marquer l’événement qui, malheureusement, se marginalise.
La famille Codega, bouchers à Bayonne, et ses clients
La Ville de Bayonne
Les habitants du quartier Saint-Léon à Bayonne
La tradition mettant en scène des bœufs gras, décrite sous diverses formes depuis le Moyen Âge, dans toute la France, et encore décrite pour plusieurs exemples par Arnold Van Gennep (cf. bibliographie), est encore courante en France, au-delà des interdictions et des vicissitudes. Elle se maintient à Bayonne en période de carnaval, grâce à une famille de bouchers bayonnais, les Codega.
Cette pratique se maintient dans quelques endroits en France, en particulier au Pays basque :
• la promenade en musique des Bœufs gras, le Jeudi gras, à Bazas (Gironde) (inscrite à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel)
• la promenade des Bœufs gras, un dimanche de la fin de l’hiver, à Captieux (Landes), voisine de Bazas
• la mise à mort symbolique du bœuf (géant factice), après déambulation à Mèze (Hérault) (inscrite à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel)
• le concours de bœufs gras, à la fin de l’hiver, dans certaines villes du centre de la France : festival des bœufs gras de Pâques à Laguiole (Aveyron), bœufs de Pâques de Baraqueville (Aveyron), …
• le lâcher de vaches à Hasparren (Pyrénées-Atlantiques), à 25 km de Bayonne, en période de carnaval
• le lâcher de taureaux, ou Sokamuturra, comme jadis à Bayonne, à diverses dates du calendrier, à Azpeitia, Elgoibar et Hernani, dans la province basque du Guipuzkoa (communauté autonome basque)
• l’encierro de taureaux (course devant les taureaux) dans de nombreuses communes de Navarre, lors des fêtes patronales, en particulier lors des fêtes de Pampelune.
Depuis au moins 1289, il est coutume, chez les bouchers bayonnais, de mettre en valeur, en période de Carnaval, le bœuf gras. Après avoir, durant plusieurs siècles, fait courir et/ou promener les bœufs dans la ville, les garçons bouchers, face aux diverses interdictions, s’impliquent de nos jours dans leur exposition.
Depuis plus de cinquante années, la famille Codega, du quartier Saint-Léon à Bayonne, respecte cette tradition et est la seule, dans cette commune, à maintenir cette présentation.
La matinée commence par l’arrivée en bétaillère des animaux, descendus et attachés fermement à une barrière fixée contre un tracteur et sa remorque, devant la boucherie.
La famille d’éleveurs Duhalde, constituée du père et de ses deux fils, et le boucher, Jean-Pierre Codega, préparent les bêtes : elles sont d’abord nettoyées, c’est-à-dire lavées à grande eau, puis brossées.
Une litière de paille est disposée dans la rue, fermée pour l’occasion.
L’aspect de certains animaux nécessite d’égaliser la robe par la taille des certains poils trop longs.
Les animaux nettoyés, Jean-Pierre Codega pare la queue de chacun d’entre eux d’une grosse cocarde d’où pendent des rubans rouges et verts.
Les animaux prêts, arrive le temps de l’exposition qui regroupe durant plusieurs heures passionnés, connaisseurs et curieux, et est l’occasion de nombreux échanges et commentaires.
La matinée se termine par une séance photographique avec un professionnel qui réalise chaque année, à la demande de la famille Codega, un album souvenir.
Le français
Patrimoine bâti
Sans objet
Objets, outils, matériaux supports
• Installation provisoire d’un tracteur et de sa remorque, pour fixer la barrière métallique servant à attacher les bêtes en sécurité
• Paille et fourrage pour les animaux
• Barrières pour sécuriser l’espace et interdire de pénétrer dans la rue
• Cocardes enrubannées confectionnées par la famille Codega
Jadis, les bœufs étaient monnaie courante à Bayonne. Seule cette présente tradition maintient une présence bovine dans la ville de nos jours.
Dans la famille Codega, la transmission s’est faite de père en fils, comme le montrent les photographies. Jean Codega fit son apprentissage au début des années 1960 au quartier Saint-Esprit, chez le boucher Lamarque, y découvrant la tradition des bœufs gras. Plus tard, en s’installant en 1964 comme boucher aux halles de Bayonne, il y présenta souvent des animaux. En 1973, il s’installe au quartier Lahubiague et continue de présenter des bœufs gras aux Halles. Durant ces années, il transmet la tradition à son fils Jean-Pierre, qui continue la même démarche aujourd’hui avec son fils Anthony, en perpétuant la tradition devant le magasin qu’ils occupent depuis 1994 au quartier Saint-Léon.
L’amour de leur métier passe par le respect du bétail et sa valorisation. Lors de l’exposition de bœufs de 2019, les enfants et surtout les tout-petits sont pris dans les bras pour approcher les bêtes, manière inconsciente de transmettre le flambeau de la tradition.
L’exposition des bœufs gras tient à cœur à la famille Codega qui emploie désormais plusieurs personnes. Le boucher Jean-Pierre Codega fait venir à cette occasion la famille d’éleveurs, les Duhalde d’Ustaritz, avec lesquels il travaille depuis vingt ans.
Frédéric Duhalde et ses fils, Pierre et Arnaud, veillent à la demi-douzaine de spécimens exposés. L’éleveur parle de son métier à Yan Revel, journaliste à Sud-Ouest (20 mars 2018) : « Là, ce ne sont pas des bœufs, mais des vaches, nous les gardons à l’engraissement durant 8 à 12 mois. Elles sont sélectionnées dès le premier âge, puis soignées au mieux ; le suivi se fait au quotidien pour produire de la viande de qualité ».
Préalablement, Jean-Pierre Codega demande et obtient un accord de la municipalité de Bayonne, qui prend un arrêté pour la sécurité. Lorsqu’il évoque les raisons pour lesquelles il continue année après année, il parle de ses clients, des fournisseurs, de circuits courts. Il explique son souhait « de montrer les animaux aux gens afin qu’ils voient d’où provient ce qu’ils achètent en vitrine. Cela montre aussi que l’on s’approvisionne en local et prouve la traçabilité de nos produits. » (article de Yan Revel, Sud-Ouest, 20 mars 2018).
Depuis les premières condamnations des Docteurs de l’Église, comme saint Jean Chrysostome lors des premiers siècles du christianisme, il est noté l’interdiction, en période hivernale pour les Kalendea de janvier, de se déguiser en vieille et en vache, homme sauvage avec des cornes de vaches (cf. Claude Gaignebet). Ce déguisement s’est d’ailleurs maintenu çà et là jusqu’au XXe siècle, comme en Catalogne, à Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales), avec la sortie du Bou Rouch, le bœuf rouge (cf. Violet Alford), et en Espagne, avec entre autres la vaquilla de Los Molinos dans la province de Madrid (cf. Julio Caro Baroja). En Pays basque, il est intéressant de noter que le mois de février peut être désigné sous le mot Zezeila, ou « mois des taureaux » (cf. Julio Caro Baroja).
Au Moyen Âge, les corporations de bouchers et surtout les garçons-bouchers voyaient dans la promenade du Bœuf gras l’occasion de mettre en valeur leur métier juste avant le Carême. Cette fête patronale autour de la chair, dans laquelle d’ailleurs le mot carnaval pourrait trouver une de ses origines, correspond à la période calendaire avant l’arrêt de la consommation de viande. Selon Claude Gaignebet, dès le IXe siècle, le terme Carnavale est attribué par les auteurs ecclésiastiques en raison de son étymologie (carne levare), soit l’adieu à la chair, spécialement aux abus carnés, qui précédent le Carême. En 1195, on trouve avec le même sens Carnelevamen et en Espagne, au XIIe siècle, Carême est parfois appelé Carniprivium (période privée de viande).
La promenade du Bœuf gras existait jadis aussi sous d’autres noms : fête du Bœuf gras, cavalcade du Bœuf gras, fête du Bœuf villé (c’est-à-dire promené en ville), fête du Bœuf viellé ou violé (c’est-à-dire promené au son de la vielle ou de la viole). Il s’agit d’une très ancienne coutume, pour le moins médiévale, de la période hivernale et même des jours gras. Elle consiste, pour les bouchers ou garçons bouchers, à promener solennellement en musique, au moment du Carnaval, un ou plusieurs bœufs décorés, par exemple avec des fleurs, les cornes et les sabots dorés. Cette fête était pratiquée autrefois dans quantité de villes de France. La plus ancienne mention connue localise cette pratique à Paris, en 1274. Adolphe Berty a relevé à Paris le nom d’une maison de la rue de la Boucherie, la « maison des Trois Estaulx et du Beuf violé », sur l’enseigne de laquelle se trouvent représentés trois étaux et un bœuf défilant au son de la viole.
Pour Bernard Coussée (cf. bibliographie), la promenade de bœufs est aussi signalée à d’autres périodes de l’année, comme au début de la Semaine sainte, où le bœuf était tué et mangé pour les agapes du décarêmage.
Le ou les bœufs promenés sont épiphanisés par un apparat particulier. Après avoir été lavés, voire rasés pour créer divers motifs, ils sont marqués et décorés de rubans, de cocardes, étoilés dorés ou argentés, et de fleurs de papiers. Dans certaines promenades, les cornes des bœufs servent de support à une décoration fleurie ou empanachée.
En Aquitaine, la Ville de Bazas fait remonter la tradition de sa promenade des Bœufs gras du Jeudi gras (cf. partie IV.4, fiche de l’Inventaire national) à un décret d’autorisation d’Edouard 1er, duc d’Aquitaine et roi d’Angleterre, en 1283. L’origine bayonnaise apporte une variante, en 1289, avec le texte de réglementation des « lachers de taureaux, de bœufs et vaches sans longe » (Arch. mun. Bayonne, série AA3). Pourtant, Bayonne dépendait de la même juridiction anglaise. Cette réglementation semble avoir pour but de contrôler une tradition déjà en place, donc au moins contemporaine, semble-t-il, de celle de Bazas, bien que sensiblement différente.
Ce texte réglemente la pratique de la corporation des « carnassers » ou bouchers, l’une des plus anciennes de la ville et qui possédait sa rue (aujourd’hui rue Vieille-Boucherie). L’historien de la corrida, Claude Pelletier, en donne la transcription dans son ouvrage, La Tauromachie et les Basques (cf. bibliographie) : « Item et pareillement, il est établi et défendu aux dits bouchers de ne lâcher taureau, bœuf ni vache pour les faire courir en ville, avec des chiens ou autrement, sans l’autorisation dudit maire ou de son lieutenant sous peine de perdre les bestiaux et autres amendes arbitraires à la discrétion du dit lieutenant et de réparer les dommages ».
Selon les sources des Archives municipales de Bayonne, depuis le Moyen Âge, il existait deux manières pour la confrérie des bouchers de valoriser la chair : soit par une promenade de bœufs gras décorés et sans doute entourés de danseurs et musiciens dans la tradition du bœuf viellé ; soit dans la pratique de lâchers de bovins (taureaux, vaches et bœufs) sans longe dans les rues, cette dernière pratique correspondant à la croyance qu’une bête qui a couru avant sa mise à mort produit une viande de meilleure qualité. Cela renvoie aussi à toutes les traditions basques ou espagnoles qui se pratiquent encore : Sokamuturra (lâcher de taureau encordé) à Azpeitia, Hernani, Elgoibar en Guipuzkoa etc., ou Encierro de taureaux à Pampelune.
Ce goût viril de courir devant le bétail et de s’y confronter afin de prouver son courage est donc ancien à Bayonne et, selon les archives, longtemps associé à la période de Carnaval. On peut y voir une des origines des diverses interdictions de la course landaise. Cités dès le XVIIIe siècle, les lâchers de vaches en période de Carnaval sont encore un des grands moments du carnaval, dans la ville voisine labourdine de Hasparren, à 25 km de distance.
Le divertissement bayonnais des courses de bœufs était fort courant de l’Ancien Régime au début du XIXe siècle où, après de très nombreuses réglementations, il est définitivement interdit (cf. Ducéré). Les archives ont conservé la trace de nombreuses interdictions en période carnavalesque, et spécialement dans le quartier Saint-Esprit.
Après le développement au XIXe siècle de la course dite landaise et des courses de taureaux à l’espagnole à Bayonne, à partir de 1850, la création des fêtes contemporaines en 1932 donna lieu à un certain renouveau. Chaque année, durant les fêtes d’été, sont organisés des lâchers ou courses de vaches au cœur de la ville, sur la place Paul-Bert, au pied du Château-Neuf.
La tradition bayonnaise des « grandes fêtes du Jeudi gras », ainsi que les nomme le Courrier de Bayonne (mardi 5 février 1907), est organisée cette année-là, avec la permission du maire, par la Chambre syndicale de l’Union des garçons bouchers avec le bienveillant concours de la Chambre syndicale des patrons bouchers de la ville. Elles commencèrent le mercredi 6 février 1907 par des salves d’artillerie, un passe-rue avec orchestre, des sérénades et des distributions de fleurs aux bouchers et aux charcutiers de la ville. En soirée, un concert est donné sous les halles, ainsi qu’un grand concours de fandango. La journée du lendemain, le jeudi 7 février 1907 (Jeudi gras), donna lieu à de grandes manifestations. À 1o heures, la journée est ouverte avec des salves d’artillerie, puis le départ, depuis l’abattoir, d’une grande cavalcade qui parcourut les rues de la ville.
Le char principal, dit « triomphe du Bœuf gras », présentait un bœuf mis en lot pour la grande tombola organisée pour l’occasion : « … puis vient le héros de la fête, le Bœuf gras, enrubanné des pieds à la tête, beau dans son étable de verdure ambulante, beau, énorme… La cavalcade a traversé toutes les rues de la ville, faisant la joie des grands et des petits, accourus voir passer S.M "Bœuf Gras" ».
Dans les années 1960, le journal Sud-Ouest signale que « le cortège des Bœufs gras a défilé dans les rues et les avenues du centre-ville, s’arrêtant sur les places… Les danseurs étaient avec eux, les bœufs étaient magnifiquement étoilés et parés de rubans et cocardes ». En 1967, les bœufs gras sont exposés dans chaque quartier et la parade a eu lieu au centre-ville (Sud-Ouest). Le journal Sud-Ouest du 5 février 1970 titre « Jeudi traditionnel et folklorique avec bœufs gras et danseurs d’Espelette ».
Alors que plusieurs bouchers ne conservent plus que l’exposition des bœufs devant les halles du centre-ville, le boucher André Lahargou, dont le magasin se situe sur les Allées Marines, à partir de la fin des années 1970, maintient dans son quartier et dans le nouveau quartier HLM de Balichon, la promenade des Bœufs gras. Il reprend symboliquement, avec l’aide de l’association Lapurtarrak, l’usage de l’accompagner de musiciens et danseurs basques, déclarant, au journal Sud-Ouest : « Ces bœufs, cela fait un an qu’ils sont engraissés uniquement au maïs. Leur viande est tellement bonne qu’elle se mange sans dent » (février 1977).
À partir de 1984, les bouchers redonnent de la vigueur à la présentation des bœufs gras, exposés devant les halles, pratiquée depuis de nombreuses années.
En 2010, un incident marque l’exposition : une vache se détache et, dans sa fuite, est abattue, ce qui provoque l’arrêt du regroupement.
À partir de 2011, la tradition est maintenue devant la boucherie Codega, au quartier Saint-Léon de Bayonne.
Après les nombreuses interdictions de lâchers durant le Moyen Âge et l’Ancien Régime, seule s’est maintenue, jusqu’au milieu du XXe siècle, la promenade, dans les rues, des bœufs entourés de danseurs. Petit à petit, la promenade s’est faite rare, bien que les danseurs viennent toujours à Bayonne. À la fin du XXe siècle, le jour de Jeudi gras, seule une exposition d’animaux organisée par plusieurs bouchers s’est maintenue autour des halles de Bayonne, en centre-ville. Puis les danseurs ont cessé d’associer leur venue à cette exposition. Les bœufs sont aussi souvent remplacés par des vaches engraissées.
Après l’incident de 2010, les bouchers renoncèrent à organiser l’exposition près des halles, au cœur de la vieille ville. La famille Codega décida alors de maintenir seule l’exposition, face à son magasin, dans un des quartiers de Bayonne (celui de Saint-Léon) et non plus en centre-ville.
Vitalité
La tradition est aujourd’hui maintenue par la volonté d’une seule famille. Toutefois, l’engouement pour les taurins continue à s’exprimer par le lâcher des vaches, tous les jours des fêtes de Bayonne.
Menaces et risques
Depuis 2011, la tradition est maintenue par une seule famille et manque cruellement de lisibilité.
Modes de sauvegarde et de valorisation
Sans objet
Actions de valorisation à signaler
Articles dans la presse locale.
Modes de reconnaissance publique
La manifestation se déroule chaque année grâce à un arrêté municipal autorisant l’exposition des bœufs gras devant la boucherie Codega et instaurant toutes les dispositions adéquates pour assurer la sécurité des participants, du public et des usagers de la voie publique, avec l’interdiction de circuler dans la rue.
L’élaboration de la présente fiche a incité l’office de tourisme de Bayonne à valoriser l’exposition des bœufs gras dans le programme annuel des manifestations de la Ville. Il serait peut-être opportun de regrouper le même jour les deux variantes bayonnaises actuelles de la tradition (exposition des bœufs, lâcher des vaches).
Récits liés à la pratique et à la tradition
• L’ouvrage Iñauteria. El carnaval vasco de l’ethnologue basque Juan Garmendia Larrañaga (cf. bibliographie) offre une description de la tradition des bœufs gras à Bayonne en 1851. Il cite le témoignage en espagnol d’un visiteur, José Nicasio Casal y Anchuelo, séjournant dans la ville. Ayant entendu de la musique, il regarde depuis son balcon et découvre une procession bariolée le jour du Jeudi gras. Il décrit un groupe de danseurs et de musiciens, dont le costume est en tout point conforme aux descriptions et aux représentations des danseurs labourdins du temps. Ces Kaskarot, danseurs et musiciens issus des villages labourdins, se déplaçaient régulièrement lors des manifestations bayonnaises.
Le groupe défile, entourant deux ou trois belles paires de bœufs magnifiquement décorés pour l’occasion. Certains bœufs ont les cornes dorées et le corps couvert d’étoiles d’or et d’argent. D’autres portent de belles mantes rouges à larges bordures dorées d’où pendent de nombreux pompons et ils ont la tête couverte d’une couronne de fleurs dont les liens sont eux aussi transformés en guirlandes de fleurs et de verdure. L’auteur signale que ce défilé a lieu pour la fête des Bouchers, qui présentent les plus beaux bœufs de leurs éleveurs. Il y découvre plusieurs groupes circulant dans la ville, dans une sorte de compétition valorisant leur métier.
• L’engouement des courses de bœufs ou vaches était tel à Bayonne sous l’Ancien Régime que les courses furent prohibées dans le centre-ville et un lieu fixe instauré au pied du Château-Neuf, sur la place Paul-Bert, afin d’éviter des troubles graves. Selon Ducéré (cf. bibliographie), des bœufs étaient, avant cela, lâchés et poursuivis par des chiens furieux, dans la rue Mayou, en plein centre-ville. Ils enfonçaient les devantures des boutiques et foulaient les passants au pied. Une fois, un bœuf entra pendant la messe dans l’église des Carmes, provoquant une grande panique. Le 29 février 1767, le procureur du Bourg-Saint-Esprit, apprenant l’intention d’organiser une course de bœufs en période grasse, requiert des réglementations en signalant « qu’elles font obstacle à ce que l’on puisse puiser de l’eau à la fontaine publique et qu’il arrive même souvent qu’il y a des personnes estropiées à la suite de ces courses de bœufs » [Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, pôle de Bayonne, FF 292-45].
Interdites en 1800, les courses de « bueys » étaient encore si populaires qu’elles pouvaient être organisées lors d’événements importants, comme la visite d’hôtes prestigieux, telle l’arrivée du comte de Louvigny, nouveau gouverneur de la ville, en 1674 (cf. Ducéré). L’engouement, qui s’est maintenu tout au long du XIXe siècle, aboutit, à partir de 1932, à un renouveau dans le cadre des fêtes de Bayonne. Chaque année, des vaches dites « landaises » sont lâchées sur la place Paul-Bert afin que la jeunesse s’y confronte. Cette pratique est un des marqueurs symboliques de ces fêtes d’été, comme le prouve chaque année l’affiche de la manifestation.
• L’incident de 2010 marque la fin de l’exposition des bœufs au centre-ville. Cette année-là, une des bêtes exposées se libère de ses attaches et s’échappe dans la ville, reprenant contre toute attente la vieille tradition. Le journal Sud-Ouest du vendredi 18 février 2010 décrit avec détail l’événement sous le titre évocateur : « Une vache folle fait sa corrida en plein Bayonne » : « Hier à Bayonne l'exposition des bœufs gras sur le carreau des halles a pris une tournure très spéciale. Vers 8 heures du matin, alors que la quinzaine de blondes d'Aquitaine venaient d'arriver en camion sur le carreau des halles, l'une d'elles a décidé d'improviser un drôle d'encierro dans les rues de Bayonne. "Ils ont tenté de la maintenir, mais c'était impossible", raconte un témoin. Une barrière est tombée et la vache s'est fait la belle. Direction les Remparts, où peut-être avait-elle repéré, à son arrivée, quelques espaces herbeux. Là, ne pouvant les atteindre, elle a pris la direction de la cathédrale Saint-André, foncé tout droit dans la rue Pannecau, puis remonté sous les arceaux... Une trentaine de policiers municipaux et nationaux, pompiers, employés de la Ville, éleveurs et bouchers ont tenté de maîtriser la bête. Le maire de Bayonne, Jean Grenet, a pris un arrêté autorisant l'abattage de l'animal par arme à feu. Deux policiers, moniteurs de tir au commissariat, ont utilisé des armes d'épaule pour atteindre la tête de l'animal lorsque celui-ci s'est retrouvé place du Réduit, avec l'Adour derrière lui, de manière à l'abattre sans mettre personne en danger ».
Inventaires réalisés liés à la pratique
Inventaire des traditions du Labourd
• Monographie de Bayonne, Vers un inventaire des traditions carnavalesques et hivernales de la province du Labourd : tradition suivie et inventoriée par Thierry Truffaut depuis 1979.
Inventaire national du patrimoine culturel immatériel
• Fiche « La promenade des bœufs gras de Bazas (Gironde) / Passejada deus bueus gras de Vasats », réf. 2010_67717_INV_PCI_FRANCE_00103
• Fiche « Les fêtes du Bœuf de Méze (Hérault) », réf. 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00422
Archives municipales de Bayonne (Bibl. mun. Bayonne)
• Série AA3, registres gascons, année 1289 : première mention
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques (pôle de Bayonne)
Interdictions et réglementations au Bourg-Saint-Esprit au XVIIIe siècle :
• FF 292. 45 : documents des 25 et 29 février 1764
• FF 292. 62 : documents des 16 et 17 février 1773
Bibliographie sommaire
Articles de presse
Courrier de Bayonne : articles sur la fête des Bœufs gras à Bayonne, sous la direction de la confrérie des Garçons Bouchers (23 janvier, 8 et 13 février 1899, 5 mars 1906, 7 févier 1907) Journal Sud-Ouest : articles sur la fête des Bœufs gras à Bayonne (1960-2018)
Ouvrages imprimés et articles
Alfort (Violet), Fêtes pyrénéennes, Toulouse, Loubatières, 2004 (rééd.).
Baroja (Julio Caro), El estio festivo, Madrid, Taurus, 1984.
Baroja (Julio Caro), Le Carnaval, Paris, Gallimard, 1979.
Coussée (Bernard), Sacré Carnaval, Lille (coll. « Rites et Traditions »), 1989.
Ducéré (Édouard), Dictionnaire historique de Bayonne, Marseille, Laffitte reprints, 1976 (rééd. de l’ouvrage de 1910).
Gaignebet (Claude), Le Carnaval, Paris, Payot, Paris, 1974.
Garmendia Larrañaga (Juan), Iñauteria. El carnaval vasco, San Sebastian, Guipuzkoa Donostia Kutxa, 2003.
Lafranchis (Tristan), Le Taureau, Puiseaux, Pardès (coll. « Bibliothèque des Symboles »), 1993.
Pelletier (Claude), La Tauromachie et les Basques, Bayonne, Le Club taurin, 1981.
Sacx (Maurice), « Récréations bayonnaises, jeux, divertissements et plaisirs », Bulletin de la Société des Sciences, lettres et arts de Bayonne, n°140, Bayonne, SSLA, 1984, p. 329-332,
Truffaut (Thierry), « Essai de classification des carnavals ruraux basques en 1983 et 1984 », Dantzariak, n° 33, Bilbao, EDB, 1986, p. 8-48.
Truffaut (Thierry), « Contribution à l’étude des traditions en Labourd : jeux avec des oiseaux domestiques, les bœufs gras à Bayonne », Dantzariak, n° 44, Bilbao, EDB, 1989, p. 19-29.
Truffaut (Thierry), « Les traditions bovines en Pays Basque et en Gascogne », Atlantica, n°66, Biarritz, ONI, 1999, p. 24-26.
Truffaut (Thierry), avec Maylis Dauga, « Les jeux bovins en Gascogne à partir de 1757 », Atlantica, n°68, Biarritz, ONI, 1999, p. 42-44.
Truffaut (Thierry), Joaldun et Kaskarot, des carnavals en Pays basque, Donostia, Elkar, 2005, p. 175-329.
Truffaut (Thierry), « Pampelune et Bayonne. Tradition taurine », Pays basque Magazine, n°51, Toulouse, Milan Presse, juillet-septembre 2008, p. 42-45.
Truffaut (Thierry), Vers un inventaire des traditions carnavalesques et hivernales de la province du Labourd, Vitoria-Gasteiz, Fondation José Miguel de Barandiaran, 2011.
Van Gennep (Arnold), Manuel de folklore français contemporain, Paris, Picard, 1943-1988, 8 vol.
Filmographie sommaire
« Bœufs gras 9 mars 2019. Préparation des animaux », réal. Thierry Truffaut, 2019, 2 min
Sitographie sommaire
https://bonsudbongenre.com/2018/03/20/boucherie-codega-du-champ-a-lassiette/
Famille Codega (le grand-père Jean, le fils Jean Pierre et le petit fils Anthony) et leurs employés, bouchers chemin d’Arans, quartier Saint-Léon, 64100 Bayonne
Famille Duhalde (le père Frédéric et les deux fils Pierre et Arnaud), agriculteurs et éleveurs de bovins, 64700 Ustaritz
Membres de la famille Codega
Rédacteurs de la fiche
Thierry TRUFFAUT, anthropologue, spécialiste des traditions festives et dansées en Pays basque, membre des associations Lapurtarrak, Herri Soinu, Lauburu et Etniker Iparralde, Maison Bataille, route de Saint-Germé, 32460 Le Houga, truffaut.thaxi@wanadoo.fr
Terexa LEKUMBERRI, anthropologue, chargée du patrimoine oral et immatériel à l’Institut culturel basque, Château Lota, 64480 Ustaritz, lekumberri@eke.eus
Mathilde BAQUÉ, chargée de mission à l’Institut culturel basque, Château Lota, 64480 Ustaritz, mathilde.baque@eke.eus
Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré
Thierry TRUFFAUT, anthropologue, spécialiste des traditions festives et dansées en Pays basque, membre des associations Lapurtarrak, Herri Soinu, Lauburu et Etniker Iparralde
Terexa LEKUMBERRI, anthropologue, chargée du patrimoine oral et immatériel à l’Institut culturel basque
Lieux(x) et date/période de l’enquête
Bayonne : 9 mars 2019, exposition des bœufs gras devant la boucherie Codega
Données d’enregistrement
Date de remise de la fiche : 4 juin 2020
Année d’inclusion à l’inventaire : 2020
N° de la fiche : 2020_67717_INV_PCI_FRANCE_00472
Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvk25m
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf
Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Boeuf_Gras
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