Pratiques et savoir-faire des pêcheurs du lac de Grand-Lieu

On pêche depuis deux millénaires sur le lac de Grand-Lieu, le plus vaste lac de plaine naturel français en hiver, situé au sud de l’estuaire de la Loire à 14 km de Nantes. Si l’effectif des pêcheurs professionnels s’est fortement réduit au cours du siècle dernier, ils forment une communauté ancienne, essentielle à la vie du lac. Celui-ci est devenu bien national par la donation de l’industriel Guerlain, avec obligation d’y préserver une pêche professionnelle ; il est classé Réserve naturelle depuis 1980. Regroupés depuis 1907 dans une société coopérative, les pêcheurs gèrent eux-mêmes la transmission de leur activité et de leur savoir. Chaque année, ils organisent une fête des Pêcheurs à Passay, village où leur communauté était historiquement regroupée ; elle permet à la population locale et aux visiteurs de (re)découvrir le lac, de consommer leur pêche, d’apprécier leurs savoir- faire ; les bénéfices vont à l’association d’entraide des pêcheurs, créée en 1938.

Les pêcheurs de Grand-Lieu

Cette dénomination, sans référence statutaire, désigne les hommes ayant pour activité professionnelle la pêche à Grand-Lieu, actifs ou retraités, passés ou présents. Les pêcheurs en activité et membres de la société coopérative sont en 2017 au nombre de sept. Constitués d’hommes nés entre 1956 et 1975, le groupe a une moyenne d’âge de 48 ans. Ce sont : Dominique Robion, Eric Richard, Stéphane Clouet, Dominique Guillet, Fabrice Batard, David Lefort et Frédéric Baudry. Cinq d’entre eux résident dans la commune de La Chevrolière, dont deux au village de Passay ; le sixième dans une commune riveraine du lac (Saint-Philbert-de-Grand-Lieu) et le dernier, dans une commune « extérieure » (Saint-Hilaire-de-Chaléons).

Cinq anciens pêcheurs professionnels, aujourd’hui retraités, demeurent actifs sur le plan de la transmission de la pratique et de la vitalité de la communauté (participation à la fête des Pêcheurs…). Nés entre 1938 et 1954, ces hommes ont une moyenne d’âge de 68 ans. Ce sont : Joël Albert, Alain Albert, Jean-René Richard, Gérard Brisson et Robert Gilet. Ils résident tous à La Chevrolière, au village de Passay, origine de la communauté de pêche.

Plusieurs types d’acteurs contribuent en outre à la connaissance et à la transmission de ces pratiques et savoir-faire :

La société coopérative des pêcheurs professionnels de Grand-Lieu

Elle regroupe depuis 1907 l’ensemble des pêcheurs du lac en activité. Son siège se situe à Passay. Elle a pour objet la prestation de services et la fourniture de moyens matériels à ses membres pour faciliter l’exercice de la profession de pêcheur sur le lac de Grand-Lieu et toutes les opérations d’alevinage, ce dernier n’étant aujourd’hui plus pratiqué.

L’association des pêcheurs du lac de Grand-Lieu

Créée le 23 juin 1938, elle a également pour siège le village de Passay et a pour but l’assistance et la bienfaisance aux membres nécessiteux. Elle constitue le support de l’organisation de la fête des Pêcheurs et la gestion des recettes générées par la vente des produits de la pêche à cette occasion. L’association n’est pas exclusivement composée de pêcheurs en activité. Son fonctionnement repose également sur la bonne volonté de pêcheurs retraités et plus largement, au moment de la fête, sur la famille communautaire de Passay (parents, amis, voisins…), qui participe activement à la préparation et la tenue des stands.

Lieu(x) de la pratique en France

Pays-de-la-Loire, Loire-Atlantique, lac de Grand-Lieu

Le lac de Grand-Lieu ne se présente pas sous la forme simple d’une étendue d’eau douce bordée d’un rivage franc. Selon les saisons, sa superficie peut s’avérer très fluctuante, mais il reste peu profond. L’été, il est dominé par la végétation. Sur sa périphérie, il laisse alors à découvert de vastes prairies humides auxquelles succèdent des roselières, en partie conquises par des forêts de saules et d’aulnes. Celles-ci sont localement appelées « levis », parce que les crues d’automne les font se « lever » et flotter. Au-delà des levis, sur la partie constamment en eau, repose un herbier flottant composé de nénuphars blancs et jaunes et encore de macres (châtaignes d’eau), qui ceinture enfin une zone d’eau libre de toute végétation (environ 25 km2).

En hiver, la présence végétale s’escamote. Certaines tempêtes parviennent à arracher des fragments importants de levis, véritables îles flottantes qui partent à la dérive, généralement vers le nord-est où ils s’échouent, modifiant sensiblement le paysage. L’hiver, l’eau s’étend à mesure que le niveau monte, sous l’effet des deux affluents du lac : la Boulogne (au sud) et l’Ognon (à l’est). L’Acheneau (au nord), sous inflexion du vannage de Bouaye, évacue les eaux dans l’estuaire de la Loire. Le niveau d’eau doit respecter une cote prédéfinie, variable selon l’époque de l’année et validée par un arrêté ministériel.

Le lac est traversé par un volume de 250 à 350 millions de m3 d’eau en moyenne par an. Il couvre environ 3 500 ha en été (approximativement 42 km de périmètre) et peut s’étendre par recouvrement des marais l’hiver jusqu’à 6 300 ha (soit 64 km de tour environ). Il est au cœur d’un système hydraulique irriguant l’ensemble du Pays de Retz et joue un rôle épuratoire pour les eaux reçues de son bassin versant.

Le patrimoine biologique de Grand-Lieu a été classé en 1995 en tant que zone humide d’importance internationale par la convention de Ramsar. On dénombre en effet 270 espèces d’oiseaux, 19 espèces de reptiles et de batraciens, 30 espèces de poissons, dont l’anguille d’Europe, et une cinquantaine de mammifères. Sur le plan floristique, ce ne sont pas moins de 250 espèces végétales qui peuplent le lac, dont 8 se trouvent protégées au niveau international. Le lac bénéficie d’une classification en Réserve naturelle depuis 1980 sur 2 700 ha situés sur la partie occidentale. La Société nationale de protection de la nature a été chargée, par le ministère de l’Environnement et selon la volonté de son donateur, Jean-Pierre Guerlain, de protéger et d’assurer l’entretien de la réserve, activités qu’elle accomplit depuis 1985. Par ailleurs, depuis 2008, les 650 ha gérés par la Fédération des chasseurs de la Loire-Atlantique ont été classés Réserve naturelle régionale par le Conseil régional des Pays-de-la-Loire. Afin de préserver la faune et la flore de tout dérangement, la circulation du public est interdite sur ces deux domaines, hormis pour le personnel des dites réserves et pour les sept pêcheurs professionnels.

Bien qu’il soit exclusivement cadastré sur la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, huit autres communes bordent le lac de Grand-Lieu : Saint-Aignan-de-Grand-Lieu, Pont-Saint-Martin, La Chevrolière, Saint-Lumine-de-Coutais, Saint-Mars-de-Coutais, Port-Saint-Père, Saint-Léger- les-Vignes et Bouaye. L’histoire de ces communes riveraines est étroitement liée au lac, qui fut un territoire d’attraction, à la fois protecteur et dispensateur de nourriture (poisson et gibier) et au début du XXe siècle, une plaque tournante du commerce et du transport par voies navigables.

Passay, village de pêcheurs

Ce village a longtemps été le lieu de résidence et de recrutement exclusif de la communauté de pêcheurs. Il se caractérise par une multiplicité de petites maisons modestes bordant les rues et ruelles, témoignant du caractère peu lucratif de cette activité de pêche. De nombreuses rues du village font référence à des personnalités issues de cette communauté. On trouve aussi la présence d’une statue de Sainte-Anne, sainte patronne des pêcheurs. L’identité halieutique est également

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

Des pratiques similaires ont été identifiées autour d’autres lacs en réseau avec Grand-Lieu et ont donné lieu à des liens, échanges, projets communs, association et/ou rapprochement.

Le Réseau européen des lacs de plaine

Ce réseau de coopération regroupe le lac Tisza en Hongrie, le lac Miedwie en Pologne, le lac de l’Albufera en Espagne et le lac de Grand-Lieu. Les différents gestionnaires de ces milieux considèrent que ces lacs de plaine ont en commun la richesse naturelle des eaux lacustres, la spécificité des sites lacustres et leur rôle dans la formation des cultures locales, la diversité des fonctions induites, tant sur le plan naturel que sur celui des activités humaines, la pression permanente de l’homme sur l’environnement. Cela est notamment prégnant sur le lac de l’Albufera. Aussi coopèrent-ils en vue d’améliorer et de préserver la qualité des eaux et des sites lacustres européens, de conserver la biodiversité de la flore et faune locales des sites lacustres, de renforcer la conscience écologique, d’établir des liens et de développer le sens des responsabilités des populations lacustres, de soutenir le développement des initiatives, qui reflètent le patrimoine et la richesse des traditions locales, mais insufflent aussi de nouveaux projets, répondant aux besoins actuels.

Le partenariat Grand-Lieu/Nokoué

À la suite de l’observation de similitudes dans certaines pratiques de pêche, de navigation et d’adaptation au milieu, plusieurs actions de coopération et de partenariat à caractère culturel et associatif ont été menées entre le lac Nokoué – au Bénin – et le lac de Grand-Lieu. Initiées en 1990, ces actions de coopération entre les deux territoires perdurent depuis lors.

Autres similarités

Outre ces reconnaissances réciproques et instituées, il est possible d’identifier d’autres similarités en France ou à l’étranger. Si l’on s’attache à considérer la pêche en eau douce en général et en milieu lacustre en particulier, des pratiques et problématiques communes émergent autour des techniques de pêches, des engins et filets, de la batellerie, du rapport à la ressource et au lieu. Ainsi en France, les lacs alpins tels que le lac d’Annecy, le lac Léman ou encore le lac du Bourget, présentent des caractéristiques communes.

On peut élargir le propos sur un plan européen au lac Léman (côté suisse), au lac Balaton (Hongrie) ou au lac Baïkal (Russie). Les similarités tiennent également à la dimension communautaire qui se matérialise par un habitat spécifique de type cité lacustre et/ou se décline au travers d’une organisation spécifique (communauté, coopérative, tradition culinaire…) régissant un certain nombre de règles entre ses membres.

Pratiques communautaires

Les statuts de la Société coopérative des pêcheurs du lac de Grand-Lieu régissent certains aspects de leur activité et des liens communautaires. Le groupe assure lui-même le recrutement direct des nouveaux pêcheurs en s’attachant, tant que faire se peut, aux critères qui y sont définis : pour faire partie de la société, il faut exercer l’activité principale de pêcheur, habiter l’une des communes limitrophes du lac de Grand-Lieu et être agréé.

Aujourd’hui, les formations et origines professionnelles des pêcheurs sont extrêmement diversifiées (métallurgiste, mareyeur, poissonnier, boulanger, cuisinier...). En sus de l’activité principale de pêche, certains en pratiquent d’autres, connexes et moins visibles, comme cela a souvent été le cas, surtout à partir des années 1990. Ainsi en va-t-il de la pêche en Loire, de la transformation du produit de la pêche (cuisson d’écrevisses), de la vente sur les marchés de poisson d’eau douce, de la pratique de pêche de sauvegarde, etc. Ces activités permettent aux pêcheurs de compléter leurs revenus et/ou d’atténuer les effets des mauvaises années.

Depuis sa création en 1907, la coopérative des pêcheurs organise, en autonomie, la fête des Pêcheurs, ouverte au public. La communauté y vend directement ses prises, propose des dégustations et des animations ludiques afin de faire découvrir les espèces du lac et les techniques mises en œuvre. Elle effectue à cette occasion une pêche traditionnelle collective à la senne.

Pratiques halieutiques

La pêche à l’anguille (dite jaune ou marguin) est ouverte du 1er avril au 31 août. La fermeture court durant le mois de septembre. Du 1er octobre au 15 janvier a lieu l’ouverture de la pêche à l’anguille d’avalaison (ou argentée et dite selon les tailles : pimpeneau, lorteau et artaya). L’écrevisse se prend aux mêmes périodes, sans restriction pour le mois de septembre. Le brochet se capture du début mai à la fin janvier. Pour le sandre et le poisson blanc tels les tanches, gardons, carpes et brèmes, les pêcheurs se sont donné comme règle d’exercer la pêche en dehors des périodes de reproduction (mi-juin à janvier). Pour le carnassier, les pêcheurs utilisent des « araignées » (filets droits).

Si la pêche à Grand-Lieu comme moyen de régulation des espèces invasives n’a pas toujours été revendiquée par les pêcheurs, elle n’en est pas moins une constante de leur activité depuis plusieurs décennies. Sans se cantonner aux poissons, les pêcheurs ont fait montre d’adaptation face notamment à la prolifération de mammifères tels que les rats musqués et les ragondins, rongeurs envahissants originaires respectivement d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud, introduits dans le courant du XXe siècle comme producteurs de fourrure et échappés d’élevages. Des années 1970 aux années 1990, leur piégeage assurait ainsi, les mois d’hiver, un complément de revenus par la vente des peaux. Le dépouillage assurait par ailleurs sur Passay une activité à certaines femmes de pêcheurs.

Dans les années 1985-1990, ces derniers ont également fait face à l’invasion du poisson-chat et sont, aujourd’hui, les acteurs essentiels de la régulation de l’écrevisse américaine et de celle de Louisiane. Repérées dans les eaux du lac à partir de 1999, les écrevisses ont d’abord été vécues comme une véritable contrainte pour les pêcheurs, du fait des quantités qui s’immisçaient dans leurs filets et de la destruction occasionnée sur les anguilles capturées. En outre, leur statut d’espèce invasive interdisait leur commerce et leur transport vivant. En 2007, les pêcheurs ont été autorisés par arrêté préfectoral à commercialiser l’écrevisse dans le ressort du département de la Loire-Atlantique. Dans le cadre de Natura 2000, les pêcheurs ont pu ensuite trouver rémunération en contrepartie de leur destruction, à raison de 100 heures dévolues à leur capture par pêcheur et par an. Ils ont donc concomitamment pêché pour vendre et pêché pour détruire durant cinq années (2011-2015).

Pratiques relatives à la veille environnementale

En tant que témoins quotidiens du milieu lacustre, riches d’une connaissance fine du milieu et de son évolution, les pêcheurs sont des observateurs privilégiés du lac. Source d’information importante, ils assurent de facto une veille environnementale.

S’ils sont inquiets de la rentabilité et de la pérennité de leur activité, rendue vulnérable par certaines restrictions et contraintes, les pêcheurs sont convaincus de la nécessité de leur rôle dans la régulation de la ressource et dans la transmission de connaissances du milieu. Ils sont également convaincus de l’intérêt de leur présence régulière sur le lac. En sillonnant ses eaux quotidiennement, ils détectent les oiseaux malades, la prolifération d’algues, l’évolution des herbiers et des vasières, devenant les « yeux du lac », experts de l’ordinaire. Responsables des ressources dont ils dépendent, ils sont attentifs aux réponses apportées aux constats qu’ils sont amenés à faire. La pêche à Grand-Lieu comme moyen de régulation des espèces invasives est une constante depuis plusieurs décennies.

Savoir-faire techniques

Le lac de Grand-Lieu abrite de nombreux poissons d’eau douce, et comme sur l’ensemble des cours d’eau de France, la pêche est réglementée en tenant compte des périodes de frai. En fonction des espèces et des réglementations, les pêcheurs mettent en œuvre des techniques appropriées.

Savoir-faire techniques liés à la pêche actuelle ; filet droit et verveux

En 2017, pour traquer le sandre, on utilise toujours le filet droit ou filet maillant, encore appelé araignée, d’une longueur comprise entre 50 et 100 mètres, la ralingue supérieure étant munie de flotteurs et l’inférieure plombée. L’une des extrémités de la nappe est fixée à un piquet fiché au fond tandis que la seconde, munie d’un gros flotteur, reste libre, le filet gardant ainsi une certaine mobilité au gré du vent ou du courant.

L’engin de pêche dominant, en usage presque exclusif aujourd’hui, reste le verveux. De conception très ancienne (déjà décrit par Diderot et d’Alembert), traditionnellement en usage sur les espaces lacustres ou lagunaires méditerranéens (Languedoc, Camargue), le verveux fut introduit à Grand- Lieu par un mareyeur au début des années 1980. Les engins sont constitués de nasses en filet, de section cylindrique, dont une extrémité, en forme de cône et lacée, permet la vidange. Souples, longues de 3 mètres environ, les poches sont maintenues ouvertes par des cercles de bois ou de plastique. Généralement, les verveux sont groupés par trois, disposés en « pointe de flèche » et en étoile sur le fond et maintenus en place par des piquets. Comme dans le cas des bosselles (voir plus bas), un long barrage, ici en filet, guide les poissons vers le piège. Parce que cet engin est aussi utilisé pour la capture de l’écrevisse, un morceau de tuyau en PVC a été adapté sur la pointe de chaque poche afin de rendre au besoin, l’engin sélectif, selon les périodes, en laissant la possibilité aux anguilles de s’échapper. Sur place, de petits fanions de couleur indiquent le positionnement des ver- veux.

Chaque pêcheur est autorisé à utiliser simultanément un maximum de 13 verveux. Toutefois, ils en possèdent davantage, compte-tenu des engins en nettoyage ou réparation (ramendage). Extrême- ment performant, le verveux s’est progressivement substitué à la quasi-totalité de tous les autres engins, même quand l’usage de ces derniers était encore autorisé.

L’anguille est le poisson principalement capturé au verveux, quand celui-ci n’est pas envahi par des espèces indésirables, telle l’écrevisse de Louisiane.

Savoir-faire techniques liés à la navigation

- La batellerie évolue, en s’adaptant aux spécificités de l’activité sur le lac

Jadis, pour se rendre sur les lieux de pêche, les pêcheurs parcouraient le lac à l’aviron, à la perche ou à la voile. L’adoption du moteur hors-bord a, dans les années 1950, bouleversé les habitudes.

Nombre de pêcheurs ont débuté leur activité avec une « plate » traditionnelle, généralement construite en chêne et dans les derniers temps, en bois exotique. Rachetées ou prêtées, celles-ci arrivaient naturellement « en fin de vie ». On ne construisait plus de plates en bois depuis de nombreuses années.

La réglementation de la pêche sur le lac qui s’attache à une limitation de la puissance des moteurs, ne précise rien quant au type d’embarcation. Aussi les nouveaux pêcheurs ont-ils fait construire des bateaux plus grands et plus larges que les plates traditionnelles, bénéficiant d’un vaste espace de travail, beaucoup plus stables, en polyester ou en alliage d’aluminium. Conçus avec un souci de l’ergonomie visant à diminuer la pénibilité de l’activité, ils peuvent être dotés d’un propulseur de 35 chevaux (maximum).

Les bateaux ont été progressivement repensés, leur espace rationalisé et leur ergonomie favorisée. Plus légers, les matériaux employés pour leur construction sont le polyester ou l’alliage d’aluminium. Les pêcheurs sont dispensés du traditionnel « coaltarage » (application d’un goudron obtenu par distillation de la houille) qui, par ailleurs, ne répond plus aux exigences environnementales. La puissance des moteurs s’est accrue dans les vingt dernières années, mais reste cependant limitée à 30 chevaux. Les pêcheurs s’investissent tout particulièrement dans la conception, voire la construction de leur embarcation, s’inspirant les uns des autres des modifications et améliorations ayant fait leurs preuves. Ainsi, les francs-bords sont plus élevés et moins évasés. Les bordés sont, sur certaines sections, rentrants, pour faciliter la remontée des poches de verveux dans l’embarcation. Sur certains bateaux, des ouvertures sont aménagées dans le bordé de façon à pouvoir facilement embarquer et débarquer le vivier. Ce dernier n’est plus en circuit direct avec le lac, comme l’était la côme sur les plates traditionnelles, mais alimentée et oxygénée par une pompe. Ce caisson en matière synthétique peut être équipé de roulettes afin de faciliter la manutention et d’épargner physiquement le pêcheur.

- La particularité de la navigation sur le lac

Le lac semble toujours se dérober. Par son immensité, il ne se laisse percevoir dans sa globalité que du ciel. Sa surface fluctuant au gré des saisons le rend d’autant plus insaisissable. Pour les pêcheurs, les clochers organisent le repérage des rives, tels les phares pour les marins. D’autres repères naturels tels que les herbiers, les levis, les vasières participent à l’orientation sur le plan d’eau. Les douves et les rades sont les « chemins » d’accès aux coins de pêche, en partie dessinées et entretenues par le passage répété du bateau à travers la végétation aquatique.

Pratiques de commercialisation

Aujourd’hui, les pêcheurs ne passent plus par la société coopérative pour la commercialisation du poisson. Chacun possède ses propres filières de vente. Toutefois, ces filières sont peu ou prou de même nature. Ainsi, la vente directe, les restaurateurs, les mareyeurs, les marchés, les industriels (pour la transformation de l’écrevisse notamment) constituent-ils les vecteurs habituels de commercialisation.

Le poisson le plus recherché est l’anguille. Viennent ensuite les carnassiers tels que le brochet et, dans une moindre mesure, parce que moins abondants, sandre et perche. Les poissons blancs (brêmes, tanches) subissent la concurrence des poissons de mer, qui présentent moins d’arêtes et dont les saveurs sont plus appréciées. Il existe cependant dans l’agglomération nantaise une clientèle d’origine africaine ou asiatique gourmande de ces espèces et qui sait bien les accommoder. En outre, les pêcheurs sont conscients qu’ils ont intérêt à l’avenir à valoriser ces produits un peu délaissés, dans la mesure où les contraintes et restrictions touchant l’anguille se font sentir tous les jours davantage : leur vision de l’activité de pêche comme élément de régulation nécessite d’intervenir sur cette ressource sous-exploitée pour la développer.

-Français

- Patois, survivance de l'ancienne langue d'Oïl, en perte de pratique

Patrimoine bâti

Deux lieux sont dédiés à l’activité de pêche :

- les sièges de l’association et de la société coopérative, qui régissent aujourd’hui la vie de la communauté ;

- la Maison du pêcheur : écomusée mis en place avec la participation des pêcheurs en 1988, et entièrement réaménagé en 2007 par la commune de La Chevrolière au sein de la Maison touristique. L’espace muséographique présente l’histoire du village et de l’activité de pêche autour d’une collection d’objets et de photographies. Le salon des techniques présente les bateaux traditionnels et outils de pêche anciens et nouveaux et l’écoute des témoignages des pêcheurs. Des aquariums rassemblent les principales espèces de poissons pêchées et une tour d’observation offre une vue dégagée sur les deux ports et le lac.

Quelques anciennes maisons de pêcheurs sont toujours visibles à Passay.

Objets, outils, matériaux supports

- pour la navigation : bateaux de pêche en polyester ou en alliage d’aluminium, perche, moteur, piquets pour l’amarrage (pas d’ancre à bord) ;

- engins de pêche : filet droit ou filet maillant, encore appelé araignée ; verveux ; fanions de couleur ;

- équipement de bord : bacs, casiers ;

- le matériel utilisé pour l’activité, visible sur le port : bateaux, bottereaux ;

- le matériel ancien et une collection d’objets visibles à la Maison des pêcheurs et dans l’espace muséographique : embarcations en bois, cômes, avirons, voiles, perches, flotteurs en joncs, fanions, engins de pêche, bottereaux.

Évolution du mode transmission père/fils

Durant de nombreuses décennies, le critère principal du recrutement est en grande partie édicté par la filiation du candidat. Être pêcheur n’est alors pas nécessairement un choix et peut relever de l’obligation. Étant donné la dureté du métier, faute de volontaires, la filiation patrilinéaire stricte s’est assouplie. Le recrutement s’effectue alors au sein d’une famille élargie (filiation matrilinéaire, cousin, neveu…) résidant dans une commune riveraine du lac, mais dans les faits – et durant longtemps – à Passay. Cette transmission traditionnelle s’est progressivement affaiblie. De nombreux pêcheurs finissent par espérer pour leurs enfants une vie moins rude. Aujourd’hui, on peut assister au retour de fils ou de neveux dans le métier, qui ont d’abord cherché ailleurs à faire leur voie. C’est à cet appétit à toute épreuve que se recrute aujourd’hui le pêcheur : le métier et le besoin du lac, de la pêche et de la nature sont vécus comme des besoins éminents. C’est ainsi que s’affirme désormais le fait d’être « lié au lac ».

La préférence locale et familiale demeure présente, mais ne constitue plus un critère d’exclusion. Ainsi, tous les pêcheurs en activité n’ont pas nécessairement de liens ancestraux avec l’activité de pêche au lac ou encore de liens de résidence avec le village originel des pêcheurs. Pour autant, un « esprit familial » perdure, et la fierté d’appartenir au groupe et de poursuivre son histoire est palpable. L’origine professionnelle de chacun est assez variée. Les critères privilégiés pour le recrutement sont la capacité de travail et la motivation du candidat. Son amour du métier et du lac, sa volonté d’accéder à la communauté des pêcheurs peuvent être appréciés par les pêcheurs « titulaires » à différents niveaux : persévérance du candidat dans le maintien de sa candidature (l’attente peut s’avérer très longue – plusieurs années !), participation bénévole à diverses tâches lors de la fête des Pêcheurs (le postulant se fait ainsi connaître à l’ensemble de la communauté de pêche). L’objectif pour la société consiste à se prémunir du décrochage de nouvelles recrues, et ce notamment les premières années d’exercice, qui peuvent s’avérer très exigeantes.

En règle générale, chaque nouveau pêcheur rachète le matériel de son prédécesseur (plus rarement son bateau), lequel se doit de l’accompagner, de faciliter son repérage sur le lac, lui montrer ses différents « coins de pêche » et lui indiquer comment positionner ses engins. Le lac est en effet territorialisé, et il convient notamment de respecter une distance de trois fois la longueur du filet le plus long entre les postes de travail. En sus de cette transmission et de cette légitimation, d’autres conseils (indications sur le lac et ses ressources, sur les gestes et les techniques) peuvent être dispensés, à la libre appréciation du pêcheur sortant (ramender les filets, dépecer les anguilles, concevoir et construire un bateau, tenir des stands, pêcher à la senne…). La transmission n’est plus filiale, et aujourd’hui le pêcheur sait pouvoir compter sur l’ensemble de ses collègues. Toutefois, il est clair pour chacun qu’être pêcheur à Grand-Lieu reste un métier solitaire qui requiert une capacité d’autonomie et d’indépendance.

La transmission est assurée directement par la communauté. À l’échelle individuelle, le nouveau pêcheur est accompagné par son prédécesseur à qui il a acheté le matériel. L’ensemble du groupe, pêcheurs en activité et retraités, constitue le tissu du maintien des pratiques. La coopérative est par ailleurs le lieu de la concertation en matière d’évolution de la pratique, de regard sur la culture liée à celle-ci, de regard sur les nouveaux, et de la prise de position collective en ce qui concerne les relations avec les partenaires institutionnels ou avec les autres acteurs.

Évolution de la batellerie

Le bateau

Jusqu’au milieu des années 1990, les pêcheurs, dans leur majorité, travaillaient sur le lac à bord de plates en bois. De mémoire d’homme, la plate de Grand-Lieu n’a subi que peu d’évolution. Celles alors en activité – et dont subsistent quelques unités – diffèrent très peu, à quelques détails près, des embarcations utilisées au début du XXe siècle, ce que confirment les cartes postales de l’époque. Ces bateaux, qui, durant des décennies, ont parfaitement rempli leur rôle, semblaient par ailleurs un peu dépassés pour les rythmes et les nouvelles méthodes de travail. Des plates ont été réalisées par des menuisiers de diverses communes riveraines du lac, en particulier Saint-Mars-de-Coutais, qui produisaient surtout des yoles, embarcations de dimensions modestes destinées à la chasse. Mais, dans leur grande majorité, les embarcations de pêcheurs étaient construites à Passay. Plusieurs dizaines d’unités sont ainsi sorties de l’atelier d’Émile Lebeaupin, qui, prenant sa retraite dans les années 1970, a transmis ses gabarits à un autre menuisier de Passay, Albert Tessier, qui les a cédés à son fils Loïc. Ce dernier a produit sa dernière plate vers 1983.

Depuis les années 1980, toutefois, la flotte traditionnelle d’embarcations en bois s’est progressivement renouvelée au profit de bateaux plus larges, nécessitant moins d’entretien et surtout beaucoup mieux adaptés aux besoins des pêcheurs.

En 1982, Dominique Robion, jeune pêcheur, a fait construire par Loïc Tessier une plate légèrement différente du modèle traditionnel, avec un arrière à tableau beaucoup plus large. Bénéficiant d’une solide formation technique, six ans plus tard, il concevait et construisait, avec l’aide d’un ami, un bateau en polyester de formes totalement éloignées de la plate en bois, offrant un espace de travail beaucoup plus vaste et pouvant accepter un moteur plus puissant.

Au début des années 1990, un second pêcheur, Joël Albert, construisit un nouveau bateau, également en polyester. Au cours de cette décennie, les autres pêcheurs en activité ont continué à travailler à bord de leurs plates traditionnelles. Mais le renouvellement, à la suite de départs à la retraite, entraîna une modification profonde des types de bateaux en usage.

En 2017, un seul pêcheur « de l’ancienne génération », Eric Richard, travaille encore à bord d’une plate traditionnelle, mais il possède un second bateau « moderne ».

Les avirons

Taillés en sapin, les avirons étaient utilisés pour naviguer en période de hautes eaux, quand la trop grande profondeur au milieu du lac empêchait l’usage de la perche. Tombés en désuétude, ils avaient quasiment disparu des bateaux dans les années 1980, mais de rares pêcheurs s’en servaient encore occasionnellement pour de brefs déplacements.

La perche

La perche, ou gaule, est fort bien adaptée à la navigation sur les hauts-fonds encombrés de végétation, là où les avirons – naguère – ou le moteur ne peuvent plus remplir leur rôle. Pour avancer à la perche, le pêcheur se place à l’avant de la plate – l’extrémité pointue – et la propulse en marche arrière. Il dispose ainsi d’un espace de travail plus important et mieux centré sur l’avant de la « côme », l’arrière en voûte passant facilement à travers les roseaux. La plate de Grand-Lieu, conçue pour se déplacer aussi bien dans un sens que dans l’autre, est dite « amphidrôme ».

Taillée dans un mince tronc de châtaignier écorcé, longue de 4,50 m, la gaule est terminée à une extrémité par un assemblage en fourche qui lui évite de trop s’enfoncer dans la vase et qui accroît son rôle directionnel. La perche reste encore présente sur la plupart des bateaux d’aujourd’hui (2017), utile pour se positionner auprès des engins de pêche, mais son usage est devenu occasionnel.

La voile

Dans un passé assez proche, aussitôt que les vents le permettaient et pour des distances importantes à parcourir, c’est-à-dire principalement au départ et au retour de la pêche, les plates étaient gréées d’une voile quadrangulaire. Confectionnée par les femmes de pêcheurs, la voile est simplifiée à l’extrême : c’est un rectangle de 6 m² environ, taillé dans de la toile à drap ou, parfois, dans de la toile à voile. Un simple ourlet sur le pourtour et des doublages dans les coins viennent la renforcer. Chaque coin est assorti d’un œil en forme de boutonnière destiné à recevoir les manœuvres. Régulièrement trempée dans du sulfate de cuivre (utilisé pour la vigne) ou dans une teinture, une voile pouvait durer quatre à cinq ans. De mise en œuvre extrêmement simple et rapide, la voile est établie sur deux gaules légères qui peuvent être gréées de différentes façons suivant les allures, avec de nombreuses possibilités de réglages. La plate ne possède pas d’autre mâture.

Dans les années 1950, la généralisation du moteur, d’une puissance de 6 à 9 chevaux dans un premier temps, puis du moteur hors-bord l’a progressivement rendue obsolète, mais vers 1990, deux pêcheurs retraités, André Garreau - dit Layoutte – et Paul Brisson – dit Ziné – l’établissaient encore lors de sorties occasionnelles. Par économie, par sécurité – un moteur pouvant toujours tomber en panne – et aussi par goût, la vie du lac se laissant plus facilement approcher en silence…

Cette voile hors du temps présente des analogies avec plusieurs pays tropicaux, en particulier sur le lac Nokoué, au Bénin, avec lequel Grand-Lieu entretient des échanges de partenariat depuis les années 1990.

Le moteur

Apparu sur le lac avant la Seconde Guerre mondiale, d’abord pour propulser les petites yoles de chasse et quelques rares plates de pêche, le moteur hors-bord – alors appelé « motogodille » -, de faible puissance (6 à 9 chevaux) s’est généralisé après 1950, pratiquement sans modifier la conception des bateaux. En revanche, le rythme de travail des pêcheurs en a été bouleversé, tout en leur rendant la vie moins pénible. Les distances pouvant être franchies rapidement quels que soient les vents, ils ont pu s’éloigner de Passay, tout en revenant chez eux en milieu de journée. Longtemps limitée à 10 chevaux, la puissance maximale des moteurs a été portée depuis quelques années, avec la mise en service de nouveaux types de bateaux, à 35 chevaux.

Évolution des techniques de pêche

En raison de l’évolution de la réglementation et de la fluctuation des espèces, certaines techniques de pêche parfois fort anciennes, ont été dans les dernières décennies totalement abandonnées voire interdites, ou ne sont plus pratiquées qu’occasionnellement.

Masse, ancro et tramail

La technique de la masse consiste à immerger une pelote de vers de terre fixée au bout d’un fil plombé, vivement remontée dès qu’une anguille a mordu. Vers 1985, seuls quelques vieux pêcheurs témoignaient avoir pêché ainsi, dans leur jeunesse… Également tombé en désuétude, l’ancro est une longue nasse en filet de coton, fixée sur le fond par des piquets. Dans les années 1960, on utili- sait encore en action de pêche collective le tramail, grand filet à trois nappes de mailles différentes, disposé autour de bouquets de joncs ou de roseaux pour la capture du poisson blanc, en particulier de la carpe. Réputé trop pêchant, son usage, restreint depuis longtemps par les pêcheurs eux- mêmes, est devenu rarissime.

Senne et louve

Jadis pratiquée au large et essentiellement de nuit, la pêche à la senne mettait en œuvre un filet droit doté d’une poche en son milieu, posé en arc de cercle et ramené à bord de la plate par les ex- trémités, à la force des bras de deux pêcheurs embarqués. On pratique encore le coup de senne, col- lectivement, à l’occasion de la fête des Pêcheurs (en août). Deux matinées durant, une senne de plusieurs centaines de mètres de longueur est étendue du bord d’un bateau afin d’encercler le pois- son, puis tirée à terre par des dizaines de volontaires. Le produit de la vente des captures alimente la caisse de solidarité des pêcheurs.

Un autre engin de pêche est tombé en désuétude à la fin des années 1980 : la louve, sorte de casier cylindrique à deux entrées, à paroi en filet montée sur une armature rigide. Chaque louve était po- sée individuellement sur les hauts-fonds, dans les endroits encombrés de végétation. Cette pêche nécessitait une très bonne connaissance des trajets présumés de diverses espèces, en particulier le brochet, le sandre, le gardon et la perche, dans des lieux se modifiant d’une semaine, voire d’un jour à l’autre, selon l’évolution du niveau de l’eau et de l’environnement végétal. Naguère, chaque pêcheur possédait près d’une centaine de louves, lacées – fabriquées – par les femmes. Aux quelque huit heures nécessaires pour la confection du filet d’un seul piège, s’ajoutait le temps consacré au montage sur l’armature, du ressort du pêcheur.

Ligne de fond et bosselle

L’anguille, qui se reproduit en Atlantique, dans la mer des Sargasses, a pu, durant longtemps, être pêchée sans restriction. Aujourd’hui, sa capture est soumise à un calendrier précis. Principale es- pèce commerciale capturée dans le lac, l’anguille a longtemps été pêchée à la ligne de fond et à la bosselle.

Aujourd’hui interdite, la ligne de fond se pratiquait durant l’hiver. Chaque ligne se composait d’un fil lesté d’un caillou, frappé sur un flotteur en jonc. L’extrémité du fil, d’environ 2 mètres de lon- gueur, était dotée d’un hameçon recevant un appât. Fabriqués avec du jonc coupé avant le 15 août, les flotteurs se distinguaient par des formes reconnaissables, propres à chaque pêcheur.

Grande nasse autrefois faite en osier, la bosselle a ensuite été réalisée en grillage fin, monté sur une armature de branches ou de bambou. Généralement regroupées par quatre, les bosselles étaient disposées sur le fond, aux extrémités d’un long barrage fixe, la ramaille, destiné à guider le poisson vers l’entrée du piège. Quand ce type de pêche dominait, un pêcheur possédait entre 70 et 100 bos- selles, mises à l’eau par roulement, compte tenu de l’usure et de l’entretien courant. Pour garantir leur durée, elles étaient, une fois par an, plongées dans un bain de goudron bouillant, tâche labo- rieuse mais truculente, qui animait les abords du port de Passay. Le dernier goudronnage a eu lieu en septembre 1991, l’usage de ce type d’engin n’ayant plus été autorisé l’année suivante.

Le 4 août 1907, la coopérative organise la fête de Passay sans la municipalité, voulant démontrer l’unité entre les gens de Passay et la manière dont leur indépendance stimulait leur capacité d’initiative. À cette occasion, ils proposent la dégustation et la vente de leur pêche, qui leur avait été jusque-là interdite par François Guillou. Le 2 septembre 1908, deux coopératives ouvrières de Passay sont inaugurées, celle de la pêche, qui existe depuis deux ans, et celle de la consommation, de conception plus récente, permettant la vente d’articles de pêche et de chasse, car les Passis vivent des produits des deux activités comme l’évoque la devise de la ville : Aqua et terra nobis sunt propitiae (« L’eau et la terre nous sont propices »). Des cartes postales commémorent ce jour.

Le 10 février 1912, Arsène Corbeau, devenu garde-pêche, meurt noyé avec Joseph Garreau. En juin 1938, ne bénéficiant d’aucune couverture sociale, les pêcheurs créent une caisse de solidarité venant en aide aux pêcheurs malades ou dans le besoin : c’est la naissance de l’Association des pêcheurs du lac de Grand-Lieu. Cette caisse existe toujours, alimentée par les ventes réalisées chaque année le 15 août et le dimanche suivant, lors des fêtes du lac attirant bon nombre de visiteurs.

En 1947, la famille de Juigné, lasse d’échouer dans ses projets d’assèchement du lac, cède le lac à la Société civile immobilière du lac de Grand-Lieu. La SCI sous-loue la chasse au gibier d’eau sur le lac au Saint-Hubert Club, tandis que les pêcheurs détiennent l’adjudication pour la pêche.

En 1960, l’industriel de la parfumerie Jean-Pierre Guerlain acquiert la majorité des parts de la SCI. Féru de chasse au gibier d’eau, il tisse des liens forts avec les pêcheurs professionnels de Passay, qui ont coutume de conduire à la chasse les différents propriétaires du lac ainsi que leurs invités. Dépourvu de descendance et donc dernier président de la SCI du domaine de Grand-Lieu, soucieux de l’avenir du lac, il offre gracieusement sa propriété du lac à l’État : elle devient « bien national ». S’il accepte que la pratique de chasse sur le lac meure avec lui, il entend cependant préserver le droit de pêche de la société coopérative des pêcheurs de Passay, et il en fait une condition impérative dans sa donation. En 1977, le lac devient propriété de l’État et c’est désormais avec ses services que le bail est signé. Il deviendra Réserve naturelle selon ses vœux.

Historique de la communauté des pêcheurs

L’effectif des pêcheurs s’est considérablement réduit au fil des ans : 120 en 1920, 74 en 1938, 21 en 1967, 18 en 1975, 8 en 2010 et 7 depuis 2015.

Cette diminution a eu notamment pour conséquence la dissipation des surnoms de pêcheurs si caractéristique à Passay. La communauté ayant un fonctionnement très clanique et endogamique, une dizaine de patronymes seulement permet de distinguer les différentes familles. Pour éviter les confusions, les Passis s’attribuent des surnoms souvent bien acceptés. Certains sont transmis de père en fils, et parfois un jeune « surnommé » hérite d’une appellation encore plus personnelle. En lien avec une caractéristique morale ou physique, ou en lien avec une anecdote marquante. Cette habitude est alors si bien ancrée qu’il est préférable, lorsque l’on recherche quelqu’un de précis à Passay, de connaître son surnom. On trouve sur les documents à caractère officiel, comme les anciens livres de comptes de la Société coopérative, les pêcheurs désignés par leur surnom. De fonctionnels à l’origine, ces surnoms sont devenus la fierté des Passis et un facteur de distinction. Aujourd’hui, parmi les onze pêcheurs, actifs et retraités, on trouve encore « Rouzinard », qui vient de « rousiner » (« prendre son temps, finasser ») ; « Mino », qui pointait la jeunesse de la recrue ; « le P’tit frisé » ou « l’Africain », qui souligne une chevelure à fine frisure.

La diminution de l’effectif a aussi touché la composition de la communauté résidant à Passay. Initialement très clanique et spécialisée autour de l’activité halieutique, la communauté s’est ouverte à des populations exogènes aux origines professionnelles diversifiées. Le rôle des femmes s’est dissipé au fil du temps et des évolutions techniques. Celles-ci étaient particulièrement investies dans la fabrication des louves, sortes de casiers en filet, destinés à la capture du poisson blanc et des carnassiers. Au XXe siècle, chaque pêcheur en possédait une centaine, qui devait être goudronné. À raison de 8 heures de travail par louve, pour un ouvrage ne durant que 18 mois, la tâche était essentielle. Les femmes laçaient également les ancros et préparaient les lignes de fond nécessitant le montage de 300 hameçons.

En 1980, le verveux s’est imposé, éclipsant d’autres engins et techniques. Le dernier coup de tramail collectif a ainsi eu lieu en 1985. Les bosselles, grandes nasses en grillage et en bois posées sur le fond, selon une technique assez proche de celle du verveux, dont chaque pêcheur possédait plusieurs dizaines, ont, quant à elles, été goudronnées pour la dernière fois en 1991. Aujourd’hui, les pêcheurs maintiennent un équilibre constant entre les impératifs environnementaux et le maintien d’une activité de pêche suffisamment rémunératrice. Depuis la fin des années 1980, les activités annexes à la pêche, telles que le piégeage des rats et la conduite de chasseurs, ont cessé. La limitation du nombre d’engins a également une incidence sur le nombre possible de pêcheurs professionnels.

Inscription traditionnelle dans l’histoire

Les pêcheurs appartiennent à l’histoire du lac de Grand-lieu et s’inscrivent dans l’histoire et l’affect de la communauté.

Une longue tradition d’échange de denrées avec la population riveraine

L’expression « aller aux Passis » synthétise cette tradition. Les riverains apportent des pommes de terre, des pommes et du vin aux pêcheurs, qui les attendent dans un lieu et à un horaire précis. En contrepartie, les pêcheurs donnent leurs poissons, de préférence le poisson blanc de faible valeur marchande, et se réservent pour la vente les poissons nobles tels que les anguilles et les carnassiers. Les denrées venant à manquer durant la Seconde Guerre mondiale, il semble que ces échanges se soient accrus à cette période. Il n’existe pas de lieu spécifique et unique pour ce troc. Les pêcheurs ont leurs coins de pêche, connus des riverains, qui font office de lieu de rencontre. Les Passis héritant de leur zone de pêche de père en fils, il est fréquent qu’une famille de riverain soit liée à un pêcheur en particulier. Il arrive alors que les parties prenantes déjeunent ensemble sur le lac. Cela s’appelle « manger au piquet ».

Dans d’autres circonstances, on dit aussi que les pêcheurs « montent à terre » : ils vont sur la rive, chez les riverains. C’est le cas lorsque les pêcheurs partent « à la biguenée » (pêche à l’anguille avec une pelote de vers de terre) et rejoignent les fermes le matin pour déposer leur pêche en échange de pain, de beurre ou de lait. Ils peuvent alors aussi en profiter pour se fournir auprès des agriculteurs en vers de terre (ou « biguins »), qui ont été mis pour eux de côté au moment des labours. Du fait de l’exode rural, les nouvelles générations de pêcheurs et de riverains sont en rupture vis-à-vis de ces pratiques. Les échanges prennent un terme de façon progressive à la mort ou la vieillesse de l’un ou l’autre des parties prenantes. La fête des Pêcheurs qui constituait un des temps forts de ce rapprochement, devient alors l’unique et précieux temps de cohésion entre riverains et pêcheurs.

La fête et les pêcheurs constituent pour la population un continuum avec cette histoire locale : une part non négligeable de leur histoire et de leur patrimoine.

Une longue tradition de coopération autour de la chasse au gibier d’eau

Une certaine élite économique et sociale installe les Passis dans un rôle spécifique : celui du conducteur. La chasse bourgeoise affirme ses droits sur le lac et ajoute le prestige à sa pratique par le jeu des invitations. L’action de chasse se déploie sur une relation de service entre le chasseur et ses auxiliaires. Les conducteurs sont en règle générale deux par chasseur. Leur rôle consiste à conduire l’invité à l’endroit qui leur a été assigné, mais il leur revient également de camoufler le poste de chasse, de rabattre le gibier ou encore de le ramasser. Les conducteurs recrutés parmi les pêcheurs professionnels de Passay sont chargés du rabattage et retrievage (rapporter le gibier). Le recours à leur connaissance du lac et à leurs compétences (navigation) permet de relier les prestigieux invités à une culture locale, induisant des reconnaissances réciproques et une forme de mixité sociale, notamment au moment du tableau de chasse. Ce tableau de chasse, fait à Passay, est suivi d’un temps convivial pendant lequel les barrières sociales s’estompent provisoirement entre les pêcheurs d’origine modeste et les chasseurs représentant l’élite sociale, au bénéfice d’une convivialité générale.

Si les pêcheurs ne peuvent exister sans un lac préservé, le lac serait dénaturé sans ses pêcheurs. En les considérant comme indissociables du lac, il a posé comme condition le maintien de la pêche dans sa donation à l’État. Aujourd’hui, une sensibilité à l’animal demande parfois à la pêche (comme à toute autre activité de prédation) de démontrer la légitimité de son action, et bien que son rôle multidimensionnel dans la conservation et le maintien de la biodiversité de ce milieu complexe soit reconnu, il reste encore à le conforter, et ce notamment dans la régulation des espèces en général et invasives en particulier.

Tradition orale

Les mythes, les fragments d’histoires antérieures et contemporaines sont agencés ensemble et participent à la composition de l’espace et son appropriation, sa compréhension par la population extérieure. De ce fait, le lac est lu et perçu au travers des yeux et de l’histoire des pêcheurs. L’un et l’autre se trouvent totalement intriqués, confondus et indissociables.

Patrimoine oral

Les rives du lac de Grand-lieu sont riches d’un patrimoine oral ancien, fragile voire menacé dans certaines de ses expressions. Chansons, contes, légendes, danses, patois, toponymie, gestuelles, rituels, recettes culinaires… se sont transmis à chaque génération depuis plusieurs siècles. Parmi les rituels les plus anciens, le Chaval Mallet, à Saint-Lumine-de-Coutais, est mentionné dans un manuscrit de 1644. En 1812, dans les Mémoires de l’Académie celtique, pour ce même cérémonial, la vèze, cornemuse médiévale jouée jusque dans les années 1920, est l’instrument caractéristique du pays de Grand-Lieu. Elle faisait danser des branles, dont la courante et le branle de Saint- Lumine. Plusieurs chansons trouvées auprès des personnes ressources, jusque dans les années 2000, remontent au XVe siècle.

Le patois local, en survivance, n’est autre que l’ancienne langue d’oïl.

Imaginaire légendaire

Autour du lac, tous les types de contes traditionnels ont été entendus : « Barbe-Bleue », « Le Navire qui allait sur mer et sur terre », « Le forgeron Misère et son chien Pauvreté », « Jean le Sot vendant sa vache à une statue », « Le chasseur aux bottes remplies d’anguilles »…

Des récits parmi les plus extraordinaires se trouvent, au-delà de ces contes médiévaux, dans une aire culturelle portant trace –seulement écrite- du légendaire paléochrétien et des mythes antiques : la cité d’Herbauges et son engloutissement, les géants avec celui de l’île Dun et Gargantua, tous deux grands façonneurs du lac.

Toponymie des lieux

Immensité insoupçonnable, Grand-Lieu ne se laisse apercevoir dans sa globalité que du ciel (approche aérienne, image satellite). Cet espace fluctuant a induit, chez les pêcheurs, une attention accrue aux éléments singuliers du paysage, marquant un seuil, traçant un franchissement, arrêtant la perception et permettant de savoir ce qu’ils quittent et vers quoi ils vont. « La Musique », « La vasière à Monloup », « Le bouquet à Padiou », « Le bouquet à Victor », « La rade à Lambourg » révèlent une propension à la constitution de lieux par des « héros fondateurs » au travers d’actes bâtisseurs, souvent liés aux faits de pêche, à l’occupation de l’espace (coins de pêche) ou à son édification (création de « rades », échancrures naturelles ou creusées artificiellement dans la rive pour servir d’abri aux bateaux). Cette individuation de l’espace permet d’attacher à chaque lieu un détail qui le particularise : contours, limites, identité, histoire… La toponymie évolue.

S’il existe nombre d’études sur la communauté des pêcheurs et sur la pêche à Grand-Lieu, les pêcheurs eux-mêmes n’ont pas publié de témoignages directs. Leur savoir-faire a servi de support à un nombre limité d’œuvres littéraires ou audiovisuelles : citons ainsi le roman Jean-François de Nantes, de Henry-Jacques, dont l’intrigue met en scène des pêcheurs du lac, ou encore le clip réalisé par Laurent Boutonnat en 1989 pour la chanson interprétée par Mylène Farmer, À quoi je sers, ou les documentaires de Jean-François Naud (La Valse du lac, 1994, et Il y a le feu au lac, 1996).

Une ressource piscicole suffisante et adaptée à la demande du marché est nécessaire pour que l’activité reste économiquement viable. On observe en effet une baisse de la quantité des anguilles. Par ailleurs, si de nouvelles ressources peuvent être commercialisées, les filières restent à mettre en place. L’activité reste donc fragile, mais elle a su faire face à cette transition en diversifiant ses débouchés (vente directe, pêcherie, transformation ...).

L’arsenal réglementaire qui régit l’activité de pêche professionnelle est dense et tend à se renforcer. Une partie vient cadrer les tailles minimales de captures, les caractéristiques et les conditions d’utilisation des engins de pêche, les périodes de pêche. Face à la diminution de l’anguille notamment, de nouvelles mesures ont été adoptées au niveau européen et via le plan de gestion français. Garantir le repeuplement de ces migrateurs est essentiel pour l’avenir de la pêche. Toutefois, le faisceau des contraintes se renforçant au fil des ans (réduction des périodes, inclusion de réserves de pêche) constitue dans le même temps une incertitude pour l’avenir de la pêche à Grand-Lieu. Pour y parer, les pêcheurs s’acheminent vers une diversification des produits de la pêche, mais leur activité reste sur ce point vulnérable.

Par ailleurs, les pêcheurs ont exprimé leurs craintes quant au développement touristique souhaité sur le pourtour du lac et qui pourrait perturber l’activité. Pour autant, la pêche sur le lac de Grand- Lieu est exercée sur les zones classées en réserves naturelles et donc inaccessible au public. La menace semble donc ténue.

Modes de sauvegarde et de valorisation

La fête des Pêcheurs

La fête des pêcheurs est l’une des rares occasions de naviguer sur le lac. À terre, chacun peut accéder à la vente du poisson fraîchement pêché ou encore déguster la persillade d’anguilles, les anguilles grillées aux sarments de vigne et les écrevisses cuites. De nombreuses animations familiales sont proposées au port d’été, telles que le marché du terroir, des temps musicaux, des animations jeune public en lien avec l’environnement, un feu d’artifice…

Chaque année, près de 10 000 visiteurs sont attendus sur les deux jours. Il s’agit de riverains du lac profitant de l’occasion pour faire découvrir leur territoire à leurs familles et amis ; Nantais ou habitants des zones péri-urbaines souhaitant découvrir le lac et découvrant les particularités de ce territoire rural ; vacanciers venus découvrir cette fête traditionnelle locale, et à cette occasion le territoire de Grand-Lieu ; habitants des départements voisins venant pour l’occasion.

Les professionnels proposent au public d’embarquer pour découvrir ce milieu exceptionnel et assister, le matin, au lever de leurs filets. Pour cette occasion, les pêcheurs ressortent la senne, un filet à l’ancienne de 300 m de long, que deux groupes, de l’eau jusqu’à la ceinture, remontent, en rabattant, à coup de perche, sur l’eau, le poisson jusqu’à la poche finale.

La vente des poissons alimente une caisse de solidarité que les pêcheurs pourront mobiliser en cas de difficultés ou pour financer des besoins spécifiques.

Cette fête est garante de la cohésion de la communauté et de sa reconnaissance auprès d’un public large mais aussi de sa continuité. En effet, elle permet :

d’assurer une certaine pérennité matérielle grâce aux bénéfices générés par la vente de poisson, qui pourront être mobilisés en cas de difficultés ;

de renforcer la cohésion du groupe de pêcheurs : ceux-ci doivent à cette occasion se prêter main forte et collaborer les uns les autres pour la préparation et le bon déroulement de la fête ;

d’assurer la continuité du groupe par le contact qui se tisse entre pêcheurs titulaires et recrues potentielles.

L’association des pêcheurs propose des animations ludiques pour faire découvrir les poissons du lac. Les pêcheurs expliquent le lac, leur métier. Ils sont vecteurs d’informations multiples lors des promenades en barques. Ils sont aussi sollicités par la presse écrite, les radios et la télévision locale dans le cadre de reportages sur le lac et le village de Passay.

La Maison touristique de Passay et l’écomusée « La Maison des pêcheurs »

Situé au cœur du traditionnel village de pêcheur, cet espace dédié à l’information du public (office de tourisme, espaces muséographiques) et doté d’un programme annuel d’animations gratuites est une étape incontournable permettant de découvrir la vie au bord du lac de Grand-Lieu. Plusieurs espaces sont proposés à la visite.

La « Maison des Pêcheurs »

Cet écomusée, mis en place avec la participation des pêcheurs en 1988 et entièrement réaménagé en 2007 par la mairie de La Chevrolière, comporte quinze aquariums, permettant la rencontre avec la faune poissonneuse et la flore du lac. Les techniques de pêche anciennes et nouvelles utilisées sur le lac sont présentées et expliquées par des témoignages de pêcheurs.

La tour d’observation du lac

Elle a été construite en 1987, un an avant l’écomusée. Du haut de ses 12 mètres et munie d’optiques binoculaires professionnelles, elle offre une vue unique sur le plus grand lac naturel de plaine français et sa réserve protégée.

Vie quotidienne et vie professionnelle du lac de Grand-Lieu

Cette partie récente du musée (2014) retrace l’histoire et la vie quotidienne des Passis du début des années 1900 à 1970 : la vie au bord du lac, les activités et les fêtes traditionnelles, les relations des pêcheurs avec les riverains du lac, la naissance de la société coopérative, la chasse, le tressage des joncs, l’agriculture.

En 2014, la municipalité modifie l’appellation de cet équipement en « Maison touristique de Passay ». Sa gestion et son animation sont de son ressort. Toutefois, celle-ci travaille en collaboration avec les Passis et les pêcheurs. Ainsi, les Passis alimentent-ils les contenus par des photographies, des témoignages et différents objets en lien avec la pêche ou le quotidien de la communauté. Les pêcheurs, quant à eux :

fournissent en poisson-fourrage, les carnassiers présentés dans les aquariums (poissons comme nourrissage des carnassiers et poissons de présentation) ;

sont considérés comme « personnes ressources » et à ce titre, consultés dans les projets d’évolution de la scénographie ; pour la mise en place des ateliers pédagogiques à destination des écoles, pour enrichir les visites des groupes d’adultes ou scolaires en participant à leur accueil ; pour fournir des mets (anguilles ou écrevisses) notamment pour les vernissages et vins d’honneur en lien avec les temps forts organisés sur le lieu ;

interviennent dans le programme d’animation et sont consultés par le personnel d’accueil de la Maison touristique de Passay, dans le cadre de ses fonctions d’office de tourisme, afin de répondre à certaines demandes plus pointues des visiteurs ;

sont en lien avec l’agent municipal chargé de la présentation des poissons au public ;

participent à la mise en place du parcours patrimonial de Passay (inauguré en mars 2016).

Actions de valorisation

Le SAGE, le Syndicat du Bassin versant de Grand-Lieu et les pêcheurs du lac de Grand-Lieu

Engagé dans la préservation du lac de Grand-Lieu et de ses activités humaines, le Syndicat du Bassin versant de Grand-Lieu considère que les pêcheurs professionnels doivent, plus que jamais, être reconnus comme acteurs historiques et contemporains du lac de Grand-Lieu. L’activité est pleinement prise en compte dans le Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). La coopérative a ainsi participé aux travaux de réflexion et de rédaction des objectifs dans les années 1990-2000 ; elle est toujours représentée au sein de la commission locale de l’Eau (CLE). Par ailleurs, le syndicat a confirmé le rôle de gestionnaire des pêcheurs professionnels en soutenant la profession pour l’obtention d’aides pour la capture des écrevisses de Louisiane à travers un contrat NATURA 2000.

Une exposition itinérante, Pêcheurs : être, vivre et travailler à Grand-Lieu

En 2015, la société coopérative des pêcheurs du lac de Grand-Lieu, en association avec le syndicat du Bassin versant de Grand-Lieu a engagé une mission ethnologique visant à qualifier la pêche professionnelle. Cette mission a produit la présente fiche d’inventaire et un film documentaire décrivant la culture, les pratiques, les savoir-faire et l’organisation des pêcheurs du lac.

En 2017, le Syndicat du Bassin versant engage une première phase de valorisation de cette démarche visant à présenter au grand public la profondeur culturelle et patrimoniale liée à connaissance autour de l’activité. L’exposition itinérante et sa déclinaison numérique invitent à découvrir comment un ensemble de pratiques actuelles, issues d’une tradition, perpétuées par la communauté des pêcheurs, participe, dans la contemporanéité, à la sauvegarde du lac de Grand- Lieu.

Un comité de suivi de la réalisation de l’exposition rassemble la Société coopérative des pêcheurs, le Syndicat du bassin versant, le Conseil départemental de Loire-Atlantique, la Maison du lac de Grand-Lieu, la Ville de la Chevrolière, l’OPCI et l’agence Enquête d’ordinaire.

Une journée dédiée aux patrimoines liés à la pêche lacustre pour la seconde édition des rencontres du Patrimoine culturel immatériel en Région Pays-de-la-Loire (2018) : Mémoires entrelacées, patrimoines culturels populaires

Mémoires entrelacées, patrimoines culturels populaires sont des journées de rencontres qui ont pour but de sensibiliser, d’échanger, de partager sur la richesse du patrimoine culturel immatériel à travers réflexions et expériences de ceux qui s’investissent dans sa préservation et sa transmission, en Pays-de-la-Loire et dans d’autres régions de métropole ou d'outre-mer. Ces rencontres sont coorganisées par l’OPCI, en partenariat avec la Région Pays-de-la-Loire, la DRAC des Pays-de-la- Loire et les villes et partenaires associés suivant les thématiques.

Afin de poursuivre la valorisation du travail et de faire état des partenariats et réflexions engagés avec d’autres territoires, le Syndicat de Bassin versant de Grand-Lieu a proposé qu’une journée soit consacrée aux pratiques et savoir-faire des gens de lacs, notamment les pratiques des pêcheurs en lac.

Modes de reconnaissance publique

Le SAGE Grand-Lieu : pour une gestion concertée et cohérente de la ressource en eau

Sur le bassin versant du lac de Grand-Lieu, un Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) est mis en œuvre depuis 2002. Au-delà des frontières administratives, il rassemble riverains et usagers d’un territoire cohérent autour d’un projet commun : satisfaire les besoins de tous sans porter atteinte à l’environnement de façon irréversible. Il vise à constituer une œuvre collective qui concilie la protection du patrimoine « eau » et le développement des activités économiques. Le SAGE, un outil de planification de la politique de l’eau locale, est dirigé par un « parlement de l’eau », dit commission locale de l’Eau (CLE) et composé d’élus, de l’administration et de représentants des usagers (agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, naturalistes …).

Le Syndicat du Bassin versant de Grand-Lieu

Le syndicat est un établissement public composé des 46 communes ligériennes et vendéennes situées sur le bassin versant de Grand-Lieu. Il est la structure porteuse du SAGE Logne, Boulogne, Ognon et Grand-Lieu et, à ce titre, chargé d’organiser la concertation des acteurs et d’animer les projets répondant aux enjeux du schéma. Le syndicat du Bassin versant de Grand-Lieu résulte de la fusion de deux syndicats de rivière nés en 1980. Il fut créé en 2006 et a conservé sa compétence d’intervention sur les milieux aquatiques pour assurer l’entretien et la restauration des rivières et des zones de marais. Son territoire a alors évolué en parfaite cohérence avec le SAGE, permettant de renforcer le travail collaboratif avec les acteurs du lac.

La Maison du lac à Bouaye

Depuis 2014, le Département de la Loire-Atlantique s’est doté d’un centre de découverte et de connaissance des espaces naturels, la Maison du lac, à Bouaye, au nord du lac, ayant pour mission la transmission des enjeux liés à la protection des espaces naturels. Les activités humaines et notamment la pêche sont également valorisées auprès du public à travers les visites guidées ou des expositions temporaires. Avec l’objectif de développer la connaissance scientifique sur les zones humides du département, elle a initié une approche ethnosociologique des milieux naturels à partir du patrimoine emblématique du lac de Grand-Lieu. Une investigation ethnographique a été conduite au premier trimestre 2015, dont l’objectif principal consistait à éclairer l’histoire récente des modes d’appropriation du lac de Grand-Lieu à partir des témoignages d’un ancien « garde du lac », acteur privilégié de cette histoire. Ce travail a permis d’affiner l’ethnographie existante sur la communauté des pêcheurs, notamment sur leur rôle de « conducteurs », employés pour conduire les invités des parties de chasse sur les postes qui leur étaient attribués. En outre, la Maison du lac dispose d’un centre documentaire gratuit et ouvert à tous, regroupant de nombreuses références relatives à la communauté des pêcheurs.

On rappellera aussi, déjà évoqués plus haut :

le Réseau européen des lacs de plaine - l’Association Grand-Lieu/Nokoué

Inventaires réalisés liés à la pratique

- Enquête de mémoire orale collective des bords de Grand-Lieu, par l’association culturelle du lac de Grand-Lieu et l’association Arexcpo, 2001-2002.

- Mission exploratoire sur la pêche et les pêcheurs professionnels du lac de Grand-Lieu en vue d’une inclusion à l’Inventaire français du PCI, par la Société coopérative des pêcheurs de Grand- Lieu, le syndicat du bassin versant de Grand-Lieu, l’OPCI et l’agence Enquête d’ordinaire, 2015.

- Sources (iconographie, vidéographie, enregistrements des témoignages) documentées et indexées dans la base ethnographique du réseau RADdO : http://raddo-ethnodoc.com

Bibliographie sommaire

Ouvrages généraux

Collectif, Passay, une manière de découvrir le lac de Grand-Lieu, Nantes, CAUE de Loire- Atlantique, 1987.

Collectif, À Grand-Lieu, un village de pêcheurs, Passay se raconte, Nantes, Siloë, 2000.

Collectif, Une centenaire, la Société coopérative des pêcheurs du lac de Grand-Lieu, 1907-2007, Nantes, Siloë, 2007.

François (Camille), Le Lac de Grandlieu, histoire, écologie…, La Baule, Éditions des Paludiers, 1986.

Fréor (Pierre), Le Lac de Grand-Lieu, les Binet de Jasson, le Cheval Mallet, Paimbœuf, Éd. du Pays de Retz, 1979.

Guichard, « Communication sur le lac de Grand-Lieu », Recueil du VIIIe Congrès national des Sociétés françaises de géographie, Nantes, Mellinet, 1887, p. 171-184.

Maître (Léon), Le Lac de Grand-Lieu et ses affluents, 1912 ; rééd. Paris, Res Universis, 1993.

Marion (Loïc), Le Lac de Grand-Lieu, un joyau tropical à préserver, Paris, Société nationale pour la protection de la Nature, 1999.

Pierrelée (Dominique) et Lamprier (Anne), Grand-Lieu, lac et marais, Nantes, Siloë, 2004.

Witt (Jean de), Chasses de Brière, suivies d’une enquête sur la sauvagine en France, Paris, Nouvelles Éditions de la Toison d’or, 1949.

Recueils, mémoires, rapports et thèses

Bordet (Dominique), Les Répercussions de la législation inhérente au lac de Grand-Lieu sur la vie économique locale, mémoire, 1988.

Boujot (Marc), Pêche et pêcheurs sur le lac de Grand-Lieu, mémoire de maîtrise, Université de Nantes, IGARUN, 1997.

Bodiguel (Maryvonne) (dir.), Gouvernance et partage de l'eau. Le bassin versant de Grand-Lieu,Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Espace et Territoires », 2007.

Friot (Gérard), La Pêche sur le lac de Grand-Lieu, dossier de synthèse, Nantes, IUT-PST/GEA, 1987.

Gadeceau (Émile), Le Lac de Grand-Lieu. Monographie phystogéographique, Nantes, 1909.

Morantin (Stéphanie), Les Sociétés locales et le lac de Grand-Lieu, mémoire de maîtrise de géographie rurale, 1996.

Veyrat (Élisabeth), Les Bateaux du lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique), un exemple des relations entre ethnologie et archéologie nautique, mémoire, université de Paris 1-Tolbiac, 1988.

Articles de revues

Caraes (Jean-François), « Au fil de l’Acheneau et du Tenu », Bulletin de la Société d’études et de recherches historiques du Pays de Retz, n° 4, 1984.

Collectif, « Spécial Grand-Lieu », Le Courrier de la Nature, 1999.

Collectif, « Grand-Lieu » [dossier sur l’envasement], Chasser en Loire-Atlantique, n° 31, juin 1995. Linard (André), « Les Pêcheurs du lac de Grand-Lieu », Le Chasse-Marée, n° 21, janvier 1986.

Linard (André), « Sauver le lac de Grand-Lieu », ArMen, n° 110, mars 2000.

Linard (André), « Pêcheurs du lac de Grand-Lieu », Revue 303, n° 49, Conseil régional des Pays- de-la-Loire, 1996.

Lopez (Michel), « La seigneurie foncière et le déterminisme de l’eau autour du bassin de Grand- Lieu », Bulletin de la Société d’études et de recherches historiques du Pays de Retz, n° 7, 1987.

Lopez (Michel), « Droits de pêche sur le lac de Grand-Lieu. Un conflit Huguetières /La Lande- Machecoul », Bulletin de la Société d’études et de recherches historiques du Pays de Retz, n° 13, 1993.

Lopez (Michel), « Droits de pêche sur le lac de Grand-Lieu. Péripéties judiciaires entre les moines de Buzay et les Machecoul-Gastineau », Bulletin de la Société d’études et de recherches historiques du Pays de Retz, n° 16, 1996.

Lopez (Michel), « Le marquis de Juigné et les Grandlieu dans La Comédie humaine », Bulletin de la Société d’études et de recherches historiques du Pays de Retz, n° 20, 2000.

Pacreau (Fanny), « L’Appropriation humaine d’un espace : le lac de Grand-Lieu », Aestuaria, pour une gestion durable des zones humides : l’exemple des parcs naturels régionaux, Estuarium, 2007.

Discographie sommaire

« Mémoires de l’Académie celtique, 1812 », dans Michel Colleu (dir.), Sonneurs de veuze en Bretagne et Marais breton vendéen. Musiciens et chanteurs traditionnels, Douarnenez, Éditions du Chasse-Marée, 1987. Chansons et comptines du lac de Grand-Lieu, Mémoire des Vendéens, AVPL50, 2004.

Filmographie sommaire

La Valse du Lac, réal. Jean-François Naud, 49 mn, France 3 Ouest et Méditerranée Production, 1994.

Il y a le feu au lac, réal. Jean-François Naud, 20 mn, coproduction La Huit et France 3 Ouest Réalisation, 1996.

Terres et eaux, réal. Gérard Renateau (commentaire de Serge Reggiani), avec le concours du Service du génie rural de Loire-Atlantique et du Service d'aménagement des régions marécageuses de l'Ouest, s.d.

Captations vidéographiques de l’OPCI en vue de la préparation de la fiche PCI, 2015-2016.

Sitographie sommaire

http://www.mairie-lachevroliere.com/tourisme/la-maison-touristique-de-passay/le-musee/

http://www.sage-grandlieu.fr/

http://maisondulacdegrandlieu.com/

http://raddo-ethnodoc.com  (base archivistique)

Les pêcheurs du lac de Grand-Lieu, à travers leur implication dans la fête des Pêcheurs, la Maison touristique de Passay ou au travers de leur participation à la réflexion et à la gestion du milieu aquatique (via le SAGE et le syndicat de Bassin versant de Grand-Lieu) sont pleinement engagés dans la création, l’entretien et la transmission de ce patrimoine. Dès 2011, les pêcheurs ont sollicité le syndicat de pays de Grand-Lieu, Machecoul et Logne pour travailler à la reconnaissance de leur pratique comme élément structurant du développement local et de l’identité du territoire et proposer son inclusion à l’Inventaire national du PCI. Des contacts ont alors été initiés avec le ministère de la Culture et de la communication.

Le syndicat de Bassin versant de Grand-Lieu, en accord avec les pêcheurs, a prolongé cette démarche en conduisant, à partir de 2015, une mission exploratoire sur la pêche et les pêcheurs professionnels du lac de Grand-Lieu en vue de cette inclusion. Le comité de pilotage est composé du syndicat de Bassin versant de Grand-Lieu, de la commune et de l’office de tourisme de La Chevrolière, de la Maison touristique de Passay, du Conseil général de la Loire-Atlantique, de la Maison du lac de Grand-Lieu, de l’université de Nantes (alors, Laurent-Sébastien Fournier) et de prestataires privés (OPCI-EthnoDoc, agence Enquête d’ordinaire). Tous les pêcheurs, actifs et retraités, se sont impliqués dans le travail d’enquête complémentaire nécessité par la réalisation de cet inventaire participatif. Le comité de pilotage s’est réuni à plusieurs reprises et investi dans la rédaction de la fiche. Par ailleurs, les échanges avec les autres communautés de pêcheurs professionnels de lacs ont été poursuivis, permettant de fructueuses comparaisons sur la gestion des ressources halieutiques, sur la commercialisation des poissons d'eau douce, et sur la manière de faire perdurer ce métier.

Nom

ALBERT Alain

Fonction(s)

Pêcheur retraité depuis 2005

Nom

ALBERT Joël

Fonction(s)

Pêcheur retraité depuis 2000

Nom

BATARD Fabrice

Fonction(s)

Pêcheur en activité

Nom

BAUDRY Frédéric

Fonction(s)

Pêcheur en activité

Nom

BRISSON Gérard

Fonction(s)

Pêcheur en activité

Nom

CLOUET Stéphane Fonction(s)

Pêcheur en activité

Nom

GUILLET Dominique

Fonction(s)

Pêcheur en activité

Nom

LEFORT David

Fonction(s)

Pêcheur en activité

Nom

RICHARD Jean-René

Fonction(s)

Pêcheur retraité depuis 2010

Nom

RICHARD Eric

Fonction(s)

Pêcheur en activité

Nom

ROBION Dominique

Fonction(s)

Pêcheur en activité

le président de la société coopérative des pêcheurs professionnels de Grand-Lieu

- le président de l’association des pêcheurs du lac de Grand-Lieu

- le maire de La Chevrolière

- le président du Syndicat du bassin versant de Grand-Lieu

Rédacteur de la fiche

Nom

Pacreau Fanny

Fonctions

Anthropologue, agence Enquête d’ordinaire

Nom

Boisseleau Philippe

Fonctions

Directeur de l’Office du patrimoine culturel immatériel

Nom

Linard André

Fonctions

Journaliste spécialisé dans la batellerie

Enquêteur(s), chercheur(s) ou membre(s) du comité scientifique associé

Nom

Pacreau Fanny

Fonctions

Anthropologue, agence Enquête d’ordinaire

Nom

Linard André

Fonctions

Journaliste spécialisé dans la batellerie

Nom

Colleu Michel

Fonctions

Enquêteur, Office du patrimoine culturel immatériel

Lieux(x) et date/période de l’enquête

Mai à octobre 2015, village de Passay, La Chevrolière, Loire-Atlantique

Données d’enregistrement

Date de remise de la fiche  : 13 octobre 2017

Année d’inclusion à l’inventaire  : 2017 (CPEI du 26 octobre 2017)

N° de la fiche : 2017_67717_INV_PCI_FRANCE_00386

Identifiant ARKH  : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2lh