Au pied des premiers contreforts du massif des Vosges, le Pays fougerollais offre un environnement propice à la culture de la cerise et à la fabrication du Kirsch. 150 années de distillation, de vente et de savoir-faire ont façonné le Pays de la Cerise, fort d’une communauté unie de paysans, d’agriculteurs, de bouilleurs de cru, de distillateurs et d’artisans.

Au pied des premiers contreforts du massif des Vosges, le Pays fougerollais offre un environnement propice à la culture de la cerise et à la fabrication du Kirsch. 150 années de distillation, de vente et de savoir-faire ont façonné le Pays de la Cerise, fort d’une communauté unie de paysans, d’agriculteurs, de bouilleurs de cru, de distillateurs et d’artisans. Cette production rare en Europe provient de la culture de vergers de cerisiers haute tige aux qualités paysagères et écologiques remarquables caractérisée par un modèle agricole spécifique : le pré-verger. En alliant élevage et production fruitière, il permet de valoriser au mieux les ressources agricoles locales. L’expansion de la culture de la cerise et en particulier des « guignes » locales est due à son utilisation sous toutes ses formes mais surtout dans la distillerie, qui fait de Fougerolles le pays du Kirsch depuis la fin du XVIIIe siècle, où l’on baptise l’eau de cerise « Kirsch ». Une trentaine d’agriculteurs exploitent en polyculture 1800 ha de surface agricole, en complémentarité avec la production de cerises à Kirsch

À partir du XIXe siècle se développent à Fougerolles la culture de la cerise, la distillation et les activités liées (chaudronnerie, tonnellerie, vannerie, etc.). Au départ, la production d’eau de vie de cerise était un complément de revenus, mais bientôt la distillation devient l’activité première des Fougerollais, associant toute une communauté de paysans, agriculteurs, artisans, distillateurs, bouilleurs de cru, charrons, chaudronniers et verriers. Les vergers hautes tiges disséminés dans la campagne fougerollaise et les cerises rythment ainsi la vie locale depuis plus de trois siècles autour de la plantation, de l’entretien et de la cueillette jusqu'aux produits finis. « Chaque fois qu’un couple se mariait à Fougerolles, on lui offrait un cerisier », selon la coutume. Cette communauté, mêlant industrie, artisanat, commerce et activité associative, est toujours proactive malgré des transformations et évolutions se traduisant par une moindre intervention de l’artisanat au profit d’entreprises industrielles pour les machines et contenants, une mutualisation des professionnels par les coopératives et les syndicats et enfin une diversification des modes d’activité, où distillateurs fermiers, bouilleurs de crus, artisans distillateurs , transformateurs et sites de commercialisation se côtoient autour de la production de Kirsch et des animations saisonnières de la vie locale de Fougerolles, « cité du Kirsch ».

Lieu(x) de la pratique en France

 

Au cœur du territoire des Vosges saônoises, de ses collines et de ses montagnes, à la frontière de la Franche-Comté et de la Lorraine, le pays fougerollais doit sa notoriété à la culture de la cerise et à la fabrication du Kirsch ; les caractéristiques géologiques et climatologiques très spécifiques, la présence de nombreuses sources, les traces des anciennes forêts de feuillus, les plateaux de grès bigarrés entre 300 et 500 m d’altitude sont les conditions locales parfaitement propices au développement des cerisiers. La fermentation et la distillation des cerises ou « guignes » donnant naissance à une eau-de-vie apparaissent dès le XVIIe siècle, selon l’historien Legrand d'Aussy : « il croît en Franche-Comté une sorte de cerisier sauvage dont le fruit distillé donne une eau de vie claire limpide comme de l’eau, mais d’une force extrême. Les Allemands la nomment Kirschenwasser, soit eau de cerises ». Le territoire de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) Kirsch de Fougerolles regroupe 11 communes, dont l’aire de production est à cheval sur deux départements et même deux régions différentes, la Haute-Saône (région Bourgogne-Franche-Comté) et les Vosges (région Grand-Est). En Haute-Saône, il recouvre les communes de Aillevillers-et-Lyaumont, Fougerolles, Raddon-et-Chapendu, Saint-Bresson, Saint-Valbert et La Vaivre et la partie située au nord de la D83 de la commune de Corbenay et les sections cadastrales ZC et B2 de la commune de Fontaine-lès-Luxeuil ; dans les Vosges, les communes du Clerjus, de Plombières-les-Bains et du Val d’Ajol.

 

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

 

Le Kirsch et la cerise sont également produits et fêtés en Alsace à Westhoffen. La cerise « bigarreau », protégée par une Indication géographique protégée (IGP), est aussi cultivée et fêtée en Italie à Vignola, dont la spécialité est la cueillette à la main.

La cerise, matière première

 

Le Kirsch est obtenu à partir de la fermentation et la distillation de cerises qui appartiennent au sein de l’espèce Prunus avium aux variétés de guignes (fruits à chair tendre et molle) et de merises (petits fruits rouge foncé ou noir, a chair ferme et très mince dont le noyau se détache mal). Une quarantaine de variétés locales sont identifiées et parmi celles-ci sont la Béchat, la Jean Blanc, la Chapendu, la Marie-Jean Diaude, la Tinette ou encore la Grande Queue, etc. La pollinisation croisée s'effectue entre ces différentes variétés. Les variétés se sont aussi construites avec les agriculteurs, dont certaines portent le nom ; elles sont toutes conservées et répertoriées à la Chambre d’agriculture. Le Kirsch de Fougerolles est spécifique aux cerises qui proviennent exclusivement de la zone AOC.

 

 

La production des fruits

 

Le verger de Fougerolles est actuellement constitué de 15 000 cerisiers à Kirsch contre 35 000 dans les années 1950, qui produisent environ 500 tonnes de cerises par an. Le paysage de la ville est agréablement souligné par les vergers disséminés sur plus de 5000 ha, surface communale ; plantés par les anciens de façon aléatoire, les vergers sont aujourd’hui dessinés, métrés en rangées respectant 10 m entre chaque arbre. Les cerisiers portant différentes variétés sont ainsi alignés de façon à faciliter le ramassage mécanique. Pour la même raison, les arbres ont des troncs plus haut qu’autrefois et respectent une frondaison de 1,80 m.

 

 

Le pré-verger, un système culturel écologique de culture et de préservation

 

La particularité des vergers de Fougerolles est le traitement en pré-vergers, un système de plantation d’arbres en culture ou en pâture, qui associe la prairie et l’animal et en particulier les vaches à viande ou à lait. Celles-ci en mangeant le plus d’herbe possible apportent les fertilisants nécessaires. Les caractéristiques des pré-vergers sont d’offrir une production diversifiée permettant de préserver les variétés locales (5 variétés différentes à l’ha, selon le cahier des charges de l’AOC) et de favoriser les replantations. Ils respectent de surcroît une faible utilisation de traitements phytosanitaires et une irrigation limitée. Parfois entourés de haies pour une meilleure protection, ils favorisent la biodiversité et le développement des variétés.

 

 

Le renouvellement des plantations

 

Afin d’assurer la conservation et le renouvellement des variétés locales ou anciennes, le greffage s'effectue à partir des fruitiers existants. Des greffons sont prélevés soit au printemps, soit au mois d'août selon le mode de greffage (en fente ou en écusson) sur les anciens cerisiers et sont posés sur des porte-greffes pendant deux à trois ans puis replantés à une place définitive. Autrefois, les anciens recherchaient des cerisiers sauvages pour faire des porte-greffes ; aujourd’hui, elles sont fournies par les agriculteurs ou pépiniéristes, notamment aux deux pépiniéristes de Fougerolles, à ceux d’Alsace ou de Meurthe-et-Moselle. Entre la pose du « sion » (rameau flexible de moins d'un an, apte à la greffe) et la pousse, il faut attendre une quinzaine d’années avant d'obtenir une récolte significative.

 

 

La récolte des fruits

 

Les fruits sont récoltés manuellement ou mécaniquement, la cueillette traditionnelle étant encore très présente. Depuis la création du verger fougerollais, vers 1700, la récolte manuelle s’effectuait avec un pied de chèvre et une charmotte. La cueillette commence fin juin et toute la population s’y adonne. Autrefois, les usines fermaient, permettant à leurs ouvriers de participer à la cueillette. Aujourd'hui, la récolte mécanique (80 % de la récolte) se traduit par un secouage des arbres à l'aide d'une pince géante sur le tronc. Les cerises tombent sur un tapis récolteur puis débarrassés par soufflerie et manuellement de quelques détritus (menu branchage, feuilles) avant d'être stockés dans des fûts en vue de la fermentation. Préalablement, les fûts doivent être soigneusement lavés. Pour être récolté mécaniquement, chaque cerisier doit produire au moins 40 kg. Autrefois, les récoltes manuelles étaient échelonnées selon la maturité des cerises à différentes périodes, pour les précoces, les normales et les tardives. Elles étaient stockées, soigneusement triées et réparties dans des fûts de chêne le jour même. Avec la mécanisation, la période de récolte est beaucoup plus courte, soit de 3 semaines entre mi-juin et mi-juillet selon les années et l'altitude des vergers. Les cerises sont alors directement apportées à la coopérative fruitière (créée en 1995, elle regroupe 60 producteurs) ou conservées en partie en fûts pour permettre à certains agriculteurs bouilleurs de cru de faire leur propre distillation. La moyenne de récolte par jour est de 40 tonnes, mais varie en fonction des conditions climatiques. L’année 2017 a donné lieu à une récolte journalière de 3 tonnes seulement : 4 ou 5 producteurs épargnés par le gel ont pu récolter.

 

 

La fermentation

 

À l’origine de l’essor du Kirsch est la « guigne » sucrée de Fougerolles, qui entre très rapidement en fermentation ; cette propriété a conduit les paysans à s’en emparer pour fabriquer de l’eau-de-vie. La fermentation est la transformation des sucres en alcool (éthanol). La fermentation commence quasi immédiatement après la récolte. Elle s’effectue avec les noyaux, sans chauffage ni addition de levure, de sucre ou d’un quelconque produit chimique.

Après la période de fermentation intense (anaérobie), durant laquelle une mousse se dégage des fûts, on passe à une phase plus calme de plusieurs semaines ; une croûte peut se former au-dessus de la masse de fruits.

Lorsque la fermentation est terminée, les barils sont fermés hermétiquement. La fermentation naturelle des fruits dure environ 5 à 8 semaines. Vient ensuite le temps de la distillation dans un alambic en cuivre.

 

 

La distillation

 

II faut en moyenne 9 kg de cerises pour produire un litre de Kirsch à 50°. Très tributaire des conditions météorologiques, la production est variable : de 800 tonnes à moins de 150 tonnes aux mauvaises années.

Cette opération consiste à séparer l'alcool de la masse des fruits fermentés. L'alcool étant la substance la plus volatile, il s'agit de chauffer le produit pour obtenir des vapeurs d'alcool ; celles-ci sont ensuite refroidies (condensées) pour donner un liquide : l'eau-de-vie. Des alambics sont nécessaires pour conduire cette opération : la forme, la contenance, le système de chauffe, le refroidissement des vapeurs d'alcool... permet de différencier et de classer les alambics, tel l’« alambic pisse droit », chauffé au bois, ou l’« alambic à col de cygne basculant à bain-marie » avec un refroidissement à serpentin.

Dans le cas de l’alambic de Jacky, la cuve remplie de fruits est insérée dans une cuve d’eau : celle-ci est chauffée par un brûleur à gaz ou au bois ; du fait de la forme de la tête de l’alambic, la vapeur remonte ; les vapeurs alcoolisées passent dans le col de cygne puis dans le serpentin entouré d’eau froide pour que la vapeur se transforme en liquide. L’opération dure 12 heures de 6 h du matin à 19 h, pendant laquelle il a fait 3 passages. Il produit environ 60 l de Kirsch pour 450 l de matière de fruits, soit en moyenne 9 kg de cerises pour produire un litre de Kirsch à 50°.

Traditionnellement, les alambics sont en cuivre pour deux raisons essentielles : de nombreux acides et produits indésirables se combinant avec le cuivre restent prisonniers de la masse de fruits et le cuivre est un excellent conducteur de chaleur.

La distillation d'une cuite (contenu dans l'alambic 100 ou 200 kg) donne naissance à de l'alcool que l'on va séparer en trois :

- les produits de tête ou « âmes », dont les premiers alcools sortent aux environs de 70° et sont détruits, évacués au début de la cuite ;

- les produits du « cœur » ou « la bonne » titrent à partir de 68° pour terminer à 50° ; ils sont essentiellement de l'éthanol chargé de parfum des fruits. Ces produits sont mesurés (volume et degré alcoolique) et stockés en bonbonnes ;

- les produits de « queue ou flegmes ou petites eaux » de 50° à 15° sont mis de côté, car ils contiennent encore de l'alcool, mais la limpidité a disparu. Les petites eaux récupérées sont additionnées à la cuite suivante ou stockées pour l'année prochaine. Pour évaluer la fin des petites eaux, « Jacky verse un verre sur le cuivre et, si cela brûle, c’est qu’il reste de l’alcool ». Mais l'alcoomètre permet une meilleure évaluation.

La spécificité de Fougerolles est la distillation en une seule passe. La distillation est un art, c'est-à-dire une opération dont la conduite demande beaucoup d'attention et un savoir-faire bien défini. La durée d'une cuite peut atteindre 4 heures.

 

 

Le stockage

 

Le Kirsch est ensuite stocké dans des cuves émaillées ou en inox pour les distillateurs ou mis à vieillir dans des greniers en bonbonnes de verre pour les bouilleurs de cru. Les bonbonnes sont habillées de vannerie en osier, autre artisanat local, pour les protéger et favoriser leur transport. Ainsi, l'eau-de-vie est à l'abri de la lumière pour un meilleur vieillissement. Il est de tradition à Fougerolles de distiller un mélange de nombreuses variétés, contrairement à la plupart des autres sites de distillation de Kirsch.

Une autre spécificité du « Kirsch de Fougerolles » est que l’eau-de-vie est conservée et vieillie dans des bombonnes de verre « sous grenier », où les écarts de température sont élevés entre l’hiver et l’été. L’été, les éthers volatiles s’évaporent des bonbonnes non fermées mais simplement obturées par un tissu. Ces vapeurs sont appelées « la part des anges ». Après 6 mois, les bonbonnes sont fermées. Les écarts de température (de - 5 °C à + 35 °C) assurent un bon vieillissement : la chaleur enlève l'ardeur, le froid concentre les arômes et les affine. Le vieillissement dure entre 3 à 6 ans avant commercialisation après une définition qui s’opère entre périodes chaudes et froides de l’été et de l’hiver. Il n’est pas nécessaire de faire vieillir l’eau-de-vie dans des tonneaux en bois car elle garde tous les arômes, contrairement au Cognac, à l’Armagnac et au Calvados, qui prennent leur goût et leur couleur du bois.

Il y a plusieurs familles d’arômes : celui du fruit (premier), puis de la fermentation (secondaire), puis de la distillation (tertiaire) puis de l’eau-de-vie ; la cerise est celle qui a les arômes premiers les plus fragiles, mais elle développe des arômes secondaires et tertiaires très importants ; « pour goûter le Kirsch, on le verse dans le creux de sa main, on boit et on set les arômes dans la main ».

 

 

Les qualités organoleptiques du Kirsch

 

Différentes qualités d’alcool sont déterminées par le distillateur. Certains sont plus ou moins fruités. Le Kirsch plus rude est destiné aux pâtissiers et le plus fruité est destiné à la consommation digestive.

Patrimoine bâti

 

Le « chalot » (prononcé « chello ») est un grenier en bois de petite taille, typique des Vosges du Sud, servant autrefois de réserve à grains, d’annexe. Entre la Lorraine et la Franche-Comté, on ne compte pas moins de 320 chalots (dont 132 à Fougerolles). Cette construction estt réalisée entièrement en bois. Sa structure en chêne, assemblée par tenons et mortaises, remplie par d'épaisses planches en sapin, permet à la construction d'être entièrement démontable. La couverture est composée d'une charpente en chêne recouverte de laves en grès. Ce patrimoine n'étant plus utilisé, une association de sauvegarde de ce patrimoine s'est mise en place. Aujourd’hui, l’itinéraire touristique « La Route des Chalots » ouvre la porte des distillateurs, des restaurateurs et des ventes à la ferme des produits issus de la cerise et du Kirsch (chocolats, crèmes liqueurs, pâtisseries, charcuteries, confitures, glaces, etc.).

 

 

Objets, outils, matériaux supports

 

Quelques outils et supports sont indissociables des savoir-faire liés à la production de cerises et de Kirsch :

- Les récoltes manuelles se font toujours avec un « pied de chèvre », sorte d’échelle composée de trois points d’appui (deux à la base et un au sommet) en sapin, cerisier ou frêne, divisée par des barreaux en acacia tous les 33 cm, se développant jusqu’à 12 m de haut ; deux artisans fougerollais perpétuent ce savoir-faire.

- Les charmottes en vannerie : panier en osier utilisé lors de la cueillette des cerises ; un bord épouse la forme de la hanche du cueilleur et elle est maintenue par une sangle sur l'épaule.

- Les fûts reçoivent les cerises en fermentation

- Les alambics traditionnels en cuivre étaient également fabriqués localement mais sont fournis désormais par des entreprises allemandes.

- Les bonbonnes de verre et les vanneries de protection étaient fabriquées par des artisans locaux.

La transmission est essentiellement familiale et expérientielle par l’apprentissage, car il n’existe pas de formation de distillateur. Les distillateurs font appel à des apprentis issus de différentes formations agricoles :

- des cours d’œnologie permettent à des stagiaires un accès aux distilleries ;

- des formations de technicien agricole de la Maison familiale et rurale de Fougerolles ;

- des formations en arboriculture fruitière ;

- des cours de perfectionnement, à la suite d’un enseignement agricole général, sont donnés par le conseiller agricole ou arboricole de la Chambre d’agriculture d’Alsace. La rareté des formations liées à ce métier est significative de la fragilité de l’activité et des savoir-faire qui y sont liés malgré la valeur ajoutée des produits (cerise, eaux-de-vie et Kirsch) au territoire en termes de qualité de paysage, de production fruitière, de respect de l’environnement, d’économie et de qualité de vie constatés.

À Fougerolles, on compte 4 entreprises spécialisées dans la distillation et 37 distillateurs fermiers.

La coopérative fruitière de collecte des cerises : les cerises sont classées en lots, selon la qualité en fonction du taux de sucre.

La « confrérie des Goûteurs de Kirsch » a été créée en 1991 pour faire connaître les produits du terroir fougerollais, la cerise et le Kirsch. Le grand-maître de la confrérie et les dignitaires sont vêtus d’une cape traditionnelle rouge et verte et portent les insignes de la confrérie : pieds de chèvre et charmotte miniature et verre de dégustation. La confrérie intronise chaque année le 3e dimanche de septembre lors du « chapitre » et dans le cadre de la « foire aux beignets de cerises » des membres, personnalités reconnues. À ce jour, plus de 1000 « râpe-mousses » ont été accueillis au sein de la confrérie des Goûteurs de Kirsch » pour être les ambassadeurs des produits de Fougerolles.

L’association des Amis de l’écomusée du Pays de la Cerise, le comité des fêtes, l'association Terroir et traditions, intégrant la confrérie et le comité de la foire aux beignets de cerises, valorisent les traditions populaires locales et participent activement à l’organisation des fêtes locales en l’honneur de leurs produits.

Le syndicat de défense et promotion du Kirsch de Fougerolles organise la fête du Kirsch en novembre.

Le parc naturel régional du Ballon des Vosges valorise les produits et les paysages et en particulier les vergers.

La Chambre d’agriculture d’Alsace apporte des conseils en lien avec l’AOC et « Ceratias », organisme certificateur associatif spécialisé dans le contrôle des signes officiels.

La Maison familiale et rurale de Fougerolles a une place tout aussi importante dans la valorisation que dans la formation ou la transmission. Ses étudiants sont très actifs à travers des travaux de recherche sur le packaging ou plus globale sur la notoriété du Kirsch, identité locale.

L’Association française des récoltants de fruits et des syndicats de bouilleurs de cru de Franche-Comté-Bourgogne rassemble des bouilleurs de cru, propriétaires ou locataires d’au moins un arbre fruitier et/ou d'une vigne, qui distillent leur propre récolte dans un atelier public ou privé en ayant effectué une déclaration aux Douanes.

Les systèmes de chauffe ont progressivement évolué des alambics à feu nu directement chauffés par le bois, généralement ambulants, puis dans des alambics au bain-marie pour une meilleure répartition de la chaleur et éviter aux fruits de coller à l'alambic. Fougerolles compte aujourd’hui une représentation très diversifiée de l’activité de distillateurs et de produits, 3 distillateurs artisanaux, 1 distillateur industriel et des bouilleurs de cru qui fournissent leur eau-de-vie à une distillerie ou le commercialisent par eux-mêmes.

- Distillerie Paul Devoille : fondée en 1859 à Fougerolles, la distillerie Paul Devoille est située dans des bâtiments anciens qui forment un ensemble remarquable comprenant notamment des locaux pour la fermentation et la distillation, de vastes greniers emplis de 1200 bonbonnes, contenant 30 l de Kirsch chacune, et une boutique des produits de la distillerie (crème de cerise noire, guignolet à partir des cerises cueillies manuellement…). Entreprise réputée, elle est labellisée par le ministère de l’Industrie « Entreprise du patrimoine vivant » et emploie 15 salariés, apprentis et stagiaires œnologues.

- Distillerie Lemercier frères : la plus ancienne distillerie locale, qui a débuté son activité avec l’absinthe, a développé avec la suppression de l’absinthe en 1915, la fabrication d’eau-de-vie de fruits et de Kirsch, devenue sa spécialité avec les liqueurs. Elle possède un ensemble de production en centre-ville : ateliers de fermentation, de distillation, chais de vieillissement représentatif de l’identité fougerollaise.

- Distillerie artisanale Émile Coulin : distillerie artisanale et familiale depuis plusieurs générations.

- Grandes Distilleries Peureux : 3e entreprise locale avec 60 salariés, la distillerie a été créée en 1864 à Fougerolles et s’est implantée à proximité immédiate de la ligne SNCF. Elle a été conçue sur le modèle traditionnel des usines textiles du temps, mais s’est modernisée et agrandie au fil du temps : de grandes cuves ont été construites en 1860 et restaurées en 1960. Enfin, un doublement de l’usine s’est opéré avec l’installation de laboratoires, de hangars de cuves de 3 à 7000 hl permettant le traitement de 10 000 tonnes de fruits par an. L’entreprise, implantée dans le monde à New York, Singapour et Shangaï, est un leader dans le secteur des liqueurs de cerises puis de pêche, de cassis, de poire William, d'autres fruits et produits phares (Kirsch, guignolet et guignolet Kirsch).

Philippe et Isabelle Gallaire sont associés en GAEC et possèdent un alambic ambulant, dans la famille depuis plusieurs générations. Chacun a son rôle dans la fabrication du Kirsch et de la conduite du feu : Isabelle allume le feu et Philippe recharge ; ils produisent leur propre Kirsch et le vendent avec 5 autres producteurs par la « SICA Kirsch et Terroir », dont ils sont adhérents au point de vente de la « Ferme Chassard ».

Le territoire de Fougerolles était jadis couvert de pommiers et poiriers, mais c’est à la fin du XVIIIe siècle (1680) que se développe la culture de cerisiers liée à la distillation de l’eau-de-vie de cerise. Celle-ci est évoquée dès 1630, où elle aurait servi à soigner l’épidémie de peste pendant la guerre de Trente Ans. L’eau-de-vie de cerise est baptisée de son nom allemand « Kirschwasser » (Kirsch, en abrégé) vers la fin du XVIIe siècle et se développa tout au long du XIXe siècle avec l’installation des premières distilleries industrielles, en particulier les établissements Lemercier, Peureux et Devoille. La plupart des distilleries produisaient de l’absinthe, mais sa suppression en 1915 a favorisé la production du Kirsch. Jusqu'en 1960, les bouilleurs de cru bénéficiaient du privilège de pouvoir distiller 20 l d'eau-de-vie à 50° sans avoir à acquitter les droits de douane. Aujourd'hui et après de nombreux débats, ce droit est conservé mais les avantages ont été réduits de moitié.

Ce renforcement de la règlementation engendra le début du déclin de la production. Taxes de plus en plus lourdes, changement des habitudes de consommation et exode rural, les 45 distillateurs installés à Fougerolles au XIXe siècle ne sont plus que 4 en 2017 et une vingtaine de bouilleurs de cru. Le Kirsch de Fougerolles est reconnu comme une eau-de-vie unique et obtient son Appellation d'origine contrôlée (AOC) en 2010, bénéficiant d’une mesure de sauvegarde et d’une relance liée à un nouveau contexte d’attractivité des territoires par son patrimoine culturel, ses paysages, le goût et la gastronomie.

L’ancienneté des vergers

 

Certains vergers sont vieillissants et il serait nécessaire de replanter 600 à 800 arbres par an pour préserver ce patrimoine. Le parc naturel régional du Ballon des Vosges a accompagné la filière pour la plantation de nouveaux cerisiers. Une aide de 40 % par arbre (sur l’achat des plants, des tuteurs, de la protection des arbres…) est ainsi proposée par la Région Bourgogne Franche-Comté, à la condition qu’il s’agisse de la variété inscrite dans le cahier des charges de l’AOC de Fougerolles.

 

 

L’évolution de la règlementation

 

La consommation des eaux-de-vie et du Kirsch a considérablement baissé depuis le XIXe siècle, période faste où Fougerolles comptait plus de 19 distillateurs jusque dans les années 1960, compte-tenu des règlementations liées à la lutte contre l’alcoolisme et les nouveaux modes de consommation. L’application de taxes pour les bouilleurs de cru a limité la quantité d’alcool pur à 1000°, soit 20 l d’eau-de-vie, appliquant une taxe importante pour les litres supplémentaires. Or, certains bouilleurs de cru bénéficient d’une réduction de taxe voire d’une franchise en deçà de 10 l d’alcool pur produits.

 

 

Les modes de consommation

 

Alors que le verre d’eau-de-vie pure apprécié pendant les veillées, pour les événements festifs, familiaux ou amicaux, se pratique moins dans la consommation en général, de nouvelles utilisations culinaires de l’eau-de-vie de Kirsch se développent. Dans la gastronomie, le Kirsch « chambré » rehausse ou caractérise les goûts des pâtisseries (mousse au Kirsch, salade de fruits, sauce chocolat, glaces et sorbets) et des cocktails à base de cerises ou de fruits. Les cerises ont toujours leur place dans les traditionnels beignets ou clafoutis de cerises très appréciés. Les femmes du territoire développent de plus en plus d’activités liées à la production de cerises et de fruits grâce au tourisme : Patricia confectionne toute l’année avec ses fruits et le lait de ses 43 vaches Montbéliardes, des glaces à la ferme sans colorants, sans produits chimiques et sans conservateur qui sont un véritable succès auprès des restaurants et des touristes, Nadine, fille de distillateur, est spécialisée dans les jus de fruits et les confitures.

Modes de sauvegarde et de valorisation

 

Au cœur d’un ancien domaine de distillateurs, et entouré d’un verger conservatoire, l’écomusée du Pays de la cerise apporte un témoignage de 150 années de savoir-faire indispensables à la pérennité des productions où l’artisanat et l’agriculture étaient étroitement liés. Outils, machines, supports et contenants relèvent de savoir-faire ancestraux tels que les pieds de chèvre, charmottes, paniers et emballages en vannerie, flacons et bonbonnes en verre, alambics en cuivre, fûts et tonneaux, etc., au service d’une production et transformation respectueuse du développement durable. La valorisation pédagogique et muséographique de ces techniques participe à la promotion, à l’évolution et au développement des savoir-faire locaux dans une dimension écologique et innovante.

 

 

La route des Chalots

 

Les distilleries, les producteurs fermiers, les artisans des métiers de bouche, adhérents de la route touristique des Chalots, ouvrent leurs portes et proposent une large gamme de produits autour des spécialités gastronomiques.

 

 

L’association des Sites remarquables du goût (SRG)

 

Fougerolles est SRG depuis 1994 et mène des actions de commercialisation par les salons des SRG organisés dans une vingtaine de SRG en France, et valorisent les atouts touristiques et gastronomiques ; restaurants, tables d’hôtes proposant des menus du terroir.

 

 

Actions de valorisation à signaler

 

La fête de la Cerise, depuis 56 ans, se fête le 1er week-end de juillet, avec ses produits de terroir, et procède à l’élection de miss Cerise ; toutes les sections de la ville participent à la fête et confectionnent les chars sur un thème défini. Le défilé (chars, musique et folklore) est très apprécié des 8 à 10000 visiteurs.

La foire aux Beignets de cerises, créée en 1991, se déroule chaque année le 3e week-end de septembre, mettant à l’honneur les produits du terroir. La confrérie organise ce même jour son chapitre annuel. La fête du Kirsch, depuis 2017, se déroule fin novembre après la phase de distillation. Elle est organisée par l'organisme de défense de l'appellation.

 

 

Modes de reconnaissance publique

 

L’AOC Kirsch de Fougerolles depuis le 5 mai 2010. Kirsch devient le premier alcool de fruit à obtenir une AOC en France, et la 4e eau-de-vie après le Calvados, le Cognac et l’Armagnac. La filière AOC est représentée par une centaine d’adhérents et 11 communes, avec 92 producteurs de cerises, 20 bouilleurs de cru et 4 distilleries. Leur principal engagement hormis le respect de l’origine de la récolte est le renouvellement des vergers. Il se caractérise par le respect de la qualité, la sélection des fruits, le savoir-faire lié à la fermentation.

L’AOC Kirsch de Fougerolles doit enfin posséder des qualités organoleptiques :

- l’aspect visuel et notamment la limpidité, les résidus, l’adhérence au verre ;

- l'aspect olfactif. L’odeur et l’arôme : fruité, amer, de noyau, d’alambic, de moisi (se dégage d’un tonneau mal lavé) ;

- l'aspect gustatif. La perception en boucle fruité, de noyau, brûlant, d’amande, piquant, astringent, équilibré.

Un bon Kirsch de Fougerolles doit avoir, en bouche, un véritable bouquet de cerises. Il doit être fruité et ne doit pas brûler le palais.

 

 

L’homologation du Kirsch

 

Chaque année, à Fougerolles, un jury déguste les Kirschs distillés l'année précédente, afin d'effectuer le contrôle de qualité et d'accepter ou pas le produit en appellation. La reconnaissance ultime de l’excellence est le Salon annuel de l’Agriculture. Elle passe par un comité d’experts dégustateurs qui homologue chaque lot de Kirsch de Fougerolles avant sa mise en marché. Il est composé de 5 à 6 personnes, dont 3 de Fougerolles. Les médailles, or, argent, bronze récompensent les meilleurs. Pour la commercialisation, une bouteille emblématique, le « bô », d'une contenance de 70 cl est estampillée « Fougerolles ». Elle est de couleur foncée, assurant une meilleure conservation du produit à l'abri de la lumière. C'est la bouteille de référence pour le Kirsch AOC.

 

 

Bibliographie sommaire

 

LOISEUR Sophie, Le Kirsch de Fougerolles sous tous ses aspects, thèse sous la direction de Daniel Alber, 1998 [en ligne : http://www.sudoc.fr/049501941].

VOISENAT Claudie, Distiller à Fougerolles : portraits d'un savoir ordinaire, Édition Cêtre, 1991 [en ligne : http://www.sudoc.fr/002386674].

 

 

Filmographie sommaire

 

Autour du Printemps fougerollais, Les Pré-Vergers fougerollais dans tous leurs états, films de l’exposition « La Vache et le Cerisier », produits par le Parc naturel régional des Ballons des Vosges.

 

 

Sitographie sommaire

 

Décret n° 2010-453 du 3 mai 2010 relatif à l'appellation d'origine contrôlée Kirsch de Fougerolles

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2010/5/3/AGRT1004246D/jo

Le pré-verger fougerollais : un patrimoine à préserver et un système à valoriser au travers de l’AOC Kirsch de Fougerolles

http://agriculture.gouv.fr/le-pre-verger-fougerollais-un-patrimoine-preserver-et-un-systeme-valoriser-au-travers-de-laoc-Kirsch

Écomusée du Pays de la Cerise

http://ecomusee-fougerolles.fr/

ANDREUX Michel

Adjoint au maire de Fougerolles, en charge de la Vie associative et du Tourisme, représente le conseil municipal au SRG de Fougerolles, Mairie, 70220 Fougerolles

AUBRY Patricia, CHOLLEY Olivier, DAVAL Jacky, GALLAIRE Philippe, RAPENNE Jean-Marie et VAULOT Nadine

BAUD Bernard

PDG des Grandes Distilleries Peureux, avenue Claude-Peureux, 70220Fougerolles

Distilleries Devoille et distilleries Peureux

GRILLOT Alain

Premier adjoint de la mairie de Fougerolles, 70220 Fougerolles

LARIQUE Gwendoline Directrice de l’écomusée du Pays de la Cerise, Le Petit Fays, 70220 Fougerolles

LEMERCIER Nicolas Producteur de cerises à Fougerolles, La Cummunaille, 70220 Fougerolles

LEUVREY David

Producteur de cerises et agent de maîtrise à la distillerie Peureux, Le Prédurupt, 70220 Fougerolles

MAUFFREY Joël

Grand-maître de la confrérie du Kirsch AOC, 9 rue Eugène-Delacroix, 70300 Luxueil-lès-Bains

MIEGE Benoît

Maire de Fougerolles, 70220 Fougerolles

MISCAULT Céline de

Distillerie Devoille, rue des Moines hauts, 70220 Fougerolles

NURDIN Christine

Présidente du comité des fêtes de la fête des Cerises de Fougerolles, 379 Croslières, 70220 Fougerolles

ROUSSEY Claude

Receveur de la confrérie, 8 rue de Luxeuil, 70220 Fougerolles

. Rédacteur de la fiche

Nom

Catherine VIRASSAMY

Fonctions

Architecte spécialisée en patrimoine culturel matériel et immatériel, association greenandcraft, le comptoir des savoir-faire, pour la Fédération des Sites remarquables du goût

Coordonnées

catherinevirassami@gmail.com

Enquêteur(s), chercheur(s) ou membre(s) du comité scientifique associé

Nom

Catherine VIRASSAMY

Fonctions

Architecte spécialisée en patrimoine culturel matériel et immatériel, association greenandcraft, le comptoir des savoir-faire, pour la Fédération des Sites remarquables du goût

 

 

Lieux(x) et date/période de l’enquête

 

Enquête : 8-9 novembre 2017 à Fougerolles

Rédaction de la fiche : janvier-février 2018

 

 

Données d’enregistrement :

 

Date de remise de la fiche : 29 octobre 2018

Année d’inclusion à l’inventaire : 2018

N° de la fiche : 2018_67717_INV_PCI_FRANCE_00410

Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2h9

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kirsch_de_Fougerolles

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