La danse géorgienne est une célébration de l’histoire et de la culture riche et diversifiée de la Géorgie. Elle représente les valeurs et les mœurs traditionnelles de la société géorgienne et capture parfaitement la grâce et la beauté des femmes et le courage, l’honneur et le respect des hommes géorgiens.

La danse géorgienne est une célébration de l’histoire et de la culture riche et diversifiée de la Géorgie. Elle représente les valeurs et les mœurs traditionnelles de la société géorgienne et capture parfaitement la grâce et la beauté des femmes et le courage, l’honneur et le respect des hommes géorgiens.

La danse folklorique reste une pratique encore très vivante au sein de la communauté géorgienne. En Géorgie, elle est encore pratiquée à l'école en tant que discipline sportive par tous les étudiants. Il est donc peu surprenant que la communauté géorgienne de France continue de promouvoir et de transmettre cet art traditionnel, aussi en contexte migratoire.

La danse géorgienne présente une grande diversité au niveau régional. Chacune de ses régions a ses propres danses traditionnelles, telles la danse Kartuli dans la région de Kartlie, les danses Acharuli et Khorumi dans la région de Adjarie, la danse Mtiuluri en Mtioulétie, la danse Svanuri en Svanétie, etc.

Les costumes, les musiques et les chants associés à ces danses font aussi partie des anciennes traditions régionales. Cette fiche ethnographique a l’objectif de présenter cette richesse propre à la Géorgie et surtout de démontrer l’effort mis en place par la communauté franco-géorgienne de la région parisienne pour la sauvegarde de cette pratique traditionnelle.

Lieu(x) de la pratique en France

 

Île-de-France : Paris 18e arrondissement et Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne)

 

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

 

En dehors de la Géorgie, lieu d’origine de la pratique, les danses géorgiennes sont pratiquées par différents groupes issus de la diaspora géorgienne : en France, groupes à Nice et Lyon ; ailleurs dans le monde, en Belgique, en Allemagne, en Angleterre et aux États Unis [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 28:00].

La danse géorgienne est une célébration de l’histoire et de la culture riche et diversifiée de la Géorgie. Elle représente les valeurs et les mœurs traditionnelles de la société géorgienne et capture parfaitement la grâce et la beauté des femmes et le courage, l’honneur et le respect des hommes géorgiens. Au cours de son histoire, la danse géorgienne s’est aussi enrichie de certains éléments provenant des contacts avec les peuples voisins. La musique, la pratique sportive et la pantomime sont aussi des domaines qui y sont étroitement liés.

La danse folklorique reste une pratique encore très vivante au sein de la communauté géorgienne. La transmission de l'aspect le plus traditionnel va de pair avec une œuvre de création originale autant qu’avec le renouvellement de la tradition. La danse est encore très présente dans les événements communautaires des Géorgiens. En Géorgie, elle est encore pratiquée à l'école, en tant que discipline sportive, par tous les étudiants. Il est donc peu surprenant que la communauté géorgienne de France continue de promouvoir et de transmettre cet art traditionnel, aussi en contexte migratoire.

La danse géorgienne présente une grande diversité au niveau régional. En Géorgie, il existe au moins sept régions historiques et trois langues différentes, bien que celles-ci viennent toutes de la même origine [entretien Alexis Kobakhidze, min. 20:00]. Chacune de ces régions a ses propres danses traditionnelles, telles la danse Kartuli dans la région de Kartlie, les danses Acharuli et Khorumi dans la région de Adjarie, la danse Mtiuluri en Mtioulétie, la danse Svanuri en Svanétie, etc. [entretien Sergo Kleri de Tamarionni, min. 09:15]. Les costumes, les musiques et les chants utilisés dans ces danses font aussi partie des anciennes traditions régionales [entretiens Sergo Kleri de Tamarionni, min. 18:20, et Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 08:10]. Au sein de ces danses, il existe également une grande variété de contenus, de figures, de mouvements et de chorégraphies. Chaque danse représente sa propre histoire : danses pour les mariages, danses de guerre, danses montagnardes, danses d’amour entre fille et garçon, danses festives [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 10:30]. Chacune a son propre caractère, qui se reflète dans les mouvements des danseurs : des danses aristocrates, où l’on exhibe les valeurs romantiques avec des mouvements souples et discrets ; des danses guerrières, où l’on montre la force et le courage des hommes géorgiens par des mouvements rapides et acrobatiques ; des danses montagnardes, qui mettent en scène par exemple des scènes de chasse, avec des mouvements durs et saccadés [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 14:00].

Les danseurs sollicitent toutes les parties du corps : les jambes et les pieds, et plus proprement les orteils. Une caractéristique singulière des danses géorgiennes est en effet que les danseurs dansent très souvent sur leurs pointes, sans utiliser aucune protection [entretien Alexis Kobakhidze, min. 17:30]. Les bras exécutent des mouvements qui peuvent imiter par exemple le vol des aigles ou des actions de chasse ou de combat. La tête a une partie d’interprétation par des regards fiers, doux ou enragés, selon la danse. Les genoux sont sollicités dans les danses les plus acrobatiques, où les hommes arrivent à tourner et sauter à une vitesse incroyable [entretiens Sergo Kleri de Tamarionni, min. 11:45, et Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 18:40]. Les chorégraphies sont également très variées, avec des danses en solo, en couple ou en groupe, en ronde ou en ligne. Il existe des danses pour les hommes, des danses pour les femmes et des danses mixtes [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 20:50].

Pour mieux montrer cette grande richesse sont ici décrits quelques exemples de danses, exécutées par les troupes de danse de la communauté géorgienne d’Île-de-France :

 

● Kartuli

Danse courtoise et romantique, Kartuli figure parmi les plus anciennes danses géorgiennes. Répandue dans toutes les régions du pays, elle est considérée comme la danse nationale par excellence. La danse Kartuli était dansée à la cour du royaume de Géorgie dès le Moyen Âge et, encore aujourd’hui, elle colore toutes les fêtes communautaires. Elle est souvent dansée par les époux à l’occasion de leur mariage. Cette danse exprime bien les valeurs orthodoxes et représente également la chrétienté de la Géorgie [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 07:10].

Certains l’appellent Lekouri, nom issu de la région de la Lekie, actuelle région du Lezghistan, au nord du Caucase. Cela témoigne d’un échange culturel avec le peuple des Lezguines musulmans, qui s’est poursuivi pendant des siècles [entretien Alexis Kobakhidze, min. 07:50]. La danse Kartuli est une danse de couple et représente le respect de l'homme géorgien envers la femme. La Géorgie appartient au Caucase, région où vivent beaucoup de rapaces, entre autres les aigles. Le folklore imitant un peu la nature, cette danse imite le vol des oiseaux, des aigles, des rapaces. L’homme sort, habillé dans le costume national (tchocka), avec des cartouchières et son poignard. Il étend ses mains et imite le vol des aigles. Digne, majestueux, le corps ne doit pas bouger. Seules les jambes bougent, exécutant un pas sur un rythme ternaire (3/4), en glissant sur le sol. Après avoir exprimé, par les mouvements de pied, sa volonté d’inviter la femme qui le regarde à danser avec lui, l’homme se met de côté et laisse la jeune fille montrer sa volonté de continuer. La danse de la femme est très souple : elle glisse comme un cygne en regardant toujours le sol. L'homme suit gracieusement ses mouvements, en tenant toujours le dos immobile, tout en regardant son aimée dans les yeux, sans jamais la toucher. La femme démontre alors, avec ses bras étendus, toute l’affection qu’elle peut lui apporter. La danse se termine par un duo d’amour avec des rondes et un final où tout le monde s’incline, surtout de la tête, en restant toujours très digne [entretiens Alexis Kobakhidze, min. 07:20, et Sergo Kleri de Tamarionni, min. 17:50].

● Khorumi Danse de « guerre » également très ancienne, Khorumi est originaire d’Adjarie, région au sud-ouest de la Géorgie, sur la mer Noire. Elle reprend des motifs qui proviennent probablement des anciennes danses de chasse pré-chrétiennes. Elle représente les valeurs de fierté et de courage et l'histoire des batailles contre les envahisseurs, qui marquent l'histoire de la Géorgie. Elle raconte une histoire divisée en plusieurs parties. Des hommes arrivent sur le champ de bataille, en cherchant à espionner l'ennemi. Ils appellent leurs troupes et la bataille commence. Au terme du combat, peu de guerriers valides survivent. Après la victoire, ces survivants fêtent leur succès. Dans cette danse spectaculaire, toutes les péripéties du combat sont représentées. La musique qui accompagne cette danse a un rythme spécifique en cinq mesures (3/4+2/4). Elle est interprétée par deux instruments, le doli (instrument de percussion) et le chiboni (sorte de cornemuse) [entretien Alexis Kobakhidze, min. 22:00].

 

● Acharuli

Danse de couple et de séduction, Acharuli doit son nom à sa région d’originaire, l’Adjarie. Dans cette danse festive et joyeuse, les femmes et les hommes dansent ensemble d'une façon plus informelle que dans la danse Kartuli. Elle peut être dansée aussi en groupe : Acharuli est aussi appelée Gandagana, terme désignant le couple central de la représentation. Les mouvements rapides et brusques des hommes contrastent avec les mouvements plus souples et ondulés des femmes. Les costumes des danseurs sont très colorés et la musique qui accompagne cette danse (en 3/4) est allègre et en crescendo. La danse Acharuli est souvent accompagnée par un chant polyphonique, qui porte le même nom [entretien Sergo Kleri de Tamarionni, min. 18:20].

 

● Mtiuluri

Danse montagnarde, Mtiuruli représente l’esprit guerrier et belliqueux des habitants des montagnes du Caucase. Les danseurs sont habillés avec les costumes traditionnels de la région de Mtioulétie, les hommes portent un papak sur leur tête, un chapeau en fourrure. Les danseurs montrent les péripéties des combats et des chevauchées, avec des mouvements durs et saccadés : ils représentent les actions d’enfoncer le poignard, de blesser et tuer l’ennemi. Cette danse montre le mieux l’une des spécificités de la danse géorgienne : la technique de danse sur les pointes, sans protection. Les danseurs portent des bottes très souples, comme des gants ; ils recroquevillent les orteils et tout le poids de leur corps se porte sur les pointes. Cette technique spécifique n’existe qu’en Géorgie et dans d’autres régions du Caucase [entretien Alexis Kobakhidze, min. 16:10].

 

● Narnari

Danse pour filles, Narnari est l’incarnation de la beauté et de la souplesse des femmes géorgiennes. Sur une musique très douce, jouée par le salamouri (flûte longue traditionnelle), plusieurs filles sortent en scène, vêtues en costumes blancs avec de longs voiles. Les mouvements sont très harmonieux et synchronisés. Les danseuses créent des figures en ligne et en ronde alternées [cfr. images du spectacle de l’association Lazi, 26 mai 2017].

 

● Ratchuli

Danse de groupe, qui peut être dansée autant par les hommes que par les femmes, Ratchuli est originaire de la région montagneuse de Ratcha, au nord de la Géorgie et en bordure de la chaîne du Caucase. Dans cette danse « en crescendo », les danseurs commencent par des pas simples et lents, pour monter au fur et à mesure en vitesse et en difficulté d’exécution. La danse peut prévoir des évolutions très originales et compliquées, selon l’habileté des protagonistes. Ratchuli est accompagnée par une musique joyeuse et festive et par un chœur de chant polyphonique traditionnel [cfr. images du spectacle de l’association Lazi, 26 mai 2017].

 

● Ilouri

Danse créée plus récemment, Ilouri est un hommage à deux des meilleurs danseurs géorgiens de tous les temps, Nino Ramishvili et Iliko Sukhishvili, fondateurs du Ballet national géorgien en 1945. Ilouri est une danse très rythmée. La musique qui l’accompagne est joyeuse et rapide, fondée principalement sur la percussion (doli) et l’accordéon (garmoni). Cette danse est mixte, bien que dans l’exécution du groupe de danse Lazi de Paris, elle soit dansée uniquement par des femmes [cfr. images du spectacle de l’association Lazi, 26 mai 2017].

 

● Popuri

Transcription erronée de « pot-pourri », cette danse est un mélange de plusieurs danses traditionnelles géorgiennes. Elle constitue un bon vecteur d’apprentissage des différents types de pas et de chorégraphie pour les élèves des écoles, notamment pour les plus jeunes [cfr. images du spectacle de l’association Lazi, 26 mai 2017].

 

● Svanouri

La Svanétie est une région montagneuse au nord-ouest de la Géorgie, inaccessible durant six ou sept mois par an, à cause de la neige. Les Svanes représentant en conséquence un peuple spécifique, au sein des différentes régions géorgiennes. La danse Svanuri reflète leur caractère, décrit par le reste des Géorgiens comme dur et belliqueux. La danse imite les phases de la chasse à l’ours. Les danseurs concentrent toute leur action sur les jambes, en tenant leurs mains posées sur leurs poignards ou leurs ceintures et sans bouger ni les bras, ni les épaules. Le climax de cette danse est la représentation, après la phase de lutte, de l’abattage de l’ours : on imagine ce-dernier en train d’envelopper avec ses pattes le chasseur, qui, dans un dernier élan de bravoure, arrive finalement à enfoncer son poignard dans le cœur de l’ours. Cette danse est accompagnée par un chant polyphonique « vertical », c’est-à-dire homorythmique, typique de la haute montagne [entretien Alexis Kobakhidze, min. 20:00].

 

● Kintouri

Danse de ville, Kintouri représente le personnage du kinto, marchand des quatre saisons de l’ancien Tblissi. Les costumes reprennent ces pantalons « bouffon », une petite vareuse et une ceinture en argent, à laquelle le kinto accrochait un châle en soie, qu’il utilisait pour peser sa marchandise. Cette ceinture témoignait de la richesse du kinto ; à chaque vente, ce dernier achetait un nouveau élément pour l’agrandir. La tradition voulait qu’à la mort du kinto, ses proches vendaient sa ceinture pour payer ses funérailles. Kintouri est une danse comique, légère, où l’on affiche le caractère fourbe, informel et irrévérencieux de ces anciens marchands, par des mouvements extravagants et des gestes humoristiques [entretien Alexis Kobakhidze, min. 23:30].

Il existe naturellement bien d’autres danses, mais qui ne font pas encore partie des répertoires des groupes de danse géorgienne en Île-de-France. Parmi celles-ci, d’après les entretiens réalisés avec certains pratiquants de danse géorgienne vivant en Île-de-France, on peut citer, les plus importantes :

- Samaia, danse de femme dédiée à sainte Tamar [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 20:55] ;

- Parikaoba, danse de guerre très spectaculaire, où les danseurs s’affrontent avec des épées [entretien Alexis Kobakhidze, min. 23:30] ;

- Ossouri, danse traditionnelle de la région d’Ossétie, aujourd’hui séparatiste [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 08:55].

Le géorgien : ქართული ცეკვა [danses géorgiennes] Les variantes dialectales du géorgien, pour les chants qui accompagnent parfois les danses.

Instruments musicaux

Le doli (tambour), le chiboni (sorte de cornemuse), le doudouki (sorte de hautbois), le panduri (sorte de mandoline), le tchonguri (sorte de guitare), le tchianouri (sorte de banjo/violoncelle), le salamouri (longue flûte), le garmoni (sorte d'accordéon).

 

Costumes

Le tchokha à cartouchière pour les hommes et les robes longues « médiévales » pour les femmes sont les costumes les plus répandus. Il existe aussi une grande variété de costumes régionaux et d’autres éléments vestimentaires, comme le papak (chapeau en fourrure) et le khanjali (poignard).

Les danses traditionnelles géorgiennes sont encore aujourd'hui très présentes dans les événements communautaires et festifs. Dans ces milieux, la pratique a été transmise de génération en génération [cfr. art. de M. Meloua, « Danses traditionnelles géorgiennes », site www.colisee.org]. En Géorgie, elle est même pratiquée à l'école comme discipline sportive par tous les étudiants. En France, la communauté issue de la diaspora géorgienne continue de promouvoir et transmettre la danse traditionnelle auprès des plus jeunes générations. D’ailleurs, cette communauté représente aujourd’hui un exemple majeur dans la sauvegarde et la transmission du patrimoine culturel immatériel en contexte migratoire.

Les premières tentatives publiques de transmission des danses géorgiennes au sein de la communauté issue de la diaspora en France remontent aux années 1940-1950. La diaspora géorgienne à Paris commence alors à mettre en place des stratégies pour transmettre aux plus jeunes nés en France la culture traditionnelle. Tous les dimanches matin alors, deux groupes de danse folklorique géorgienne répétaient au studio Vavin, entraînés par Chota Abachidzé et Sergo Kokhreidzé. Au moins une quarantaine de jeunes nés en France de familles issues de la diaspora géorgienne y participaient. Malgré des moyens modestes, certains élèves atteignirent un très bon niveau, dont les frères Kobakhidze, qui animèrent successivement une troupe au sein de différents groupes (Jeunesses de France, association Musigrains, groupe folklorique Merani) [entretien Alexis Kobakhidze, min. 02:00]. Le répertoire, assez vaste, comprenait des danses provenant des différentes régions de la Géorgie. Il était parfois mêlé à des danses d’autres répertoires, comme des danses classiques ou des danses d’origine russe. Le groupe a été actif durant les années 1950 et 1960, jusqu’au début des années 1970.

 

La formation de nouveaux groupes de danse géorgienne en région parisienne est contemporaine de la dernière vague de migration économique provenant de Géorgie, de la fin des années 1990 au début des années 2000. Un premier groupe naît en 2009, au sein de l’association Lazi. Cette association a un objectif très ambitieux : créer un véritable Centre culturel géorgien à Paris. Les activités de l’association se focalisent alors sur la sauvegarde de différentes pratiques traditionnelles faisant partie du patrimoine culturel immatériel géorgien. Parmi celles-ci, outre des cours de langue et d’histoire de Géorgie et des chants polyphoniques, une place importante est consacrée aux danses folkloriques. Des cours sont organisés depuis désormais neuf ans, pour les jeunes franco-géorgiens [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 16:30]. Une attention particulière est portée aux plus jeunes [entretien Sergo Kleri de Tamarionni, min. 08:00], afin qu’ils puissent connaître un peu de la culture de leurs parents, bien que nés et résidant en France. Depuis la création de l’association, au moins 200 jeunes appartenant à trois générations d’enfants de la communauté franco-géorgienne ont été initiés aux danses folkloriques. Aujourd’hui, trois professeurs enseignent bénévolement aux élèves de l’école Lazi : Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili. Trois répétitions d’une heure et demie sont organisées chaque semaine [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 02:50] dans les locaux de la cité Traegaer (Paris, XVIIIe arr.) et au moins 50 jeunes y participent assidument. Les élèves sont divisés en trois groupes selon leur âge et leur niveau. Depuis quelques années sont également présents des jeunes extérieurs à la communauté géorgienne, notamment d’origine française et arménienne [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 02:00]. Le répertoire des danses enseignées est vaste et comprend des danses de différentes régions de la Géorgie [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 01:30] et, grâce à l’assiduité aux répétitions, certains élèves ont pu désormais atteindre un bon niveau [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 09:20].

Le dernier groupe de danse géorgienne créé en Île-de-France est celui rattaché à l’association Tamarionni, fondée à l’église orthodoxe géorgienne Sainte-Tamar de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). Sous l’impulsion du recteur de la paroisse [entretien Sergo Kleri de Tamarionni, min. 14:00], le père Anton Kandelaki, les jeunes paroissiens ont formalisé la création de l’association en 2014, avec l’objectif de sauvegarder et promouvoir la culture géorgienne en France. Les activités de l’association se concentrent particulièrement sur deux éléments du patrimoine culturel immatériel géorgien : les chants polyphoniques et les danses folkloriques. Depuis quatre ans, tous les dimanches, des répétitions de chant et de danse sont organisées dans les locaux adjacents à l’église. Pour le groupe de danse, le professeur Sergo Kleri s’occupe de la transmission d’un répertoire de danses géorgiennes aux jeunes qui fréquentent la paroisse, des enfants de Géorgiens vivant dans la région parisienne et dans les départements limitrophes (Oise, Sarthe, Seine-Maritime). Le répertoire est encore modeste, au regard des difficultés à trouver un financement, des espaces et du temps pour les répétitions. Cependant, les jeunes danseurs progressent et peuvent désormais accompagner le groupe de chant polyphonique pendant les spectacles organisés par l’association.

● Chota Abachidze et Sergo Kokhreidze, professeurs des premiers groupes de danse géorgienne de France dans les années 1940-1950.

● Alexis Kobakhidze et son frère Georges, danseurs et animateurs de groupes de danse géorgienne dans les années 1950-1970.

● Les associations « Jeunesses musicales de France » et « Les Musigrains », où les frères Kobakhidze ont pu évoluer.

● L’association « Centre culturel Lazi » de Paris, et notamment les professeurs de danse géorgienne Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili. Lali Djashiashvili est une danseuse diplômée, qui a commencé à danser en Géorgie à l’âge de 11 ans, avec le Ballet national de Sukhishvili ; elle a rejoint plus tard un autre ensemble connu internationalement, l’ensemble Rustavi ; arrivée en France en 2004, elle enseigne la danse géorgienne au Centre culturel Lazi depuis 2009 [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 00:40].

● L’association Tamarionni, et notamment le professeur de danse géorgienne Sergo Kleri. Ancien danseur diplômé en Géorgie, il a dansé pour plusieurs ensembles, avant de former son propre groupe de danse et de pantomime, « Hoski ». Arrivé en France en 2012, il enseigne depuis lors la danse géorgienne aux élèves de l’association Tamarionni [entretien Sergo Kleri de Tamarionni, min. 00:50].

● Le recteur de la paroisse orthodoxe géorgienne Sainte-Tamar de Villeneuve-Saint-George, le père Anton Kandelaki.

Les ensembles parisiens reproduisent les bases traditionnelles des différentes danses géorgiennes et essaient tout d’abord de rester fidèles à l’esprit originel de ces danses. Selon le témoignage des professeurs, certaines adaptations sont possibles, en rapport avec le niveau des élèves et l’espace de la reproduction. La danse est une forme d’art en mouvement, qui doit répondre aux évolutions imposées par la mode et le public [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 12:00]. Une certaine « modernisation » et des interventions originales de la part des professeurs sont alors tolérées [entretien Sergo Kleri de Tamarionni, min. 06:45].

La danse géorgienne a une histoire riche de plusieurs siècles. Les premières traces écrites de la présence des danses chez les populations de la Géorgie ancienne (Ibérie, Colchide) sont attribuées à Xénophon, au IVe siècle avant Jésus-Christ [O. J. Todd, Xenophon, 1989]. Les premières traces archéologiques de ces danses sont encore plus anciennes. Plusieurs spécialistes lient leur émergence à des pratiques rituelles païennes. Ainsi, le bol en argent retrouvé à Trialeti et remontant au IIe millénaire avant Jésus-Christ semble représenter une danse de chasse en l’honneur de la déesse Dali. D'autres découvertes archéologiques importantes, remontant à l'époque pré-chrétienne, témoignent en faveur de cette interprétation. Plusieurs danses géorgiennes sont des rondes ou des danses en ligne, formations « géométriques » qui semblent descendre de l'ancienne cosmovision des peuples de la Géorgie ancienne [E. Geliashvili, Ornamental symbolism in Georgian folk choreography, 2014].

Depuis lors, les danses se sont développées en incluant les éléments culturels, les valeurs et l'histoire du peuple géorgien. Aujourd'hui, les danses traditionnelles géorgiennes constituent une expression artistique très reconnue en Géorgie et à l'étranger. L'internationalisation des danses géorgiennes peut être attribuée à la création de différentes troupes professionnelles en Géorgie, comme le Ballet national, fondé en 1945, par les deux grands danseurs Iliko Sukhishvili and Nino Ramishvili. D'autres groupes de très haut niveau sont Erisioni et Rustavi [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 11:10]. Tous ces groupes se produisent régulièrement dans des spectacles partout dans le monde.

 

 

Histoire de la migration géorgienne en France

 

La migration géorgienne en France et en particulier en Île-de-France a désormais un siècle d'histoire. Plusieurs vagues se sont succédées, en commençant au cours des années 1920, à la suite de l'occupation soviétique de la Géorgie en 1921 et de l’échec du soulèvement populaire de 1924. Les émigrés géorgiens ont pu garder leur nationalité en France jusqu'en 1933, sous le statut de réfugiés politiques. Ensuite, sous la pression de l'URSS, ils perdirent leur nationalité ; pour la plupart, ils se définirent comme apatrides ou ont commencé à demander la nationalité française. Des années 1940 aux années 1980, les vagues de migration partant de Géorgie ont cessé, comme pour tous les autres pays soviétiques. La Guerre froide et le rideau de Fer n’ont plus permis aucun mouvement de personnes entre l'est et l'ouest de l'Europe. À la chute de l'URSS, la Géorgie a retrouvé son indépendance (1991). Cependant, le pays fut victime très vite d’une guerre civile, qui poussa beaucoup de Géorgiens à émigrer. La dernière vague migratoire est celle des années 2000, qui se perpétue jusqu'à nos jours. Cette migration, contrairement aux vagues précédentes, répond à des motivations plutôt économiques. Environ 10 000 personnes aujourd’hui ont la nationalité géorgienne ou la double nationalité française et géorgienne sur le territoire français [cfr. notice de l’encyclopédie en ligne Wikipédia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Émigration_géorgienne_vers_la_France  et art. de M. Meloua, « La migration géorgienne vers la France », site www.colisee.org].

 

 

Histoire de la reproduction des danses géorgiennes en Île-de-France

 

Il est assez probable que la danse folklorique se transmettait déjà, de manière informelle, parmi les premiers migrants géorgiens en France depuis les années 1920. Les premiers groupes publics de danse géorgienne de France ont été créés à Paris durant les années 1940. Les Géorgiens émigrés vivaient avec l’espoir et la volonté de retourner dans leur pays, une fois l’occupation soviétique terminée. Mais il fallut attendre encore quarante ans pour que ce rêve puisse s’accomplir. Des Géorgiens de la première et de la deuxième génération habitant en région parisienne faisaient partie de ces premiers groupes. Ces troupes de danse étaient sous la direction de Chota Abachidze et Sergo Kokhreidze, anciens prisonniers de guerre arrêtés par les Allemands sur le front de l’Est pendant la guerre et déplacés en France. Après la seconde guerre mondiale, la colonie géorgienne issue de l’émigration les nourrissait, famille par famille, et utilisait leur talent pour transmettre les traditions géorgiennes aux plus jeunes. Cette jeunesse était sensibilisée aux danses tous les dimanches matin. Les répétitions se tenaient dans un studio de danse à Montparnasse, le studio Vavin, chez une ancienne danseuse du Ballet russe nommée Irina Gargevina. Un musicien jouait du piano ; un autre, d’un instrument de percussion dit doli [entretien Alexis Kobakhidze, min. 02:00].

Parmi ces élèves, certains étaient doués, tels sans doute les deux frères Kobakhidze, Alexis et Georges. Ils eurent souvent l’honneur de danser pendant les fêtes nationales géorgiennes, organisées par la diaspora à Paris [entretien Alexis Kobakhidze, min. 02:00]. Il est arrivé aux deux frères de rencontrer Serge Lifar, qui les avait appréciés lors d’une représentation. Il décida de les présenter aux Jeunesses musicales de France, pour qu’ils puissent intégrer la troupe et présenter un répertoire de danses traditionnelles géorgiennes. Les frères Kobakhidze ont pu se produire dans toute la France et au Maghreb durant les années 1950-1960, grâce au soutien de cette association. Mme Arbeau, directrice de l’association Musigrains, demanda plus tard aux deux frères de concevoir un spectacle à présenter au théâtre des Champs-Élysées. Chargés des chorégraphies et de la mise en scène, les Kobakhidze ont formé un ensemble de danse. Ils ont intégré aussi l’ensemble de chant polyphonique géorgien Merani, de Othar Pataridze, pour un spectacle, mémorable pour la communauté géorgienne de France, qui fut présenté le 10 février 1972, l’un des souvenirs les plus beaux de la première et la deuxième génération de la diaspora géorgienne en France [entretien Alexis Kobakhidze, min. 25:40].

La formation de nouveaux ensembles de danse géorgienne à Paris reprend durant les années 2000, avec la nouvelle vague d’immigration économique provenant de Géorgie. Cette nouvelle génération essaie de perpétuer sa culture nationale en contexte migratoire et notamment de la transmettre aux plus jeunes, nés en France [entretien Alexis Kobakhidze, min. 36:00]. En 2009, le Centre culturel géorgien Lazi est fondé dans ce contexte. Le but de cette association est la promotion et la sauvegarde de la culture géorgienne en France et la création d’un centre culturel géorgien à Paris. Parmi ses activités permanentes, elle propose des cours de danse traditionnelle pour adultes et enfants. Au sein de l'école, un groupe se produit dans plusieurs manifestations et célébrations, en France et à l’étranger [http://www.iledumonde.org/ile-sezione-collettiva-centro-culturale-georgiano-lazi/]. Les trois répétitions hebdomadaires se tiennent dans le XVIIIe arrondissement de Paris, à la cité Traegaer, grâce au soutien de la Maison des Associations de l’arrondissement [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 04:30].

Un autre groupe de danse géorgienne est directement lié à la paroisse orthodoxe géorgienne Sainte-Tamar de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). Au sein de l'association Tamarionni, cet ensemble, fondé en 2011 par certains paroissiens, a commencé à se produire au cours de différents spectacles et manifestations en France.

Transcription des descriptions de certaines danses par Alexis Kobakhidze (entretien de juin 2018)

 

« Parmi ces danses, pour revenir au véritable sujet, il y avait surtout la danse nationale géorgienne, que nous dansions pendant les fêtes. Les fêtes, il fallait les colorer, les honorer, avec cette danse nationale qui était obligatoire. Cette danse s’appelait Kartuli ; certains l’appelaient Lekouri, mais ce mot vient de « Lek » et « Lekie », qui vient des Lezghiens, une peuplade du nord du Caucase ; et lorsque les troupes d’invasion russes, pendant la conquête du Caucase, ont eu les contacts avec les différents peuples, ils ont eu contact aussi avec les Lezguines, qui sont de la même race que les Tchéchènes, que nous connaissons maintenant. Mais la véritable danse s’appelle Kartuli, qui se dansait à la cour de Géorgie dans les châteaux, mais aussi bien parmi le peuple pendant les festivités paysannes. En quoi consiste cette danse ? La Géorgie est un pays du Caucase et, dans le Caucase, vous avez beaucoup de rapaces, entre autres les aigles ; et les aigles majestueusement planent avec leurs ailes dépliées. Si bien que le folklore imite un peu la nature, et bien cette danse imite le vol des oiseaux, des aigles, des rapaces. Donc l’homme sort, habillé dans le costume national avec les cartouchières, son poignard toujours. Le Géorgien se sépare rarement de son arme, étant donné que son histoire l’obligeait à toujours faire attention, étant l’un des rares pays chrétiens dans cette partie du monde, l’Arménie ayant perdu toute dynastie depuis longtemps.

Depuis le XIe siècle, la Géorgie s’est battue jusqu’au XIXe siècle pour son indépendance, et surtout son indépendance religieuse, chrétienne, étant parmi les premiers pays à être évangélisés, sachant que déjà dans le premier siècle saint André et saint Simon étaient venus sur les bords de la mer Noire, en Colchide, l’ancienne Géorgie occidentale. L’Empire perse chiite et l’Empire turc ottoman sunnite étaient sans arrêt en train de se battre aussi bien entre eux mais surtout sur notre terre géorgienne, et, de ce fait, un territoire militaire est toujours invalidé par les combats. De ce fait, il y a eu énormément de massacres en Géorgie et c’est la raison pour laquelle le poignard était important pour pouvoir se défendre, parce que, lorsque un paysan sortait pour aller dans ses champs, surtout dans les champs de vigne (la Géorgie était un pays de vignobles depuis 8000 ans, on a découvert des graines de raisin dans des amphores dans la terre… ; certains disent que l’origine du vin vient de Géorgie), il était alors obligé d’être armé pour se défendre. Donc il sortait en costume national, pour revenir à la danse, et il étendait ses mains et il imitait le vol des aigles. Digne, majestueux, le corps ne devait pas bouger, seulement les jambes, avec un pas qui était sur un rythme de trois : un, deux, trois. Alors, c’était le « sriala », le « gasma », des nominations géorgiennes, pour montrer et expliquer le glissé sur le sol. Il devait exprimer avec énormément de frottements de ses jambes, de ses pieds plutôt, tous les sentiments qu’il pouvait apporter à la jeune femme, des sentiments d’amour, bien sûr. Après avoir exprimé, par ses mouvements de pied, sa volonté de l’inviter à danser avec lui, il se mettait de côté et il laissait la jeune fille montrer aussi si elle était vraiment d’accord de continuer avec son partenaire, et si elle était d’accord, et bien, le duo se faisait, s’enchaînait, et tous les deux, elle aussi gracieusement, avec les bras étendus, elle montrait toute l’affection qu’elle pouvait lui apporter. Ça se terminait par un duo d’amour, avec des rondes et un final, où tout le monde s’inclinait, surtout de sa tête, en restant très digne. C’était ainsi que cette danse s’appelait Kartuli, danse nationale géorgienne ».

 

« Il y a d’autres danses d’une autre région montagnarde du Sud-Ouest. Il faut dire que la Géorgie a sept provinces différentes. Il y a trois langues différentes, mais toutes d’une même origine. Les Svanes étaient un peuple très dur, belliqueux ; il y a un climat très difficile ; pendant sept mois de l’année, tous les cols sont enneigés, et ce n’est pas possible de les joindre. Là, c’est une danse qui s’appelle Svanouri, qui imite la chasse à l’ours. Il faut savoir que l’ours, lorsqu’il vous attaque, à la dernière seconde, [il] se lève sur ses pattes de derrière pour vous envelopper avec ses pattes de devant. Et à ce moment-là, vous devez sortir votre poignard que vous avez toujours attaché dans votre ceinture, pour le lui enfoncer dans le cœur. Cela démontre une grande maîtrise de soi, de ne pas avoir peur et accepter un combat très dangereux. Cette danse imite toutes les phases du combat, avec la façon que, avec les bras, on enfonce le poignard dans le cœur de l’ours et qu’on le terrasse. »

« Il y a aussi des danses qui imitent, qui commémorent un combat. C’est une danse qui s’appelle Khorumi, qui est d’une région du sud-ouest de la Géorgie, la Gourie, où, après un combat acharné contre l’envahisseur, il ne restait plus que sept guerriers valides. Et pour célébrer leur victoire, ils avaient engagé une danse qui s’appelle Khorumi, dans laquelle toutes les péripéties du combat étaient représentées. Il y a l’éclairage ; les éclaireurs essaient de trouver où est l’ennemi, l’attaque, le combat et puis, la fin surtout, où ils étaient restés que sept, un nombre impair ; d’ailleurs, Khoroumi, ça veut dire impair ».

« Il y a la danse de kinto, Kintouri. Les kintos étaient les marchands de quatre saisons de Tblissi, la capitale de la Géorgie. Ils étaient habillés d’une façon personnelle, différente, avec des pantalons bouffants, une petite vareuse et ils avaient surtout une ceinture en argent, et à chaque fois qu’ils gagnaient de l’argent, ils achetaient un élément pour agrandir leur ceinture. Lorsqu’ils mouraient, leurs épouses vendaient ces ceintures et l’on faisait le « gelekhi », les obsèques en forme de fête, parce qu’on va vers Dieu et il ne faut pas pleurer. Il faut se réjouir, et on fait la fête. C’est la vente de cette ceinture en argent, selon son poids, qui faisait que les agapes étaient plus ou moins réussies, importantes ou pas ».

La communauté géorgienne francilienne se distingue par sa vitalité dans le contexte culturel et associatif. L’assiduité dans les efforts de sauvegarde de son propre patrimoine culturel immatériel aide la préservation et la viabilité de ce dernier. La langue, les célébrations, les chants, les danses, la gastronomie sont autant d’éléments sauvegardés à l’intérieur de la communauté et promus activement à l’extérieur par la communauté franco-géorgienne.

Depuis l’arrivée des premiers Géorgiens en France dans les années 1920, la colonie géorgienne a été tout de suite une immigration bien organisée, avec les élections d’un président et d’un comité national, qui s’occupait en partie de la jeunesse. Les membres de cette première diaspora se considéraient en exil, en raison de l’occupation de la Géorgie par l’URSS. Ils vivaient dans l’espoir de pouvoir retourner au plus vite dans leur pays et se sentiment faisait qu’ils s’efforçaient de transmettre la culture nationale à leurs enfants, pour que ceux-ci ne soient pas dépaysés au moment de l’hypothétique retour dans la patrie [entretien Alexis Kobakhidze, min. 01:10].

La récente vague d’immigration économique provenant de Géorgie n’a fait que renforcer cette activité de sauvegarde des traditions. Dans le même esprit que les premiers arrivants, les parents géorgiens actuels transmettent les traditions à leurs enfants, en vue d’un éventuel retour en Géorgie. De plus, les migrants géorgiens d’aujourd’hui ont grandi pendant une période de revitalisation de la culture traditionnelle, après la chute de l’URSS et la libération du pays. L’envie de sauvegarder les traditions est, d’une certaine manière, plus forte aujourd’hui parmi les dernières générations de la diaspora.

Quant à la danse, l’élément est très présent dans tous les moments communautaires et dans les fêtes nationales. Les Géorgiens sont très attachés à la danse. Pour eux, il est « obligatoire » de savoir danser, la danse étant « dans le sang » des Géorgiens [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 35:40]. Certains vont jusqu’à parler de la danse en la comparant à la religion [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 30:40]. Pour tout Géorgien, il est impossible que la danse traditionnelle disparaisse : il y aura toujours quelqu’un pour la transmettre et quelqu’un prêt à l’apprendre.

 

Le milieu associatif géorgien en France est très actif. L’Association des Géorgiens en France organise plusieurs événements qui réunissent la communauté, le plus souvent au château de Leuville-sur-Orge (Essonne), acquis en 1922 pour accueillir les membres du Gouvernement géorgien en exil. Il représente encore aujourd'hui un lieu très important pour la communauté géorgienne d'Île-de-France. Outre les ensembles de danse traditionnelle et les associations déjà citées, dédiées à la danse, plusieurs associations de chants polyphoniques géorgiens (Marani, Harmonie géorgienne…) sauvegardent cette pratique traditionnelle en contexte migratoire et la transmettent aussi à des personnes non forcément issues de la communauté géorgienne. L’attrait des chants polyphoniques amène d’ailleurs certaines personnes, d’Arménie ou de France, à s’intéresser aux danses géorgiennes.

Ajoutons le soutien de l’ambassade de Géorgie en France et du Gouvernement géorgien, qui envisage la création d’un ministère de la Diaspora [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 26:10], et celui de certaines institutions françaises, telles la Mairie de Paris, la Mairie du XVIIIe arrondissement et la Maison des associations du XVIIIe arrondissement [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 04:30]. Les danses géorgiennes en région parisienne connaissent donc actuellement une bonne viabilité.

Les danses folkloriques géorgiennes, de pair avec les chants polyphoniques déjà inclus à l'Inventaire national du patrimoine culturel immatériel en France, constituent aujourd'hui un patrimoine culturel immatériel propre à la région parisienne. La communauté géorgienne représente d’ailleurs un exemple à suivre dans la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, notamment pour les communautés issues des diasporas.

Bien que les danses géorgiennes en Île-de-France jouissent aujourd’hui d’une bonne vitalité, il existe néanmoins des menaces sur cette viabilité, liées en particulier aux difficultés propres au milieu associatif, en termes de stabilité des ressources financières et humaines.

Selon le témoignage de ses responsables, l’association Lazi a le soutien, pas forcément économique, de l’ambassade de Géorgie en France et du ministère géorgien de la Diaspora, et peut louer les salles pour les entraînements à un prix adapté à de petites associations, grâce à l’engagement de la Mairie et de la Maison des Associations du XVIIIe arrondissement. L’association reçoit des dons faits par la propre communauté afin d’assurer ses activités.

Selon ses responsables, l’association Tamarionni ne reçoit aucun soutien pour l’instant, à l’exception de dons. Sergo Kleri, professeur de danse de l’association, a besoin d’un soutien financier et d’une vraie salle de répétition pour pouvoir faire évoluer ses élèves, possiblement dans un lieu bien desservi par les transports, car un nombre important d’élèves d’autres départements viennent expressément un jour par semaine à Villeneuve-Saint-Georges prendre part à l’entraînement [entretien Sergo Kleri de Tamarionni, min 14:40].

Au plan des ressources humaines, les deux associations reposent exclusivement sur le bénévolat. Tous les professeurs enseignent en tant que bénévoles ; aucun n’est contractualisé. Bien que leur engagement soit très fort, il est possible de s’interroger sur l’avenir des danses géorgiennes, si certains de ces professeurs devaient suspendre leur enseignement [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 06:10].

● Modes de sauvegarde et de valorisation

 

Publications imprimées

 

Des brochures ou des documents de présentation des danses sont souvent édités et donnés pendant les spectacles.

 

 

Manifestations

 

Les deux associations de danse géorgienne en Île-de-France organisent un spectacle de fin d’année, pour montrer aux parents des élèves les progrès de leurs enfants [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 03:00].

Ces associations organisent aussi plusieurs spectacles chaque année, à Paris, en France et parfois à l’étranger. Ainsi, l’ensemble Lazi s’est produit à Londres en 2017 [entretien Lali Djashiashvili, Irakli Oboladze et Beqa Noniashvili de Lazi, min. 04:50].

Manifestation majeure par la participation de l’association Lazi, la fête des Vendanges de Montmartre [cfr. la liste de l’Inventaire du PCI de Géorgie (mise à jour en 2017) :

https://heritagesites.ge/uploads/files/599d49e41f7c0.pdf ] permet chaque année de présenter les traditions géorgiennes au vaste public parisien.

Plusieurs spectacles de troupes de danse venant directement de Géorgie se tiennent à Paris, certains d'entre eux organisés en collaboration avec des associations franco-géorgiennes. Ils témoignent ainsi d'un intérêt pour cette pratique d’un public non nécessairement issu de la diaspora géorgienne.

 

 

Vecteurs de communication

 

Aucune des deux associations de danse géorgienne en Île-de-France n’a encore un site Internet, mais elles utilisent les réseaux sociaux, notamment une page Facebook, afin d’informer le public sur leurs actualités.

 

● Inventaires réalisés liés à la pratique

 

En Géorgie, certaines danses (Khorumi, Parikaoba et rondes d’origine pré-chrétienne) ont été incluses à l’Inventaire géorgien du patrimoine culturel immatériel : https://heritagesites.ge/uploads/files/599d49e41f7c0.pdf

 

● Bibliographie sommaire

 

Blasing (U.), Arakelova (V.) et Weinreich (M.), Studies on Iran and The Caucasus: In honour of Garnik Asatrian, Leiden-Boston, Brill, 2015.

Charachidzé (Georges), Prométhee ou le Caucase, Paris, Flammarion, 1988.

Gamqrelidzé (Gela), Researches in Iberia-colchology, Tbilissi, Centre of Archaeology of Georgian National Museum, 2012.

Geliashvili (Ekaterine), Ornamental symbolism in Georgian folk choreography, Tbilissi, Shota Rustaveli Theatre and Film Georgia State University, 2014.

Tatarandzé (Avtandil), Georgian folk dance, Tblissi, The Folklore State Centre of Georgia, 2010.

Todd (O. J.) et Marchant (E. C.), Xenophon, Cambridge, Loeb Classical Library, 1989.

 

 

● Filmographie sommaire

 

Une vidéo-documentaire a été réalisée à l’appui de la présente fiche d’inventaire :

Plateforme Youtube : https://youtu.be/cfRF9QkWca8

Plateforme Dailymotion : https://dai.ly/k5KrPT00DzQnsPsQvxl

 

 

● Sitographie sommaire

 

● Page Facebook du Centre culturel Lazi :

https://www.facebook.com/lazicentre

● Page Facebook de l’association Tamarionni :

https://www.facebook.com/tamarionni/

● Site du Comité pour l'information sur l'Europe de l'Est (Colisee) :

https://www.colisee.org/old/public//rubrique/index/172  [lien direct à la liste des articles sur la Géorgie et sa culture, avec un focus sur la diaspora géorgienne en France ; responsable Miriam Meloua]

● Site d’Othar Pataridze :

http://www.samchoblo.org/  [article illustré du spectacle de danse géorgienne au théâtre des Champs-Elysées, février 1972]

● Chaînes Youtube des plus importants groupes de danses géorgiennes : Ballet national Sukhishvili : https://www.youtube.com/playlist?list=PL6685A319DDB9AD3F

Ensemble Erisioni : https://www.youtube.com/playlist?list=PLB9BC43CAB448CB9B

Ensemble Rustavi : https://www.youtube.com/user/EnsembleRustavi/videos

● Eka Bodokia, directrice du Centre culturel Lazi

● Datchi Chaganava, directeur du Centre culturel Lazi

● Lali Djashiashvili, professeur de danse géorgienne au Centre culturel Lazi

● Père Anton Kandelaki, recteur de la paroisse orthodoxe géorgienne Sainte-Tamar de Villeneuve-Saint-Georges

● Sergo Kleri, professeur de danse de l’association Tamarionni

● Alexis Kobakhidze, architecte et ancien danseur de danses géorgiennes

● Beqa Noniashvili, professeur de danse géorgienne au Centre culturel Lazi

● Irakli Oboladze, professeur de danse géorgienne au Centre culturel Lazi

● Les danseurs des associations Lazi et Tamarionni

● Berdia Tchincharauli et Clémence Bailly, membres de l’association Tamarionni (participation à leur mariage franco-géorgien)

● Anano Nadirashvili, membre de l’association Tamarionni (traduction simultanée de l’entretien de Sergo Kleri)

Tous les praticiens et informateurs qui ont participé à l’enquête ont activement soutenu le projet de patrimonialisation des danses géorgiennes en région parisienne. Nombre de parents d’élèves des deux écoles de danse présentes en Île-de-France (Lazi et Tamarionni) ont été informés de la démarche et ont aussi soutenu le projet. Toutes les personnes qui ont participé à ce projet ont validé les résultats de la recherche et consenti à leur publication.

Rédacteur de la fiche

 

Simone Tortoriello

Sociologue, responsable de la recherche socio-ethnographique de l’association Île du Monde

simone.tortoriello@iledumonde.org / 06.44.98.05.64

 

 

Enquêteur(s), chercheur(s), membre(s) du comité scientifique associé

 

● Frida Calderon, anthropologue, présidente de l’association Île du Monde

● Daniel Ortiz, anthropologue, responsable production audio-visuelle de l’association Île du Monde

● Pepe Pastor, médiateur culturel, association Île du Monde

 

 

Lieux(x) et date/période de l’enquête

 

Paris et région Île-de-France, 2017-2018

 

 

Données d’enregistrement

 

Date de remise de la fiche : 28 janvier 2019

Année d’inclusion à l’inventaire : 2019

N° de la fiche : 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00426

Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2m3

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Danse_traditionnelle_géorgienne

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