Les traditions et savoir-faire des bouquinistes des quais de Paris

Ils font partie depuis longtemps du paysage parisien et défendent encore le livre dans une tradition très différente des libraires proprement dits. 

Complémentaires des libraires d'ancien et de neuf, en boutique ou marché, les bouquinistes des quais de Paris ont développé depuis la fin du XVIe siècle, autour du Pont Neuf et des quais maçonnés des deux rives, un savoir-faire caractérisé par de multiples spécificités : ouverture quotidienne, avec présence soutenue les jours fériés, les fins de semaine et durant les vacances ; accueil de tous, sans limites ni obstacles ; pratique à ciel ouvert, soumise aux aléas climatiques et saisonniers

« Ils font partie depuis longtemps du paysage parisien et défendent encore le livre dans une tradition très différente des libraires proprement dits. »

(extrait de la lettre de soutien de Jean Tulard, de l’Institut, 3 septembre 2018)

Complémentaires des libraires d'ancien et de neuf, en boutique ou marché, les bouquinistes des quais de Paris ont développé depuis la fin du XVIe siècle, autour du Pont Neuf et des quais maçonnés des deux rives, un savoir-faire caractérisé par de multiples spécificités : ouverture quotidienne, avec présence soutenue les jours fériés, les fins de semaine et durant les vacances ; accueil de tous, sans limites ni obstacles ; pratique à ciel ouvert, soumise aux aléas climatiques et saisonniers ; sélection spécifique des livres vendus (ouvrages d'occasion, divers, à des prix à la portée de tous, privilégiant le fond sur la forme, épuisés chez l'éditeur et le libraire en boutique de neuf, mais pas encore assez rares et précieux pour les libraires de bibliophilie) ; absence quasi totale de nouvelles technologies dans la pratique ; expression de personnalités originales, passionnées, libres, hors normes, sans patron ni hiérarchie ; modèle micro-économique sans équivalent. Tous ces éléments incarnent un métier sans équivalent, sorte d'exception culturelle.

Leurs multiples compétences sont soumises, sans barrière sociale ou matérielle, aux requêtes d'une clientèle non moins spécifique, francilienne et internationale, pour laquelle les bouquinistes sont souvent les uniques interlocuteurs parisiens en matière de librairie, sans à priori ni distinctions d'âge, de genre, de culture, de confession, en un vaste espace démocratique d'échanges culturels, implanté sur 4 km de quais, où cette irremplaçable communauté de près de 230 personnalités exerce depuis des siècles.

Alors que les libraires actuels sont plutôt issus des corporations des libraires, éditeurs et imprimeurs, les bouquinistes parisiens sont les héritiers des colporteurs et « estaleurs ». Ils sont partie prenante de l’imaginaire et du paysage parisien : on ne peut concevoir ni imaginer les quais parisiens sans leurs fameuses boîtes vertes et leurs propriétaires.

Les bouquinistes des quais de Paris sont de petits commerçants indépendants, généralement inscrits au régime de l’auto-entreprenariat. Leur activité s'exerce à plein temps, à la fois par la présence sur les quais, mais aussi par la recherche, la sélection et l'acquisition de livres répondant à des critères liés aux demandes de leur clientèle et aux contraintes très particulières de l'exercice d’une activité en plein vent.

Les bouquinistes ne suivent pas les horaires des magasins, mais ouvrent leurs boîtes à leur gré et en fonction de la météorologie. Ils sont leur propre patron. Leurs qualités propres sont la curiosité, la culture, la passion et la patience. À la tête d’une concession sans eau ni électricité, ils sont encore souvent réfractaires à l'informatique et aux nouvelles technologies. Leur métier requiert du goût pour les rapports humains et de l'endurance face aux contraintes saisonnières, climatiques et environnementales (pigeons, chiens, fourmis, guêpes…). Une certaine force physique est préférable pour la manipulation des caisses de livres ainsi qu'une excellente mémoire et de la courtoisie.

Les bouquinistes travaillent, pour la plupart, toujours au même emplacement. Les demandes de mutation sur un autre emplacement, soumises à une commission municipale, sont peu nombreuses. Elles visent parfois un simple rapprochement familial, plus commode pour la surveillance des boîtes, au quotidien, en cas de maladie ou d'absence temporaire.

Grâce à cette implantation en plein air, inhabituelle pour un support délicat (papier), les bouquinistes offrent un accès immédiat à la littérature francophone, en particulier, et à la culture, en général, à des millions de passants, de touristes et de résidents parisiens ou franciliens, qui, en d'autres circonstances et lieux, n'auraient probablement jamais franchi la porte d'une librairie.

Les bouquinistes s’inscrivent dans une communauté qui exerce depuis des siècles sur les parapets des quais parisiens un même métier, requérant des connaissances multiples du fait des demandes de la clientèle. Leurs compétences sont historiques, culturelles et techniques à la fois, et s’ajoutent à des qualités personnelles de curiosité intellectuelle et de goût pour le partage.

Ce cadre d’activité spécifique, en cet espace atypique d'échanges culturels, a façonné un petit métier, où plus de 200 personnalités exercent les mêmes tâches, mais chacune de manière différente, avec un très fort maillage humain. En 2019, 226 bouquinistes sont actifs sur les quais de Paris, pour un total de 237 concessions gérées par la Ville de Paris, autorité régulatrice de la profession.

 

La communauté se répartit entre 78 femmes et 148 hommes, avec un écart qui s’est creusé en un demi-siècle : au 1er janvier 1957, 109 femmes exerçaient pour 129 hommes. Jusqu'au début du XIXe siècle, l'exercice de la profession est très majoritairement masculin. Le terme « bouquiniste », introduit pour la première fois en 1752 dans le Dictionnaire de Trévoux comme substantif masculin, apparaît sous les deux genres dans la 8e édition du dictionnaire de l'Académie française, en 1932. Le nombre de femmes bouquinistes a crû avec les créations de nouvelles autorisations d'exercice du métier, mais l’écart s’est creusé pour plusieurs raisons : les conditions de travail, en particulier les tâches de transport, de stockage et manutention des livres ; la pollution sonore et olfactive, croissante et de moins en moins supportable ; la crise culturelle et l'évolution du marché des livres anciens. Surtout, jusqu'en 1994, un couple de bouquinistes n'avait le droit d'exploiter qu'un unique jeu de boîtes, état de fait qui a entraîné une répartition des rôles : Madame tenait les boîtes et assurait la vente ; Monsieur « chinait » et se chargeait des tâches en amont de la vente.

Les bouquinistes sont issus pour la plupart de la petite ou moyenne bourgeoisie et ont un niveau d'instruction assez élevé, équivalent à un niveau Bac +2, +3 ou plus (thésards, licenciés en lettres classiques ou modernes, prix de Conservatoire, anciens élèves de l'École du Louvre). Il ne s'agit pas, en général, de leur premier métier : beaucoup ont déjà exercé des fonctions, le plus souvent dans le secteur de la culture (enseignement, musique, édition, librairie, journalisme, bibliothèque) ou dans la vente aux enchères auprès de commissaires-priseurs. Les profils atypiques sont plus rares : marinier, militaire, taxi, médecin, cuistot de cuisine scolaire, steward dans l'aviation commerciale, magasinier, barman.

Géographiquement, les bouquinistes résident, pour la plupart, à Paris intra muros ou dans la petite ceinture. Leur durée d'activité est difficile à quantifier et ne répond à aucun standard, car elle dépend de plusieurs critères : l'âge d'entrée en activité, le fait que le métier a correspondu ou non aux attentes du titulaire, sa capacité à se créer une clientèle, la thématique dominante choisie, la bonne gestion des revenus aléatoires. Elle peut donc être très brève ou durer à vie.

La moyenne d'âge des bouquinistes est plutôt élevée, mais avec une répartition par genre un peu plus équilibrée. À part les enfants de bouquinistes, dont la nomination à une concession correspond à l'entrée dans la vie professionnelle, il est très rare que des bouquinistes postulent avant l’âge de 25 ans. Depuis les années 2000, le métier semble moins attractif aux yeux des jeunes générations : en mai 2018, le plus jeune des bouquinistes est âgé de 26 ans et la tranche d'âge des 25-39 ans ne correspond qu'à 20 % environ des bouquinistes actuels. Ce métier de passion résulte le plus souvent d'une reconversion professionnelle, voire de l'accomplissement d'un vieux rêve. Le groupe des 40-65 ans (42 %) est à peine supérieur à celui des plus de 65 ans (38 %). Parvenus à l'âge de la retraite, à 66 ans, les bouquinistes poursuivent en général le métier à un rythme ralenti, afin de maintenir un contact humain et intellectuel.

Du fait de la précarité professionnelle, les couples dont les deux membres exploitent chacun une concession sont entre dix et quinze. Le ou la conjoint(e) du bouquiniste a le plus souvent un travail salarié, qui permet d'assurer une base minimale de revenus avec une meilleure continuité. Le métier de bouquiniste des quais, surtout si le couple a des enfants, ne peut suffire à la subsistance du ménage. Ce métier aux revenus plutôt aléatoires, du fait des conditions météorologiques mais aussi des aléas des événements quotidiens -- événements politiques (élections), manifestations sociales, attaques terroristes contre le siège de Charlie-Hebdo et dans la salle du Bataclan --, est aujourd'hui devenu un peu un luxe.

 

Les bouquinistes sont aujourd’hui, pour près de 200 d’entre eux, adhérents à l’Association culturelle des bouquinistes de Paris (ACBP), fondée en 2009. Seule association de promotion et de valorisation des bouquinistes des quais de Paris aujourd’hui active, elle est l’interlocutrice privilégiée de la Ville de Paris. Son bureau est composé, en 2018, d'un président, Jérôme Callais, d'une trésorière, Sylvie Mathias, et d'un secrétaire, Michel Bouetard. Le bureau est élu pour une période de trois ans à l'occasion d'une assemblée générale extraordinaire. L'association fournit à ses adhérents, en échange de leur cotisation, une couverture d'assurance responsabilité civile. Elle organise des événements, telle la Grande Nuit des bouquinistes à la fin du mois de septembre, et des partenariats avec d'autres événements, tel le Salon du Livre rare au Grand-Palais en avril. Elle a succédé, pour ainsi dire, dix ans plus tard, au Syndicat des Bouquinistes, disparu après plusieurs décennies d'existence. Pour pallier l’absence d'interlocuteur, la Mairie de Paris a suggéré, à la fin des années 2000, la fondation de cette structure associative représentative. L’ACBP fonctionne grâce au bénévolat des membres du bureau et aux cotisations des adhérents. Financièrement autonome aujourd'hui pour les dépenses courantes, elle n'a pas demandé de subventions publiques depuis plus de six années.

L’ACBP interagit régulièrement avec le Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM), le Syndicat national de l’Édition (SNE), la Ville de Paris et les mairies des 1er, 4e, 5e, 6e et 7e arrondissements. Certains bouquinistes, aussi membres de clubs (théâtre, écriture, peinture, dessin) et d'associations caritatives, peuvent valoriser auprès d’eux leurs compétences en matière de préparation de stands de vente de livres.

Lieu(x) de la pratique

 

Les bouquinistes exercent leur pratique à Paris, sur les parapets maçonnés des quais hauts de la Seine des 1er, 4e, 5e, 6e et 7e arrondissements, en bordure des axes rouges de circulation automobile où aucun stationnement n'est autorisé. 80 d’entre eux sont installés rive droite et 146 rive gauche, rive traditionnelle des éditeurs, imprimeurs et libraires, des grandes écoles et des universités. Leurs boîtes, de couleur vert wagon, sont posées à même le parapet, sans être scellées.

 

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

 

Diverses tentatives de reproduction de l’exemple des bouquinistes de Paris ont eu lieu en France dans les trente dernières années. Seuls perdurent, et parfois avec quelques difficultés, des événements proches de marchés hebdomadaires. À Lyon, sur le large quai de la Pêcherie, un marché est ouvert un jour ou deux par semaine et à une échelle infiniment plus réduite, de l’ordre de 20 « casiers » ou boîtes servant à remiser les livres. Ces derniers en sont extraits les jours de tenue du marché pour être proposés sur des tables alignées à proximité de ces coffres. À Melun, le petit pont Jeanne-d'Arc avait été équipé d'une petite dizaine de boîtes de bouquinistes ; abandonnées il y a plus de quinze ans, elles ont été remises en état et fonctionnent sur le modèle parisien, tenues par un bouquiniste local, Gérard Millet. À Marseille se tient, du mardi au samedi, de 8 h 30 à 18 h30, le marché des Bouquinistes. À Paris, le marché Brancion, en activité depuis une trentaine d'années sous une halle Baltard, réunit jusqu'à 50 libraires, venus pour la majorité de province et de Belgique, qui proposent chaque week-end une marchandise comparable à celle que l'on trouve sur les quais, les souvenirs en moins, les séries et les forts volumes en plus ; ce marché constitue un excellent vivier à bouquinistes : plusieurs anciens du marché Brancion ont demandé et obtenu une concession sur les quais de la Seine.

A l'étranger existent quelques marchés de livres anciens et d'occasion. À Tokyo (Japon), le « quartier des bouquinistes », Jimbôchô, est constitué d'immeubles dont le rez-de-chaussée abrite de petites boutiques de librairies d'occasion, débordant largement sur la voie publique. Au Canada, les villes d'Ottawa et de Montréal (Vieux-Port) ont cherché, en 1992, à reproduire, à échelle plus modeste, les bouquinistes de Paris, mais l'initiative a sombré financièrement (2008) et seules subsistent quelques librairies d'occasion de l'allée des Bouquinistes à Montréal, ouvertes du vendredi au dimanche. La ville de Rome propose, largo della Fontanella Borghese, un petit marché de livres anciens et de gravures (mercato delle Stampe), tenu par une quinzaine de marchands sur des étals mobiles du lundi au samedi. Il en est de même à Milan (piazza dei Mercanti) ou à Lucques (piazzetta del Libro). Le marché du livre d'occasion de Madrid (Cuesta De Mayo) existe depuis 1925 et ouvre ponctuellement. À Pékin, dans la section Livres d'occasion, des livres et des reliques de la révolution culturelle sont déballés à même le sol dans une longue artère du marché aux puces de Beijing (2006).

Les compétences des bouquinistes sont à la fois historiques et culturelles, dans la sélection des ouvrages ou des œuvres graphiques proposées, et techniques, dans le collationnement, la remise en état des livres et leurs modes d'approvisionnement, d'étalage et de vente. L’ouverture de leurs boîtes sur les quais anime, tous les jours du 1er janvier au 31 décembre, au fil des saisons, un espace restreint durement soumis aux aléas climatiques, avec un flux de visiteurs exceptionnel.

Attentifs à la présentation des livres, ils fonctionnent selon un modèle unique tout à la fois par sa taille, son antériorité, son ancienneté, par le nombre et la diversité de ses acteurs, par la quantité, la qualité et la variété des ouvrages proposés, et par une ouverture du 1er janvier au 31 décembre, souvent la journée entière, hiver comme été au bord du fleuve.

 

 

Pratiques culturelles et savoir-faire techniques des bouquinistes Savoir « chiner »

 

Exercer comme bouquiniste, c'est avant tout savoir constituer son stock : la pérennité du métier tient à la sûreté du choix en amont. Les bouquinistes fréquentent les foires, salons, déballages et vide-greniers, où ils apprennent beaucoup, tant des personnalités rencontrées que des marchandises et des objets, et doivent savoir se décider très vite. Les achats en salle des ventes sont encore plus rapides et n’offrent qu’une seule chance. Dans le cas de l'achat à domicile chez le particulier, le bouquiniste se déplace pour quelques livres ou pour des lots, à la suite d’une succession, d’un partage, d’un rangement ou d’un déménagement, et le contact avec le vendeur est souvent bénéfique. Les courtiers, eux, proposent des livres spécialement sélectionnés à l’intention des bouquinistes, connaissant leurs thématiques et leurs pratiques. Plus onéreux, ils font épargner une partie du travail de recherche et livrent à domicile. Les expertises, prisées ou estimations en vue de partage ou de cession sont réservées en général à un groupe très réduit de bouquinistes, reconnus pour leurs compétences par l'ensemble de la profession et par beaucoup de clients.

Dans l’univers du commerce de livres d'occasion, le bouquiniste évolue en fonction de sa culture, de ses compétences, de son espace restreint de vente et de sa capacité de stockage. Il doit opérer une sélection par rapport aux sujets qu'il souhaite proposer dans ses boîtes, à la qualité des ouvrages ou œuvres graphiques rencontrés et à leur teneur ou contenu (éditions, tirages, spécificité des exemplaires, rareté…). Il est plus particulièrement compétent sur les sujets qu’il apprécie. Les boîtes étant de capacité réduite, il privilégie souvent les thématiques que sa passion lui permet de maîtriser et dont il saura le mieux parler. La tradition de vente de livres « interdits » sur les quais a disparu avec l'arrivée d'internet, où tous ces ouvrages peuvent se trouver.

 

 

Les pratiques en amont de la vente

 

Après l’acquisition, les premières étapes consistent dans le transport, le collationnement, la préparation matérielle et la remise en état (nettoyage, réparation, ré-emboîtage, reliure, protection) des ouvrages pour les quais.

Une fois les boîtes ouvertes, le plus important est ensuite l'étalage. De la qualité de la présentation et du choix d'ouvrages présentés en façade dépendront les ventes. Il faut réussir, par ce choix, à capter l'attention du passant et l’intérêt du chaland et donner un aperçu du contenu des boîtes. Réussir une présentation efficace, sorte de synthèse des compétences du bouquiniste, pour le plaisir de clients qui ne passeront peut-être plus jamais, s'ils ont été déçus par leur première visite en bords de Seine, est capital. L'ouverture et l'étalage achevés, commence l’attente du client, occupée par une multitude de tâches : réparer, emballer des livres pour les protéger des gestes brusques ou de la maladresse de certains passants, des intempéries ou de la pollution des axes rouges, où la circulation automobile très forte engendre une fine poussière noire tenace ; papoter avec les voisins ou avec les passants ; jouer le rôle de cicerone pour renseigner les touristes égarés ; et surtout lire les catalogues de confrères, ceux de ventes aux enchères à venir, qui permettent d'améliorer les compétences, mais aussi plus prosaïquement le journal ou un bon livre.

Les horaires d'ouverture des boîtes sont à peu près les mêmes sur tous les quais : généralement l’après-midi, de 14 h à 19 h, en semaine, du 1er janvier au 31 décembre, et de 11 h à 20 h les samedis, dimanches et jours fériés. L'ouverture a lieu entre la fin de la matinée et le début de l'après-midi, la matinée étant le plus souvent consacrée à la recherche de la marchandise, aux rendez-vous à domicile chez les particuliers pour acheter, à la visite des expositions préalables aux ventes aux enchères de l'après-midi ou simplement au classement et à la préparation des livres pour approvisionner les boîtes. Ouvrir en début d'après-midi permet un vrai déjeuner, mais fait rater les clients du midi, qui viennent faire leur promenade digestive sur les quais.

 

 

Les savoirs sur le livre

 

L'acquisition de savoirs spécifiques aux ouvrages de petite bibliophilie ou de connaissances culturelles propres au marché des bouquinistes des bords de Seine est un apprentissage permanent et infini. Ils permettent de reconnaître les époques, les techniques d’impression et les papiers, d'identifier les reliures, les techniques d’illustrations (gravure, typographie, photographie), les formats et les éditions. Les bases s'acquièrent après des années de lectures, de discussions, d’échanges, de prises en main et de comparaison d’ouvrages. Le commerce d’estampes repose, lui aussi, sur la maîtrise de ces différentes techniques et des supports, tout comme celui des autographes, des photographies, des cartes postales et des journaux. Le bouquiniste apprend ainsi à distinguer les originaux, les fac-similés voire les faux, parfois fort bien faits. Le métier de bouquiniste s’apprend jusqu'à la fin.

Ces libraires qui « lisent », sans être accaparés par les nouveautés du livre, se constituent, au fil du temps, de leurs passions, de leurs recherches et de leurs lectures, en véritables puits de science dans les domaines les plus variés et en spécialistes référents de tel écrivain, de tel artiste ou de tel sujet : c’est le cas de Jean-Paul G., quai de Conti, pour le mouvement lettriste ; de Bernard T., quai de la Tournelle, pour le roman policier ; de Stéphane R., quai des Grands-Augustins, pour la bande dessinée ; de Jérôme C., quai de Conti, pour les arts du livre… En conséquence, nombreux sont ceux qui ont spécialisé le contenu de leurs boîtes, devenues lieux de référence dans le monde de la bibliophilie et de la collection (romans policiers, bandes dessinées, science-fiction, sciences humaines, histoire, voyages, littérature, beaux-arts...).

Dans cette sorte de grande vitrine, entièrement à la vue des passants, se reflète en quelque sorte l'âme des bouquinistes. Le contenu de la boîte, sorte de miroir des goûts et des connaissances de chaque bouquiniste, laisse deviner une bonne part de sa personnalité : « Dis-moi ce que tu vends, je te dirai qui tu es ! ». L’extrême diversité des membres de la communauté constitue un attrait et une force, sorte de « dernier carré » public de la mémoire vivante du livre. Cette polyvalence unique, par la variété et l'étendue des sujets traités, fait du résultat de leurs

pratiques un trésor de mémoire, irremplaçable en ce début du XXIe siècle, avec une réelle capacité à stimuler et à relancer l’engouement pour des auteurs ou des éditions oubliées. Leur structure légère les aide à être plus réactifs aux demandes des clients.

 

 

L’adaptation à une clientèle spécifique

 

Dans la boîte d’un bouquiniste, le chaland trouve tous types d'ouvrages sur les sujets les plus variés et à des prix accessibles. Au fil des années et de l’expérience accumulée, un bon bouquiniste sait comment trouver, choisir, acheter, estimer au juste prix les livres pour alimenter son étal. Les critères permettant d'effectuer une bonne prisée, qui ne lèse ni le vendeur ni l'acheteur, sont complexes et s’appliquent au cas par cas. Du fait de leur clientèle les bouquinistes ont développé des compétences et une offre de marchandise qui leur est spécifique.

La clientèle des quais de Seine présente plusieurs traits caractéristiques. L’aspect financier est le premier point. Beaucoup des achats effectués sur les quais sont conditionnés par le sentiment de faire une bonne affaire. Le prix ne doit pas être élevé. La majorité des transactions s’élève à une dizaine d'euros maximum et la clientèle des quais accepte rarement d'y payer, pour un même ouvrage, plus de la moitié du prix affiché en boutique.

Bien déterminer le prix de vente est donc essentiel pour vendre un ouvrage rapidement. Le bouquiniste doit bien connaître ses livres et leur contenu pour convaincre et appliquer des prix attractifs et justifiés. Il ne bénéficie pas du système des « retours », propres au libraire de neuf, et n'est pas démarché par les représentants des diffuseurs des maisons d'édition. Il ne dispose pas de résumés du contenu des ouvrages non plus. Le bouquiniste achète tel ouvrage parce que c'est un classique, parce qu'il l'a lu et apprécié et a envie de le faire découvrir, parce qu'on le lui a demandé ou encore parce que l’un de ses clients réguliers recherche des ouvrages sur ce thème.

Le choix des thèmes et des auteurs, en fonction de la clientèle que l'on souhaite toucher, est la seconde dimension. Les grands classiques, tels que L'Étranger ou Le Petit Prince, les clients étrangers de passage veulent les acheter chez un vrai bouquiniste parisien. Des étrangers francophiles souhaitent rapporter à un proche qui fait des études de français un classique acquis sur les quais, tel Cyrano de Bergerac. Un chercheur universitaire recherche les raretés ou tous les ouvrages en lien avec ses travaux. Des collectionneurs, petits ou grands, français ou étrangers, recherchent aussi tout sur un thème et passent régulièrement. La fréquence des visites de ces clients, de différents profils, varie selon leur disponibilité et leur lieu de résidence. Un expatrié passera une fois par an et un Parisien, deux fois par semaine.

Dans leur sélection, les bouquinistes privilégient le fond à la forme, c'est à dire surtout des livres de petite valeur, plutôt brochés que reliés, afin de rester à la portée de toutes les bourses. Cette orientation favorise l'achat d'impulsion. Les ouvrages de grand format ou de série, en de nombreux volumes, sont d’ailleurs rares dans les boîtes, à la différence des boutiques des libraires ou des étals du parc Georges-Brassens. Poids et coût sont des freins majeurs à la vente pour la clientèle des quais. Elle vient là pour se promener et se laisser tenter dans les mesures du raisonnable, ou elle est en transit entre deux avions avec des bagages limités, ou elle a le souci, au terme des vacances, de pas surcharger les valises avec un excédent de poids.

 

 

L’encadrement des pratiques

 

Le bouquiniste des quais de Seine doit être inscrit au registre du commerce et s’acquitter d’une taxe professionnelle et de charges sociales en rapport avec son activité, mais il ne paie pas de loyer pour sa concession, du moins pas en numéraire. Cette composante, essentielle à l'activité du bouquiniste, lui permet de céder ses livres à des prix généralement moins élevés que ceux des confrères en boutique et de se contenter d’un chiffre d'affaires modeste, selon un modèle micro-économique unique. Pour la Ville de Paris, en effet, le métier de bouquiniste n’est pas une profession lucrative, mais un métier de passion. L'animation des quais par la communauté et les renseignements fournis par ses membres aux nombreux touristes sont les retours attendus de cette activité si originale.

Les boîtes et leur contenu appartiennent aux bouquinistes, qui ne peuvent en revendre ni le bail (annuel, précaire et révocable), ni l’emplacement, propriété de la Ville de Paris. En 2018, la longueur de parapet concédée à chaque bouquiniste est de 8,60 m, alors qu’elle était, jusqu’au 27 janvier 1943, de 10 m. Le bouquiniste est à la tête d’un petit magasin synthétique de 6,83 m² de superficie maximale.

Le dernier règlement professionnel, en date du 1er février 2011, encadre les bouquinistes sur la forme plus que sur le fond. Il édicte la disposition des marchandises et les quotas autorisés, avec une large prédominance pour le livre et les documents imprimés ou autographes, ce qui laisse donc ouvert un champ d'action quasiment illimité. En matière de livres d'occasion, la standardisation cède la place à la complémentarité entre bouquinistes : la plupart des bouquinistes ont une spécialité plus ou moins développée au sein de leurs boîtes. Chaque quai forme ainsi un microcosme, où chaque bouquiniste est complémentaire des autres. La créativité et les innovations représentent le sel du métier, lorsqu’elles peuvent se maintenir dans le temps et résister à l'imitation.

 

 

La spécificité des bouquinistes de Paris au sein des métiers de la librairie

 

Le travail en plein air, sur les quais

 

Le métier est pratiqué à plein temps : la partie la moins visible est constituée par la recherche, la sélection et l'acquisition des livres pour les boîtes ; la partie visible est la présence en plein vent, sur les quais. La caractéristique des pratiques des bouquinistes est de travailler en plein air. Les sens toujours en alerte et vers l'horizon, ils ont développé, vis-à-vis des conditions climatiques, un instinct proche de celui de l'agriculteur : ils surveillent le sens du vent et la direction des masses nuageuses, pour anticiper la pluie, ou bien savent si, malgré les nuages, la pluie ne viendra pas, sans risque pour les livres. L’expression « en jachère », empruntée aux activités agricoles, est même utilisée pour désigner les concessions libérées par démission, départ en retraite ou décès, dans l’attente de la prochaine commission de nomination.

Déambuler sur les quais du cœur de Paris est, pour la clientèle des bouquinistes, une occasion unique de découvrir un univers parfois inconnu, souvent oublié ou ignoré, et des horizons inattendus au contact de ces librairies à ciel ouvert. Pour beaucoup de clients franciliens, du fait de cette facilité d’accès, les bouquinistes ont été le premier contact avec le livre et la culture, le plus souvent à travers les promenades familiales le dimanche. L'achat d'impulsion est l'une des caractéristiques de cette clientèle passée par là au sortir du bureau, d'un musée ou d’un café… Les compétences requises, en conséquence, des libraires des trottoirs des quais, sont tout à fait spécifiques et doivent compter avec l’immense flux touristique des bords de Seine.

Les bouquinistes perpétuent une forme de librairie très différente de celles en boutique, du fait de cette situation géographique qui leur est propre et qui influe sur leurs pratiques (sélection des ouvrages, fixation du prix, modes de vente), en plein air, sur les quais hauts des rives de la Seine et à la croisée des chemins menant aux principaux monuments et musées parisiens. Les dimensions règlementées des boîtes limitent le nombre d'ouvrages que chaque bouquiniste peut proposer sur le quai à 2000 unités au maximum. Pour atteindre ce chiffre, les livres proposés doivent être de petit format. La sélection proposée tient compte également des risques non négligeables de l'exercice de l'activité face aux intempéries. On n'expose pas des ouvrages précieux aux rayons destructeurs du soleil ni aux giboulées et aux orages.

 

 

La complémentarité des métiers

 

Les quais sont des lieux d'initiation aisée à la culture et à la bibliophilie et propices tout à la fois à l'évasion et aux rencontres. Les plus grands collectionneurs y ont fait leurs premières armes en matière de bibliophilie et ont construit leur première bibliothèque à l'école des bouquinistes, avant de poursuivre leurs recherches chez les libraires en boutique d'ancien. Les boutiques des libraires de neuf et d’ancien proposent des ouvrages précieux et de haute bibliophilie ou pour une clientèle plus fortunée, reflétant une autre culture et une éducation, des valeurs et des critères différents. En offrant, dans un contexte qui n'existe nulle part ailleurs, des ouvrages strictement d'occasion, les bouquinistes complètent utilement les autres types de librairies.

Les bouquinistes occupent un créneau unique et complémentaire dans le paysage de la librairie, car leur monde est fondamentalement différent et séparé depuis toujours de la librairie d'ancien dite aussi de bibliophilie. Les deux univers se côtoient, mais ne se sont jamais vraiment rencontrés et sont, dans le monde actuel, plus que jamais, complémentaires. Présents dans toutes les villes du monde d'une certaine importance, les libraires d’ancien se sont organisés en réseau à travers la Ligue internationale de la Librairie ancienne (LILA) et communiquent et échangent entre eux, tandis que les bouquinistes ne disposent pas de réseau spécialisé et échangent uniquement, pour certains, avec la Piazzetta del libro de Lucques, faute de partenaires équivalents.

Les bouquinistes qui ont un jour abandonné les quais pour prendre une boutique sont l'exception à la règle (1 ou 2 %), reflet de cette différence de milieux et de compétences. Il est rare aussi que le bouquiniste, lorsqu’il a mis la main sur une belle pièce, la courte auprès d'un libraire d'ancien, pour la vendre mieux et plus vite qu'il ne pourrait dans ses boîtes. Le plus souvent, il préférera faire plaisir à un habitué de ses boîtes.

Les micro-librairies des bouquinistes des quais constituent, par le choix d'ouvrages proposés (en règle générale, des ouvrages imprimés entre 1850 et le début du XXIe siècle et de petite valeur, pour la plupart brochés mais aussi parfois reliés), le chaînon indispensable et complémentaire entre la librairie de neuf et celle de bibliophilie. Les ouvrages qu'ils y présentent sont pour leur majorité indisponibles chez les éditeurs ; ils ne se trouvent donc plus dans les librairies de neuf. Ne présentant pas encore de valeur bibliophilique importante, ils ne sont pas encore proposés dans les librairies de livres anciens.

La variété quasi encyclopédique des sujets proposés se prête aux trouvailles les plus incroyables et en font une librairie sans équivalent. Sur les quais, on ne sait jamais ce que l'on va trouver, même chez les bouquinistes spécialisés. On en revient souvent avec tout autre chose que ce pour quoi on y était allé. La dimension de la « librairie », constituée par cet ensemble de micro-librairies, peut donner le tournis, mais aussi générer de vraies découvertes, tant la pratique est riche et variée.

Du fait du budget que s'autorisent les clients réguliers, dépassant exceptionnellement quelques dizaines d'euros, une petite bibliophilie propre aux bouquinistes s'est développée. Leur clientèle, majoritairement peu fortunée, privilégie le fond à la forme. La très grande majorité préfère s'offrir plusieurs ouvrages en éditions courantes brochées qu'un seul en original, relié, voire illustré et/ou dédicacé. Nombre de clients aux moyens limités y trouvent régulièrement leur bonheur à des prix sans comparaison avec ceux des boutiques spécialisées et peuvent ici s'offrir deux voire trois ou quatre ouvrages pour le prix d'un seul en boutique. Dans un futur assez proche, sans doute, les dernières librairies de livres d'occasion à Paris se répartiront en deux catégories : en boutique, les librairies d'ouvrages anciens de haute bibliophilie, réservés à des clients plus fortunés, et, sur les quais de la Seine, les bouquinistes avec les ouvrages épuisés et de petite bibliophilie.

Par ailleurs, si la haute bibliophilie compte depuis toujours beaucoup plus de collectionneurs amateurs masculins, la clientèle spécifique aux bouquinistes est au moins autant féminine que masculine.

En raison de leur nombre (près de 230) en un même espace, enfin, les bouquinistes des quais de Paris n'ont pas d’équivalent : les autres formules s’apparentent à des marchés ouverts ponctuellement, au mieux en plein air, avec un nombre d'acteurs limité à quelques dizaines. Les grandes capitales offrent toutes des libraires en boutique, mais aucune, des bouquinistes exerçant le métier à la manière et dans les conditions de ceux de Paris. Il s’agit là de la plus grande librairie à ciel ouvert au monde : à elles toutes, les boîtes parisiennes offrent environ 300 000 livres proposés en plein air à la vente, tous les jours de l’année, sauf grosses intempéries (pluie, neige, tempête, verglas). La différence avec les autres marchés de livres d'occasion et d'estampes tient aussi à la diversité de l'offre, à la complémentarité et à l'importance quantitative des bouquinistes parisiens. Si deux ou trois stands peuvent laisser indifférents, la répétition des boîtes (il y en a près de mille), toutes différentes par leur contenu et par la personnalité de leur propriétaire, trait caractéristique de ces libraires pas comme les autres, finit toujours par interpeller les passants, éveiller leur curiosité et susciter questions, recherches et, parfois, acquisitions.

 

 

La signification culturelle des pratiques des bouquinistes

 

Un métier du lien social et de la convivialité

 

Du fait de leur localisation géographique, au cœur de la cité, à la croisée des voies de communication entre les principaux monuments et musées de Paris, les bouquinistes sont amenés à rencontrer et à parler avec les gens les plus divers. Le libre accès à leurs boîtes, sans contrainte, rend l'exercice de ce métier extrêmement populaire. Dans leurs pratiques quotidiennes, aucune considération d'ordre social, géographique, culturel ou confessionnel n’entre en ligne de compte. Le bouquiniste commerce toutes et tous, célèbres ou inconnus.

Tout bouquiniste reconnaît qu'il tient une très grande part de ses connaissances de ses clients. L'échange, le partage et la transmission des savoirs entre clients et bouquinistes est l’une des valeurs ajoutées les plus importantes du métier. L'interaction existe depuis toujours entre les bouquinistes et leurs interlocuteurs, encouragée par l’accessibilité de l’activité. Fréquenter les bouquinistes des quais, c'est aussi rechercher des surprises, de l'inattendu, des rencontres et, pour beaucoup, la belle affaire, la perle rare qui aura échappé à l'œil pourtant vigilant du libraire et aux autres chineurs…

À disposition de tous et aux savoirs encyclopédiques, ces libraires forment, toutes compétences réunies, un ensemble vivant, dont les connaissances se sont bâties au fil de l’étude et de l’expérience. Leur statut d’indépendant leur permet, plus qu'à tout autre libraire, de prendre le temps d'assouvir leur curiosité, ce qui peut donner lieu à d'étonnants échanges, proches du cours magistral, sur les trottoirs des quais.

Le contexte même ne permet pas de concevoir leurs pratiques sans la tradition de convivialité développée avec les habitants du quartier. Les riverains, tout particulièrement, jettent un œil aux boîtes en l’absence du bouquiniste et l'assistent en cas de problème. De petits services se rendent mutuellement entre voisins, bouquinistes ou pas. La première Grande Nuit des bouquinistes, le 30 septembre 2017, symbolise cet état d’esprit : les bouquinistes se sont retrouvés avec beaucoup de clients et de nombreux riverains, conviés à l'événement autour de buffets et de pots de l'amitié. Un habitué des quais depuis le début des années 1960 remarquait que l'on vieillissait relativement bien dans ce métier.

Tout autour des bouquinistes s'est établie une complicité, des amitiés avec les riverains, un authentique tissu humain, qui confère, depuis des siècles, ce caractère si particulier aux quais de Paris et à la communauté qui s'y perpétue. Au début de l’exercice de ce métier, le bouquiniste ne se rend pas toujours compte immédiatement de ce qu'il est, de ses vraies dimensions et du fait qu’il ne pourra plus s'en passer, même si le gain serait sans doute supérieur ailleurs. Le contexte humain est un élément primordial de l'activité. Il existe une vraie solidarité entre les riverains et les bouquinistes. Des petits services se rendent mutuellement, comme un café ou une tasse de thé en hiver, apportée aux boîtes pour réchauffer le bouquiniste gelé, ou un abri, quand ce dernier, trempé jusqu’aux os, s'est fait surprendre par un orage subit. On s'échange les nouvelles du quartier ou de la famille.

La communauté organise enfin plusieurs moments de convivialité et événements festifs dans l'année. La Grande Nuit des bouquinistes, le Salon du Livre rare au Grand-Palais, le festival Quartier du Livre, la réunion plénière de la Mairie, l'assemblée générale de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris, la diffusion de tot-bags promotionnels sont autant d'occasions de se retrouver et d'échanger pour des bouquinistes, dont l'éloignement géographique des concessions ne leur permet pas de se voir si fréquemment. Pour la quasi-totalité des bouquinistes, la reconversion professionnelle résulte du choix de n’avoir plus ni hiérarchie, ni patron, ni cadre imposé : la « sacro-sainte » indépendance est sans doute l'une des principales raisons de demeurer bouquiniste. Mais le respect est réel pour les compétences comme pour l'ancienneté et la solidarité n'a jamais fait défaut. La surveillance mutuelle des boîtes entre voisins, en cas d'absence, est monnaie courante. Les échanges entre collègues des quais portent sur les conditions météorologiques, les vols, les dégradations ; on recommande aussi à un client tel collègue susceptible d'avoir l'ouvrage recherché ; les adresses de clients, d’acheteurs ou de vendeurs circulent entre bouquinistes.

 

 

Un emblème patrimonial

 

Dans l'esprit de beaucoup, les bouquinistes relèvent du champ du patrimoine, en raison du caractère unique de la communauté et de son intérêt culturel. Le métier des bouquinistes fait rêver à la fois les clients récurrents et les touristes. La pérennité et la continuité de cette activité, composée de multiples situations et personnalités mises en scène autour du fleuve, ont fait, sans banalisation, de cette promenade-flânerie unique, ainsi rendue possible sur plusieurs kilomètres, une pratique des visiteurs de la capitale, qu’il s’agisse de Parisiens et de Franciliens au cours d’une promenade familiale dominicale ou de touristes de France ou d’ailleurs.

Les bouquinistes représentent le dernier petit métier de rue parisien exercé en plein air et encore en activité, qui évoque les nombreux métiers au Moyen Âge. Le pittoresque de chaque étalage, échappant le plus souvent aux codes de la modernité, concourt à l'attachement très fort qu'ont pour eux les Franciliens et plus particulièrement les Parisiens. Pour qui remonte les quais, à la différence de libraires dont il faut pousser la porte, les bouquinistes sont placés au cœur de la promenade, comme un patrimoine collectif incontournable et comme l’âme de Paris. Les flâneurs déambulent d’une boîte à l’autre, elles-mêmes enchâssées dans l'écrin exceptionnel que constituent les trésors architecturaux et historiques édifiés sur les rives du fleuve. Membres de ce paysage culturel, les bouquinistes sont l’un des symboles de Paris.

Le cœur de l'activité, le livre, relève aussi, par essence, du champ patrimonial. Par leur activité, les bouquinistes contribuent à la diffusion et à la remise en circulation du patrimoine écrit, et le pérennisent.

 

 

Une source d’expression artistique

 

L’activité des bouquinistes est devenue au fil du temps, et principalement depuis le XIXe siècle, une source d’inspiration pour de multiples expressions artistiques.

Outre les écrivains (cfr. III.2. infra), de nombreux peintres sont de tous temps venus et viennent encore, toujours séduits par ce sujet si parisien, poser leur chevalet devant les bouquinistes, pour les transcrire sur la toile, tel Bernard Boutet de Montvel dans les années 1930 (collections du musée Carnavalet). La bande dessinée (Varenne, Vicomte, Tardi…) les a intégrés, comme décor d'actions ou pour eux-mêmes, tel l'album récent de Desert et Fab, Les Parisiens (planche p. 14), qui raille le baratin de certains, de même que le dessin animé, à l’instar d’Avril ou Le monde truqué de Tardi, dont une scène illustre l’achat de livres de chimie chez un bouquiniste. Quant à la gravure, la prochaine exposition du stand de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris, au Salon du Livre rare (avril 2019), sur le thème « Les bouquinistes dans la gravure contemporaine », montrera l'intérêt de cet art pour cette communauté.

La photographie et le cinéma ont depuis longtemps représenté les boîtes des bouquinistes. Des milliers de photographies sont prises chaque jour par les touristes ; de nombreux jeunes mariés, en particulier d’origine asiatique, se font photographier devant les boîtes des bouquinistes. Outre ces nombreux touristes anonymes, les artistes photographes sont innombrables à s’être essayés au sujet depuis les débuts du procédé : A. Monnier, Brassaï, Eugène Atget, Doisneau, Charles Marville, Gustave Le Gray, Willy Ronis, Jeanine Niepce, Denise Bellon, les Seeberger, Pierre Jahan, Gilbert Rosati, Étienne de Champeaux, Izis, Manuel Cerf, Jean Roubier, André Zucca, René Jacques et bien d'autres ont immortalisé la communauté. Les prises de vue à caractère publicitaire, pour illustrer un article ou simplement comme toile de fond à l'entretien filmé d'une personnalité, sont également fréquentes. Les bouquinistes sont présents au cinéma, comme dans l’œuvre de Robert Guédiguian, Le promeneur du Champ de Mars (2004), mettant en scène François Mitterrand visitant des bouquinistes, dans Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir (1932), dans François Ier de Christian Jaque (1937) avec Fernandel…

La composition musicale peut aussi être citée, à l’exemple de la pièce Les bouquinistes du quai Malaquais du pianiste Martinu Bohuslav (Intégrale de l’œuvre pour piano solo, Adda, 1990), de la partition intitulée Le bouquiniste de Francine Cokenpot (recueil Chansons d’une vie, Seuil, 1992) et de la chanson interprétée par Janine Crenet de l’album des Refrains de Paris, dont la pochette fut dessinée par Jean Effel.

Enfin, la mode même n’est pas insensible au thème culturel des bouquinistes des quais de Paris : ils ont inspiré le dernier défilé conçu par Karl Lagerfeld pour la collection haute couture Chanel, le 3 juillet 2018, sous la coupole du Grand-Palais ; le décor reconstituait un quai parisien avec son parapet chevauché par de nombreuses boîtes de bouquinistes et, en arrière-plan, l'Institut de France et la coupole de l'Académie française.

Le français est la langue plus pratiquée.

Dans la pratique, en raison des nombreux touristes étrangers, chaque bouquiniste pratique les acquis linguistiques de son cursus scolaire et universitaire, en particulier l’anglais.

À la différence du typographe, dont la pratique a engendré un véritable argot, le langage et le vocabulaire des bouquinistes des quais se limitent à quelques mots spécifiques. Les « boîtes » qualifient les grands coffres, au nombre de quatre ou cinq en général par « concession », peintes obligatoirement en « vert wagon » et exploitées par le « titulaire », c'est-à-dire le « bouquiniste », ou par son remplaçant, appelé « ouvre-boîte ». Elles peuvent être pourvues d’« auvents » pour protéger les ouvrages en cas d’intempéries, même s'ils sont déjà emballés dans de la « cello » (abréviation de cellophane, feuille plastique), et sont équipées, en partie inférieure, de « coffres ». Les « bouquins » peuvent être qualifiés de « méduses », lorsqu’ils collent aux « boîtes », car personne ne semble vouloir en faire l'acquisition. On emploie aussi le mot « enclume » dans un sens assez proche, pour un volume de vente difficile, plutôt gros et lourd. La « tannerie » qualifie une bibliothèque dont la majorité des ouvrages sont reliés en cuir. Faire une « toile » se dit d’un lot de livres que l'on vient d'acquérir et que l'on emporte sur son dos, placés dans un carré de tissu, dont on a noué ensemble les quatre coins, et disposés de manière à ne pas les abîmer.

D'autres termes propres aux métiers de l'antiquité et de la brocante sont aussi couramment utilisés, tels « drouille » ou « came », pour évoquer la marchandise ; « dérouiller », lorsque l’on vient de faire enfin une première vente ; faire un « chopin » ou un « coup », lorsque l’on vient de dénicher une merveille sans prix pour une bouchée de pain. « Chiner » signifie trouver, dénicher ; une bonne « chine » est une bonne trouvaille voire plusieurs. Un « merle blanc » ou un « mouton à cinq pattes » désigne une rareté chez les bouquinistes, un livre très difficile à trouver ; un « pavé » évoque un livre lourd et volumineux.

Patrimoine bâti

L’environnement direct des bouquinistes est constitué par les parapets maçonnés des quais hauts de la Seine, dans les 1er, 4e, 5e, 6e et 7e arrondissements de Paris. Les emplacements sont attribués par la Ville après avis consultatif d‘un comité de sélection comprenant onze personnalités qualifiées : quatre élus du Conseil de Paris, trois bouquinistes volontaires non concernés par les demandes d’attribution d’emplacement (à titre personnel ou en raison d’un lien de parenté avec les candidats), deux représentants du monde des entreprises et deux représentants du monde des livres. Cette commission se réunit environ une fois par an en vue de la réattribution des emplacements vacants et formule un avis consultatif au regard des dossiers de candidatures reçues.

 

Objets, outils, matériaux supports

Les boîtes des bouquinistes contiennent principalement des livres d’occasion ou anciens, des estampes et parfois de la petite brocante, une autre tradition des quais. Près de mille boîtes sont posées sur les parapets des quais hauts surplombant les berges de la Seine, qui s’échelonnent sur environ 4 km de quais, pour un tiers sur la rive droite et pour les deux autres tiers sur la rive gauche.

En bois, souvent habillée de métal, chaque boîte est obligatoirement peinte de la couleur imposée par le règlement des bouquinistes des quais de la Seine depuis le début du XXe siècle : le « vert wagon », qui évoque aussi les fontaines Wallace, les colonnes Morris et autres mobiliers urbains de la capitale. Leurs dimensions sont standard : 2 m de longueur maximum et 75 cm de profondeur. Fermées, elles ne doivent pas dépasser, côté fleuve, 60 cm de hauteur et, côté quai, 35 cm. Quand elles sont ouvertes, la ligne d’horizon formée par le bord des couvercles ne doit pas excéder 2,10 m au-dessus du sol. Chaque boîte renferme de 400 à 500 volumes, aux thématiques les plus diverses. Des coffres de rangement, de même conception, peuvent être ajoutés sous les boîtes. Les couvercles sont prolongés par des auvents protégeant des intempéries. Les boîtes sont la propriété du concessionnaire, qui doit veiller à leur bon entretien. Boîtes et coffres ne doivent pas être scellés et leur installation ne doit causer aucune détérioration aux parapets chevauchés.

L'apprentissage in situ, sur les quais

 

On ne devient pas vraiment bouquiniste du jour au lendemain ni totalement par hasard. Le plus souvent, on a grandi au milieu des livres ou à leur proximité et on a toujours eu une franche inclination pour la lecture. La formation de bouquiniste n'est pas comparable à celle de libraire en boutique, de neuf ou d'ancien. Les différences sont fondamentales. L'un travaille les week-ends, les jours fériés, les vacances, parfois très tard le soir, toute l'année à ciel ouvert, exposé aux intempéries, à la pollution automobile, au froid l'hiver et au chaud l'été. L'autre exerce à des horaires réguliers, à une température régulée toute l'année, dans un local à l'ambiance feutrée et avec un éclairage efficace. Le premier voit son trottoir emprunté par la transhumance d'innombrables passants, auxquels se mêlent de trop rares clients, quand le second reçoit quelques habitués choisis. Dénué du confort moderne sur son échoppe, sans eau ni électricité et sanitaires, le bouquiniste exerce et se forme comme se formait ses ancêtres des siècles passés, dans la vraie vie, tandis qu'en boutique, tout est sous la main, à commencer par les nouvelles technologies.

Fréquenter régulièrement les quais et les bouquinistes permet de mieux comprendre ce métier de plein air et ses aléas climatiques et économiques, de prendre conscience, à travers cette immense librairie à ciel ouvert, de l'étendue des sujets et auteurs proposés, de réaliser le degré de rareté des livres, l’omniprésence de certains titres, très vendus pour autant, et les thématiques en vogue ou en sommeil faute de nouveaux acheteurs. Les modes fluctuent au gré des célébrations, des émissions littéraires ou des articles de presse. Se lier avec un bouquiniste quand on veut le devenir soi-même est assez aisé. On se reconnaît malgré les différences d'âge, les échanges sont fructueux et infinis et la rétention des connaissances n’est pas une fin en soi pour les passionnés. Au terme de sa carrière professionnelle, le bouquiniste peut aussi apprécier de transmettre et partager les connaissances acquises au fil du temps.

Jusqu’à la fin des années 1990, la formation, non formelle, consistait, pour la plupart des apprentis bouquinistes, à s'entendre avec un titulaire, dont ils apprenaient le métier en l’assistant. Ils mettaient en pratique leurs acquis en le remplaçant ponctuellement, dans l’attente de leur propre nomination, jouant ainsi le rôle de l’« ouvre-boîte », qui tient les boîtes du titulaire en son absence. Le modeste chiffre d'affaires du bouquiniste ne permettant pas de rémunérer un assistant, le titulaire vidait l'une de ses boîtes pour permettre à l'apprenti-bouquiniste de proposer ses propres livres, exercice pratique particulièrement formateur.

 

 

L'apprentissage des savoirs de la librairie ancienne et d'occasion, de l'estampe et la petite brocante

 

S’il a été écrit que le bouquiniste est à la librairie de bibliophilie ce que le brocanteur est à l'antiquaire, l'apprentissage de la librairie ancienne et d'occasion n'est pas simple, ne s'improvise pas et se poursuit jusqu'à la fin.

Certaines bases sont indispensables pour exercer le métier de libraire d'ancien avec sérieux et respectabilité : savoir identifier les papiers, reconnaître la qualité d'exécution d’une reliure, la beauté d'une typographie et d’une composition, distinguer une dédicace authentique et des dédicaces imprimées ou douteuses, connaître les différentes techniques de gravure et d'impression, mémoriser, de manière encyclopédique, les dates des éditions originales des grands textes. Cet apprentissage se fait, en large part, par la consultation et l’étude des ouvrages spécialisés, des catalogues des librairies anciennes ou d’occasion, des catalogues de ventes aux enchères et des catalogues bibliographiques, anciens ou récents, monographiques ou techniques. Vecteurs importants de connaissances, ces ouvrages aident à identifier avec précision une édition, sa rareté et ses spécificités, et à fixer la valeur d’un livre ou d’une estampe. Enfin, les visites des expositions proposées par les institutions patrimoniales, les bibliothèques et les librairies forment l'œil et concourent à apprécier des ouvrages exceptionnels.

Toutefois, le bouquiniste n'est pas amené à traiter les mêmes types d'ouvrages dans sa carrière que le libraire d'ancien installé en boutique. Les bases sont proches, mais il développera davantage de compétences sur les spécialités qu'il entend traiter dans ses boîtes ou au fil des achats réalisés. Les revenus générés par l'activité des quais creusent aussi l'écart entre le libraire en boutique et celui des quais, qui ne dispose en règle générale pas des moyens nécessaires à la constitution d'une importante bibliothèque de travail ni d’une documentation coûteuse.

À ces connaissances techniques s’ajoute la transmission orale, dans le cadre d’échanges avec des praticiens plus expérimentés, qui apprécient de transmettre leur expérience à des bouquinistes plus jeunes et aussi passionnés, de signaler des ruses ou des pièges, les faiblesses de fac-similés trop parfaits, les retirages et toutes les subtilités d'un métier illimité.

Cette transmission hybride, par la lecture et par le contact avec d’autres praticiens, est analogue pour les pièces de numismatique et de philatélie et les objets de petite brocante, ponctuellement proposés, aux côtés des livres, dans les boîtes de certains bouquinistes.

Le bassin familial

Nés dans le métier, les enfants de bouquinistes acquièrent très tôt les connaissances requises. Pour eux, le terrain est mieux préparé ; les compétences s'acquièrent naturellement au contact de la famille et sur le terrain, pour l'achat et pour la vente, dès le plus jeune âge. Le stock familial peut largement aider à débuter dans le métier et leur statut leur permet de bénéficier des contacts professionnels de la famille. Les familles de bouquinistes de père en fils actuellement présentes sur les quais sont moins d'une dizaine, soit 15 % de tous les libraires des quais. Voilà quelques années, on pouvait encore rencontrer en même temps sur les quais l'arrière-grand-mère, la grand-mère, la fille -- le gendre avait aussi sa concession -- et deux petites-filles, chacune à leur jeu de boîtes. Bien que la transmission du savoir se fasse de manière naturelle et que le stock familial et le réseau de clients et de contacts à disposition facilitent l'installation, la nouvelle génération d'enfants de bouquinistes semble moins attirée par le métier, devenu plus complexe et aléatoire. Trois enfants de bouquinistes ont ainsi été nommés en dix ans, sur un total de plus de cent nominations sur la même période. La principale raison tient à la complexité de l'exercice du métier, dont le modèle économique est de plus en plus difficile à maîtriser. La transmission du savoir propre au métier, qui se fait surtout d'homme à homme et de façon autodidacte, ne simplifie pas les choses. Les connaissances nécessaires et le métier perdurent et ne sont pas en jeu, mais on constate, dans les familles où l'on était bouquiniste de père en fils depuis plusieurs générations, que la relève tend à s'affaiblir.

 

La communauté même des bouquinistes.

Au fil des années passées sur les quais, les bouquinistes les plus anciens dans le métier ont accumulé des savoirs professionnels importants, qui en font les meilleurs formateurs à ce métier complexe, à l’instar de Bernard T., quai de la Tournelle, très grand spécialiste du polar et de la science-fiction ; de Jacky G., quai de Gesvres, féru d'argot et passionné de Céline ; ou de Michel B., quai de la Tournelle, fou de littérature, pour lequel éditions originales et grands textes n'ont pas de secrets.... Pour avoir accès à ces connaissances, il faut aller à leur rencontre, à leurs boîtes, et d'engager la conversation. Les bouquinistes forment un groupe humain de 226 personnalités, âgées de 26 à 88 ans et de multiples parcours (reconversion professionnelle ou aboutissement d’un rêve), mais animés par la même passion du partage du livre et de la diffusion de la culture. Cette grande diversité d’origine, géographique et professionnelle, permet un dialogue ouvert, sans barrières d’âge ni de culture, avec les plus modestes comme les plus aisés.

 

La clientèle

À l’oral, par courriel, téléphone ou voie postale, les échanges nombreux de connaissances, d'informations et de bons conseils entre les bouquinistes parisiens et leurs visiteurs, clients ou non, définissent de premiers acteurs de cette formation, non-formelle et ponctuelle, fondée sur les liens parfois très forts qui s'établissent entre passionnés. Au fil de ces relations simplement humaines, de ces échanges d'idées et de savoirs, beaucoup de clients deviennent des fidèles. Parfois, ils en arrivent par leur passion à franchir le pas et devenir eux-mêmes bouquinistes, et d'excellents bouquinistes.

 

L’Association culturelle des bouquinistes de Paris (ACBP)

Association encore jeune, son bureau est constitué d'un président, d’une trésorière et d’un secrétaire. Bénévoles et bouquinistes de profession, ils aident à orienter les adhérents, s'ils en expriment le besoin, vers diverses formations, telles que celles proposées aux chefs d'entreprises ou par des organismes du type Paris-Ateliers (par exemple, en reliure, cartonnage ou gravure), et, dans le cadre du festival Quartier latin du 5e arrondissement, propose des visites d'initiation au métier de bouquiniste à des groupes de scolaires franciliens. L’ACBP ne propose pas encore de formation, mais est consciente de l’importance de ce point à développer à l’avenir. Elle envisage aussi d'organiser des visites découvertes ponctuelles du métier et des quais, en coordination avec les arrondissements hébergeant des bouquinistes sur leurs quais (1er, 4e, 5e, 6e et 7e arrondissements).

 

Les organismes de formation

Sur le plan de l’éducation formelle, aucune formation, à l’école ou au lycée, ne cible spécifiquement le métier de bouquiniste ou de libraire d’ancien, mais plusieurs peuvent y mener ; comme l’École Estienne, l’École Boulle, l'UCAD, l'École du Louvre ou les facultés de lettres, dont les enseignements enrichissent les connaissances de leurs étudiants. Les connaissances acquises au fil du parcours scolaire et des années d'études en grandes écoles, à l’université ou dans des lycées professionnels sont toujours utiles à l'exercice du métier, déterminant souvent l'orientation thématique du contenu des boîtes et le choix des livres proposés. Dans le cadre de formations à des métiers en rapport avec le marché de l'art (antiquaires, commissaires-priseurs, conseil en œuvres d'art…), certaines écoles privées proposent des cours initiant brièvement à la bibliophilie. De tels enseignements succincts peuvent constituer une base de départ, à compléter par une formation de terrain, plus approfondie, en fréquentant assidument les négoces et les différents acteurs du marché.

Les bouquinistes ont pris leur essor avec l’apparition du livre imprimé et leurs pratiques ont évolué avec les modifications de leur contexte urbain. La construction du pont Neuf, en 1606, premier pont large et non couvert de bâtisses, y a contribué dans un premier temps. Le développement progressif d’un marché du livre imprimé d’occasion a profité de la multiplication des quais maçonnés (quais des Grands-Augustins, de Conti de la Mégisserie), principalement à partir de la fin du XVIIIe siècle, qui élargissait le périmètre d'exercice de la profession et offrait de nouveaux emplacements de vente. Le commerce prit tout d’abord la forme de boîtes portatives ou sur des tréteaux, voire à même le sol, sur une toile, puis de boîtes alignées sur le parapet et amenées sur des charrettes à bras ou dans des brouettes le matin, pour être remportées chaque soir dans des remises. L’autorisation de laisser les livres sur le lieu de vente la nuit, tout le long de l’année, fut accordée aux bouquinistes par la Ville de Paris en 1891.

Les méthodes mêmes de vente de livres, toujours des livres d’occasion, voire anciens, et bien sûr d'estampes, n’ont, elles, que peu évolué au fil des siècles. Si la Révolution française a généré un très fort afflux de marchandises sur les étals des bouquinistes parisiens, leur statut est réellement officialisé au XIXe siècle, dans un contexte d’accroissement de l’effectif, qui s'établit quasiment à ce qu'il est aujourd'hui, conforté par la proximité et l'importance croissante des écoles, des universités et des métiers du livre (imprimeurs, éditeurs et libraires).

 

Au cours du XXe siècle, le règlement succinct instauré en 1859 fut complété efficacement. Les bouleversements, démographiques ou économiques, de la société française, liés à la Grande Guerre et à la crise de 1929, ne semblent pas avoir touché en particulier la communauté des bouquinistes. Il y a quelques décennies encore, les bouquinistes qui avaient exercé pendant la seconde guerre mondiale témoignaient avoir rarement si bien travaillé. Les éléments climatiques (tempêtes, inondations, comme la crue de 1910, augmentation de la pluviométrie), en revanche, ont une incidence non négligeable sur l'exercice du métier, en plus de l’augmentation de la pollution et du trafic sur les grands axes, qui obligent les bouquinistes à emballer leurs livres dans des feuilles de plastique transparent (cellophane).

Sur le plan sociétal, l'incidence de l’application de la réduction du temps de travail a été manifeste : nombre de clients quittent Paris pour les week-ends et congés, grâce au temps libéré, et ne viennent plus sur les quais. Les dernières décennies marquent une nouvelle rupture. Dans la foulée du Minitel et de ses petites annonces, sont apparus l’Internet et les nouvelles technologies, les librairies dématérialisées, l’e-book et les bibliothèques numériques. Les estampes sont de plus en plus remplacées par des tirages lasers. Les habitués provinciaux qui venaient faire à chaque vacance le plein de lecture chez les bouquinistes ont commencé à déserter les quais et à découvrir l'achat en ligne, avec réception de la commande à domicile. Les bouquinistes actuels s’interrogent sur leur place à l’avenir. Une plus faible transmission des connaissances, faute de temps pour les clients et par négligence parfois, peut contribuer à une baisse du niveau culturel. La curiosité et l'intérêt suivent la même tendance ; moins connaisseurs, les clients sont moins curieux, sélectifs et exigeants.

 

Le nombre sans cesse croissant de touristes, nationaux et surtout internationaux, a ouvert le champ des possibles. Crise aidant, les gadgets et souvenirs proposés à la vente d'abord timidement sont de plus en plus présents. L’exigence d’une grande partie de la communauté, selon laquelle un bouquiniste doit rester fondamentalement un libraire, n’empêche pas des emprunts à d 'autres pratiques professionnelles : des bouquinistes peintres, tels Bernard C. quai Voltaire, et Mathias G. quai de la Tournelle, ou dessinateurs, comme Pascal C., quai de Conti, et Mathias G., quai de la Tournelle, proposent ainsi dans leurs boîtes leurs œuvres originales, et beaucoup se différencient aussi par la diversification : tirages photographiques, cartes postales anciennes, médaille des bouquinistes, bracelets tressés, cadenas personnalisés ou customisés, petit artisanat, petite brocante.

Certains bouquinistes élargissent leur champ d'action hors les quais en participant ponctuellement à des foires, des salons, des vide-greniers et des marchés, comme le marché Brancion. D'autres s'essaient à vendre en ligne (réseaux Rare-book, E-bay, Priceminister et Leboncoin) pour maintenir voire augmenter leur chiffre d'affaires et se faire connaître de clients fréquentant jusqu’alors peu les quais. Enfin, on voit aussi arriver sur les quais, parmi les récentes nominations, des libraires issus du marché Brancion, dont l'activité subit, comme de nombreuses petites librairies de quartier, la crise du livre, incitant certains de ses membres à devenir bouquinistes. Aujourd'hui, il est plus fréquent de passer de l'état de libraire à celui de bouquiniste que le contraire.

Les bouquinistes apparaissent à la suite du développement du marché des livres d’occasions lié au développement rapide de l’imprimerie, vers le milieu du XVIe siècle. Le terme « boucquain », au sens de « vieux livre dont on fait peu de cas », est imprimé pour la première fois en 1459 dans « La forest de Tristesse » du recueil Le Jardin de plaisance et fleur de rhétorique [Milet, 1893]. Il évolue en « bouquin » à la fin du XVIe siècle. Le terme dérive de « boeckijn » (livre de peu de valeur, peu estimé), diminutif du moyen néerlandais « boec » (livre). Sa définition de vieux livre de peu de valeur, peu estimé, frippé, a peu varié au fil du temps.

La première apparition du terme « bouquiniste » est relevée dans le Dictionnaire de Trévoux (1752), ainsi défini : « Qui se dit des vendeurs de vieux livres, de bouquins. Veterum librorum propola. Les quais de la Seine à Paris sont plein de bouquinistes. ». Elle complète les définitions antérieures, données par Richelet dans son Dictionnaire (1680), de l’étaleur : « Étaleur, s. m. Pauvre libraire qui étale des livres sur les rebords du pont Neuf » (p. 305) et du colporteur : « Colporteur s. m. On appelle ainsi à Paris, celui qui vend les gazettes, les arrests, les édits, les ordonnances et les déclarations du Roy et les distribuent par la ville. » (p. 151).

La définition de Trévoux fut reprise partiellement dans la 4e édition du Dictionnaire de l’Académie française (1762) : « Celui qui vend ou achète de vieux livres, des bouquins », sans précision sur le périmètre d’exercice dudit commerçant. Mais plusieurs dictionnaires antérieurs évoquaient déjà les premières formes de la pratique actuelle, sous le terme d’« estaleur » ou « étaleur » : « On appeloit à Paris, dans le commerce de la librairie, libraire étaleur, de pauvres libraires, qui, n'ayant pas le moyen de tenir boutique ni de vendre du neuf, étaloient de vieux livres sur le pont Neuf, le long des quais et en quelques autres endroits de la ville ; mais ces étalages ont été défendus par plusieurs arrêts et notamment par celui du 20 octobre 1721, à peine de confiscation, d’amende et de prison. Il y a un article dans les Statuts des libraires concernant ces étaleurs. » (Dictionnaire de Savary, 1723). En 1702, une nouvelle édition du Dictionnaire de Furetière voit la définition enrichie d'un commentaire : « Estaleur. Pauvre libraire qui étale des livres sur les bords du pont Neuf. On trouve quelquefois d’assez bons livres chez les étaleurs. ».

Actifs de la seconde moitié du XVIe siècle au XVIIe siècle, es colporteurs et les « estaleurs » peuvent être considérés comme des proto-bouquinistes, ou ancêtres directs des bouquinistes actuels. Le colporteur du XVIe siècle vendait ses livres soit dans un panier, porté au col (au col porté) ou en bandoulière, soit disposés à même le sol sur une toile. L’« estaleur » pourrait toutefois lui disputer ce titre de proto-bouquiniste, car les deux se complétaient. Le colporteur exerçait de manière mobile, en se déplaçant, et ne vendait pas que des livres. Selon un arrêté de 1577, qui les assimilait à des larrons ou des receleurs et leur interdit d’acheter aux gens de maisons (domestiques) et aux étudiants, les colporteurs ne devaient vendre que des imprimés neufs et d’un maximum de 8 pages. L’estaleur, lui, était beaucoup plus sédentaire, vendait des livres présentés sur des tréteaux ou à même le sol sur une toile et exerçait son métier sur les quelques quais alors maçonnés (quai des Grands-Augustins, incluant celui de Conti, pour la rive gauche et quais de Gesvres et de la Mégisserie pour la rive droite) et, à partir de son achèvement en 1606, sur le pont Neuf. De nombreux corps de métiers cohabitaient sur le nouveau pont : frituriers, décrotteurs, tondeurs de chiens, arracheurs de dents, bateleurs, recruteurs. Les colporteurs et les étaleurs de livres d'occasion en faisaient partie.

Dans Paris même, le nombre d’étaleurs, tout au long de cette période, oscille entre une vingtaine et une soixantaine, avec des périodes parfois assez longues où l’exercice de leur activité est prohibé. Ils sont, à l’instar de leurs collègues en boutique, l'objet de l’attention des autorités, qui tentent, par de nombreux arrêts ou édits, souvent accompagnés de confiscation voire d'emprisonnement, d'empêcher toute vente d'écrits séditieux ou contraires aux bonnes mœurs. Les boutiquiers œuvrent aussi à l'encontre des colporteurs, qu'ils considèrent comme une source de concurrence déloyale et obtiennent plusieurs fois leur interdiction, comme en 1649, cette fois sous le prétexte de l'avilissement de leur marchandise. Les autorisations d'exercer la vente de livres d'occasion sont délivrées avec parcimonie et régulièrement suspendues. Ainsi, vers 1614, des colporteurs obtiennent le droit, moyennant redevance, de vendre sur le pont Neuf. En 1620, ils sont vingt-quatre. Vers 1628, ils sont chassés du pont Neuf. En 1640, le Roi concède les premières échoppes démontables du pont Neuf ; les vendeurs peuvent y revenir, à la condition de libérer le lieu chaque soir de leurs marchandises. En 1649, au temps de la Fronde, plus de 6000 pamphlets, ou mazarinades, sont publiés et vendus sous le manteau, entre autres par ces fameux libraires ambulants.

 

Leur condition évolua sensiblement avec le Premier Empire et les évolutions urbanistiques de la capitale. Les quais furent enfin pour la plupart maçonnés et le statut des bouquinistes, défini et reconnu par l'administration, qui les assimile aux commerçants publics de la Ville de Paris. L'ordonnance du préfet de police Delvau du 31 octobre 1822 leur interdit toutefois la vente de « tout livre, gravure ou objet d'art quelconque qui seront jugés par l'autorité contraires aux lois ou dangereux pour les mœurs. ». Il en est toujours de même dans le règlement de la profession en vigueur aujourd’hui (2011).

Le 10 octobre 1859 fut édicté le premier règlement spécifique aux bouquinistes, qui leur interdit de laisser la nuit la marchandise sur le lieu de vente : les livres sont donc alors conditionnés dans de petites caisses aisément manipulables et remisées chaque soir. Le nombre de bouquinistes progresse tout au long des XIXe et XXe siècles : 68 en 1857, 75 en 1864, 156 en 1892, 204 en 1920 et autour de 226 aujourd'hui. En 1857, Fontaine de Resbecq dans son ouvrage Voyages littéraires sur les quais de Paris, dresse un intéressant inventaire de la localisation contemporaine des bouquinistes parisiens : ils sont 5 sur le quai d'Orsay, 10 quai Voltaire, 15 quai Malaquais, 10 quai de Conti, 7 quai des Grands-Augustins, 6 quai Saint-Michel et 6 sur le pont au Change. Les neuf manquants ne sont pas localisés, mais, de manière inattendue, six exercent non sur un quai, mais sur un pont (pont au Change). Selon Fontaine de Resbecq, ces 68 bouquinistes exploitent alors un total de 1020 boîtes (caisses) de livres.

En 1866, les bouquinistes font intervenir avec succès auprès de l'empereur Napoléon III Paul Lacroix, plus connu dans l'univers de l'érudition et de la bibliophilie sous le pseudonyme de « bibliophile P. L.  Jacob », pour faire renoncer le baron Haussmann au projet de leur faire quitter les rives de la Seine, afin de « rendre pureté de lignes et d'alignement aux quais parisiens ». Haussmann leur proposait, en échange, de se regrouper dans la Vallée, ancien marché aux volailles situé quai des Grands-Augustins, à l'emplacement de l'église et d'une partie du cloître du couvent du même nom. Occupant l'espace entre le quai, la rue des Grands-Augustins, la rue du pont de Lodi et la rue Dauphine, ce marché se tenait sous trois halles construites à cet effet.

Les boîtes actuelles sont officialisées en 1891, lorsqu’un arrêté municipal autorise les bouquinistes à laisser leur marchandise la nuit sur le lieu de vente qui leur est concédé. Jusqu'à cette date, les livres sont proposés pour la plupart dans de petites caisses en bois aisément manipulables. Selon des vues de la fin des travaux du quai de Conti, par Gustave Le Gray (1853-1854), et sur un cliché anonyme de l'aménagement du quai Saint-Michel (vers 1861), quelques boîtes de grandes dimensions, similaires aux boîtes actuelles, sont présentes. Ce n’est vraiment à partir de 1891 que l'aspect des quais va être bouleversé par le remplacement systématique, sur quelques années, des petites boîtes par celles, fixes et de 2 m de long chacune, qui ponctuent le paysage actuel. La couleur vert wagon, toujours en vigueur, s’est vraisemblablement imposée vers cette date.

 

L'inondation de 1910 toucha fortement la communauté, même si l'eau n'atteint pas leurs boîtes. La décrue amorcée, les deux cents membres du Syndicat des bouquinistes-étalagistes se sont réunis sous la présidence du fondateur, Edmond Dubois, pour dresser un bilan des dommages : boîtes endommagées par les amarres des péniches, nombreux livres détruits dans les resserres et vingt jours de mévente forcée. À la suite à cette assemblée, le Syndicat de la presse leur envoya 2000 francs.

Jusqu’à la seconde guerre mondiale, chaque bouquiniste pouvait exploiter 10 m de quais, soit cinq boîtes. Un coup rude leur fut porté par le décret du préfet de la Seine du 27 janvier 1943, qui ramena la longueur d’une concession à 8 m, imposant la disparition d'une boîte sur cinq. Cette disposition est restée inchangée depuis.

L'activité actuelle des bouquinistes des quais de Paris est régie par le « Règlement des bouquinistes des quais de la Seine », instauré en 2011, en application du Code général des collectivités territoriales, et notamment ses articles L.2213-6 et 2512-14 relatifs aux pouvoirs de police du Maire de Paris, et des arrêtés municipaux des 1er octobre 1993, 9 février 2010, 12 avril 2010 et 1er février 2011, réglementant l'activité des bouquinistes des quais de la Seine. Il a abrogé les précédents règlements du métier.

— Témoignages écrits tirés de la littérature

 

Les écrits sur les bouquinistes sont moins nombreux que l'on pourrait le croire et le sujet est le plus souvent traité avec brièveté voire fantaisie. L'un des premiers, Le Tableau de Paris (1781-1788) de Louis-Sébastien Mercier les présente avec vie et intérêt. Le petit volume Paris-Gagne-Petit (1854) livre en quatre pages les états d'âme sur son métier d'un de ces étranges libraires. Les Voyages littéraires sur les quais de Paris. Lettres à un bibliophile de province d’A. de Fontaine de Resbecq (1857, 2e éd. 1864) approfondissent le sujet et, écrits à un moment charnière de l'histoire de ce petit métier parisien, constituent une source d'informations fort riche. Un bouquiniste parisien, le père Lecureux d’Alexandre Piedagnel (1878) est la biographie d'une figure du métier, comme pour la Notice sur Mr Malorey, doyen des bouquinistes français d’A. Victor (1890). Bouquineurs et bouquinistes. La Physiologie des quais de Paris d’Octave Uzanne (1893) est l’un des plus célèbres ouvrages écrits sur le sujet par un érudit, familier des quais, à l’origine de l’édition de l’opuscule d'un des bouquinistes évoqués par Octave Uzanne : Les Bouquinistes et les quais de Paris tels qu'ils sont, réfutation du pamphlet d'Octave Uzanne..., d’Antoine Laporte, bouquiniste quai Malaquais (1893). L'Almanach du Bibliophile (1899) est, lui, un ouvrage collectif sur les bouquinistes, paru aux éditions d'art Édouard Pelletan avec des textes d'Anatole France, Joris-Karl Huysmans, Georges Vicaire et Jules Clarétie notamment, brillamment illustrés de 38 compositions dessinées et gravées par Florian. Le long des quais, de Charles Dodeman, illustré par A. Robida et J. Boullaire (s. d), est la somme des réflexions d'une vie de quai, racontées par un vrai bouquiniste. Les titres suivants, à part Les Cahiers rouges de la bibliophilie et Les Souliers bruns du quai Voltaire, effleurent l'univers des bouquinistes plus qu'ils n'en offrent une étude approfondie : Le Flâneur des deux rives, de Guillaume Apollinaire (1918) ; Les Lunettes de l'amateur d'objets d'art ancien, de Charles Oulmont (1926) ; Le Secret des Enfants-Rouges, de Claude Izner (2004) ; Le Pilon, de Paul Desalmand (2006) ; Les Souliers bruns du quai Voltaire, de Claude Izner (2011) ; Le Pineau du pendu, de Bernard Baritaud-Daniel Laplaze (2012) ; Sang dessus dessous, de Claude Izner (2013) ; Les Cahiers rouges de la Bibliophilie, d’Éric Guillemot (2014). Dans les romans policiers de Claude Izner, les évocations plus ou moins approfondies de la communauté des bouquinistes ne sont nullement un hasard : il s'agit du pseudonyme des deux sœurs, Liliane Korb et Laurence Lefèvre, toutes deux bouquinistes sur les quais de la Seine ; parallèlement à cette activité, elles écrivent depuis longtemps, ensemble, pour les adultes et pour la jeunesse.

Action de transmettre, la tradition lie le passé au présent, comme le bouquiniste transmet, par sa personnalité et ses livres, connaissances et actions du passé. Anatole France disait en parlant d'eux : « Ces braves marchands d'esprit qui vivent sans cesse la blouse au vent... » [Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1881, Paris, Calmann-Lévy]. On pouvait lire en 1910 dans Le Figaro : « Un vrai parisien aimerait, à la rigueur, ses quais sans l'ombre d'un arbre mais non sans bouquinistes... » [Taverny, « Les bouquinistes », Le Figaro, 26 février 1910, n° 9, p. 2-3]. Pierre Mac Orlan, le bouquiniste « apparaît comme le symbole de l'invitation aux voyages immobiles… » [Paris tel qu’on l’aime, Paris, Odé, 1949].

 

 

— Témoignages recueillis durant l’enquête pour la candidature à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel :

 

• « Le plaisir de faire partager quelque chose... Les bouquinistes sont toujours statiques et le monde bouge tout autour. Nous, on est là. On ne bouge pas... Je ne fais pas de tours Eiffel. Je fais de l'authentique, seulement un peu de brocante parce que cela fait partie du métier de bouquiniste depuis longtemps... », Albert A., 55 ans, bouquiniste à Paris depuis 4 ans, 2018

• « C'est très long d'apprendre le métier... J'en avais marre de bosser en librairie, enfermé, et d'être salarié. Je voulais être au grand air et libre... Pas de souvenirs ! Ce n'est pas l'esprit du bouquiniste. Ça dessert le livre... », Gildas S., 37 ans, bouquiniste à Paris depuis 3 ans, 2018

• « D'abord aimer les livres ! Amateur avant d'être bouquiniste ! Je suis devenu bouquiniste comme l'ivrogne qui devient marchand de vin !... », un bouquiniste du quai de Conti interrogé en 1974

• « Je suis persuadée que cette inscription au patrimoine culturel immatériel serait un signal positif envoyé envers une profession qui voit la vente de livres reculer chaque jour... », Olivia Polski, adjointe au Commerce et à l'Artisanat de la Ville de Paris depuis 2015, 2018

• « Ce qui me plaît, c'est d'avoir le contact avec tous les gens qui passent... », Jean-Pierre M., 70 ans, bouquiniste à Paris depuis 33 ans, 2018

• « Ce qui me plaît, c'est ce sentiment de liberté... Travailler en plein air devant le square du Vert-Galant, le Pont-Neuf, Notre-Dame, je trouve que c'est un privilège... », Christophe B., 46 ans, bouquiniste à Paris depuis 7 ans, 2018

• « Les grèves de 1995 durèrent plus d'un mois. Beaucoup de bouquinistes privés de moyens de transport cessèrent de venir. Un ami m'avait offert un vélo quelques mois avant et cela me sauva. Les gens passaient à pieds et découvraient mes boîtes... L'hiver 1996 fut terrible pour le froid qui dura des semaines... », Marie-Christine T., 76 ans, bouquiniste à Paris depuis 30 ans, 2018

• « Tu comprends, supprimer les bouquinistes, ce serait comme si on supprimait la Tour Eiffel… », propos saisis de deux passantes quai de Conti en mai 2018

• « Les bouquinistes ? Ce sont des bouquets de fleurs au bord de la Seine. Des bouquets de fleurs de Culture ! », un employé de librairie interrogé en 2012 sur les bouquinistes des quais

• « Un matin de printemps, j'arrive à 9 h. Je suis le seul bouquiniste présent sur le quai. J'ouvre ma première boîte au moment où un couple me dépasse suivi d'un garçon, âgé de 12 ou 13 ans. Et là, j'entends derrière moi le gamin hurler à ses parents : « Papa ! Maman ! C'est pas des poubelles !! Il y a plein de livres dedans !... », Jérôme C., 54 ans, bouquiniste à Paris depuis 27 ans, 2018

Le décret du préfet de la Seine du 27 janvier 1943, instauré dans le contexte de l’Occupation, mais toujours en vigueur à ce jour, a réduit de 2 m, soit l'équivalent d'une boîte, sur une longueur totale initiale de 10 m, la concession de chaque bouquiniste. Destinée à assurer une meilleure visibilité et la surveillance des quais bas et de la Seine, cette décision, aujourd’hui désuète, a fait disparaître 20 % de l'offre de livres sur les quais. Le retour à la situation ante quem, sans aucun coût pour la Ville de Paris, permettrait, de manière très concrète, de renchérir l'offre d'ouvrages de plus de 100 000 unités, renforçant ainsi l'attractivité de ces passeurs de culture. La restitution de cette 5e boîte est l'une des principales demandes de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris auprès de l’administration municipale, à envisager progressivement, au gré des vacances de concessions et des mutations.

La clientèle demeure plutôt présente, mais la diminution de l'importance du budget consacré à l'acquisition de livres est sensible. Le prix est devenu un élément déterminant, expliquant l’engouement pour les éditions de poche à moindre coût. La librairie de bibliophilie profite, elle, de la rareté et de la préciosité des exemplaires qu'elle propose à une clientèle restreinte.

La vente progressive de gadgets et de souvenirs touristiques constitue une autre menace, d’ordre interne, sur la pratique. Cet état de fait a des conséquences néfastes, car tout un pan de la clientèle en quête de livres n'apprécie pas. Les livres se vendent donc encore moins et le roulement des ouvrages proposés se ralentit conséquemment, ce qui conduit nombre de clients à espacer leurs visites voire à fuir les quais. Pas forcément restrictif, en ce qu’il permet, par son apport financier, d’équilibrer l’activité de librairie du bouquiniste, la vente de ce type de marchandises doit être circonscrit, si le bouquiniste veut continuer à fournir au client un service fait de compétences et de qualité. Le contexte extérieur de la crise culturelle et économique pèse enfin sur les pratiques de la communauté. L'apparition du cinéma, puis de la radio n'a pas eu de conséquences tangibles, mais les sollicitations du quotidien, avec la multiplication des chaînes de télévision notamment, se sont multipliées ces dernières décennies. La société contemporaine concède à l'image une place et une importance toujours plus grandes. Regarder un écran relève d’une activité plus passive que lire, qui appelle et développe l’action réflexive et la concentration. Le rapide développement des nouvelles technologies a généré une crise des marchés du livre et de l’édition, et peut-être plus encore de la librairie de neuf et d'occasion, sévèrement concurrencée par les géants de la vente en ligne et par le livre dématérialisé et son support, la liseuse. L'accès gratuit aux livres par le téléchargement ou en prêt (bibliothèques) et les circuits de redistribution gratuite de livres, de type « circule-livre », soutiennent la diffusion culturelle mais pas vraiment la librairie. Le développement du livre-audio ne devrait pas non plus aider. « C'est la seule industrie au monde qui, lorsque cela va mal, produit davantage » avait coutume de dire, à propos de l’édition, Jérôme Lindon, patron des éditions de Minuit.

Modes de sauvegarde et de valorisation

 

— Actions de sauvegarde

 

Les premières traces d’actions contribuant à la sauvegarde des pratiques des bouquinistes sont assez récentes et liées aux premiers signes de crise de la profession, en 2007-2008. La création, à l'instigation de la Ville de Paris, de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris est la première démarche en ce sens, de la part d’une communauté fonctionnant jusqu’alors de manière relativement autonome, en lien direct avec un service municipal jusqu'en 2001. À partir de 2002, les bouquinistes ont été un peu livrés à eux-mêmes ; la création de l'ACBP est contemporaine d’une nouvelle gestion des quais, prise en considération de manière globale, par la Ville de Paris. À la fin des années 2000, les nominations reprirent, selon le mode d'attribution en usage dans les années 1950 : une commission réunie au moins une fois l'an, pour étudier sur dossier les candidatures des postulants et nommer les meilleurs. Une réunion plénière annuelle est également instaurée avec une remise de médaille aux anciens. Des rappels au règlement de 2011 sont faits, plus ou moins fructueux.

Une application plus stricte du contingentement des souvenirs à l'unique boîte autorisée s'impose et reste, hélas, toujours nécessaire. Les souvenirs permettent au bouquiniste de mieux faire son métier de libraire en lui garantissant un revenu minimum et sont un poumon indispensable à beaucoup, mais ne doivent pas pour autant gangréner l'activité principale : la librairie de livres anciens et d'occasion. Une gestion réfléchie, pragmatique et mesurée, en bonne intelligence entre les différents interlocuteurs de référence et la Ville de Paris, ne peut que se révéler constructive et aider à la sauvegarde d’un petit métier typiquement parisien, encore en activité.

L’Association culturelle des bouquinistes de Paris a entrepris plusieurs démarches de promotion et de valorisation de la pratique (conférences, visites guidées, demandes de restitution de la 5e boîte). Depuis 2013, les bouquinistes parisiens sont présents, sur le stand associatif, au Salon international du Livre rare, le plus important salon au monde dans le domaine de la bibliophilie, organisé chaque année en avril par le Syndicat de la Librairie ancienne et moderne sous la coupole du Grand Palais. Il est l'occasion de rappeler l'existence de la communauté aux nombreux visiteurs. Un visuel, en noir et blanc, dessiné et offert par l'artiste Pierre Wiaz en 2013 est devenu le logotype de l'ACPB. Une adresse électronique a été créée pour contacter le bureau de l’ACBP (bouquinistesdesquais@laposte.net) et un site internet, « Les bouquinistes des quais de Paris », est en préfiguration. L’ACBP est aussi très active dans sa présentation du métier auprès des habitants, en priorité ceux des quartiers proches des quais, avec le support de conférences suivies de publications (Société historique du 6e arrondissement, conseils de quartiers) ou la programmation d'expositions thématiques, comme « Les bouquinistes dans la gravure contemporaine », programmée pour 2019 sur le stand au Grand-Palais et qui devrait ensuite circuler dans les mairies des 1er, 4e, 5e, 6e et 7e arrondissements. Aux bouquinistes, il revient d’accentuer l’effort pédagogique, dans le sens du partage des connaissances avec la clientèle, pour aider à maintenir la tradition et contribuer à sauvegarder son modèle.

Enfin, l'inscription au Patrimoine culturel immatériel pourrait contribuer fortement à revaloriser la communauté, expliciter la teneur de ses savoir-faire et de ses pratiques et ainsi redonner à ses membres confiance en l’avenir. Elle pourrait améliorer le regard du public sur cette communauté professionnelle, évitant qu’elle ne soit tenue pour un simple élément de décor « pittoresque » dans le paysage du cœur de Paris.

 

 

— Actions de médiatisation

 

Modes de Paris, n° 35, 30 mai 1947 [couverture dessinée]

Femmes d'aujourd'hui, n° 543, 25 septembre-1er octobre 1955 [couverture en couleurs, photographie]

• Corolou 82, « Reportage chez les bouquinistes », 27 novembre 2009, 6 mn 18, Dailymotion

• FR3 Île-de-France, « Les bouquinistes de Paris font leur carnaval », 25 avril 2014, 1 mn 20

• Bulletins d’arrondissements de Paris : PARIS PREM1ER, #16, été 2018, p. 22-23 ; Centre-ville, journal municipal du 4e, n° 41, été 2016, p. 15 ; 5, Le journal de votre arrondissement, n° 16, été 2017, 1re de couverture et p. 16 et 22-23 ; Notre 6e, n° 296, octobre 2016, 1re de couverture et p. 14-15

• Parisworldwide, n° 15, septembre-octobre 2016, p. 118-124, ill.

• La Libre Belgique, 19 août 2017, revue de potins des bouquinistes parisiens, ill.

• BFM Tv Paris, 28 septembre 2017, 4 directs à 7 h 14, 7 h 44, 8 h 13, 8 h 45

• Le Bonbon, Paris centre, octobre 2017, p. 22-23, ill.

• Dailymotion Cnews, « Les bouquinistes des quais de Seine fuient la vague de froid », 26 février 2018, 1 mn 19

• Le Figaro, n° 22915, 14-15 avril 2018, p. 10, ill.

• Le Monde, n° 22793, mardi 24 avril 2018, p. 11

• France Culture, 7 mai 2018

• Il Venerdi di Repubblica, n° 1576, 1er juin 2018, p. 32-33, ill.

• Télérama Sortir, 13-19 juin 2018, p. 5, ill.

• Youtube AFP, « Paris : les bouquinistes veulent être classés », 16 juin 2018, 1 mn 33

• Télérama, n° 3579, 18 août 2018, p. 28-30, ill.

 

 

Actions de valorisation à signaler

 

• Édition de supports promotionnels :

-- carte postale (2010), format 10,5 cm x 15 cm, figurant un plan du centre de Paris et faisant la promotion de « la plus grande librairie du monde à ciel ouvert », éditée en nombre par la Ville de Paris. Elle indique les différents quais où sont établis les bouquinistes. Distribuée gratuitement dans les présentoirs Carte-com des hôtels, restaurants et lieux à caractère touristique de Paris, elle est fréquemment reproduite dans divers médias.

-- plan dépliant (2010), 45 cm x 17 cm, édité en nombre par la Ville de Paris. Il propose le même visuel agrandi au recto et une présentation des bouquinistes au verso. Traduit partiellement en anglais.

-- logotype de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris (2013) : dessin en noir et blanc d’un personnage debout devant une boîte de bouquiniste ouverte et pleine de livres, se détachant sur deux frondaisons stylisées en fond, œuvre de l'artiste Pierre Wiaz

— tot-bag (2016-2018), format 40 cm x 38 cm, en coton imprimé du logotype de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris. 3 tirages.

• Salon international du Livre rare, chaque année en avril au Grand-Palais : présence régulière de l’ACBP depuis 2013 autour du stand associatif (6e participation en 2018)

• Festival Quartier du livre, chaque année en mai dans le 5e arrondissement de Paris depuis 2017 : organisation par l’ACBP de visites guidées du métier de bouquiniste à des scolaires franciliens

• Grande Nuit des bouquinistes, organisée par l’Association culturelle des bouquinistes de Paris : les 30 septembre 2017 (nocturne jusqu’à 22 h) et 29 septembre 2018. Chaque édition est accompagnée de l’édition d’une affiche A 3, reprenant le logotype de l’ACBP

• Conférences : « Au pays des mille et une boîtes », par Jérôme Callais, Société historique du VIe arrondissement, 7 octobre 2017

• Décor du défilé de la collection haute couture de Chanel (3 juillet 2018), conçu par Karl Lagerfeld au Grand-Palais

 

 

Modes de reconnaissance publique

 

• Les rives de la Seine, où s’exerce l’activité des bouquinistes, ont été inscrites en décembre 1991 sur la Liste du Patrimoine mondial, instaurée par la Convention Unesco de 1972, comme paysage culturel et naturel. La teneur du dossier montre que la qualification de « paysage culturel » repose sur l'environnement architectural et historique des deux rives de la Seine et de ses îles, sans prendre en compte les faits culturels intangibles, tels que les bouquinistes. Seule la photographie d'accueil du dossier montre des boîtes de bouquinistes.

• Un jumelage tripartite a été signé à Lucques (Italie) le 22 avril 2017 entre les bouquinistes de la piazzetta del Libro de Lucques, la communauté des bouquinistes de Monteregio (Italie), dite « cité du livre », et les bouquinistes des quais de Paris, représentés par l’Association culturelle des bouquinistes de Paris.

 

 

Inventaires réalisés liés à la pratique

 

• Moteur Collections du ministère de la Culture (recherche du 27 août 2018) :

190 notices documentaires d’œuvres conservées dans une vingtaine de fonds documentaires (Archives de la Ville de Paris, Musée Carnavalet, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine…), portant pour l'essentiel sur des livres, des photographies, des gravures et des peintures.

 

 

Bibliographie sommaire

 

— Articles de revues

 

• Taverny, « Les bouquinistes », Le Figaro, 26 février 1910, supplément littéraire du dimanche, n° 9, p. 2-3

• Moncan, P. de, « Les bouquinistes », Paris de Lutèce à nos jours, n° 4, mars-mai 2014, p. 62-66

• Callais, J., « Au pays des mille et une boîtes : les bouquinistes de Paris », Bulletin de la Société historique du VIe arrondissement de Paris, 2017, p. 121-134

• Cargoet, A., « Les bouquinistes », Lesinrocks, 13 août 2017

• Vidal, V., « Les bouquinistes », Antiquités Brocante, n° 227, septembre 2017, p. 72-73

• Jérôme, Béatrice, « Les bouquinistes de Paris se verraient bien au patrimoine culturel de l'Unesco », Le Monde, 24 avril 2018, p. 11

• Marcaggi Le Mer, Pascale, « Les bouquinistes, l'âme de Paris », Un Monde littéraire, 4 juillet 2018

 

— Ouvrages imprimés

 

• Hanotaux, Gabriel, La Seine et les quais, promenades d'un bibliophile, Paris, H.Darangon, 1901

• Dodeman, Charles, Le long des quais. Bouquinistes, bouquineurs, bouquins, Paris, Gallus, s.d. (1920?)

• Dodeman, Charles, Le Journal d'un bouquiniste, ill. de Robida, Paris, R. Tancrède, 1922

• Fargue, Léon-Paul, Le Piéton de Paris, Paris, Gallimard, 1939

• Lefèvre, Frédéric, Monsieur Maubenoit, philatéliste, Paris, Ariane, 1945

• Lanoizelée, Louis, Les Bouquinistes des quais de Paris, Paris, chez l’auteur, 1956

• Lanoizelée, Louis, Souvenirs d'un bouquiniste des quais de Paris, Lausanne, L’âge d’Homme, 1978

• Jammes, André, Le Bouquiniste du quai Voltaire, Paris, Le Bulletin du Bibliophile, 2003

• Milan, Ratkovic, La Légende des bouquinistes de Paris,Paris, L’âge d’Homme, 2000

• Silva, Guy, Avec les bouquinistes des quais de Paris, Paris, Le Castor Astral, 2000

• Teisson, Janine, L'Ogre bouquiniste, Paris, Gallimard, 2012

 

 

Filmographie sommaire

 

— Films documentaires

 

• « La page se tourne pour les bouquinistes », reportage sur les quais à propos du projet de voie rapide rive gauche, prod. INA, 1974, 3 mn 14

• « Baudelaire and Bullet, an bookseller in Paris », réal. Grant Rosenberg, prod. TIME, 19 mai 2009, 2 mn 47

• « Bouquins en Seine », réal. Jean-Luc Muller, prod. Paramax Films, 2012 (1er volet de la série de 3 documentaires « Mémoires du Paris populaire »), 28 mn 49

• « Visites privées, Voyage au pays des livres », réal. Stéphane Bern, prod. TV5 Monde, 25 novembre 2016

• « Dans les coulisses de Paris rive gauche », réal. Laurent Lefèvre, prod. France5, 11 septembre 2016, 52 mn

• « Invitation au voyage : le Paris romantique de Prévert », prod. Arte, 13 février 2018, 14 mn

• Reportage sur les bouquinistes parisiens, prod. Cnews, 7 mai 2018, 7 mn 48

• Reportage sur les bouquinistes parisiens, prod. RTBF, 10 juin 2018 à 19 h 45, 6 mn

 

 

— Films de fiction

 

Boudu sauvé des eaux, réal. Jean Renoir, coproduction, 1932, 81 mn [action située en partie autour du quai de Conti]

• François Ier, réal. Christian-Jaque, prod. Calamy, 1937, 100 mn [avec Fernandel, une scène chez un bouquiniste]

• À bout de souffle, réal. Jean-Luc Godard, prod. SNC, 1960, 89 mn

Les Misérables, réal. Claude Lelouch, prod. Les Films 13, 1995, 175 mn [avec Darry Cowl dans le rôle du bouquiniste]

Le promeneur du Champ de Mars, réal. Robert Guédiguian, prod. Films Ollige-Agat Films & Cie/Ex Nihilo, 2004, 117 mn

• Café Lumière, réal. Hsiao-Hsien Hon, 2004, 1h49 [quartier des bouquinistes (Jimbôchô), à Tokyo (Japon)]

• Drôles d'oiseaux, réal. Élise Girard, prod. Janja Kralj, 2017, 70 mn [vue du quai Malaquais et de ses boîtes de bouquinistes sur l’affiche du film]

 

 

Sitographie sommaire

 

• Ville de Paris : www.paris.fr

Il donne les informations nécessaires pour candidater à une concession de bouquiniste.

• Les Bouquinistes des quais de Paris

Site en cours de réalisation de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris, aussi présente sur les réseaux sociaux (Facebook).

ALIX Jean-Bernard, relieur et bibliophile

AMANDRY Michel conservateur général honoraire du département des Monnaies, Médailles et Antiques de la Bibliothèque nationale de France (1991-2013)

BIANCHI Laura, artiste

CALLAIS Jérôme, président de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris, jerome.callais@laposte.net  / + 33 (0)6 84 09 91 31

CLÉMENT Catherine, collaboratrice de la direction de l’Attractivité et de l’Emploi, Ville de Paris

CONSEIL Sylvie, collaboratrice de la direction de l’Attractivité et de l’Emploi, Ville de Paris

CORSEAUX Pascal, bouquiniste

GUENANEN, Valentin, directeur du cabinet de Mme Olivia Polski

LELEU Sophie, ancienne vice-présidente de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris

POLSKI Olivia, adjointe au Commerce et à l'Artisanat de la Ville de Paris

Le projet d'inclusion à l'Inventaire national du patrimoine culturel immatériel a fait l'objet de votes de soutien à l’unanimité aux conseils d’arrondissement des mairies des 1er, 4e, 5e et 7e arrondissements de Paris ainsi que, le 2 mai 2018, au Conseil de Paris. Dix-huit bouquinistes établis sur les différents quais de la Seine à Paris ont chacun signé et remis à l’Association culturelle des bouquinistes de Paris (ACBP) une lettre de consentement au projet. L'ACBP a également reçu neuf lettres de soutien à ce projet de reconnaissance à l’Inventaire national du PCI :

- Mme Florence BERTHOUT, présidente du groupe LR & Indépendants, maire du 5e arrondissement de Paris

- M. Frédéric CASTAING, président de la Compagnie nationale des Experts spécialisés

- Mme Anna GAVALDA, écrivain

- M. Gilles LE GENDRE, député des 5e et 6e arrondissements de Paris

- Mme Olivia POLSKI, adjointe au Commerce et à l'Artisanat de la Ville de Paris

- M. Guy SAVOY, chef

- M. Yann SORDET, conservateur général de la Bibliothèque Mazarine

- M. Jean TULARD, membre de l'Institut de France

- M. Henri VIGNES, président du Syndicat de la librairie ancienne et moderne

Rédacteur de la fiche

 

CALLAIS Jérôme, président de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris jerome.callais@laposte.net

/ + 33 (0)6 84 09 91 31

 

Enquêteur(s), chercheur(s) ou membre(s) du comité scientifique associé

 

CHEVALIER Christian, documentaliste de la Société historique du 6e arrondissement

SARZANA Jean, ancien directeur général du Syndicat national de l'Édition (1994-2006)

TULARD Jean, historien, membre de l’Institut

 

Lieux(x) et date/période de l’enquête

 

Paris, mai-octobre 2018

 

 

Données d’enregistrement

 

Date de remise de la fiche: 18 novembre 2018

Année d’inclusion à l’inventaire: 2019

N° de la fiche 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00427

Identifiant ARKH: ark:/67717/nvhdhrrvswvk2mj

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouquinistes_de_Paris

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