La fête du Citron de Menton (Alpes-Maritimes) est un des événements festifs majeurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
La fête du Citron de Menton (Alpes-Maritimes) est un des événements festifs majeurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle appartient aux festivités hivernales de la Côte d’Azur, construites pour favoriser un tourisme hivernal. Inventée dans les années 1930, cette fête a connu un engouement croissant. Elle se déroule aujourd’hui pendant environ deux semaines et attire des publics locaux, nationaux mais aussi internationaux.
La fête du Citron de Menton (Alpes-Maritimes) est un des événements festifs majeurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle appartient aux festivités hivernales de la Côte d’Azur, construites pour favoriser un tourisme hivernal. Inventée dans les années 1930, cette fête a connu un engouement croissant. Elle se déroule aujourd’hui pendant environ deux semaines et attire des publics locaux, nationaux mais aussi internationaux.
La fête se caractérise par une série d’animations et de spectacles dont les principales sont les jardins d’expositions et un défilé de chars, ou corso, comme dans le cadre d’un carnaval. Les jardins d’exposition mettent en scène de grandes sculptures recouvertes d’agrumes ; le corso présente des chars décorés de la même manière et accompagnés de troupes musicales, d’artistes de rue. Ces motifs déclinent une thématique, renouvelée chaque année, qui structure le propos et l’univers de la festivité. La réalisation des sujets sollicite un ensemble de savoir-faire mobilisant des techniques qui évoluent et se professionnalisent. La fête comprend aussi un marché artisanal, qui promeut les produits agricoles et artisanaux locaux.
Organisée par la Ville de Menton, la fête représente un temps fort de la cité en mettant en scène un symbole, le citron, et plus largement les agrumes, renvoyant à des images de saveur, de terroir, de soleil.
● La Ville et l’Office de tourisme de Menton, qui organisent l’événement. Le personnel administratif et technique est mobilisé. Cette fête repose en grande majorité sur des employés municipaux. Quasiment tous les services sont mobilisés : le service événementiel de l’Office de tourisme avec un comité de pilotage qui œuvre à la conception de la fête, le service des espaces verts, le centre technique municipal, le service communication, le service voirie et la police municipale… Des employés saisonniers sont recrutés pour décorer les chars et les sculptures : pour soutenir cette mobilisation des services municipaux, une « main d’œuvre » saisonnière est recrutée pour installer les agrumes sur les chars et les sculptures. Ces employés sont communément appelés « fruiteurs », ils fixent les agrumes sur les chars et les sculptures.
● Les professionnels qui fabriquent les armatures métalliques des chars et des sculptures. Les entreprises spécialisées sont sélectionnées par appel d’offre par la municipalité. En 2019, l’entreprise niçoise Concept événementiel, entreprise de carnavaliers niçois en décoration événementielle, a été sélectionnée pour réaliser l’ensemble des structures.
● Les professionnels des arts de la rue : troupes musicales, comédiens de rue, échassiers, qui participent au défilé.
● Les bénévoles : fanfares, groupes musicaux, qui contribuent au défilé, et notamment des associations folkloriques locales.
● Les producteurs d’agrumes du territoire mentonnais, qui présentent des stands de leurs produits pendant la fête, occasion de mettre en avant leurs produits : fruits frais (citrons, cédrats, mandarines, kumquats…), limoncello (liqueurs de citron), liqueurs de mandarines, etc.
● Les producteurs d’agrumes, étrangers (Espagne) pour l’essentiel, qui fournissent les fruits pour décorer les chars et sculptures.
● Les publics, locaux, d’autres régions ou bien étrangers. Chaque année, la manifestation attire des publics du monde entier.
Lieu(x) de la pratique en France
Menton (Alpes-Maritimes)
Pratique similaire en France et/ou à l’étranger
Dans un contexte où les produits du terroir apparaissent comme un gage d’authenticité et s’associent à un engouement certain pour la gastronomie, plusieurs événements hivernaux revendiqués comme des fêtes ont pour thème les agrumes, phénomène récent, apparu il y a une quinzaine ou une vingtaine d’années.
Ainsi, à Bastelicaccia (Corse-du-Sud), une fête des agrumes a lieu tous les ans, au mois de février. En 2019, le village en célébrait la 14e édition, qui se présente principalement sous la forme de stands, où des agriculteurs et agrumiculteurs étalent leurs fruits et une quantité étonnante de produits dérivés à base de mandarines, d’oranges, de citrons, de cédrats. S’il présente des similitudes par son thème et sa place dans le calendrier, cet événement est toutefois dénué de défilés ou de sculptures d’agrumes comme à la fête du Citron de Menton. Il s’agit davantage d’un salon dédié aux agrumes et consacré surtout à la cuisine.
Dans les Pyrénées-Orientales, à Banyuls-sur-Mer, une fête des Oranges a lieu tous les ans, également pendant l’hiver, généralement à la mi-février au cours d’un week-end. Cette fête, organisée par la « confrérie des Oranges stressées », propose des stands d’agrumes, une foire, des goûters pour les enfants et des dégustations, des animations, des spectacles musicaux. En 2019, la ville en célébrait la 23e édition.
Le carnaval d’Ivrea, dans le Piémont (Italie), met en scène des agrumes dans un registre différent, celui d’une bataille d’oranges. Cette pratique, qui correspond à des usages anciens, met en scène le peuple de la cité représenté par des tireurs d’oranges, à pied, lançant des oranges, sans protection contre les représentants et les troupes du seigneur féodal, présents sur des chars, casqués et portant des armures. Cette bataille est revendiquée comme la reconstitution d’un fait réel, à savoir une révolte médiévale. Réunissant des milliers de participants chaque année, pendant l’hiver, la bataille se rattache au répertoire subversif du carnaval, à savoir la révolte contre les puissants. Les jets d’agrumes expriment l’affrontement social de deux groupes dans la cité.
La fête du Citron a lieu chaque année depuis les années 1930 dans le sud-est de la France à Menton pendant une quinzaine de jours. Cette fête hivernale se déroule pendant la période des vacances scolaires. Elle est conçue comme une fête familiale et aussi propice au tourisme. La fête est toujours inaugurée pendant un week-end des vacances scolaires et s’étire généralement de mi-février à début mars. Elle donne lieu à une série d’animations. Les deux principales sont des défilés de chars recouverts d’agrumes (corso) et des expositions de sculptures entièrement décorées d’agrumes dans les jardins Biovès, au cœur de la ville. Organisée et financée par la Ville de Menton et l’Office de tourisme, l’événement offre une grande festivité au cœur de la morte-saison, dans une station balnéaire spécialisée dans le tourisme estival. La ville a accueilli environ 250 000 visiteurs à cette occasion en 2019.
L’organisation et les préparatifs
Dans la cité du citron, la préparation de la fête mobilise du personnel et une organisation conséquente. Le comité d’organisation de la fête se compose de plusieurs représentants des principaux services concernés de la Ville et de l’Office de Tourisme. La préparation de la fête suit un rythme assez identique chaque année. Le choix de la thématique est l’une des premières décisions validées par le maire. Comme au carnaval de Nice, la thématique conditionne le visage de la fête et lui confère une tonalité contribuant à son message et à son attractivité, y compris au niveau international. La réalisation des chars et des sculptures est confiée à des professionnels par appel d’offres. Au total, le comité d’organisation de la fête emploie près de 400 personnes (manutentionnaires, caissiers, contrôleurs) et environ 200 artistes, qui se produisent pendant l’événement, auxquels s’ajoutent 120 agents de sécurité et les forces de l’ordre.
La réalisation
Deux phases se distinguent dans la chaîne opératoire de la construction des motifs : la phase conceptuelle, celle des maquettes, réalisées par des graphistes, puis, une fois cette étape achevée, les maquettes sont confiées aux artisans sélectionnés pour la construction des sculptures et des chars. Les chars sont des armatures métalliques, en fer lisse, réalisées par des sculpteurs professionnels. Depuis cinq ans a été sélectionnée pour leur construction la société niçoise Concept Evénementiel, l’une des principales sociétés de carnavaliers niçois, dirigée par la famille Povigna, carnavaliers depuis quatre générations. Leur arrivée au sein des constructeurs de la fête a contribué à son évolution par la réalisation de structures plus complexes en ouvrant ainsi d’autres perspectives. La construction des structures se réalise dans des ateliers municipaux.
Une fois ces armatures terminées, le reste de la réalisation, de l’accessoirisation des structures métalliques à l’installation des tribunes du corso, est effectuée par les agents municipaux des services techniques. Ce personnel effectue tout au long de l’année l’entretien des bâtiments municipaux, chacun dans sa spécialité. Pendant la période de préparation des fêtes, il se consacre entièrement à la réalisation de décors afin de venir agrémenter les chars et les structures des jardins. La Ville compte ainsi dans ses effectifs des sculpteurs sur polystyrène ou autre, des peintres décorateurs, des menuisiers ébénistes concepteurs de décors, des ferronniers d’art et des électriciens éclairagistes. Les employés des ateliers municipaux réalisent l’accessoirisation de chaque décor fixé sur les structures métalliques. Pour la fixation des agrumes sur les sculptures et les chars, la Ville de Menton recrute une main-d’œuvre importante.
Le déroulement de la fête du Citron
Les expositions de sculpture des jardins Biovès
Les Jardins Biovès, situés au plein cœur de la ville, sont le lieu d’exposition des sculptures couvertes d’agrumes. En 2019, treize sculptures géantes, en rapport avec le thème, culminaient jusqu’à 13 m. Les sculptures sont disposées sur les parterres des jardins, particulièrement soignés et décorés pour l’occasion de fleurs et d’agrumes. Pendant la durée de la fête, l’accès aux jardins s’effectue grâce à un ticket d’entrée payant, selon des horaires précis. Au cours de la fête, les expositions d’agrumes sont ouvertes en soirée : cet événement, dit « Jardins de Lumières », s’est renouvelé à trois reprises au cours de l’édition 2019 de la fête du Citron. Les sculptures d’agrumes sont alors illuminées.
En plus des décors et des sujets, plusieurs stands animent les allées des jardins au cours des expositions d’agrumes, tenus par des producteurs de citron ou des commerçants, qui vendent des produits dérivés du citron, sous réserve d’être certifiés par le label Indication géographique protégée (IGP), respectant un cahier des charges très précis. La fête offre ainsi l’occasion aux producteurs locaux d’agrumes de présenter et commercialiser leurs produits à une clientèle internationale et valorise l’image d’un territoire à travers ses produits. D’autres stands, moins nombreux, sont tenus par les groupes folkloriques de la ville, qui font connaître leur association, accroissent leur visibilité et vendent quelques produits liés à la fête du Citron ou aux traditions locales : cartes postales, sets de table, thé au citron de Menton, photographies en habits traditionnels, etc.
Le corso
Le défilé de chars, ou corso, représente l’autre temps fort de la fête. Le défilé se déroule sur le front de mer, sur la promenade du Soleil, à proximité des jardins Biovès et du casino de jeux. L’accès au défilé est possible par l’achat d’un ticket d’entrée : le tarif s’élève à 12 euros pour assister debout au défilé (places dites « promenoirs »), à 25 euros pour admirer le corso en étant assis depuis les tribunes installées sur le front de mer. Plusieurs corsi se déroulent tout au long de la fête. Il existe des défilés diurnes (après-midi), appelés « corsi des fruits d’or », et nocturnes (en soirée). En 2019, on dénombrait trois corsi diurnes et deux corsi nocturnes, dont l’un clôturé par un feu d’artifice. Le défilé en soirée permet une illumination des chars et renforce l’aspect spectaculaire. Dans tous les cas, le défilé est constitué de dix chars d’agrumes, qui illustrent la thématique annuelle. Tout comme les sculptures des jardins, ces chars se singularisent par leur aspect coloré, alternant le jaune vif des citrons et la couleur orange des oranges. Les chars défilent sur une distance d’1,5 km, pendant environ 1h30, accompagnés par des associations folkloriques, des clubs de danses, des troupes de spectacle de rue…, le tout animé par un disc-jockey. De plus en plus, les groupes défilant entre les chars sont interactifs avec le public, afin de rompre avec l’idée d’un défilé trop statique où le visiteur serait uniquement passif. Ainsi, en 2019, le premier char du défilé comprenait une petite scène sur laquelle se produit un groupe de musique qui réinterprète des chansons françaises en faisant chanter le public. Les troupes de spectacle de rue, échassiers, jongleurs interagissent avec les spectateurs en leur faisant des tours de magie, en les surprenant en venant vers eux, en prenant la pause pour des photographies, etc. Les personnes placées sur les chars envoient aussi des confettis, parfois des jets d’eau ou de laneige artificielle sur le public.
Visites et excursions
Les deux attractions, expositions d’agrumes et corsi, s’accompagnent aussi de visites guidées. Celles-ci, proposées par la Ville, permettent aux visiteurs de découvrir Menton et ses environs, pour valoriser le patrimoine de la ville par des activités culturelles. Plusieurs visites se déroulent dans les jardins de la cité, comme par exemple la citronneraie municipale, la Casetta. En partenariat avec le service du patrimoine, le service événementiel organise des visites de la vieille ville, du palais Carnolès et des serres de la Madone et propose des excursions dans les villes voisines, telles Roquebrune-Cap-Martin, Gorbio et Monaco. Un agrumiculteur organise des visites de son exploitation de citrons. La fête est une opportunité pour les producteurs de faire découvrir leur métier, leur savoir-faire et de valoriser leurs produits auprès des publics français et étrangers.
Le français est la langue officielle et commune de la manifestation.
Des programmes et des dépliants sont édités en anglais et en italien. De même, des versions anglaise et italienne du site internet existent. Un nombre important d’étrangers participent à la manifestation du fait de sa dimension internationale, qui pratiquent leur propre langue (anglais, italien, russe, chinois, allemand…).
De manière sporadique, le mentonnais peut être utilisé dans la fête : une bande dessinée mettant en scène le personnage de John Lemon met à l’honneur cette langue locale à travers ses dialogues. Le mentonnais se rencontre aussi parfois dans des noms de groupes folkloristes qui défilent au sein du corso avec des costumes mentonnais.
Patrimoine bâti
Les ateliers de construction des chars de la fête
Plusieurs hangars municipaux sont utilisés pour la construction des chars. Ces ateliers municipaux essentiellement sont d’anciens abattoirs aujourd’hui désaffectés, qui servent aussi pour la réalisation des décorations de Noël. Ces hangars sont comparables à ceux qu’utilisent les artisans carnavaliers niçois. Ils ont été ouverts à la visite pour l’édition 2019 des Journées européennes du patrimoine « Arts et divertissements ». Ces hangars informels et autrefois peu valorisés (anciens abattoirs) deviennent ainsi progressivement des lieux réhabilités, à vocation patrimoniale.
Les jardins Biovès
Au centre-ville de Menton, ils constituent un des espaces phares de la manifestation. Les sculptures d’agrumes y sont exposées pendant la fête. Ces jardins portent le nom d’Émile Biovès (1849-1918), maire de Menton de 1881 à 1885, puis de 1896 à 1905. Ce maire réalisa plusieurs projets importants lors de ses mandats : la construction d’un hôtel des Postes, la transformation du Cercle philarmonique en hôtel de ville et plusieurs travaux d’aménagement, tels la mutation du quartier du Fossan, l’ouverture de plusieurs rues et la couverture de la rivière du Careï avec l’édification de jardins. À son décès, en 1918, ces jardins furent rebaptisés « jardins Biovès ». Cette promenade de 800 m de long présente tout au long de l’année des pelouses fleuries, des essences exotiques, des sculptures et des fontaines. Entretenu par les services municipaux, ce lieu offre un espace de détente et de promenade pour les familles, les touristes, bénéficiant de la richesse de la végétation mentonnaise et de son climat particulièrement doux. Situés en face de l’Office de tourisme, ces jardins montrent aussi des décorations particulièrement soignées au moment des fêtes de Noël, où de nombreuses animations sont alors proposées : spectacles, manèges, etc. Pour les besoins de la fête, les services municipaux y disposent une palissade de près de 400 panneaux, qui clôturent l’espace fermé de l’exposition.
Le palais de l’Europe
Le casino Kursaal, rebaptisé palais de l’Europe dans les années 1960, a été construit en 1908 en bordure des jardins Biovès par l’architecte danois Hans Georg Tersling. D’un style moderne et classique de la seconde moitié du XIXe siècle, le bâtiment, inauguré en 1909, est alors réputé être le plus grand casino de la Côte d’Azur.
Doté de plusieurs salles de jeux, d’une salle de music-hall, d’un théâtre, d’une patinoire, d’une grande galerie, d’un salon de lecture et d’un restaurant, le casino apparaît alors comme caractéristique d’une activité économique et sociale locale tournée vers le tourisme de la haute société européenne qui séjourne sur la Côte d’Azur pendant la saison hivernale. Le casino fut provisoirement transformé en hôpital militaire pendant la première guerre mondiale et utilisé comme entrepôt à marchandises durant l’occupation italienne au cours de la seconde guerre mondiale. Sa toiture ayant été partiellement détruite durant cette période, le casino resta fermé jusqu’aux années 1960, avant son rachat par la Ville, qui le transforma en un espace culturel et d’animation (théâtre, expositions, manifestations culturelles, office de tourisme…). De 1936 jusqu’à l’avant-guerre, le Casino Kursaal a accueilli des composantes de la fête du Citron : les expositions d’œuvres d’art et les expositions de plantes exotiques. En 1967, le nouveau palais de l’Europe a accueilli une exposition internationale de la photographie, intégrée au programme des festivités. Il accueille, depuis lors, une partie du programme de la fête du Citron : expositions artistiques, expositions (avec concours) de plantes exotiques (devenues expositions d’orchidées en 1978), colloques sur l’agrumiculture, marché artisanal, entre autres.
Objets, outils, matériaux supports
Les chars et sculptures
La réalisation des chars et des sculptures sollicite quelques matériaux qui sont employés dans une chaîne opératoire, selon l’expression d’André Leroi-Gourhan, précise et identique chaque année. Les chars et sculptures relèvent d’une commande publique, encadrée et normée : les armatures métalliques sont réalisées par une entreprise de décoration sélectionnée à la suite d’un appel d’offres. Dans leur proposition, les entreprises doivent être le plus possible fidèles à la commande municipale (cahier des charges) à travers des motifs de sculptures correspondant à la thématique de la fête. Elles doivent aussi préciser les matériaux, les dimensions, les tarifs, les conditions de sécurité, le prix et les délais de livraison.
Pour la fabrication des chars et des sculptures, les artisans utilisent du fer lisse qui constitue l’armature métallique, travaillée à l’aide d’un outil communément qualifié de « griffe ». Des ferronniers, appelés « serruriers », effectuent cette tâche. Le fer est manipulé avec la « griffe », en suivant les formes travaillées, dessinées à la craie au sol.
Du grillage métallique, dit « grillage à poules », est sollicité pour l’accrochage des agrumes sur les structures métalliques. Des employés embauchés pour cette occasion, encadrés par des agents du service espaces verts de la ville, sont chargés de cette tâche. Ils accrochent les agrumes à ce grillage grâce à des élastiques de couleur jaune et orange. Les élastiques permettent de s’accorder à la couleur des agrumes et de ne pas les abîmer. La Ville de Menton effectue une commande massive de plus de 500 000 élastiques, selon la Société d’art et d’histoire du Mentonnais (Le Citron de Menton, 2005).
Quant aux sculptures installées dans les jardins, les employés municipaux installent des guirlandes vertes de 5 cm de diamètre pour délimiter les espaces décorés de citrons ou d’oranges. Ces guirlandes, qui représentent au total un linéaire de 10 km, étaient composées autrefois par du buis enroulé autour d’un cordage pour constituer des boudins de 2 m de long. Depuis deux années, compte tenu de l’attaque du buis par la pyrale, un parasite, les guirlandes sont réalisées avec un boudin de gazon synthétique.
Les agrumes
Les agrumes constituent un matériau à part entière. La composition des chars et des sculptures met en scène un éventail bicolore alliant les citrons et les oranges. Ces agrumes sont issus de cultures industrielles de pays méditerranéens, majoritairement l’Espagne (région de Murcia). Les agrumes locaux ne sont pas utilisés : la production annuelle de Menton (environ 40 tonnes) ne suffirait pas. La décoration des structures nécessite entre 140 et 180 tonnes d’agrumes (citrons et oranges exclusivement). De telles quantités nécessitent un fournisseur « industriel » et une organisation rigoureuse et calculée. Le producteur doit livrer la marchandise à une date proche de la fête du Citron, afin que les fruits soient à bonne maturation et qu’ils ne pourrissent pas. Le transport de l’agrume dure environ 2 jours et il doit être posé sur les sculptures et les chars environ 5 jours après la cueillette. Pour favoriser cette adaptation des agrumes importés, la Ville fait appel à un fournisseur de la région de Murcia, dans le sud-est de l’Espagne. Pour éviter que le fruit ne mûrisse trop rapidement, il doit être conservé dans un endroit aux températures stables et bien ventilé. À Menton, les palettes d'agrumes sont conservées sous un chapiteau, espacées de 50 cm minimum. La préparation nécessite une organisation rigoureuse et une maîtrise de la conservation des fruits. La gestion du temps est également importante : tout doit être prêt pour l’inauguration de la fête, fixée à une date arrêtée.
Tout au long de la fête, des agents de la mairie s’assurent du bon état des agrumes disposés sur les chars et les sculptures. Ils effectuent un travail de veille et de maintenance et remplacent parfois les agrumes abîmés ou pourris. Les fruits, appelés « fruits d’or » dans la communication officielle de la fête, doivent être en bon état sur les chars et les sculptures, « propres », éclatants. Après la fête, les agrumes devenus trop mûrs, abîmés, impropres à la consommation sont jetés. Pour les autres agrumes, le comité des fêtes les revend au prix de 3 euros le kg. Certains fruits sont aussi mis de côté et redistribués pour des actions de charité.
Plusieurs vecteurs de transmission peuvent être évoqués, en fonction des différentes catégories d’acteurs de la fête.
Du point de vue des spectateurs, la fête du Citron se transmet principalement dans le cadre familial : les enfants viennent avec leurs parents ou leurs grands-parents. On rencontre plusieurs configurations : des familles mentonnaises, ou des familles de la région, qui se retrouvent pour les vacances d’hiver. La fête est une occasion de passer un moment de loisir en famille. Pour les familles mentonnaises, assister à la fête se définit comme une tradition intergénérationnelle, l’événement ayant lieu depuis plus de 80 ans. Certains Mentonnais ont toujours connu cette fête, qui a accompagné les différentes périodes de leur vie (souvenirs d’enfance, d’adolescence, etc.) Les enfants s’émerveillent devant les immenses structures d’agrumes auprès de leurs grands-parents à la fois charmés et nostalgiques. La fête est l’occasion de raconter des souvenirs d’enfance, de famille, mais aussi d’évoquer l’évolution de la fête : les thèmes précédents, les évolutions techniques, des anecdotes marquantes.
Pour d’autres acteurs, comme les associations folkloriques, la transmission des traditions s’accomplit au sein de la structure associative. Cette transmission peut contenir une tonalité intergénérationnelle. Ces structures peuvent regrouper des membres de même famille, des amis, des voisins, qui partagent une même passion pour leur passé et leurs traditions (costumes, danses, chants…). L’apprentissage des danses et des chants se déroule par l’intermédiaire des réunions d’association, des répétitions mais aussi au sein des spectacles. Enfin, les membres de ces associations sont souvent soucieux d’archiver : ils disposent d’archives anciennes et de photographies, qui constituent aussi des supports de transmission.
La transmission technique de construction et la préparation de la fête se réalise selon différentes modalités en fonction des acteurs.
Pour la construction des structures métalliques des chars et des sculptures, la transmission s’accomplit au sein de l’entreprise. En 2019, l’entreprise Concept Evénementiel de carnavaliers niçois avait été sélectionnée pour ce chantier. Dans cette structure, la transmission des techniques s’effectue dans un cadre familial depuis quatre générations par une imprégnation progressive, ou « nourrissage », selon l’expression de Michelle Salmona (Salmona 1994). On apprend alors les techniques de père en fils. Cette transmission concerne le patron de la société, qui poursuit la tradition de son père et qui apprend aussi le métier à ses filles. La majorité des artisans, embauchés par la société, ne poursuivent pas une tradition familiale. Pour eux, l’apprentissage des techniques de ferronnerie s’est concrétisé dans le cadre de l’entreprise, généralement après un cursus dans le domaine des Beaux-Arts, en école d’arts, ou après un CAP de sculpture, ou bien encore en suivant un parcours autodidacte. Dans tous les cas, l’apprentissage du métier s’accomplit par imprégnation au sein de l’entreprise par l’acquisition de savoir-faire corporels, comprenant des postures, des gestes, un rythme, des dimensions sensorielles et un rapport aux matériaux.
Concernant les autres étapes relatives à la préparation de la fête, la transmission s’effectue au sein des services municipaux. Ceux-ci sont fortement mobilisés pour préparer l’événement. Les employés municipaux, issus principalement du service des espaces verts et des ateliers municipaux, transmettent leurs savoir-faire aux nouveaux agents recrutés ou moins aguerris. Ces agents doivent maîtriser la technicité nécessaire pour réaliser les parterres des décors agrémentés de fleurs, d’agrumes et de différents éléments. Les agents des ateliers municipaux interviennent aussi bien dans la réalisation des décors par la confection de l’ensemble de leur accessoirisation que par la mise en œuvre de la logistique rattachée à l’événement (montage de palissades pour les jardins et lors des corsi en ville, mise en place de tribunes, etc.). Pour les activités de décoration et d’accessoirisation, les techniques se transmettent de chef d’équipe en ouvrier, ou apprenti. Il s’agit de maîtriser les gestes, d’appréhender les délais qu’il faut absolument tenir dans un contexte événementiel. Par ailleurs, la transmission des techniques se réalise également vis-à-vis de la main-d’œuvre recrutée chaque année pour la fête. Les agents du service des espaces verts montrent les gestes de la technique du « fruitage », terme désignant la fixation des agrumes sur les structures métalliques. Il faut en effet fixer près de 140 tonnes d’agrumes. Les novices apprennent « sur le tas », lors de leur embauche. L’apprentissage se réalise essentiellement par le regard selon un savoir-voir (Cornu 1991), en observant les gestes, et par la parole. Le travail est encadré par le service des espaces verts de la municipalité, qui transmet les gestes et veille au bon déroulement de la chaîne opératoire.
La fixation des agrumes peut paraître simple, mais elle nécessite de la patience, de la rigueur et de la minutie. En effet, les agrumes ne sont pas disposés au hasard, il ne faut pas voir leur attache, ils sont posés selon leur calibre, leur degré de maturation, par exemple. Toutes ces conditions nécessitent des connaissances empiriques transmises oralement et acquises au fur et à mesure de la pratique. Une mauvaise fixation des agrumes entraînerait des conséquences fâcheuses, les employés ont donc une responsabilité vis-à-vis du bon déroulement de la fête et de sa présentation. Achever la fixation des agrumes et pouvoir montrer aux autres le résultat représentent une source de satisfaction et de fierté dans le cadre d’un spectacle urbain payant où les sculptures sont de grande taille avec des couleurs particulièrement vives, visibles de loin. Cette forme d’implication les rend acteurs de l’événement.
La Ville de Menton et l’Office de Tourisme, qui organisent la fête. Les agents, à travers différents services, s’occupent de la programmation de la fête et assurent les tâches administratives, artistiques et techniques.
Les artisans qui construisent les structures métalliques des chars et des sculptures.
Les producteurs locaux de citrons, d’agrumes sont associés à l’événement et présentent des stands pour vendre leurs produits pendant la fête du Citron.
Le défilé, dit « corso » se compose des chars, accompagnés par des groupes de danse, de musique, des groupes folkloriques, des fanfares, des artistes de rue, des comédiens, un disc-jockey.
L’origine de la fête du Citron remonte à la période de l’entre-deux-guerres, mais s’inscrit dans le contexte historique plus ancien de l’essor des festivités hivernales de la Côte d’Azur à la fin du XIXe siècle. En 1875, deux ans après la création moderne du carnaval de Nice, un carnaval est créé à Menton afin de proposer une fête pour les hivernants. Néanmoins, face au succès grandissant du carnaval de Nice, qui devient une attraction de réputation mondiale (Ferreira 2014), le carnaval de Menton peine à trouver son public.
En 1928, un hôtelier de Menton organise une exposition d’agrumes dans les jardins de son hôtel, l’hôtel de luxe Riviera Palace. Cette exposition présentait des fleurs, des agrumes dans des vasques d’osier peintes en or ou en argent, évoquant deux activités emblématiques du terroir mentonnais : l’agrumiculture et l’horticulture, pour offrir un divertissement à la clientèle de l’hôtel, en mettant en valeur des agrumes locaux. Devant l’engouement suscité par cette initiative, l’idée d’organiser une exposition d’agrumes est reprise par des responsables locaux du tourisme et de la mairie. Une exposition d’agrumes est organisée place de la Mairie pendant l’hiver 1929. Dans les années qui suivent, la manifestation n’est certes pas conçue comme officielle, mais un comité d’organisation se constitue, réunissant plusieurs acteurs locaux comme le président du syndicat des hôteliers. L’exposition s’enrichit par la suite avec une dégustation de plats et de vin du pays, un concert symphonique, un défilé en costumes traditionnels…Le terme « fête du Citron » émerge en 1933. L’amicale des fleuristes propose d’élargir la festivité en organisant un concours d’étalages fleuris accompagnés, entre autres, d’une caravane défilant à travers la ville. Ce projet a d’autant plus d’impact qu’il arrive au moment où le carnaval de Menton est supprimé, en 1934.
L’année 1935 est un tournant et peut être considérée comme la naissance de la fête du Citron, qui devient une fête officielle, institutionnalisée, organisée par le comité des fêtes et la Ville, avec un programme édité. D’une attraction d’un après-midi, elle devient, en 1935, une véritable festivité hivernale, s’étalant sur trois jours. Elle prend des tonalités carnavalesques évidentes : défilé enfantin fleuri, corso avec des chars entourés de troupes folkloriques mises en scène, bataille de citrons et de confettis, de fleurs, défilé de nuit, gala au casino municipal. À ces éléments festifs s’ajoute l’exposition d’agrumes place de la Mairie, avec un prix récompensant les meilleures réalisations et une présentation de produits locaux à travers des stands. La vocation touristique de la fête s’affirme ; elle devient un outil de promotion de la ville, permettant de construire l’image d’une cité du soleil, de l’exotisme, d’une douceur de vie associés à des saveurs et des savoir-faire. Au milieu des années 1930, la fête rencontre un réel succès : sa durée est portée à six jours en 1936. À partir de cette date, les jardins Biovès sont utilisés comme espaces d’exposition d’agrumes.
Au milieu des années 1950, le maire Francis Palmero donne à la fête un élan davantage international. Elle devient spectaculaire avec des chars plus aériens, davantage artistiques. Le principe d’un thème est mis en avant à partir de 1955 afin de structurer la fête autour d’un univers, qui est renouvelé chaque année sur le modèle du carnaval de Nice. Dans ce contexte, la festivité suscite toujours plus d’intérêt : plus de 55 000 visiteurs sont recensés en 1970. À la fin des années 1970, la nouvelle municipalité accentue encore la dimension internationale et touristique de l’événement. La période de la fête est portée à deux semaines, tandis que le corso passe désormais par le bord de mer. En 1980, la fête attire plus de 100 000 visiteurs, ce qui est une première. En 1983, elle est baptisée « fête internationale du Citron » pour célébrer ses cinquante ans : une exposition met à l’honneur les agrumes de plusieurs pays (États-Unis, Italie, Israël, Espagne, Maroc), un colloque international est organisé ; le seuil des 120 000 visiteurs est franchi. Dans les années 1990, la nouvelle municipalité décide d’élargir l’offre festive avec des visites guidées de la ville, des musées, de la villa Maria Serena, signes de la volonté de conférer à la manifestation une tonalité plus culturelle. La fête devient l’occasion de montrer le patrimoine de la ville et d’inciter les publics à venir tout au long de l’année au moment où l’État attribue le label « Ville d’art et d’histoire » (1991). Parallèlement, les moyens de communication deviennent plus sophistiqués à travers une professionnalisation du graphisme, une multiplication des affiches, une diffusion de dépliants par l’Office de tourisme, envoyés par milliers d’exemplaires à des autocaristes ou des voyagistes.
Des dossiers de presse sont expédiés aux journalistes de tous les pays. À partir de 1995, on observe un renforcement des techniques commerciales avec la création de forfaits permettant de visiter les expositions d’agrumes, d’assister aux corsi, de visiter la vieille ville mais aussi des citronneraies et une confiturerie. L’événement offre l’occasion de promouvoir les produits locaux en visitant leurs lieux de production et en y rencontrant des artisans. Depuis les années 1990, les sculptures deviennent plus monumentales avec des motifs hauts de plus de 8 m, nécessitant plus de 10 tonnes d’agrumes. Les corsi sont agrémentés avec davantage de troupes musicales, de fanfares, de groupes folkloriques venus du monde entier. Les thématiques de la fête évoquent des sujets et personnages de l’univers de la bande dessinée ou de la littérature enfantine : Disneyland au pays des merveilles en 1995, Astérix, Tintin, Lucky Luke, Alice au pays des Merveilles, Pinocchio… En 2000, le thème des fables de La Fontaine attire plus de 243 000 visiteurs. Dans les thématiques choisies, les sujets fantastiques ou appartenant à l’imaginaire enfantin sont privilégiés, miroir de la dimension familiale que les organisateurs assignent à cette fête.
Cette fête offre l’image d’une tradition inventée (Hobsbawn & Ranger 2012) datant du siècle dernier, mettant en avant des produits du terroir. On remarque le décalage entre le succès grandissant de cette fête tout au long du XXe siècle et le recul de la culture du citron à Menton pendant la même période. On peut rappeler d’ailleurs quelques repères historiques. Au Moyen Âge, la cité de Gênes, grande puissance commerciale, favorise une économie citricole en généralisant l’usage du jus de citron dans l’assaisonnement des plats. Au XVe siècle, San Remo produit des oranges et en exporte en Italie et en France. La première mention de la culture des citrons à Menton date d’une source du XVe siècle. La culture se développe dans les siècles suivants, les récits de voyage de la fin du XVIIe siècle dépeignent des collines couvertes d’orangers et de citronniers. Au XVIIIe siècle, Menton est le premier port de la principauté de Monaco et l’agriculture mentonnaise représente sa première source de richesse. Elle faisait vivre des familles, des travailleurs étrangers mais aussi des bourgeois, des négociants. L’agriculture conditionne ainsi l’activité commerciale et maritime de Menton. Au XIXe siècle, la culture du citron est importante ; des auteurs décrivent des forêts de citronniers, mais il s’agissait de petites parcelles, compte tenu de la configuration du terroir. La culture en terrasse (restanco) y est dominante. La récolte est un travail âpre, accompli par des récolteuses appelées « limoneuses ». Elles descendent et remontent les restanco en portant sur leur tête des corbeilles de citron. À côté de cette culture, les particuliers font pousser des agrumes dans leur jardin pour une consommation familiale. À la fin du XIXe siècle, au moment où Stephen Liegard invente le terme « Côte d’Azur », les côteaux couverts d’agrumes, le parfum capiteux des citronniers deviennent des motifs emblématiques de la Riviera et renvoient à un certain exotisme et au plaisir des sens. Le citron de Menton est alors réputé, on l’exporte dans des caisses en bois dans le monde entier, comme aux États-Unis.
À l’extrême fin du XIXe siècle, toutefois, on assiste au déclin de la culture du citron : les retards d’aménagement du port de Menton empêchent un développement commercial, alors que la concurrence étrangère s’accroît, comme le citron espagnol ou sicilien de la région de Messine. Au début du XXe siècle, le recul se confirme et s’amplifie même. L’essor du tourisme entraîne en effet celui des constructions et de facto la réduction des terres agricoles. Le secteur du BTP, lucratif, est en pleine expansion au moment où Menton affirme sa vocation de cité balnéaire. Les jardins et les parcelles d’agrumes sont ainsi vendus. En 1913, la cité comprend déjà un parc hôtelier de 62 hôtels. On dénombre seulement moins de dix agrumiculteurs dans la période de l’entre-deux-guerres. Enfin, des épisodes météorologiques comme les gels terribles de 1956 ou de 1963 ont porté préjudice à l’agrume. Cependant, depuis les années 1990, la culture du citron commence à être relancée grâce à des initiatives. Celles-ci ont été impulsées par des élus, des organismes tels que l’INRA et l’INAO, des producteurs. Dans ce contexte, des producteurs ont replanté des citronniers. De nos jours, un des principaux producteurs de Menton, qui possède plus de 250 citronniers, produit environ 10 tonnes par an. Cette renaissance du citron, relative car sa culture reste restreinte, est consacrée par un IGP « Citron de Menton » en 2015. En outre, un producteur a créé une marque, ouvert des boutiques dans plusieurs villes de France et développe une gamme diversifiée de produits (dans la gastronomie, la cosmétique) à partir du citron de Menton, développant ainsi le marketing de cet agrume.
Depuis cinq ans, la réalisation des motifs s’affine, ce qui engendre l’usage de nouveaux matériaux, miroir d’une professionnalisation des acteurs impliqués. Les motifs mettent en scène de plus en plus de personnages et moins de formes cubiques comme auparavant. Cette évolution générale vers des motifs plus fins entraîne d’autres évolutions plus pratiques ou stratégiques. L’affinage des motifs passe par l’augmentation de nouveaux matériaux employés depuis le milieu des années 2000, bien que les sujets restent composés à environ 80 % d’agrumes. De la mousse polyéthylène appelée « Plastazote », d’après le nom de la marque d’un fabricant de cette mousse dans le langage commun, est utilisée pour certaines parties comme les éléments de décor. Ce matériau est sculpté par des professionnels appartenant à la société sélectionnée, Concept Événementiel, une entreprise de décoration événementielle et de spectacles de rue basée à Nice. Aussi, les motifs étant assez élevés, l’importation d’agrumes augmente et les matériaux doivent pouvoir résister au vent. L’entreprise Concept Événementiel, qui réalise les structures métalliques, intègre la nécessité de contreventement en utilisant des tubes adaptés. Dirigée par une famille d’artisans carnavaliers niçois, cette entreprise a l’habitude de réaliser des chantiers avec des structures métalliques de grande taille. La sollicitation de ces acteurs montre une professionnalisation de la fête, avec un désir de « spectacularisation ». De plus, l’affinage des motifs des chars s’accompagne d’une attention réelle de leur animation. Lors de leur construction, des espaces sont prévus au sein des structures pour que des groupes de musiques ou des troupes de théâtres puissent s’y produire. Des mécanismes sont intégrés aux chars pour que certains éléments soient mouvants. Les chars peuvent être accompagnés de musique. La finalité est de rendre les chars plus interactifs et de renforcer l’ambiance et la tonalité carnavalesque.
La professionnalisation de la fête se voit aussi dans la sollicitation de compagnies d’arts de la rue, visibles dans le corso : des troupes d’arts de la rue, spécialisées dans le théâtre de rue ou les spectacles déambulatoires composés d’acrobates, de comédiens. Certaines de ces troupes se produisent dans d’autres festivités comme le carnaval de Nice. Le corso de la fête du Citron, avec ses accents carnavalesques, connaît ainsi des évolutions similaires avec une sollicitation grandissante des compagnies d’arts de la rue originaires de France et du monde entier.
Les phénomènes d’emprunts entre fête du citron et carnavals se voient aussi dans des éléments relatifs à la construction des sujets et au-delà. L’entreprise niçoise sélectionnée pour la fabrication, également compagnie d’arts de la rue, utilise les mêmes matériaux et techniques de construction que ceux qu’elle emploie pour le carnaval de Nice. La présence des carnavaliers niçois se voit aussi à travers des prestations artistiques effectuées au sein du défilé. En effet, ces dernières années, la compagnie niçoise a représenté son spectacle « Dragonautes », qui met en scène un dragon mécanisé, crachant de la fumée, animé par de la musique et des effets sonores, entourés de comédiens costumés. Ce spectacle déambulatoire s’inspire de l’imaginaire Steampunk.
D’autres évolutions techniques significatives de l’évolution de la fête doivent être signalées, miroir de son amélioration technique et d’un souci esthétique accru. Jusqu’en 1959, on utilisait des fils de fer pour fixer les fruits sur les treillis métalliques. À partir de 1959, ces fils de fer sont supplantés par des élastiques orange et jaune. Progressivement, les élastiques sont de plus en plus employés avant de devenir exclusifs. Ce matériau permet de ne pas endommager les agrumes contrairement aux fils de fer, il favorise un maintien plus long du fruit qui peut ainsi être conservé dans un meilleur état. Au plan esthétique, l’élastique offre l’avantage de ne pas se remarquer et de s’accorder à la couleur des agrumes.
Par ailleurs, les anciennes guirlandes de buis, servant à délimiter les surfaces entre citrons et oranges dans les parterres des jardins, ont été remplacées par des guirlandes synthétiques en 2018. L’apparition de la pyrale du buis a motivé ce changement. Les guirlandes sont réalisées aujourd’hui par la confection de boudins en gazon synthétique. Cela permet de préserver le buis mais aussi de simplifier le travail : leur confection n’est plus assujettie à la saisonnalité et la complexité de la cueillette de la plante, leur installation s’effectue avec un matériau beaucoup plus souple. Ces guirlandes sont aujourd’hui récupérées d’une édition à l’autre, ce qui n’était pas envisageable avec le buis.
La provenance des agrumes utilisée dans la décoration des chars et les sculptures a connu une évolution aussi significative de l’évolution festive. Jusqu’en 1955, la production locale suffisait, mais, face à l’accroissement de la fête et des épisodes météorologiques malheureux, les organisateurs ont sollicité des agrumiculteurs étrangers. Cette tendance s’accrut dans l’histoire de la fête du citron dans la seconde moitié du XXe siècle. En 1956, un épisode de gel fait des ravages à Menton et dans tout le midi de la France. L’agrumiculture locale est fortement touchée. Les organisateurs décident alors de maintenir la fête du citron en faisant appel à des agrumiculteurs de Sicile (régions de Catane et d’Agrigente). En 1958, des agrumes du Maghreb sont venus agrémenter la fête grâce à des dons du comité des agrumes d’Afrique du Nord. Cette même année, la Ville de Menton se fournit également auprès d’un agrumiculteur de Saint-Laurent-du-Var, M. Bellissime, qui devient un fournisseur officiel. Des années 1960 aux années 1980, la tendance à solliciter des agrumes importés se confirme : la production mentonnaise, qui ne cesse de se réduire, continue d’être utilisée pour la Fête mais diminue progressivement. La Ville de Menton mobilise des grossistes italiens et M. Bellissime lorsqu’un nouveau gel survient, en 1963. La part des agrumes italiens employés dans la fête ne cesse de croître avant de s’imposer progressivement. Dans les années 1980, les agrumes siciliens deviennent largement majoritaires. Ils proviennent de la région d’Acireale, au pied de l’Etna, dans la province de Catane. Pour mesurer cette évolution, on peut citer ces chiffres, mis en avant par la Société d’art et d’histoire de Menton dans son ouvrage Le Citron de Menton (2005) : en 1982, sur 100 tonnes d’agrumes, 85 % proviennent d’Italie et notamment de Sicile, 10 % du Texas, de Floride et de Corse, et seulement 5 % de Menton. Cette période marque la prédominance de l’utilisation des agrumes siciliens (oranges amères) dans la fête.
Ce cycle se referme pour en inaugurer un autre. Un tournant significatif a lieu dans les années 1980 : en 1983, la Ville de Menton commande des agrumes auprès d’un cultivateur industriel espagnol de la région de Valence. Ce fournisseur livre des oranges douces jugées plus esthétiques et offrant une meilleure conservation que les oranges amères de Sicile. Cette tendance s’est confirmée par la suite : de nos jours, la quasi-totalité des agrumes provient d’Espagne, de la région de Murcia. Le règne des oranges douces espagnoles a donc remplacé celui des oranges amères siciliennes de la région de Catane. Cette évolution peut être lue en miroir de l’évolution de la fête elle-même et de l’histoire du citron de Menton : l’accroissement de la festivité a entraîné la nécessité de mobiliser des quantités plus importantes d’agrumes et donc d’importer, face à la réalité restreinte de la culture, des agrumes sur le territoire mentonnais.
De même, les épisodes météorologiques malheureux ont accru cette nécessité ; le recul de la culture du citron en raison de ses épisodes et de l’urbanisation du pays mentonnais a entraîné l’arrêt définitif de l’utilisation du citron de Menton dans la fête. Par ailleurs, le souhait d’utiliser des oranges douces pour des raisons esthétiques et de conservation montre aussi une volonté de construire une fête toujours plus esthétique et qui peut s’étirer davantage dans le temps. Les critères de l’esthétique et de l’efficacité des agrumes sont ainsi devenus dominants.
Enfin, parmi d’autres évolutions, si la fête connaît une fréquentation toujours plus florissante depuis les années 1960, les organisateurs doivent appliquer des règles de sécurité toujours plus importantes. En 2019, la course à l’accroissement du nombre de visiteurs n’est plus une réalité. En effet, la capacité d’accueil de la ville est à sa limite ; les hôtels et les parkings sont tous complets. La fête du Citron accueille en moyenne 250 000 spectateurs, ce qui nécessite des aménagements complexes dans une ville de 28 000 habitants dans un environnement géographique contraint. De plus, les consignes de sécurité ne cessent d’évoluer depuis dix ans en devenant de plus en plus drastiques. Le comité d’organisation de la fête doit respecter plusieurs obligations telles que le nombre d’agents de sécurité et de forces armées à déployer, l’installation de portiques aux entrées des lieux d’exposition, etc. L’augmentation des places assises dans les tribunes sur le bord de mer pour répondre à la demande des visiteurs, nécessite de sécuriser la plage avec des blocs de béton armé.
Vitalité
La fête du Citron rassemble chaque année plusieurs dizaines de milliers de visiteurs. En 2019, les organisateurs ont annoncé une hausse de 27 % du nombre de visiteurs et plus de 90 000 spectateurs ont assisté aux différents corsi de la fête, sur le thème des « mondes fantastiques ». Il s’agit du deuxième meilleur chiffre de fréquentation de l’histoire de la fête atteint en 2004 avec plus de 95 000 visiteurs pour « Walt Disney Studio ». À l’occasion de l’édition 2019, Menton a accueilli au total 240 000 visiteurs réunis dans les corsi, les expositions de motifs d’agrumes dans les jardins, le salon de l’artisanat, le festival des orchidées. Ces chiffres, avancés par la Ville de Menton, ne sont pas issus d’un décompte précis et systématique hormis pour les corsi et les expositions d’agrumes. Outre la question stricte des chiffres, on remarque bien une réelle vitalité dans la fréquentation de cette fête, comme en témoigne la foule compacte présente aux expositions de motifs d’agrumes, aux différents corsi, dans les gradins, mais aussi dans le salon de l’artisanat. La politique événementielle suscite une attractivité. La festivité attire un nombre important de touristes venus de toute l’Europe et du monde entier : Italie, Grande-Bretagne, États-Unis, Allemagne, Russie, Chine. On remarque ainsi un public étranger familial mais aussi des touristes venant par le biais de tour operators.
Menaces et risques
Depuis ces dernières années, la sécurité est devenue un grand enjeu pour la fête du Citron. Les exigences en matière de sécurité se sont renforcées depuis les attentats de Paris (novembre 2015) et de Nice (juillet 2016). Ce dernier, qui s’est produit dans une ville proche, dans un contexte festif (le feu d’artifice du 14-Juillet), a entraîné une vigilance accrue à Menton : les phénomènes festifs réunissant des foules dans l’espace urbain sont devenus des lieux potentiellement exposés à des risques d’attentats. L’exigence de sécurité devient fondamentale. Dans ce contexte, le dispositif de sécurité s’est considérablement renforcé. Il mobilise de nombreux agents de sécurité auxquels s’ajoute le déploiement conséquent des forces de l’ordre. L’État impose de nombreuses consignes telles que les portiques obligatoires à chaque entrée du corso et les fouilles à chaque accès des jardins Biovès. Cette consolidation de la sécurité allonge les délais d’attente des visiteurs. Le corso accueille des dizaines de milliers de visiteurs qui doivent individuellement passer par des portiques de sécurité. Certains visiteurs patientent parfois une heure et demie avant de pouvoir rejoindre leur place préalablement réservée. Le comité d’organisation de la fête craint que l’État ne l’oblige à déplacer le circuit.
Modes de sauvegarde et de valorisation
Différents modes de sauvegarde et de valorisation doivent être cités, pas tous axés autour de la fête du Citron, mais s’articulant autour du thème du citron et des agrumes, qui constitue un domaine patrimonial à Menton, dont la fête fait partie.
Exposition
Une exposition « Un fruit d’exception, le citron de Menton » (14 février-12 décembre 2015) a été conçue par le service patrimoine de la Ville de Menton en 2015. D’abord temporaire, elle est devenue une exposition permanente. Cette exposition documentaire est composée de plusieurs panneaux qui retracent l’histoire du citron de Menton. Elle n’est donc pas centrée sur la thématique de la fête du Citron, mais on y trouve un panneau relatif à son histoire, avec des illustrations. Cette exposition est visible dans l’hôtel particulier d’Adhémar de Lantagnac, dans le Menton historique. Ce bâtiment, classé Monument historique, abrite aujourd’hui le service municipal du patrimoine. Ville d’art et d’histoire, Menton propose dans ce monument des expositions et une boutique avec des ouvrages sur l’histoire de la cité et son patrimoine.
Collections
Le musée de Préhistoire régionale, musée municipal de Menton, possède avant tout une collection dédiée à la préhistoire, mais on y trouve aussi une collection ethnographique. En plus d’un fonds municipal, le musée conserve un dépôt d’État, constitué par Armand Lunel (1892-1977), écrivain et ethnographe provençal, professeur au lycée Albert Ier de Monaco. Ces 48 objets ont été collectés à la fin des années 1940 dans le cadre de la Mission ethnographique de la région de Menton, lancée par le Musée national des Arts et Traditions populaires (MNATP). Depuis 1950, ces objets sont mis en dépôt par le MNTAP, à présent MuCEM, au musée de Menton. On peut admirer une partie de cette collection ethnographique dans l’exposition permanente du musée. Parmi ces objets, certains sont relatifs à la culture du citron de Menton (couteaux à greffer, sécateurs pour la taille des citronniers, pochoirs pour le marquage des caisses pour le transport, tonnelet pour engrais, anneaux à calibrer les citrons), en plus d’objets de marqueterie fabriqués en bois de citronnier, aux décors d’inspiration champêtre ou médiévale, le plus souvent des objets-souvenirs pour les touristes ; on recense aussi dans ce fonds de la céramique mentonnaise, reflet d’un artisanat important localement à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, dans lequel les agrumes étaient un motif emblématique au même titre qu’une variété locale de grenouille bleue. Cette collection n’est pas relative à la fête du Citron, mais les objets conservés témoignent de la valeur patrimoniale du motif du citron à Menton, dont la fête est l’une des expressions.
Recherches et publications
La Société d’art et d’histoire du Mentonnais publie des ouvrages sur l’histoire locale. Cette association affiliée au Félibrige, créée en 1975, regroupe aujourd’hui plus de 900 membres (923 au 1er janvier 2018). Elle œuvre pour la « protection, mise en valeur et découverte de notre patrimoine concernant : l’histoire de l’art, l’art, le parler local, la littérature, les traditions populaires, les us et coutumes, l’architecture, la cuisine du pays…, dans le but d’œuvrer pour la défense de l’identité mentonnaise, de la mentonité ou mentonitude » (citation extraite du site de l’association). Pour cela, la société organise des recherches, des colloques, participe à des expositions, publie des ouvrages et édite notamment une revue intitulée Ou Païs Mentounasc (164 numéros au 1er janvier 2018). Elle organise aussi des ateliers de cuisine, participe à un événement dédié à la gastronomie (Semaine de gastronomie mentonnaise). Certains de ces numéros évoquent la fête du Citron. Cette association a édité un ouvrage conséquent en 2005, Le Citron de Menton, réunissant des documents, images d’archives et photographies. Un chapitre illustre notamment l’histoire de la fête du Citron. Cet ouvrage a été publié dans une version davantage destinée au grand public et plus courte.
Visites guidées et actions de médiation culturelle
La thématique des agrumes est l’objet de plusieurs activités de médiation culturelle, au cours de la fête et tout au long de l’année.
Des visites guidées de plusieurs jardins historiques, comprenant des collections d’agrumes, se déroulent pendant l’année : visites du palais Carnolès avec son jardin d’agrumes, tous les premiers mercredis du mois. Ce monument, classé Monument historique, est une résidence des princes de Monaco qui firent planter une collection d’agrumes dans les jardins. On y compte aujourd’hui 137 variétés d’agrumes. Le site est à présent labellisé « Jardin remarquable ». En outre sont organisées des visites de l’Orangeraie, jardin d’un grand hôtel luxueux, le Grand Hôtel de Venise, édifié à la fin du XIXe siècle. La collection d’agrumes se découvre par une visite qui immerge le touriste dans un jardin de palace du début du XXe siècle. Enfin, pendant la fête du Citron, des visites de citronneraies et de jardins d’agrumes sont proposées au public par la Ville et par des producteurs locaux. Tout au long de l’année sont organisées des visites de jardins d’agrément, telles des visites du mas Flofaro. Cette ancienne propriété agricole composée d’oliviers et d’agrumes est devenue un jardin d’agrément tropical, riche d’essences tropicales, de bananiers, de mimosas et de citronniers.
Sur le plan pédagogique, le service du patrimoine de la Ville organise des ateliers de cuisine, notamment pour le jeune public (6-12 ans), pendant les vacances scolaires. Ils se structurent autour de l’apprentissage et de la fabrication d’un élément gastronomique locale : gressins, pâtisseries, confiture aux parfums d’agrumes. Ces ateliers ont aussi lieu pendant les vacances d’hiver au moment de la fête du Citron.
Vecteurs de communication
La communication autour de la fête du Citron est assurée par l’Office de Tourisme et diffusée par des dépliants, des publicités, un site internet traduit en plusieurs langues étrangères. La fête du Citron dispose d’un site officiel, qui permet d’accéder au programme des festivités, à une billetterie en ligne pour réserver des tickets et à des informations pratiques pour préparer son séjour. Il est donc à dominante touristique et économique. Une page Facebook est particulièrement active avant et pendant l’événement à travers des photographies, des vidéos et des publications.
Actions de valorisation à signaler
Les ateliers municipaux servant à la fabrication des chars de la fête ont fait l’objet de visites guidées dans le cadre de l’édition 2019 des Journées européennes du patrimoine (21-22 septembre 2019). La thématique nationale « Arts et divertissements » fut déclinée à travers des visites, organisées par la Ville de Menton, intitulées « La fabrique des rêves. » Ces visites sont destinées à montrer les « coulisses » de la fête, une première dans l’histoire de la fête du Citron. Ces visites déclinent certes la thématique nationale des Journées du Patrimoine, mais montrent peut-être aussi une évolution : la volonté de catégoriser et de reconnaître les sujets de la fête du Citron et leur processus de fabrication comme un élément à part entière du patrimoine de la ville. Elles s’inscrivent aussi dans un contexte où les publics affectionnent de visiter les lieux artisanaux habituellement fermés au public, les « fabriques ». D’ailleurs, pour la même édition des Journées du patrimoine, la Ville de Nice a organisé, elle aussi, des visites guidées des ateliers du carnaval de Nice (la « halle Spada »), accompagnées d’une exposition documentaire réalisée pour l’occasion.
Modes de reconnaissance publique
La fête du Citron ne dispose pas de reconnaissance publique particulière. En revanche, le citron de Menton bénéficie d’une Indication géographique protégée (IGP) depuis 2015. L’Association pour la promotion du citron de Menton a défendu cette candidature. Elle regroupait plus d’une cinquantaine de membres en 2014 : producteurs, transformateurs, propriétaires fonciers possédant des terres cultivables. Créée en 2004, cette association a eu, dès son origine, l’objectif de favoriser l’émergence et l’essor d’une filière agrumicole et de lancer des actions destinées à la reconnaissance du citron de Menton : ce fut l’IGP en 2015. Cette labellisation couvre le territoire mentonnais, à savoir les communes de Roquebrune-Cap-Martin, Gorbio, Sainte-Agnès, Castellar et bien sûr Menton. Cette démarche, soutenue par la Ville de Menton, représente une fierté et renforce l’idée d’un citron exceptionnel, singulier, typique d’un territoire qui s’exprime dans un discours magnifiant l’identité du citron de Menton et à travers lui l’identité d’un territoire. Enfin, l’IGP, outil de promotion, a contribué à consolider la notoriété du citron de Menton et l’image de la cité. Pour les producteurs, elle contribue à valoriser leurs produits, puisqu’elle s’associe à l’idée de qualité et d’originalité.
Pour la fête du Citron, l’IGP constitue aussi un signal qui tend à valoriser l’image de la fête en renvoyant à ces mêmes représentations (ancienneté, authenticité, qualité). Le motif du citron constitue un élément de marketing territorial (Meyronin 2015), comme en témoigne la page Facebook « J’aime Menton », dont le logo principal représente des citrons. Le citron est ainsi devenu un emblème de la ville, renvoyant à des valeurs positives : le soleil, les saveurs du terroir, l’énergie, les plaisirs gustatifs et une certaine douceur de vivre. Tous les citrons cultivés à Menton ne disposent pas de l’IGP ; seule une minorité bénéficie de l’IGP, qui impose des contraintes particulièrement strictes. Les citrons bénéficiant de l’IGP peuvent être considérés comme des produits de luxe : ils sont vendus 9 euros le kg et particulièrement appréciés par les grands restaurateurs.
La Ville de Menton dispose du label « Ville d’art et d’histoire », ce qui lui permet d’organiser des actions patrimoniales, dont certaines s’articulent autour de la thématique du citron.
Depuis 1996, la fête du Citron de Menton est une marque déposée à l’Institut fédéral de la Propriété intellectuelle (IPI). Son appellation dispose du symbole « ® ». Elle donc ainsi présentée sur les prospectus, les affiches et tout autre support : La Fête du Citron®.
Non renseigné
Récits liés à la pratique et à la tradition
Dans les témoignages, la fête du Citron représente un élément de la mémoire locale, comme nous l’avons souligné auparavant. Les « anciens » relatent ainsi bien volontiers leur souvenir et aiment à dépeindre l’évolution de cette fête. La fête peut produire un discours identitaire, de fierté certes, mais l’agrume en lui-même est aussi un objet identitaire. Les Mentonnais aiment en effet à souligner le caractère extraordinaire de leur fruit, dépeint comme unique. Les critères de la distinction s’articulent autour de sa forme, sa couleur et surtout de son goût. Une informatrice, membre d’une association folklorique, déclare ainsi : « Le citron de Menton, vous le reconnaissez, vous le mangez cru, sans rien ; il est très lisse, vous le mangez avec la peau. » L’absence d’acidité et la douceur du fruit permettent en effet de le manger cru, avec la peau. Il est ainsi associé à un discours magnifiant sa singularité et sa qualité. L’importation d’agrumes étrangers (d’Espagne essentiellement) pour la fête apparaît comme « naturelle » : le citron de Menton est envisagé comme trop précieux et trop goûteux pour être abîmé dans des décorations de chars et de sculptures éphémères. Dans les faits, la quantité de citron produite à Menton ne suffirait pas à décorer l’ensemble des motifs. Le discours identitaire autour de l’agrume s’est accentué avec l’IGP, qui vient corroborer le sentiment d’une spécificité de ce citron, associé à une originalité locale et typique.
Le discours officiel de la fête contribue aussi à cette mythification du citron, désigné dans les documents officiels comme le « fruit d’or », en raison de sa couleur certes, mais aussi de la valeur qu’on lui attribue.
Inventaires réalisés liés à la pratique
Archives municipales de Menton
Les archives conservent des documents d’archives administratifs relatifs à l’organisation de la fête et un fonds d’archives iconographiques :
— environ 700 photographies de la fête du Citron, de la fin des années 1940 aux années 2000, représentant des motifs d’agrumes, des corsi, des cérémonies d’inaugurations, des préparatifs, des remises de prix, des troupes folkloriques ;
— 54 affiches de la fête du Citron, de la fin des années 1970 à la fin des années 2000 ;
— 44 cartes postales, datant des années 1980 à 2006, dont de nombreux exemplaires mettant en scène le groupe folklorique « La Mentonnaise ».
Bibliographie sommaire
Les ouvrages cités ne concernent pas forcément la fête du Citron en elle-même, mais ont été utilisés pour rédiger la présente fiche.
Boyer, Marc, L’Invention de la Côte d’Azur. L’hiver dans le Midi, Gémenos, Éditions de l’Aube, 2010.
Chaber, Laurence, « Les agrumes sur la Riviera franco-ligure, du citron au chinotto, image « juteuse », dans Les Fruits, nourritures ambigües du corps et des pensées [actes du 11e séminaire annuel d’ethnobotanique de Salagon], Aix-en-Provence, C’est-à-dire Éditions, 2015, p. 45-56.
Chevallier, Denis (dir.), Savoir-faire et pouvoir transmettre, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’homme (coll. « Ethnologie de la France »), 1991.
Coll., « Les agrumes de la Côte d’Azur », Lou Sourgentin, revue culturelle bilingue nissart-français, n°139, décembre 1999. Cornu, Roger, « Voir et savoir », dans Savoir-faire et pouvoir transmettre, dir. Denis Chevallier, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’homme, 1991, p.83-100. Ferreira, Felipe, L’Invention du carnaval au XIXe siècle, Paris, Nice, Rio de Janeiro, Paris, L’Harmattan, 2014. Hobsbawm, Eric et Ranger, Terence, L’Invention de la tradition, Éditions Amsterdam, 2012. Liégard, Stephan, La Côte d’Azur, Nice, Éditions Serre, 1998 (rééd. 1894). Lieutaghi, Pierre, Une ethnobotanique méditerranéenne, Arles, Actes Sud, 2017. Meyronin, Benoît, Le Marketing territorial. Enjeux et pratiques, Paris, Vuibert, 2015. Salmona, Michelle, Les Paysans français : le travail, les métiers, la transmission des savoirs, Paris, L’Harmattan, 1994. Société d’art et d’histoire du Mentonnais, Le Citron de Menton, Menton, ROM Éditions, 2005.
Filmographie sommaire
La fête du Citron aujourd’hui
● Reportage « Les préparatifs de la fête du Citron de Menton », prod. France 3 Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, 25 janvier 2019 :
https://www.youtube.com/watch?v=kPi8fRu2JwE
● Chaîne YouTube de la fête du Citron (vidéos sur les préparatifs de la fête, les corsi nocturnes et les expositions d’agrumes de l’édition 2019) :
https://www.youtube.com/channel/UCNZJA7xe7US0AaoWcmCUnzA
Les aspects historiques de la fête du Citron
Les archives des actualités Gaumont et Pathé sur la fête du Citron dans les années 1930-1940 montrent divers éléments de la fête.
● « Cueillette du citron à Menton », Gaumont Pathé archives, 1930, coll. « Actualité Pathé » (Documents divers), 6 min 9 [réf. DD 72 4614 / 304945], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=304945&rang=2
● « Fête du Citron à Menton », Gaumont Pathé archives, 1930-1939, coll. « Actualité
Pathé » (RO), 24 sec [réf. RO 89 6 / 22780], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=22780&rang=1
● « Semaine de carnaval », Gaumont Pathé archives, 1935, coll. « Journal Actualité Pathé » (Actualités féminines), 2 min 51 [réf. AF 127 3 / 3697], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=3697&rang=3
● « Fête du Citron à Menton. Fête du Citron », Gaumont Pathé archives, 1935, coll. « Journal Actualité Gaumont » (Journal éclair), 1 min 17 [réf. 3510EJ 23891 / 222959], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=222959&rang=4
● « Le carnaval sur la Côte d’Azur », Gaumont Pathé archives, 1936, coll. « Journal Actualité Pathé », 1 min 28 [réf. PJ 1936 329 2 / 11024], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=11024&rang=5
● « La fête des oranges et des citrons », Gaumont Pathé archives, 1937, coll. « Journal Actualité Pathé », 20 sec [réf. PJ 1937 382 7 / 11982], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=11982&rang=6
● « La fête du Citron », Gaumont Pathé archives, 1938, coll. « Journal Actualité Pathé », 25 sec [réf. PJ 1938 434 5 / 13092], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=13092&rang=7
● « La fête du Citron à Menton », Gaumont Pathé archives, 1939, coll. « Journal Actualité Pathé », 31 sec [réf. PJ 1939 485 5 / 13960], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=13960&rang=9
● « Récolte des citrons à Menton », Gaumont Pathé archives, 1946, coll. « Journal Actualité Pathé », 37 sec [réf. 1946 1 9 / 23318], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=23318&rang=10
● « Chaque année à Menton, suivant d’anciens rites, de joyeux cortèges se déroulent », Gaumont Pathé archives, 1947, coll. « Journal Actualité Gaumont », 51 sec [réf. 4709GJ 00002 / 206616], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=206616&rang=11
● « Bataille fleurs Nice, Fête des citrons », Gaumont Pathé archives, 1947, coll. « Journal Actualité Pathé », 41 sec [réf. 1950 8 8 / 26119], en ligne :
http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&tab=showStory&id_doc=26119&rang=12
Sitographie sommaire
Ces sites ont été consultés entre le 12 juillet et le 15 septembre 2019.
● Page du musée de Préhistoire régionale de Menton :
https://www.menton.fr/Musee-de-Prehistoire-Regionale.html
● Page « Menton Ville d’Arts et d’Histoire :
https://www.menton.fr/Ville-d-Art-et-d-Histoire.html
● Page Facebook de la fête du Citron :
https://www.facebook.com/Feteducitron/
● Page Facebook « J’aime Menton » :
https://www.facebook.com/tourisme.menton/
● Site de l’Association pour la promotion du citron de Menton :
http://www.lecitrondementon.org/
● Site de la fête du Citron :
https://www.fete-du-citron.com
● Site de la marque « Au pays du citron » :
● Site de la Société d’art et d’histoire du Mentonnais :
● Site de la Ville de Menton :
● Site des producteurs « La maison du citron » :
ACCARY Christelle, adjointe de direction des Archives municipales de Menton
CONSTANTIN Stéphane, président de l’Association pour la promotion du citron de Menton
GHIENA Christophe, directeur du Centre technique de Menton
LE PENNEC Éliane, responsable du service événementiel de la Ville de Menton
MANGUINE Albert, producteur d’huile d’olives et de citrons à Gorbio (« Citrolive »)
MIRIEUX Mireille, membre de l’association folklorique « La Capeline » à Menton
MOULLÉ Pierre-Élie, attaché de conservation au musée de Préhistoire régionale de Menton
PERROTA Sylvie, membre de l’association folklorique « La Capeline » à Menton
PORRO Georges, vice-président de l’association « La Mentonnaise »
PUECH Fabrice, gérant de l’entreprise « Au pays du citron »
RONDELLI Valérie, directrice des Archives municipales de Menton
ROTURIER Franck, directeur Parcs et Jardins de la Ville de Menton
ROUSSEAU David, animateur de l’architecture et du patrimoine, chef de service « Menton, ville d’art et d’histoire », mairie@ville-menton.fr
Maire de Menton
Association pour la promotion du citron de Menton
Rédacteur(s) de la fiche
● CHABERT Antonin, ethnologue, Centre d’ethnologie méditerranéenne (CEM), Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (IDEMEC, CNRS-AMU), Maison méditerranéenne des Sciences de l’homme (MMSH), Aix-en-Provence
● PAYSANT Léa, étudiante en Master d’ethnologie, Aix-Marseille Université
Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré
Cette fiche a été réalisée à l’issue d’une enquête ethnographique menée durant l’édition 2019 de la fête du Citron, qui a donné lieu à une série d’entretiens enregistrés, de photographies et de vidéos. Cette enquête a réuni plusieurs chercheurs de l’association Centre d’ethnologie méditerranéenne (CEM), de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (IDEMEC), laboratoire CNRS d’Aix-en-Provence, et des étudiantes de l’Université Aix-Marseille.
● BRIAND Anne-Laure, ethnologue à l’IDEMEC (CNRS), Aix-en-Provence
● CHABERT Antonin, ethnologue au CEM, IDEMEC (CNRS), Aix-en-Provence
● FOURNIER Laurent-Sébastien, ethnologue au CEM, maître de conférences à Aix-Marseille Université
● PAGNIEZ Isabelle, étudiante en ethnologie, Aix-Marseille Université
● PAYSANT Léa, étudiante en Master d’ethnologie, Aix-Marseille Université
● PONS Eric, ingénieur d’études CNRS, IDEMEC (CNRS), Aix-en-Provence
Cette fiche a été enrichie au cours d’une formation au patrimoine culturel immatériel, organisée au musée et ethnopôle de Salagon, à Mane (Alpes-de-Haute-Provence), du 8 au 12 juillet 2019, en partenariat avec le laboratoire IDEMEC (CNRS) et le ministère de la Culture. Le sujet de cette formation « Histoires de fruits, patrimoine culturel immatériel et valorisation de produits agricoles locaux » a mis à l’honneur, entre autres, les thématiques des agrumes et de la fête du Citron de Menton. Des ateliers pratiques autour de la rédaction des fiches d’inventaire du patrimoine culturel immatériel ont permis de faire avancer la réflexion autour de la patrimonialisation du citron de Menton.
Lieux(x) et date/période de l’enquête
Menton (Alpes-Maritimes), février-mars 2019
Données d’enregistrement :
Date de remise de la fiche : 12 novembre 2019
Année d’inclusion à l’inventaire : 2019
N° de la fiche 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00449
Identifiant ARKH ark:/67717/nvhdhrrvswvk256
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia: https://fr.wikipedia.org/wiki/Fête_du_Citron
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