Les savoirs faire, les pratiques et valeurs de la panification traditionnelle dans le massif des Bauges
Les savoirs faire, les pratiques et valeurs de la panification traditionnelle dans le massif des Bauges sont un héritage vivant des communautés locales. Une mémoire longue s'exprime dans la connaissance de céréales et de farines, les savoirs de la préparation de la pâte, les soins apportés au levain et aux gestes du pétrissage, ainsi qu’à la coupe, le ramassage et préparation du petit bois pour la chauffe du four et les techniques de cuisson.
Les savoirs faire, les pratiques et valeurs de la panification traditionnelle dans le massif des Bauges sont un héritage vivant des communautés locales. Une mémoire longue s'exprime dans la connaissance de céréales et de farines, les savoirs de la préparation de la pâte, les soins apportés au levain et aux gestes du pétrissage, ainsi qu’à la coupe, le ramassage et préparation du petit bois pour la chauffe du four et les techniques de cuisson. Cette tradition porte et transmet des valeurs de partage et faire-ensemble ancrés dans les mémoires et le vécu local, aujourd’hui réappropriée par les anciens et nouveaux habitants des Bauges.
Plusieurs communautés, groupes, individus, porteurs des connaissances et savoirs sur les fours à pain et la panification traditionnelle, sont actifs dans la revitalisation de la pratique. Dans la majorité, des individus, habitants et groupes informels maintiennent vivante les modes traditionnels de panification, par le biais des relations familiales ou de voisinage, en se retrouvant à certaines occasions pour allumer le four et préparer ensemble le pain et d’autres plats. Parmi ceux-ci, nous retrouvons des groupes d'habitants et des associations locales : « Les Fascines », à Curienne ; « Aux Fours et à Francin », à Francin ; « Marceau Patrimoine et Traditions » et « L'amicale de Verthier », à Doussard ; « La Planstarnaise », à Plancherine ; « Les Monts d’Arvey », à Saint-Jean-d’Arvey ; « Les S'lo vions », à Saint-Jean-de-la-Porte ; « La Thuile Animations », au hameau de Chaparon à Lathuile ; « Les coteaux du Salin », au Village-Musée à Grésy-sur-Isère ; « Chapelle de la Lésine », au hameau de Carlet à Jarsy ; « l’Association des 2 Villages », à Verel-Pragondran ; « Tinkiette la Guinguette », à Chainaz-les-Frasses ; « Vivre à Saint-François, Vivre en Bauges », à Saint-François-de-Sales ; « Vivre à Cons-Sainte-Colombe », à Val-de-Chaise ; mais aussi d'autres groupes informels d'habitants, au Crozet, à Saint-Martin, Lescheraines, dans les hameaux de La Crochère, Le Cimeteret et Le Mollard à Aillon-le-Vieux, dans les villages des Combes, de Verchères, Frontenex à Faverges et au chef-lieu de Seythenex, à Pau, Saint-Pierre-d'Albigny, Attilly, Montlardier, Le Châtelard, Le Villard, Broissieux, Bellecombe-en-Bauges, Entrevernes, Le Verlioz à Trévignin, Chambert à Quintal, Routhennes et Épernay à Sainte-Reine, Thoiry, Le Montcel, Sevrier, etc.
Parmi les porteurs de connaissances, des professionnels, ayant participé à l’inventaire, sont engagés dans un important travail de recherche et de sensibilisation : la Boulangerie savoyarde à École, projet pionnier autour du pain bio au levain ; la boulangerie « Le Fournil des Eparis », à Viuz-la-Chiesaz, qui a relancé la production de céréales pour la panification dans la région d’Annecy ; la boulangerie « Aux Sources du Pain », au Noyer ; la boulangerie « La Tartine », à Doussard ; ou encore la « Boulangerie de La Halte », à Bellecombe-en-Bauges. Sur le territoire se sont installés de jeunes producteurs de blés anciens, tels Alain Pillet et Amandine Berrux, à Lescheraines, qui cultivent leur blé à Saint-Félix, aux portes du massif des Bauges.
Certaines personnes-ressource font partie d’un réseau territorial de sauvegarde, comme Paul Rochet, artisan-boulanger en Haute-Savoie, à l’origine d’un projet de filière de céréales locales ; Jean-Pierre Bulteau, président de l'association « Les Fascines », Muriel et Jean-François Brun, membre de l'association ; Jean-Michel Étienne, tailleur de pierres et expert de la restauration des fours à pain ; Christine Berrioz, de l'association « Maisons paysannes » ; Marius Ferroud-Plattet, ancien maire d'École et porteur de la mémoire de la panification traditionnelle dans les Bauges.
Lieu(x) de la pratique en France
Massif des Bauges (départements de la Savoie et de la Haute-Savoie, Auvergne-Rhône-Alpes)
Pratique similaire en France et/ou à l’étranger
La panification dans les fours collectifs à bois est une pratique historique attestée dans tout l’arc alpin et, plus en général, dans l’Europe rurale. Par endroit, cette ancienne pratique communautaire trouve aujourd’hui un sens social fort et renouvelé. En Val d’Aoste, depuis les années 2012, par exemple, une fête du pain noir (« Lo pan ner ») réunit les habitants de 50 communes. Une revitalisation des anciennes cultures céréalières, en particulier le seigle, est en cours dans plusieurs vallées de l’arc alpin.
« Faire au four » est l’expression utilisée pour décrire les pratiques et les rituels liés à la panification et cuisson collective, dans les fours des villages du massif des Bauges. L’activité de la panification se renouvelle toute l’année, notamment en fin de semaine. Les fours communaux sont utilisés de façon épisodique par des particuliers ou des groupes informels. Quelques rassemblements de voisins utilisent les fours de temps à autre, pour des fêtes dites de voisinage. La panification traditionnelle suit un ordre précis et mobilise les sens et la mémoire du corps, dans une étroite relation avec la matière vivante, et dans une prise de conscience de la valeur de chaque geste.
Le choix des farines, d’abord, influence le travail de la pâte. « La farine qu'on utilise, ça change tout. Il y a des farines où on met plus d'eau, d'autres où on en met moins ». Des pratiques et savoirs sont directement liés à la panification traditionnelle et au « faire au four ». C'est le cas des savoirs liés à la culture de variétés anciennes et paysannes de céréales. Dans le massif des Bauges, une culture des variétés paysannes, résistantes et adaptées à la montagne se développe.
Le levain, dans la tradition échangée entre les familles du hameau, est constitué d'une base de farine et d'eau, que l'on renouvelle chaque jour et qui fermente pendant plusieurs jours jusqu'à la veille du pétrissage de la pâte. Le levain permet la levée de la pâte pour un pain aéré. Il demande des savoir-faire précis et un suivi constant : « Le levain, c'est de l'eau et de la farine qui fermente, et qu'on renouvelle tous les jours. Je commence avec 100 g d'eau, 100 g de farine, le matin. Le soir, je remets 300 g de farine et 200 g d'eau. Et après, c'est 500 g de farine et 200 g d'eau, jusqu'à la veille du pétrissage… ».
Le pétrissage de la pâte demande de la force et des gestes précis. Dans certains cas, sa description révèle un plaisir retrouvé du travail à la main : « Le travail à la main, c'est le toucher, c'est la transformation de l'eau, de la farine, du levain. La pâte se transforme, c'est magique ! C'est le toucher avec les doigts. On n’a pas cette sensation avec un robot. Je trouve ça tellement formidable que je ne veux pas de pétrin ». Une fois le pétrissage terminé, la pâte repose et lève pendant plusieurs heures. « Ma pâte à pain, je l'ai pétrie hier soir. Je l'ai laissée toute la nuit à température ambiante, sans chauffer, parce qu'il faut que la pâte monte lentement, elle gonfle… ». Le lendemain, c'est la mise en boule. La pâte est retravaillée pour façonner des boules, qui sont ensuite déposées dans des « paillas » pour une seconde levée avant la cuisson. « On rabaisse la pâte. Il y en a qui disent "bouler", "mettre en boule". On fait des boules de 1,2 kg pour avoir à la sortie un pain d'1 kg. On retravaille la pâte pour emmagasiner le maximum d'air dans les boules, et puis on laisse dans les paillas pour une petite levée d'environ une heure ».< /em> Ce sont généralement les femmes qui pétrissent et façonnent le pain, tandis que les hommes préparent les fagots et allument le four.
Le four est préparé, chauffé et nettoyé. Les pratiques du « faire au four » mobilisent des savoirs de la nature liés au bois, à l'exploitation de la forêt et aux essences d'arbres présents sur le massif, nécessaires notamment à la composition des fagots pour la chauffe du four. Les fagots utilisés pour chauffer le four sont appelés les « fascines », en patois : ils sont composés de noisetiers, de frêne, de taille d'arbres fruitiers. La préparation du four, la maîtrise du feu et le suivi de la température sont des aspects fondamentaux de la réussite de la fournée. Jean-Pierre Bulteau, de l'association « Les Fascines », décrit avec précisions les opérations de chauffe du four :
« On fait de préférence une chauffe d’une heure la veille pour tempérer le four et chauffer plus rapidement le lendemain. La cuisson s’effectue par la restitution de la chaleur emmagasinée dans les briques. On fait brûler le bois alternativement, d’un côté et de l’autre de la sole, pour que la flamme lèche bien la brique. Peu à peu, celle-ci devient blanche sur l’ensemble de la voûte et, à l’entrée du four, des points de repère indiquent que la température suffisante est atteinte. Une fois la chauffe suffisante, on enlève les cendres avec la râcle, on nettoie avec la panosse bien humide et on jette un peu de farine sur la sole. Si elle brunit sans noircir dans l’instant, on peut enfourner. Une chaleur trop forte peut se corriger en repassant la panosse. Chaque four fonctionne différemment d’un autre. La maîtrise de la chauffe est délicate. Les fourniers ne sont donc pas facilement interchangeables. On enfourne à deux personnes : l’une tient la pelle et l’autre y renverse le pâton, contenu dans le paillât, après avoir saupoudré la pelle de farine pour éviter que la pâte ne colle. Puis la pâte est incisée avec une lame de rasoir (pour une coupe bien nette) pour que le gonflement se fasse sans déformation du pain. Une fois la porte du four fermée, on place des braises tout contre pour maintenir la chaleur pour le dernier pain enfourné ».
Ces étapes font l'objet de descriptions à la fois techniques et poétiques. La couleur de la voûte et la jetée de farine dans le four sont des indicateurs de la bonne chaleur et les secrets d'un savoir-faire complexe. « Quand on enfourne le pain, la chaleur du four est environ de 230 à 250°C. Le temps qu'on rentre tout le pain dans le four, ça redescend 220-230°C. Et quand le pain a fini de cuire, le four est à 180°C, donc il est prêt pour les brioches. Il faut toujours se dépêcher, surtout quand le four est juste chaud. Il faut fermer la porte derrière à chaque fois, il faut faire très vite. Le pain cuit pendant 45 minutes… ». Le « pana » est ensuite utilisé pour nettoyer le four après la chauffe.
Enfin, lors des journées du four, de nombreux savoirs et pratiques culinaires s'expriment, en lien avec des plats et recettes cuits au four, après la fournée de pain, parfois à base des restes de la pâte à pain :
- La « couétaze » ou « farcha » : préparation à base du reste de pâte à pain, que l'on peut apparenter à la fougasse. Elle peut être nature ou garnie de fruits, d'épinards, d’autres ingrédients.
- Les « épognes » : grandes tartes à base de pâte à pain améliorée grâce à l'ajout de sucre, de beurre et d'œufs, qui étaient garnies de fruits, pommes, poires, abricots, prunes.
- Les « crêpers » : genre de bâtons allongés faits à base de pâte à pain roulée. Ils sont cuits au four après la fournée et sont mangés avec une salade.
- Les « longuets » : desserts en forme de bâtons allongés, à base de pâte à pain roulée, cuits dans la friture.
- Les gratins : différentes sortes de gratins, aux pommes de terre ou autres légumes, peuvent être cuits, à la suite de la fournée de pains.
- Le « farçon » : plat à base de pommes de terre sucrées en purée, parfois enrichi de fruits secs, tels que des pruneaux ou raisins secs, ou parfois de fromage, d'oignons. Dans les villages du cœur des Bauges, il était souvent cuit le dimanche matin, au lendemain de la fournée de pain, pendant la messe. La chaleur du four qui était alors très douce permettait au farçon de cuire doucement et longuement.
Les journées du pain témoignent de la vitalité de ces pratiques du « faire au four ». Autour du four, se renforcent les liens sociaux entre villageois, gens d’ici et d’ailleurs.
Des traditions orales sont associées à la pratique du « faire au four » : expressions, proverbes, mots échangés en patois, répertoires de chants... L’organisation de repas partagés autour du four est souvent l'occasion de se retrouver pour chanter, se raconter des anecdotes et des histoires, refaire le tour des souvenirs du pays. Deux expressions locales et proverbes sont transmis par Marius Ferroud-Plattet, enfant du pays et ancien maire, détenteur d’une mémoire forte et précise des traditions locales. L'une évoque les règles du respect réciproque : « Qu’est-ce que tu as ? On dirait que tu as volé le pain au four », faisant référence à une personne qui ne respectait pas la règle, qui consiste à prendre au four le pain qui porte sa marque, dans le respect des autres. D’autres expressions sont des marqueurs des changements d’époque : « Celui-là, il a fini de manger son pain blanc », faisant référence aux périodes creuses, pendant la guerre, où la production de blé familiale était terminée et où il fallait donc acheter le pain du boulanger qui utilisait une farine de moins bonne qualité. Elle s'utilise pour évoquer des affaires, une situation familiale ou amoureuse, qui tournent mal.
Si les échanges se font dans leur majorité en français, des expressions ou thermes spécifiques, utilisées de manière systématique, sont en patois local, tels :
- le « pâton » : les boules de pâte à pain,
- le « paillât » : panier recouvert d’une toile servant de contenant pour la levée du pain façonné en boule avant sa cuisson,
- la « panosse » : utilisée pour nettoyer le four après la chauffe.
Le « faire au four » est sans aucun doute une pratique qui contribue à la transmissions et revitalisation du patois et langues locales.
Patrimoine bâti
Toutes les communes du massif ont dans leur tissu urbain des fours à pain, fours collectifs souvent de propriété communale ou privés, dont l’usage était et reste, dans la plupart des cas, organisé à l’échelle des hameaux. De nombreux fours ont été inscrits, par le Service régional de l’Inventaire général du patrimoine culturel, dans l’inventaire régional du patrimoine bâti. Depuis 2010, 76 fours ont été recensés sur le territoire, dont une trentaine sont restaurés.
Les fours à pain sont les structures fondamentales de toutes les activités liées à la panification traditionnelle et aux rituels du « faire au four ». Souvent situés dans les hameaux des diverses fractions ou communes, les fours sont des repères forts dans les paysages du massif des Bauges. Beaucoup ont été restaurés à partir des années 1980.
Certaines communes, comme Faverges-Seythenex, en possédaient 22. La plupart des fours sont propriété des habitants du hameau (ex : Carlet à Jarsy, Machevaz à Saint-Jorioz, Combefolle à Saint-Jean-de-la-Porte) ; certains fours sont privés d'usage partagé (ex : Chambert à Quintal, etc.) ; d'autres fours sont privés, d'usage privé (ex : Les Monts à Héry-sur-Alby). La plupart des fours sont dans un bâtiment spécifique, mais ils peuvent être inclus dans un bâtiment ayant un autre usage , à l’exemple du château de Dhéré à Duingt. À Francin, il y a deux fours dans un même bâtiment au chef-lieu et, autrefois, un boulanger était salarié par l'ensemble des habitants.
De nombreux fours du territoire sont répertoriés au sein de l’inventaire régional du patrimoine bâti, réalisé par le Service régional de l’Inventaire général Auvergne-Rhône-Alpes) :
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/recherche/globale?render=liste&texte=fours+%C3%A0+pain+bauges [consulté le 19 mars 2019].
Objets, outils, matériaux supports
Les éléments matériels associés à la pratique de panification artisanale dans le massif des Bauges, et leur terminologie locale, sont en partie des éléments de mémoire et en partie des éléments vivants dans les pratiques contemporaines. Dans les deux cas, ils entrent en jeu lors des journées du four dans la transmission entre générations, groupes et individus qui composent la société locale.
- Le pétrin
Autrefois, la pâte à pain était pétrie dans la maie, un meuble constitué d'un grand coffre, le pétrin, monté sur quatre pieds, sur lequel reposait un plateau mobile qui servait de plan de travail ou même parfois de table. Aujourd'hui, des pétrins mécaniques ou électriques sont souvent utilisés pour le pétrissage de la pâte. Dans certains cas, comme à la « Boulangerie savoyarde » à École, des machines des années 1970 sont utilisées. Certaines associations ou groupe d’habitants, comme à Verchères (Faverges) ont investi dans un ancien pétrin électrique, utilisé régulièrement. D’autres, comme Muriel Brun de l’association « Les Fascines », préfèrent le pétrissage à la main.
- Les paillas
Il s'agit de corbeilles en blâche, paille ou en osier, dans lesquelles sont déposées les boules de pâte à pain, ou pâtons, pour leur seconde levée, après avoir été divisées en plusieurs boules du même poids. Les paillas en osier sont garnis d'une toile, afin d'éviter que la pâte ne colle au fond. Les pâtons patientent dans les paillas jusqu'à leur enfournement. Les paillas étaient autrefois confectionnés par les utilisateurs eux-mêmes, aujourd’hui certaines associations locales (comme « Les Lanchettes », à La Compôte), se sont réappropriées la technique de fabrication. On donne toujours ce nom à ces corbeilles achetées dans le commerce, parfois en rotin et garnies d’une toile de lin. Au four du chef-lieu de Seythenex, on utilise des paillas sont en bois, fabriquées localement.
- Le râcle
Outil grâce auquel on ramène les cendres contre la porte du four, après la chauffe et avant l'enfournement.
- La panosse La panosse sert à nettoyer le four, et plus précisément la sole, après la chauffe, entre les différentes fournées de pains et autres plats, et à la fin de l'utilisation du four. Il s'agit d'une serpillière fixée au bout d'un manche, de manière à ce qu'elle puisse tourner facilement pour atteindre chaque recoin du four.
- La pelle à pain
Il s'agit d'une pelle en bois grâce à laquelle l'on dépose les pâtons dans le four pour la cuisson, et l'on récupère les pains après leur cuisson. Pour la cuisson de pizzas, on utilise des pelles en inox. La pelle en bois est toujours dominante dans les usages contemporains, preuve de son efficacité.
- Le vent
Avant l'arrivée de la batteuse dans les années 1950, le blé était récolté et battu au fléau pour séparer le grain de la paille, puis il était vanné afin de séparer le grain de son enveloppe et de ses impuretés. Le vannage pouvait s'effectuer en jetant le blé en l'air et, parfois, en utilisant un outil manuel appelé le vent. Ces outils ont parfois été conservés par des particuliers ou associations. Cet outil n'est plus utilisé aujourd'hui. Il est un repère de mémoire de la période antérieure à la mécanisation agricole.
- La marque-à-pain
Ce sont des marques en bois sculpté, qui portaient les initiales des familles, afin de distinguer leurs pains. Il s’agit d’objets de mémoire, parfois gardés et utilisés par les associations et les particuliers.
- La lame de rasoir
Elle sert à inciser les pâtons, et dans certains cas à « marquer » le pain, pour une coupe bien nette, afin que le gonflement pendant la cuisson se fasse sans déformer le pain. Autrefois, on pouvait aussi utiliser un simple couteau pour inscrire la marque correspondant à la famille à laquelle il était destiné.
- Les rouleaux, les moules, les plaques, plats et poteries utilisées pour des préparations culinaires diverses, après la cuisson du pain.
- Les tables, chaises, chapiteaux et autres éléments utilisés pour l’organisation des repas collectifs et festifs.
Sur un territoire en forte évolution, la pratique se transmet là où la volonté des habitants s'exprime et s'organise, au sein même des familles, d’associations, de groupes d'habitants ainsi que dans le milieu professionnel.
Jean-Pierre Bulteau, président de l'association « Les Fascines » à Curienne, raconte la renaissance des fours à pain de son village. Sa description illustre la dynamique sociale lancée, dans les années 1990, autour des fours :
« Cinq fours à pain communaux étaient encore existants, mais deux d’entre eux seulement permettaient encore de cuire le pain. Une famille faisait du pain et des pizzas dans le four de Montgelas pendant les vacances estivales. Le four des Vachers servait de crèche à Noël. À l’initiative d’un conseiller municipal, la réfection du four communal du hameau de Là-Bas en 1994 a été le point de départ de la remise en état des quatre autres fours et la fête du pain qui a suivi chacune des opérations a entraîné un intérêt nouveau pour la fabrication du pain. En 1994, c’est un ancien boulanger officiant déjà à la fête de Verel-Pragondran qui nous a appris à faire le pain, car la pratique traditionnelle était tombée dans l’oubli, le dernier habitant faisant son pain étant décédée en 1991. Un film d’amateur nous a permis d’en conserver des images tournées en 1973 (…). Les cinq fours communaux ont été restaurés sur cinq années consécutives de 1994 à 1998 par des bénévoles qui ont financé les matériaux par une fête du pain organisée après chaque réfection. Le four de Fornet a connu une deuxième restauration en 2001 ».
La transmission des savoir-faire passe d’abord par la réhabilitation des fours. Environ trente fours ont été restaurés, entre 2005 et 2018, sur le territoire du Parc naturel régional du Massif des Bauges. Ces projets de restauration ont été portés pour la plupart par les communes, parfois par des associations. Certaines associations, comme l'association « Les Fascines » à Curienne, ont mené des recherches sur les techniques de construction et restauration des fours à pain.
Depuis les années 2000, une nouvelle sensibilité à la valeur de céréales de montagne se développe et renforce. Associations locales, paysans et boulangers prennent conscience de l’importance écologique et de la valeur nutritionnelle des variétés paysannes de blé et s'engagent pour leur maintien et pour la transmission des savoirs liés à leur production. C'est le cas de Paul Rochet, au Fournil des Eparis et du groupe qui s’est constitué autour de la création d’une filière de blé bio dans la région d’Annecy et de l’Albanais.
Parallèlement, la fabrication, conservation et échange de levain est revitalisée dans les milieux associatifs, symbolisant un renouveau du lien communautaire. C’est le cas par exemple, des hameaux de Curienne, avec l’association « Les Fascines », ou dans le milieu professionnel au « Fournil des Eparis », où des stages sont organisés par l’artisan-boulanger Paul Rochet, pour apprendre la fabrication de pain au levain.
Les associations se révèlent des acteurs forts de recherche et de transmission des connaissances et des savoir-faire relatifs à la panification traditionnelle. À la lumière de l'expérience de l’association « les Fascines » ou de l’association « Marceau patrimoine et traditions », nous pouvons souligner le potentiel d’apprentissage des savoirs de panification traditionnelle. Ici, l’intervention des professionnels mais aussi les échanges de savoirs et expériences entre associations et groupes d’habitants, renforcent des dynamiques locales en place, réactivant et renouvelant des savoirs locaux stratégiques pour la transmission de ce patrimoine. Ainsi, dans les années 1990, les membres de l'association « Les Fascines » ont fait appel à un boulanger professionnel qui avait l'habitude des anciens fours à bois, dans le but de réapprendre et réadapter les savoir-faire et techniques de fabrication traditionnelle du pain. « Chez nous, il n’y avait plus personne qui savait faire le pain. Quand on a fait nos premières fêtes on a donc un ancien boulanger professionnel qui est venu nous aider. Et c'est comme ça que les gens ont réappris à faire le pain ». De la même manière, à Doussard, autour de l’association « Marceau patrimoine et traditions », une véritable transmission des techniques de panification traditionnelle dans les fours du village est organisée, avec les hameaux de Verthier et la commune de Chevalines. L’association s’est dotée d’un atelier de boulangerie et envisage la labellisation de sa méthode traditionnelle de fabrication et cuisson.
La pratique se transmet, de même, dans le cadre familial, entre grands-parents, parents, enfants et petits-enfants. Ginette Ginollin, à Aillon-le-Jeune (Savoie), partage la fabrication du pain dans un four familial privé lors des moments de fête. De la même manière, Muriel Brun, membre de l'association « Les Fascines » à Curienne, partage ses savoirs et savoir-faire avec ses petits-enfants habitant la ville. Dans le témoignage qui suit, marquer les initiales sur le pain, ancienne pratique permettant de distinguer les pains de chaque famille dans une même fournée, est aujourd'hui proposée en forme de jeu, par Muriel, à ses petits-enfants : « la dernière fois, on l'a fait avec nos petits-enfants. Donc on leur a fait faire la pâte, on a mis en boule. Ils sont repartis avec leur pain chacun, parce qu'on avait marqué dessus leurs initiales ».
La pratique de fabrication traditionnelle du pain vit et évolue aussi au sein du milieu professionnel. Le cas de la Boulangerie savoyarde, à École dans le cœur du massif, créée en 1976, incarne une vision stratégique d'un développement durable enraciné dans une histoire et des traditions locales. Créée par Patrick Le Port, la boulangerie d'École est aujourd'hui une entreprise à échelle nationale. Elle contribue à la sauvegarde d'une pratique de panification dans le respect de l’environnement et de traditions de la montagne. En témoigne Pierre Bouvet, salarié de la boulangerie :
« À l'origine, dans ce local, il y avait déjà le four du village, c'était un boulanger. Il avait une salle, qui faisait bistrot. Il faisait les tournées dans le village (…). C'est aussi intéressant, cette boulangerie, parce que c'est la transmission des savoir-faire. C'est enrichissant pour quelqu'un qui ne connaît pas. Même un gars qui a un CAP, il ne connaît pas du tout les techniques du pain au levain et puis de la cuisson au four à bois. En plus, on essaie de suivre le produit de A à Z ».
ou encore Laurent Ferroud, salarié :
« Le four, ça reliait les gens. Dans le village, vous aviez la fruitière, où les gens venaient poser le lait. Donc déjà là, le soir et le matin, ils se retrouvaient. Après, vous aviez, une fois par semaine, le pain, donc à nouveau une relation entre les gens. Donc je pense que ce n’est plus le travail ensemble, en équipe, qui devait manquer aux personnes, ni la chaleur (…). Je pense qu'ils retrouvent ici des racines, des ambiances qu'il y avait avant. Sachant que les gens des Bauges ont mis beaucoup de temps à venir acheter le pain ici. Et puis maintenant, il y a des gens qui aiment bien venir l'acheter ici parce qu'ils retrouvent un peu, inconsciemment, ce côté un peu fédérateur, il y a le feu, il y a le pain, il y a l'animation ».
Au « Fournil des Eparis », à Viuz-la-Chiesaz, le « boulanger-chercheur », Paul Rocher, organise des ateliers de transmission des savoir-faire pour la fabrication et cuisson de pain au levain, avec des farines issues de variétés paysannes, produites localement. Les ateliers, pour adultes, enfants et personnes en difficulté se tiennent au fournil ou ailleurs sur le territoire, à l'aide d'un four mobile. Son travail de sensibilisation touche à divers aspects d’un art du pain qui embrasse la culture des céréales, la production des farines et du levain, la chauffe du four et le pétrissage, la cuisson et le partage du pain.
La pratique se transmet entre habitants au sein même des familles, de collectifs, de groupes informels ainsi que dans le milieu professionnel. La communauté du « faire au four », au fil des années et des projets partagés, s’organise comme un réseau reliant associations locales, écoles, boulangers, agriculteurs, chercheurs, élus, et habitants passionnés.
La cuisson dans les fours collectifs est une pratique partagée par les communautés de l’arc alpin depuis au moins le Moyen Âge. Les fours des villages étaient alors dits banaux. Le seigneur local pouvait user de son pouvoir de ban. Ainsi les paysans pouvaient être contraints de cuire au four banal appartenant au seigneur, moyennant redevance. Le terme s’est généralisé aux fours collectifs. Dans la région ils étaient traditionnellement en molasse et ont été remplacés par des fours en brique à la fin du XIXe siècle, quand le train a permis de livrer des matériaux produits dans la région de Tain-l’Hermitage (briques réfractaires). La mappe sarde de 1732, première trace écrite témoignant de l’ancienne structure du territoire, répertorie de nombreux fours.
À partir de l’annexion de la Savoie à la France en 1860, le massif des Bauges est marqué par une période de changements profonds. Les modalités de l’organisation locale évoluent. Le plus souvent le four à pain est collectif et propriété des habitants du hameau. Parfois il appartient à une famille et les familles voisines ont le droit d’usage.
La semence de blé était précieuse et s'échangeait entre paysans pour obtenir une meilleure qualité. Ceci révèle le grand travail des sociétés paysannes dans les sélections de variétés. Le blé était échangé au meunier le plus proche, contre une quantité de farine correspondante à la quantité de blé apporté. Plusieurs meuniers vivaient sur l'ensemble du massif ; il fallait parfois aller loin pour échanger le blé contre la farine.
Le levain était conservé de semaine en semaine. Souvent, il était transmis de famille en famille afin de faciliter sa conservation et assurer une fermentation continue. L'échange du levain, entre les familles d’un même village, assume une valeur symbolique de lien communautaire.
Dans l’organisation de la panification, les communautés avaient parfois recours à un fournier. Le four était allumé toutes les semaines, tous les quinze jours ou tous les mois. Chaque famille comptait le nombre de fagots qu'elle devait porter au four en proportion du nombre de pains à cuire. Les familles reconnaissaient leurs pains à l’aide de marques à pain. Le pain se conservait à la cave, posé sur une planche en bois.
Au tournant du XIXe siècle, l’organisation des coopératives laitières (fruitières) vers 1890 et la guerre de 1914-1918 marquent une période de réorganisation de la vie locale. Des boulangers professionnels s'installent et les premiers fours apparaissent dans les maisons. Progressivement, le pain du boulanger se généralise et les fours collectifs sont abandonnés. La pratique perdure selon les contextes jusqu’à la seconde guerre mondiale.
Jusqu’aux années 1960, la panification dans les fours des villages maintient une importance vitale pour les communautés du massif des Bauges. Les habitants y ont développé des savoirs complexes, de la culture de céréales en montagne à la panification dans les fours des hameaux. L’activité était gérée collectivement, selon une organisation qui articulait la production de céréales et des farines, la préparation des fagots, la chauffe et la maîtrise du four, le partage du levain, la cuisson des pains. Cette organisation reposait souvent sur l’emploi d’une personne, le fournier, chargé du four et de la coordination des opérations. Une fois terminée la cuisson du pain, le four encore chaud était le lieu de diverses pratiques sociales. Non seulement on y apportait d’autres plats, mais on y restait partager des moments forts de sociabilité. La chaleur du four était utilisée pour d’autres préparations, aux noms et caractères différents selon les lieux, les saisons, les communautés et les familles : « épognes », tartes, « farçons », « couétazes », gratins... Les témoignages retracent une diversité d’usages et des plats.
Faire au four a été jusqu’aux années 1960, une activité régulière des communautés locales. À l’heure actuelle, il s’agit d’une activité festive et rituelle ponctuelle. Après une période d’abandon de la pratique, qui semblait destinée à disparaître, emportée par les grands changements liés à la modernisation des styles de vie, l’industrialisation, le départ des jeunes vers la ville, la professionnalisation du métier de boulanger, c’est à partir des années 1990 que les anciens fours sont restaurés et font l’objet d’une nouvelle attention de la part des habitants, du monde associatif, politique et des institutions.
On observe dès lors dans le massif des Bauges un renouveau diffus de la panification traditionnelle (fabrication du pain au levain, cuisson au feu de bois, notamment dans les fours à pain restaurés, utilisation de farines de qualité, notamment bio, etc.), qu'il s'agisse d'initiatives formelles voire professionnelles (boulangeries) ou d'initiatives informelles (groupes d'habitants agissant pour la restauration et l'animation des fours à pain, individus).
Parfois, le retour de personnes originaires des Bauges ou l’initiative de nouveaux habitants sensibles à la valeur du patrimoine du pays ont permis la renaissance de formes contemporaines de panification et la revitalisation des usages des fours collectifs, dans un contexte festif, familiale ou de voisinage. Ainsi, lors de ses recherches pour la restauration des fours de la commune de Curienne, l'association « Les Fascines » a retrouvé plusieurs traces historiques des fours. En 1994, grâce aux actions de l'association, les cinq fours de Curienne sont restaurés pour être réutilisés. Aujourd'hui, avec le mouvement de restauration des anciens fours collectifs, la construction de fours privés est aussi en augmentation. Cette réappropriation des savoirs réactive toute une mémoire collective : les familles ou groupes d'habitants se mobilisent pour chauffer les fours, selon une organisation du travail partagé entre hommes et femmes, jeunes et anciens.
À l’heure actuelle, on retrouve un éventail de spécialités locales qui expriment les traditions et la créativité locale, dans les contextes des fêtes de village et des repas partagés qui suivent la cuisson du pain. Certaines spécialités sont fabriquées avec le reste de la pâte à pain : les épognes à Curienne, les « farchas » à Saint-Pierre-d’Albigny, les « couétazes » à Sainte-Reine, les « longuets » à Sainte-Offenge ou encore les « crêpers » à Saint-Ours. Chaque communauté semble retrouver et réinventer ses propres spécialités.
Les journées du pain témoignent de la vitalité de ces pratiques du « faire au four », parfois dans des contextes festifs organisés, souvent dans le cadre d'initiatives locales informelles, à l’échelle des voisins ou hameaux. Autour du four, se renforcent les liens sociaux entre gens d’ici et d’ailleurs. Fondée sur le bénévolat et la vie associative, la tradition du « faire au four » peut vivre grâce au travail d’une société locale organisée dans le respect de l’autre et l’entraide. La pratique contemporaine revitalise des valeurs de longue mémoire. « Faire au four » est un moment à haute valeur culturelle, propice à la fondation et le renouvellement du lien social. Le contexte festif prend toute sa valeur de savoir-vivre ensemble et de partage d'un bien commun : le four du village, dans un temps rituel, constamment renouvelé.
Un processus de partage des savoirs est en cours et les acteurs sont mobilisés dans un mouvement de recherche, d’expérimentation et de réinvention des traditions. Les exemples cités ci-dessus rendent compte de l'actualité et de la vitalité de cette pratique, des différents canaux d'apprentissage et de transmission, des personnes qui l'entretiennent, ainsi que de son contexte de réalisation, son évolution et ses adaptations.
Les initiatives, que l’on a tenté de répertorier, sont nombreuses et méritent une reconnaissance et parfois un soutien de la part des institutions. D’autre part, les professionnels du secteur doivent être sensibilisés à la portée culturelle et sociale de ces pratiques. Si la tradition du « faire au four » est revitalisée, les habitants ne sachant plus faire le pain achètent la pâte, déjà mise en boules, chez les boulangers de leur commune. Il est en effet très intéressant de constater que souvent, les groupes d’habitants, ayant perdu les compétences de fabrication et cuisson dans les fours communaux, font appel à un boulanger pour pouvoir réorganiser la cuisson du pain dans le four du village. L’alliance entre les habitants et les professionnels, mais aussi les échanges de savoirs entre les associations et groupes de praticiens locaux, s’avèrent cruciaux pour la transmission de cette tradition.
Les principales menaces à la revitalisation et transmission de la pratique ont été identifiées, compte tenu de la connaissance des céréales et farines et des savoirs du four et de la panification :
- La perte des connaissances et de la mémoire des anciennes variétés de céréales, de leurs potentiels en termes de nutrition, d'adaptabilité au milieu naturel et des possibilités de revitalisation des cultures de céréales en montagne.
- La méconnaissance des savoirs traditionnels liés aux fours en tant que bâtiments : matériaux, techniques de construction et de restauration, etc.
- La perte des capacités dans la maîtrise des savoirs, techniques et pratiques du « faire au four », et de confiance dans les capacités locales à maîtriser l’organisation concrète de ces moments de travail commun et de fête.
- Le manque de considération de la fonction/valeur sociale et culturelle de cette pratique, et la tendance à construire des fours privés, plutôt que réinvestir les fours collectifs.
- L’isolement des initiatives et les difficultés à mettre en place une organisation efficace à l’échelle locale, en s’appuyant sur une logique de réseau de compétences et expériences.
- La méconnaissance de ce qui se réalise ailleurs, en France et dans le monde, dans ce domaine.
Modes de sauvegarde et de valorisation
Tous les efforts fournis par les habitants dans le cadre d’associations ou de groupes informels permettent la transmission des savoirs et la sauvegarde des valeurs du « faire au four ». Des nombreuses activités de valorisations sont en cours, notamment :
- Repas festifs autour des pratiques du faire au four organisé par l’association « Les Fascines » de Curienne ;
- De nombreux événements organisés par l’association « Marceau traditions et patrimoine » allument de nouveau les fours du village.
En 2005, le Parc naturel régional du Massif des Bauges a instauré un fonds consacré à la restauration du patrimoine bâti non protégé. En 2007, une convention a été signée entre le Parc, la Fondation du Patrimoine et la Région Rhône-Alpes, qui permet de financer des travaux de restauration, en maîtrise d’ouvrage des communes ou associations du territoire. De nombreux fours ont été restaurés avec le concours du Parc. Depuis 2010, une centaine de fours a été recensée sur le territoire, grâce à l’inventaire régional du patrimoine bâti. Cet inventaire fait suite à une demande des élus des communes afin de recenser le patrimoine culturel, bâti et architectural de leur commune. Parmi les objets patrimoniaux inventoriés, on trouve bien sûr de nombreuses fermes, granges, fours à pain ou oratoires. Pour chacun de ces objets, une fiche complète propose un historique, une présentation, une localisation, différentes illustrations et des références documentaires. Les fours à pain sont traités comme des « objets patrimoniaux ».
Depuis 2016, une nouvelle dynamique s'est créée grâce à l'inventaire du patrimoine alimentaire, en tant que patrimoine culturel immatériel. Depuis octobre 2017, une nouvelle dynamique se construit, grâce aux échanges établis avec le Val d'Aoste, dans le cadre du projet européen AlpFoodway. Une cinquantaine d'habitants et d’élus du massif des Bauges se sont rendus en Val d’Aoste pour découvrir la fête du Pain noir (« Lo Pan Ner »), organisée par la Région. La rencontre avec les voisins italiens a suscité un vif intérêt de la part des acteurs locaux et a permis la réalisation, en octobre 2018, de la première édition de la « fête aux Fours », portée par le PNR du Massif des Bauges et mise en œuvre par les habitants et associations. Environ quarante fours ont été rallumés sur le territoire, pendant le mois d’octobre.
Le travail de recherche et de sensibilisation mené dans le cadre de l’inventaire du patrimoine alimentaire doit être considéré comme une mesure de sauvegarde et se pérenniser avec des actions concertées en lien avec les communautés de praticiens. Les enquêtes menées depuis 2016 ont permis la réalisation, au printemps 2018, d'une exposition sur le patrimoine alimentaire du massif, intitulée « Des histoires plein l'assiette », autour de cinq thèmes principaux, dont le pain. Cette exposition s'est tenue, durant tout l'été 2018, à la Chartreuse d'Aillon (Aillon-le-Jeune, Savoie), maison thématique du Parc du massif des Bauges.
En 2018, une lettre de consentement a été rédigée et distribuée aux communautés et détenteurs des pratiques souhaitant témoigner et contribuer à l'identification participative de l’élément.
Actions de valorisation à signaler
En 2018-2019, dans le cadre du projet Européen AlpFoodway et en lien avec l’initiative transfrontalière « Lo Pan ner », une action de mise en réseau et renforcement de compétences des communautés du « faire au four » a été lancée par le Parc naturel régional, à la demande des associations locales.
Modes de reconnaissance publique
Inscription à l’inventaire régional du patrimoine bâti de nombreux fours.
Récits liés à la pratique et à la tradition
Faire au four a été jusqu’aux années 1960, une activité régulière des communautés rurales du massif. Au fil du temps, la dégradation des anciens fours a été ressentie comme une blessure dans le tissu des villages. Les journées du four sont restées gravées dans les mémoires, comme le symbole le plus fort de la vie communautaire « d'autrefois ». Évoquer avec les habitants la pratique du « faire au four » ne peut se délier des nombreuses anecdotes ancrant les savoirs au sein de relations de solidarité familiales et de voisinage.
« Ils faisaient leur pain, les paysans… Ils descendaient le blé au moulin (…). Le moulin, il se trouve à Saint-Jean-d'Arvey, ça s'appelle « Le bout du monde » (…). Et donc les gens portaient le blé et puis ils remontaient la farine. Et il y a eu une période où Monsieur Richard, qui tenait le moulin, montait avec son fils, ça se faisait tout sur les tables du café de l'hôtel du Centre, des Grangeats. L'échange se faisait là, pendant une période. Les papiers se faisaient sur la table du bistrot. Lui, il montait la farine dans une camionnette et les gens repartaient avec leur farine. Ou alors on descendait, les jeunes étaient bien sollicités, ils descendaient au moulin, 15 kg, ils descendaient à deux ou trois enfants » [entretien avec Geneviève Roux-Crémillieux, Muguette Lys et Anne-Marie Chaffardon, Saint-Jean-d'Arvey, 13 juillet 2016]
« Je vois, ma maman, elle avait une grande table, à peu près comme celle-ci, qui s'ouvrait, qu'on appelait la maie. Elle avait sa maie prête, les bords de la table étaient inclinés pour faire un pétrin. Après, on refermait le dessus de la table et on s'en servait pour ce qu'on voulait. Elle mesurait la farine qu'elle devait mettre avec le pailla, par exemple deux ou trois paillas. Ça lui donnait à peu près la quantité de sel qu'il fallait mettre. Mais c'était tout de l'à peu près, elle mesurait avec sa main. "Tu vois bien", elle me disait. Donc, elle mesurait la quantité de farine, de sel, et puis l'eau, pour faire le pain (…). Et puis, après, elle mettait tout ça dans son mélange de farine et de sel. Elle rajoutait de l'eau, à peine tiède, et alors elle se mettait à pétrir (…). Et puis donc, après, on met les pains dans les paillas avec un torchon, on plie comme ça. Puis, on les laisse lever dans une pièce tiède, par exemple sur une grande table comme ça, les paillas sont disposés là. On y met même une couverture par-dessus pour qu'il n'y ait pas de courant d'air, pour que ça puisse bien lever » [entretien avec Régine Bouvet et Pierre Bouvet, Le Noyer, 21 juillet 2016]. « Je me souviens que les parents envoyaient faire le tour des cinq-six foyers qui utilisaient le four pour demander le levain, parce que le levain ça ne se conserve quand même pas très très longtemps. Alors il fallait prendre le levain de celui qui avait fait la dernière fois. D'une famille à l'autre, on se passait le levain. Et puis on portait ça dans des paillas là-haut (…). Oui, parce qu'il ne fallait pas qu'il attende quinze jours le levain. Il n’aurait plus été bon. Alors on allait chez le dernier qui avait fait le feu. Ma mère me disait : "Vas demander telle famille, telle famille s'ils ne font pas au four demain", pour pas qu'on se retrouve tous à la fois. Il y avait une solidarité dans les villages, beaucoup plus que maintenant. Toutes ces choses matérielles, que ce soit le cochon, le pain, ça faisait partie du village. C'était le village entier qui participait. » [entretien avec Suzanne Petit-Barat et Louis Petit-Barat, réalisé par Maïté Loyrion, Aillon-le-Vieux, 15 juillet 2016].
« Maurice, il se rappelle, quand il était gamin, il allait chercher le levain chez sa grand-mère, et puis, vu que c'était le moment des vendanges, ils lui avaient donné deux ou trois petits canons »[entretien avec Geneviève Roux-Crémillieux, Muguette Lys et Anne-Marie Chaffardon, Saint-Jean-d'Arvey, 13 juillet 2016].
« Ben, il fallait jeter une poignée de farine dans le four et puis, suivant comme elle brûlait, si elle brûlait trop vite, c'était trop chaud, et inversement. Il fallait apprécier tout ça. Quand c'était juste à point, le papa criait "Apportez les pains !". Alors tout le monde était réquisitionné, du plus grand au plus petit. On prenait le pailla comme ça dans les bras et puis, en procession, on montait jusqu'au four qui était au sommet du Mollard. Après, le papa le prenait, il avait une grande planche comme le boulanger. Il retournait le pailla sur sa grande planche avec le grand manche là, et puis il la poussait dans le four et il la retirait brusquement pour que le pain soit juste au bon endroit ». [entretien avec Régine Bouvet et Pierre Bouvet, Le Noyer, 21 juillet 2016].
« Alors le jour où on faisait le pain, c'était la régalade, parce qu'il était bon le pain. Tout chaud ! Tout chaud, il y avait une bonne croûte. Puis ça sentait bon ! » [entretien avec Denise Clerc, Madeleine Dagand, Armande Mugnier et Juliette Petellat, Saint-Ours, 30 juin 2016].
Nombreuses sont les mémoires des paysages cultivés en céréales. Le four réactive des souvenirs de champs de blé et de seigle qui entouraient les villages. Des paysages qui habitent l’imaginaire des plus anciens. En altitude, le seigle, bien adapté au climat de montagne, trouvait sa place dans de multiples usages. Les voyages de blé habitent les mémoires : les sacs de chanvre faits à Sainte-Reine, le meunier de Saint-Pierre-d’Albigny et de Cusy, la minoterie de Chignin. Les témoignages des anciens retracent une géographie des cultures, des moulins et des fours reliant les villages du massif entre eux, et le cœur du massif avec les piémonts.
L’histoire du faire au four dans le massif éveille un attachement des habitants à cette tradition et aux valeurs que l’on lui attribue. L’histoire du pain fascine de nombreux passionnés. C’est le cas des membres de l’association « Les Fascines » à Curienne, qui menèrent au sein de leur commune des recherches reliant les traces historiques des fours, l’activité des boulangers, les variétés de céréales, y compris le seigle, le levain, les fagots :
« De 1903 à 1923, Léon Coudurier devient boulanger au hameau du Boyat. Il vend du pain, mais il fait cuire la pâte qu’on lui apporte contre 50 centimes par pain. Concernant la pratique de fabrication du pain à Curienne, plus personne n’a de souvenir crédible de la périodicité des cuissons du pain. On utilisait le blé produit localement mais ces variétés, entre autres du "camp Rémy", se sont révélées impossibles à retrouver quand l'association a semé du blé en 1996 et 1997 pour l’utiliser lors des fêtes du pain de 1997 et 1998. Jusque dans les années 1930, les céréales étaient moulues sur la commune au moulin sur la Ternèze. La pâte à pain était pétrie dans un pétrin en bois, la maie. Puis les pâtons étaient mis pour la seconde levée dans des corbeilles de paille appelées paillas. Les fascines utilisées pour chauffer le four étaient composées, comme aujourd'hui, de fagots de noisetiers, de frêne, de taille d'arbres fruitiers ou d'arbustes. Traditionnellement, on utilisait même les épines pour chauffer les fours, comme l’atteste une délibération du conseil municipal de 1861. C'est essentiellement le blé qui était cultivé pour la fabrication du pain. Le seigle était également cultivé dans le massif jusqu'à la fin de la seconde guerre. Il donnait ce qu'on appelait le "pain noir", souvent peu apprécié, certainement parce qu'on l'assimilait au monde paysan dévalorisée tout au long du XXe siècle ».
Inventaires réalisés liés à la pratique
Inventory of traditional Alpine Food, mené dans le cadre du projet européen AlpFoodWay (en ligne sur le site internet « Intangible Search » : http://www.intangiblesearch.eu/search/show_ich_detail.php?db_name=intangible_search&lingua=francese&idk=ICH-AFMAT-0000001459 ) : fiche d’inventaire « La panification traditionnelle, ou faire au four, dans le massif des bauges ».
Bibliographie sommaire
Albera, D., « D’arrière pays à pays arriéré, la montagne entre histoire et imaginaire », dans Villages d’altitude (actes du séminaire d’Arvieux-Hautes Alpes), s.l., 1995.
Astier, M., Quel pain voulons-nous ?, Paris, Éditions Le Seuil, 2016, 128 p.
Barboff, M. et Datan, M., Pain d'hier et d'aujourd'hui, Paris, Éditions Hoëbeke, 2006, 143 p.
Delacrétaz, P., Construire son four à pain, Bière, Éditions Cabedita, 2000, 127 p.
Dupaigne, B., Soustelle, G., Fontanès, M. de et Barrau, J., Le Pain, Paris, Éditions Messidor, 1986, 207 p.
Groupe blé, avec Mathieu Brier, Notre pain est politique. Les blés paysans face à l’industrie boulangère, Éditions de la dernière lettre, 2019, 208 p.
Ingram, C. et Shapter, J., Pains du monde à faire soi-même, Clermont-Ferrand, Éditions De Borée, 2005, 256 p.
Isler, F., Le Pain, Magland, Éditions Neva, 2005, 105 p.
Lapiccirella Zingari, Valentina, Des espaces en récit. Parcours du temps à la Compôte en Bauges. Réflexions sur l'interprétation du patrimoine rural, rapport d'étude ethnographique, Le Châtelard, PNR du Massif des Bauges, 2002, 110 p.
Loyrion, Maïté, « Le patrimoine culturel immatériel, une nouvelle ressource pour le développement territorial. Le cas de l'inventaire des "savoirs et pratiques alimentaires et culinaires" dans le Parc naturel régional du Massif des Bauges », mémoire de M2 Patrimoine rural et Valorisation culturelle, dir. Claire Delfosse, Université Lumière Lyon II, 2016, 206 p.
Maget, M., Le Pain anniversaire à Villard d’Arène en Oisans, Paris, Éditions des Archives contemporains, 1989.
Maget, M., Il pane annuale, comunità e rito della panificazione nell’Oisans, Museo degli Usi e Costumi della gente Trentina, 2004.
Société savoisienne d'Histoire et d'Archéologie / PNR du Massif des Bauges, Les Bauges, entre lacs et Isère, Chambéry, Éditions Comp'Act, 2005, 350 p.
Filmographie sommaire
● « Faire au four, le pain du village », réal. Mathilde Syre, prod. PNR du Massif des Bauges, en partenariat avec la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l’Ain, 2017, 5 min 19. En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=1Q6A4bWT5hE&list=PLHwcaON2QF5s4NSlOaMRL0SY7XP6-RR_g&index=5
● « Lo Pan ner », réal. Bérengère Hauet et Mathilde Syre, prod. PNR du Massif des Bauges, 2018, 3 min 44
Sitographie sommaire
● Inventaire du patrimoine immatériel des régions alpines :
Lors du lancement et du suivi du travail d’inventaire et dans le travail de rédaction de la présente fiche, des associations, des professionnels et des particuliers ont été impliqués et ont activement participé aux réunions et aux moments de recherche, pour lancer le processus d’identification et de sauvegarde. La méthodologie participative a été organisée dans l’articulation des réunions publiques de partage du projet de l’inventaire du patrimoine culturel immatériel à la Maison du Parc, des réunions de territoire auprès d’associations locales ou professionnels, des réunions thématiques sur les éléments identifiés, des journées de terrain.
Dans le cas du pain, les réunions et journées de terrains ont été organisées par les associations locales et les professionnels. Des habitants et particuliers ont aussi activement participé aux travaux de documentation et mise en place d’actions de sauvegarde.
Nous pouvons notamment citer l'association « Les Fascines », à Curienne, et son président Jean-Pierre Bulteau ; l’association « Marceau patrimoine et tradition », à Doussard ; la « Boulangerie savoyarde », à École, dans le cœur du massif, et les artisans-boulangers Pierre Bouvet et Laurent Ferroud ; le « Fournil des Eparis », à Viuz-la-Chiesaz, et son « boulanger-chercheur », Paul Rocher ; Ginette Ginollin, à Aillon-le-Jeune ; Muriel Brun, à Curienne ; Marius Ferroud-Plattet, à Pugny-Châtenod.
● Pierre Bouvet, boulanger à la « Boulangerie savoyarde », à École (Savoie), 04 79 54 82 74
● Muriel et Jean-François Brun, membres de l’association « Les Fascines », à Curienne (Savoie), 04 79 84 70 18, muriel73190@hotmail.fr
● Jean-Pierre Bulteau, président de l’association « Les Fascines », à Curienne (Savoie), 04 79 84 72 97, jean-pierre.bulteau@wanadoo.fr
● Laurent Ferroud, boulanger à la « Boulangerie Savoyarde », à École (Savoie), 04 79 54 82 74
● Richard Frossard, président de l’association « Marceau Traditions et Patrimoine », au Doussard (Haute-Savoie), 961 route Marceau, 74210 Doussard
● Paul Rocher, boulanger au « Fournil des Eparis», à Viuz-la-Chiesaz (Haute-Savoie), 04 50 51 47 64, lefournildeseparis@orange.fr
Des consentements et des soutiens ont été reçus de toutes les personnes rencontrées et citées dans la présente fiche.
Rédacteur de la fiche
Ala, Silvia, chargée de mission Patrimoine culturel et immatériel, Parc naturel régional du Massif des Bauges, s.ala@parcdesbauges.com
Dupérier, Juliette, anthropologue, chargée d'étude pour l'enquête, analyse et rédaction de fiches d'inventaire sur le patrimoine alimentaire, j-dup@hotmail.fr
Lapiccirella Zingari, Valentina, anthropologue experte en patrimoine culturel immatériel, responsable scientifique de l’inventaire du PCI pour le Parc naturel régional du Massif des Bauges, vzingari@gmail.com
Loyrion, Maïté, consultante, conseil et animation pour la valorisation de la culture et du patrimoine en milieu rural, maite.loyrion@outlook.fr
Enquêteur(s), chercheur(s) ou membre(s) du comité scientifique associé
Ala, Silvia, chargée de mission Patrimoine culturel et immatériel, Parc naturel régional du Massif des Bauges
Lapiccirella Zingari, Valentina, anthropologue experte en patrimoine culturel immatériel, responsable scientifique de l’inventaire du PCI pour le Parc naturel régional du Massif des Bauges
Loyrion, Maïté, consultante, conseil et animation pour la valorisation de la culture et du patrimoine en milieu rural
Lieux(x) et date/période de l’enquête
Curienne, journée-observation d’un rassemblement d’habitant pour la panification au four et partage d’un repas lors de la « journée des fours » (5 juin 2016)
Le Noyer, entretien en compagnie de Régine Bouvier et de son fils Pierre Bouvier (21 juillet 2016)
Boulangerie savoyarde à École, observation des savoirs de la panification et entretien auprès de Laurent Ferroud (avril 2017)
Curienne, entretien auprès de Muriel et Jean-François Brun et observation des savoirs de préparation du pâton puis de sa cuisson au four (24 avril 2017)
Fournil des Éparis à Viuz-la-Chiésaz, visite des cultures de céréales et de la boulangerie et entretien auprès de Paul Rocher (7 juillet 2017)
Doussard, table des savoirs partagés du faire au four, discussion entre les acteurs porteurs des savoirs (août 2018)
Faverges-Seythenex, participation à la « fête aux fours » dans les hameaux de Verchères, Les Combes, Frontenex et chef-lieu de Seythenex (20 octobre 2018)
Aillon-le-Jeune, table ronde « La panification traditionnelle dans les Alpes », dans le cadre de la rencontre internationale « Patrimoine alimentaire alpin. Expériences et enjeux dans le massif des Bauges et dans les Alpes » (Chartreuse d’Aillon, 1er octobre 2019).
Données d’enregistrement
Date de remise de la fiche : 17 février 2020
Année d’inclusion à l’inventaire : 2020
N° de la fiche 2020_67717_INV_PCI_FRANCE_00454
Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvk25b
Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia: https://fr.wikipedia.org/wiki/Massif_des_Bauges
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