Les savoir-faire du Briançonnais : la fabrication de la chaux

Depuis le 14e siècle, des documents attestent que les habitants des environs de la ville de Briançon ont développé une technique permettant de transformer les pierres d’un calcaire magnésien, la « dolomie ladinienne » appelée « pierre bleue », en chaux.

La chaux présente de nombreuses utilisations, tant constructives (réalisation de mortiers ou d’enduits de façades) qu’agricoles (chaulage des semences). Des fours étaient ainsi construits selon des méthodes précises, transmises et adaptées au fil des siècles, afin d’assurer la transformation des pierres calcaires en chaux.

Les habitants du Briançonnais sont les premiers à entretenir et transmettre la technique de la fabrication de la chaux, mais Félix Clément, né dans les années 1910, était le dernier chaufournier du Briançonnais. Ce dernier a formé cinq personnes à la pratique de son métier dans le cadre d’un projet porté par la Société Géologique et Minière du Briançonnais (SGMB). Cette association participe d’ailleurs grandement à la conservation des savoirs et savoir-faire liés à cette technique. En 2003, avec le soutient de la commune de Villard St Pancrace, elle a réalisé le projet de création de l’espace fours. Enfin, des activités pédagogiques et des journées de découverte sont organisées pour sensibiliser un plus large public (écoliers, familles, touristes) à ces pratiques.

Dans cette fiche, nous nous focaliserons sur la fabrication de la chaux pratiquée dans les environs de Briançon, ville des Hautes-Alpes, située dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les communes de La Salle, Saint-Chaffrey, Puy Saint-Pierre, Puy Saint-André et Villard St Pancrace, toutes situées dans un rayon de dix kilomètres autour de Briançon, font partie intégrante du terrain de recherche. La fabrication de la chaux s’est particulièrement développée dans la région du Briançonnais car des conditions naturelles le permettaient :

- Les moraines, débris rocheux transportés par les glaciers, sont la source principale de calcaire, car elles contiennent des blocs de « dolomie ladinienne », aussi appelée « pierre bleue ».

- La région du Briançonnais comporte de nombreuses sources de combustibles : le bois des forêt et le charbon des mines.

- Enfin, la disponibilité de grès houillers, aussi appelés « pierres mortes », facilite la fabrication des fours.

Pour des raisons pratiques, les fours étaient majoritairement localisés près des sources calcaires et/ou près des mines de charbon.

Il existe plusieurs types de fours pour la fabrication de la chaux. Des fours à combustible bois, comparables à ceux localisés dans la région du Briançonnais, ont été retrouvés également dans les départements du Var et des Bouches du Rhône, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. D’autres pays, comme le Maroc, les Antilles, le Yemen et la Roumanie, utilisent des procédés comparables pour fabriquer la chaux. Les fours à combustible charbon sont plus spécifiques à la région du Briançonnais. Dans le hameau de Pra Reboul, située dans le département des Hautes-Alpes, un four à combustible bois, intact et n’ayant été jamais mis en fonction, a été découvert en 2005 par les membres de la SGMB. Ce four était « chargé » et prêt à l’emploi.

Les techniques de fabrication de la chaux permettent d’obtenir cette matière finale à partir de pierres calcaires, selon des procédés qui prévoient la construction de four. Une fois chauffées dans les fours à l’aide de briquettes de charbon, entre 850°C et 1 200°C, ces pierres blanchissent et se transforment en chaux. Physiquement, le calcaire libère son gaz carbonique et se transforme en une matière appelée « chaux vive ». Pour cela, il est absolument nécessaire de faire cuire les pierres au coeur. Eteinte avec de l’eau, elle devient donc de la chaux « éteinte », hydratée, épaisse et facile à étaler.

A l’air libre, cette chaux hydratée va enfin se recombiner au dioxyde de carbone atmosphérique, le gaz carbonique de l’air, elle durcit et le calcaire se reforme. Cette phase, dite de carbonatation, a une durée très variable entre dix ans et plusieurs milliers d’années. La chaux est un matériau ancestral qui détient de nombreuses qualités constructives. Les Briançonnais l’utilisaient principalement pour la fabrication des mortiers, des enduits de façade et des fresques, mais la chaux peut aussi être utilisée dans différents domaines. Par exemple, la chaux calcique permet d’apporter du magnésium aux terres agricoles trop acides ; ajoutée au métal, la chaux aérienne provoque une extraction des impuretés. Dans la région du Briançonnais, deux types de combustibles sont utilisés pour faire fonctionner les fours : le charbon et le bois. Selon le combustible choisi, la technique de fabrication du four diffère.

 

Les fours à combustible charbon

Les fours à combustible charbon comprennent une marmite, une gueule, un foyer et un muraillement.

- La marmite est une cuvette de généralement 2,5 mètres de diamètre, et de 1,2 à 3 mètres de profondeur. Formant un demi arc de cercle dans le sol, ses parois sont tapissées d’une couche de pierres. Elle a pour fonction de contenir le charbon et les pierres à chaux.

- La gueule est un tunnel de 2 à 3 mètres de longueur servant à allumer le four. Bâti à l’aide de pierre, un toit en linteaux est également fabriqué pour la protéger. La largeur de la gueule décroît de l’extérieur vers l’intérieur. La direction de la gueule est établie en fonction de la plus forte pente, et va toujours vers le bas. La gueule permet de faire un appel d’air entre l’extérieur et le foyer du four.

- Entre le fond de la marmite et la gueule, se trouve le foyer. A son niveau, les pierres qui tapissent la gueule sont remplacées par une grille métallique.

- Un muraillement en pierre est également édifié afin d’assurer le maintien du four dans les pentes. Les pierres extérieures sont correctement agencées alors que l’intérieur est composé d’un mélange de pierre et de terre.

Deux techniques ont été relevées afin de faire fonctionner ces fours.


Les fours à briquettes de charbon

Le charbon est sous forme de briquettes (ou galettes) fabriquées en mélangeant du charbon en poudre et de l’eau : « Le pétri était alors étalé sur une plate-forme, à proximité du four, sur une épaisseur de huit à dix centimètres, puis découpé à l’aide du champ de la pelle en petits cubes appelés « galettes ». C’est en séchant durant deux ou trois jours que ces galettes devenaient cohérentes. Elles étaient alors entassées à côté du four. Il fallait renouveler cette opération deux ou trois fois puisque le four consommait cinq à six tonnes de charbon par fournée et un volume identique de pierre. » (Châtel 2010, p. 50)

Ensuite, venait l’étape de l’« enfournage ». Les pierres et les briquettes étaient déposées en alternance jusqu’à dépasser le niveau de la marmite. Pour effectuer la finition, il était nécessaire de placer une couche de pétri de dix centimètres d’épaisseur. La mise à feu du charbon s’effectuait avec des fagots et le four fonctionnait durant une semaine : on comptait généralement une nuit de chauffe; trois jours de combustion, et trois jours de refroidissement. Pour que la ventilation par la gueule s’effectue correctement, un percement d’évents était effectué, nommé alors le « tirage ». C’est une opération délicate et essentielle : si la ventilation est insuffisante ou trop importante le calcaire ne pourra se transformer en chaux. Le défournage s’effectue le sixième jour après la mise à feu, il faut alors retirer les pierres des cendres. Les blocs de chaux vive sont ensuite conservés dans des caissettes en bois ou des sacs en jute, permettant d’absorber l’humidité.

Les fours à mortier de pétri et cheminée centrale Ici, l’une des extrémités de la marmite est construite sur la pente d’un versant. L’autre extrémité est consolidée grâce à une construction en pierre. Le « pétri », mélange de charbon et d’eau, servait alors de mortier entre les pierres à chaux et des branches d’arbres. Ensuite, « un tronc d’arbre était placé au centre du four et l’on plaçait le mélange de pierres et de pétri autour du tronc. Ce dernier, retiré à la fin de l’enfournage, matérialisait une cheminée pour assurer le tirage » (Châtel, 2010, p. 60).


Les fours à combustibles bois

Le bois étant plus léger que le charbon, pour la même quantité de chaux résultant de la chauffe, bien plus de matière combustible est nécessaire. Bien plus grands que leurs homologues fonctionnant à charbon, les fours à combustibles bois peuvent atteindre une profondeur de 5 mètres. Sur une pente, un cylindre est creusé d’un diamètre de 5 mètres également. Des pierres sont disposées sur les parois. Partant de la profondeur de ce trou, une gueule est à son tour creusée jusqu’à rejoindre la pente de manière perpendiculaire. Le foyer est alimenté par la gueule. Deux hypothèses existent quant à la technique de combustion :

- Au-dessus du foyer, composé avec du bois et alimenté par la gueule, est construite une voûte faite avec des pierres à chaux. Cette voûte est elle-même recouverte de pierre à chaux, et le foyer est placé en-dessous. Cette méthode est qualifiée de technique « à longue flamme ».

- D’autres sources témoignent que le cylindre serait rempli d’un mélange de bois et de calcaire. Par ailleurs, cette technique ne permet pas de réalimenter le four en bois, et la simple combustion de ce mélange ne peut donner de la chaux de qualité. Aussi, pour que cette technique fonctionne, il faut doser à l'avance les quantités exactes de bois et de pierres à mettre en place.

Lors de l’opération « Fours en Fête », en 2008, l’alimentation du foyer a demandé à ce que dix-huit bénévoles se relaient sur une période de soixante douze heures. De tout temps donc, ce type de four a exigé une très grande main-d’oeuvre.

Félix Clément, dernier chaufournier dans la région du Briançonnais, a formé cinq personnes à ce métier qui ont elles-mêmes diffusé leur savoir. Depuis, ces personnes organisent des activités et réalisent des travaux documentaires permettant à ces savoir-faire de perdurer. Pour les fours à combustible charbon, la SGMB, s’est appuyée sur les témoignages de Félix Clément et sur des témoignages indirects avant d'effectuer des tests afin de mieux comprendre et de compléter les informations reçues. Pour les fours à combustible bois, aucun témoin n'a été retrouvé : le savoir de la SGMB s'est construit par l'observation du four découvert en 2005, des essais de reconstruction et de mise en chauffe. Les secrets de fabrication des fours et de transformation de la chaux étaient généralement gardés et transmis au sein de communautés réduites (les familles par exemple). Raymond Lestournelle et Frédéric Châtel, de la SMGB, ont fait un grand travail de recensement des fours de la région.

A l’espace Fours de Villars St Pancrace, la SMGB met à disposition des bénévoles pouvant effectuer des visites guidées, des expériences chimiques avec la chaux, des présentations ou des projections de films.

La « Journée des savoir-faire oubliés », fête annuelle se déroulant dans l'espace précédemment cité, permet de rassembler différents types de personnes autour de la problématique de la perdition de ces savoir-faire. Un rôle central dans cet évènement est joué par Jean Paul Fine qui s’engage depuis plusieurs années dans la construction et mise en marche d’un mini-four à chaux à briquettes de charbon. Ce qui permet à la fois de perpétuer cette technique et de la faire connaître à un plus grand public.

Dans la Grèce antique, la technique de la transformation de la chaux existait et le métier de chaufournier y était attaché. Il définit une personne qui travaille ou exploite un four à chaux. Les briançonnais, pour leur part, utilisent les fours à chaux depuis plusieurs siècles : le premier document en attestant date de 1396. Le Briançonnais était une région naturellement pourvue de riches ressources de charbon. La matière première n’ayant que très peu de valeur marchande, il était important d’établir le processus de transformation dans les lieux où elle se trouvait.

Depuis la fin du 17e siècle, lors de la construction et du renforcement par Vauban des fortifications de la ville de Briançon, classées aujourd’hui au patrimoine mondial de l’UNESCO, la chaux fut grandement utilisée.

Ajoutée à la protection des forêts dans le Briançonnais, l’odeur dégagée par les fours durant la chauffe a engendré la mise en place de normes de réglementation au cours du 19e siècle. Suite au décret impérial du 15 octobre 1810, les habitants souhaitant faire fonctionner un four devaient effectuer une demande d’autorisation. Dans cette demande, le chaufournier mentionnait l’emplacement exact du four, qui devait, entre autre, être à plus d’1 kilomètre des forêts. Les responsables des fours s’engageaient aussi à contrôler leur four durant toute la durée de l’opération. Les fours temporaires devaient être détruits après utilisation, afin qu’ils ne deviennent pas des fours permanents. Toutefois, les briançonnais étaient peu attachés à ces contraintes, raison pour laquelle il reste tant de vestiges de fours dans la région.

En 1827, un nouveau Code forestier est rédigé, stipulant que seule l’utilisation de bois privé est autorisée : l’utilisation des fours à combustible charbon va ainsi très largement s’accroître. Les plus petits fours étaient utilisés de manière occasionnelle, quand les plus grands servaient régulièrement aux habitants. Certaines sources évoquent des fours communaux publics, où la présence d’un chaufournier n’était pas requise et une personne s’occupait alors d’effectuer une ou plusieurs cuissons durant une année.

Les fours étaient généralement mis en fonction au printemps, lorsqu’il n’y avait plus de neige, et que l’activité dans les champs n’avait pas encore repris. Il existe plusieurs périmètres de regroupement des fours à combustible charbon : l’hypothèse soumise est qu’il existait des « quartiers de fours », construits dans des zones précises, où chacun avait son propre four à chaux. Les fours à combustion bois, trop grands pour laisser croire à un entretien individuel, étaient de fait utilisés de manière collective.

La chaux était généralement utilisée pour bâtir des maisons de particuliers ou des édifices collectifs. Des écrits témoignent notamment de ces précisions quant à l’utilisation de la chaux pour reconstruire des maisons, ou pour bâtir les fortifications de la ville de Briançon. Dans la seule région du Briançonnais, plus de deux cents fours ont été recensés. Les paysans-mineurs n'ayant pas les moyens d'acheter leur chaux, préféraient la fabriquer eux-mêmes.

C’est après les années 1930 que l’utilisation des fours à chaux a très largement diminué. Entre 1945 et 1950, de rares fours ont continué à être mis en activité, puis cette pratique s’est presque complètement interrompue. Comme les édifices anciens de la région étaient bâtis avec des enduits faits de chaux aérienne, il serait envisageable que, lors des projets de restauration, les architectes des Bâtiments de France incitent l’utilisation de la chaux produite localement et selon des techniques traditionnelles.

La chaux fit partie intégrante de la vie quotidienne des Briançonnais au moins du 17e au 20e siècle. C’était un matériau de construction produit localement et utilisé à des fins multiples. Aussi, plusieurs recherches effectuées au cours du siècle dernier démontrent de l’importance de cette activité. Pourtant, aujourd’hui, très peu d’habitants de la région du Briançonnais connaissent les techniques de fabrication de la chaux. Jean Paul Fine remarque que la présence de mines à charbon dans le Briançonnais a fortement influencé le développement des fours à chaux à combustible charbon, notamment à Villard St Pancrace. En effet, au 19e siècle lorsque les fours à combustion bois furent interdits pour la protection des forêts, les communes qui possédaient des mines à charbon ont pu continuer à assurer la fabrication de la chaux. Les mineurs utilisaient leur surplus de charbon et le peu de temps libre qu’ils avaient pour faire des fours et vendre leur chaux dans le Briançonnais.

Cette chaux était employée localement de différentes manières :

  • pour la construction des fortifications et des maisons ;
  • pour fournir les tanneries de Villard St Pancrace ;
  • entre autre à l’usine de la Schappe, à Briançon, qui traitait les déchets de soie et avait besoin de chaux pour les nettoyer ;
  • pour fournir les particuliers qui en avaient toujours chez eux pour assainir les maisons (chaulage au printemps), chauler les champs, ensevelir une bête crevée. Les briançonnais la conservaient principalement sous forme de chaux vive qui, selon le degré d’humidité, se transformait plus ou moins rapidement en chaux éteinte.

Raymond Lestournelle, et d’autres bénévoles de la SMGB, ont fait de grands travaux de recensement des fours et des savoir-faire de fabrication de la chaux. Au moyen de randonnées, ils ont localisés les différentes vestiges de fours présents sur le territoire, avant de publier un ouvrage expliquant leur emplacement et leur fonctionnement. Raymond Lestournelle indique qu’aujourd’hui toute l’attention est catalysée par les fortifications de Vauban, classées patrimoine mondial de l’Unesco, et on oublie les hommes et les femmes qui les ont construites, en se servant de la chaux produite localement. « L’Histoire oublie souvent, les hommes et les femmes qui l’ont faite. » Ces activités, avec celles de Félix Clément, témoignent d’un réel désir d’un groupe de briançonnais de sauvegarde des pratiques liées à la fabrication de la chaux.

Les fours à chaux du Briançonnais produisent de la matière à petite échelle et demandent une forte main d’oeuvre et un grand entretien : une surveillance assidue, des matériaux qu'il faut recharger durant l'opération et le contrôle de la ventilation.. En comparaison, la chaux industrielle est désormais plus simple à produire et à utiliser et a un coût nettement moindre. De nos jours, les intérêts pécuniaires liés à cette production s’affaiblissent. Toutefois, le maintient de ces savoir-faire ancestraux demeure important pour des démarches éducatives, des initiatives liées à la recherche ou encore la possibilité d’utiliser ce matériau produit localement pour des activité pointues, comme la restauration du patrimoine bâti de la région. L’opération des « Fours en fêtes » (2003-2012), qui durait plusieurs jours, a précédé les « journées des savoir-faire oubliés ». Cet unique jour ne permet pas de reproduire la pratique dans son intégralité, car pour que le calcaire puisse se transformer en chaux, les fours doivent bénéficier d’un entretien permanent pendant près de 72 heures. Cette permanence obligatoire avait pourtant un double enjeu : elle permettait la transmission des savoir-faire, et contribuait à renforcer les liens sociaux entre les habitants présents. Selon les propos de Raymond Lestournelle, les plus jeunes qui dormaient dans des tentes étaient fascinés par cette atmosphère atypique. Aujourd’hui, cette opération risque d’être réduite à une simple attraction touristique, sans qu’aucune transmission ne s’opère réellement, et qu’aucun capital social ne puisse se renforcer.

Parallèlement à cela, l’utilisation de la chaux peut être pensée pour la restauration de bâtiments anciens dans la région de Briançon. Le choix d’utiliser la production locale et traditionnelle plutôt que la chaux industrielle permettrait de valoriser le patrimoine.

La SGMB a publié en 2010 un livre écrit par Frédéric Châtel et Raymond Lestournelle, s’intitulant Les fours paysans dans la région du Briançonnais.

Plusieurs projets visent à la valorisation de la fabrication de la chaux dans le Briançonnais :

- Les « Journées des savoir-faire oubliés » sont organisées depuis 2009 et accueillent différents ateliers : plâtre, chaux, chanvre textile, etc. Cette journée contribue à la transmission et à la valorisation de la pratique auprès des habitants du Briançonnais, mais aussi des touristes qui ont la possibilité de découvrir des techniques insolites et de mieux comprendre l’histoire du territoire.

- L’opération « Fours en fête » s’est déroulée régulièrement entre 2002 et 2011 sur l’espace fours de Villard St Pancrace. Des fours étaient mis à feu à cette occasion et des animations autour de la forge, du chanvre textile et d’autres métiers étaient organisées.

- « L’espace fours de Villard-Saint-Pancrace », créé en 2003 par la SGMB, a pour objectif de restituer toutes les techniques de fabrication et d’utilisation des fours. Deux fours à chaux ont été reconstitués et des expositions didactiques ont été installées afin de présenter tous les savoir-faire liés à ces pratiques. C’est un musée à ciel ouvert, qui propose des espaces pédagogiques, et la SGMB propose différentes activités avec les écoles. Cet espace a pour cible plusieurs types de publics : les résidents, les vacanciers, les personnes ayant un intérêt pour les sciences, et les enseignants avec leurs écoliers.

- La « Route des fours » est un projet de localisation et mise en réseau des fours du Briançonnais-Queyras qui prévoit la création d’une base de données téléchargeable pour découvrir les vestiges des fours. La communauté de communes du Briançonnais a réalisé un document, également écrit par Raymond Lestournelle ; d’une trentaine de pages qui présente justement « L’espace Fours de Villard-Saint-Pancrace ».

La SMGB a mis à disposition ses publications pour faciliter le travail de recherche, et a permis l’accès aux enregistrements sonores et visuels collectés depuis les années 1990. Jean Paul Fine nous a accompagné à la découverte des mines de Villard St Pancrace et de l’espace fours, en partageant ses connaissances pointues dans ce domaine et en montrant la construction et mise à feu d’un four lors de la « « Journées des savoir-faire oubliés » du 29 juillet 2015. Raymond Lestournelle et Jean Paul Fine ont assuré la relecture de cette fiche.

La technique de transformation de la chaux a été initialement développée dans la région du Briançonnais, en raison d’une disponibilité sur place de tous les matériaux nécessaires à sa fabrication. Ainsi, cette technique permet un emploi des ressources locales qui ne seraient pas autrement valorisées : pierre calcaires qu’on trouve dans les rivières, chute de bois, poudre de charbon. Fait corollaire, les techniques ont été adaptées à ces ressources pas exploitables à l'échelle industrielle : le pétri par exemple a été créé afin de mieux exploiter le charbon sous forme de poudre.

La construction et l’utilisation des fours à chaux ont un impact minimal sur l’environnement, contrairement aux usines actuelles de fabrication de chaux industrielle ou des carrières de récupérations des pierres. En effet, une fois utilisés pour exploiter les ressources locales, ces fours peuvent être détruits et les matériaux de construction naturels utilisés réintègrent leur environnement.

Les briançonnais ont employé largement la chaux dans le bâtiment. Au-delà des raisons esthétiques, les enduits et les mortiers en chaux se révèlent perméables à la vapeur d’eau, très imperméables aux eaux de ruissellement et présentent une bonne résistance au feu et au gel. Ils sont aussi insecticides et fongicides. Aujourd’hui, mélangée aux tiges de chanvre, la chaux permet de construire du béton de chanvre, un matériel de construction compact, isolant et régulateur de l’hygrométrie.

L'utilisation de la chaux est très répandue dans l'agriculture. Elle est utilisée dans l’amendement calcique des terres agricoles, dit chaulage, qui permet de réguler le pH des sols trop acides. Dans les terres argileuses, elle réagit avec l'argile (« floculation ») et permet aux plantes d'avoir un accès plus simple aux engrais et nutriments, ce qui permet une meilleure croissance. Elle apporte aussi du calcium et du magnésium aux terres. Enfin, la chaux peut servir de désherbant, notamment contre la mousse qui prolifère sur les terrains acides.

Blanchard R. (1928), « L’industrie des chaux et ciments dans le Sud-Est de la France », Revue de géographie alpine, tome 16, n° 2, p. 255-376.

Châtel F., Lestournelle R. (2010), Les fours paysans du Briançonnais, Société Géologique et Minière du Briançonnais, Editions du Fournel.

Darbois B., Rothlauf W., « Ciment », Encyclopædia Universalis, Disponible en ligne : http://www.universalis.fr/encyclopedie/ciment/ , consulté le 7 juillet 2015.

Lestournelle R. (2013), L’espace Fours de Villard-Saint-Pancrace, Communauté de communes du Briançonnais.

Lestournelle R. (2012), La pierre et l’homme en Briançonnais, Société Géologique et Minière du Briançonnais, Editions du Fournel.

Tornatore J.-L. (2006), « Les mines de charbon du Briançonnais 18e – 20e siècle. Essai d'anthropologie symétrique », Annales. Histoire, Sciences Sociales, pp. 1171-1190.

 

Site d’information sur la chaux :

http://chaux.durable.com/  , consulté en décembre 2015.

Dates et lieu(x) de l’enquête : avril 2015 et juillet 2015, Briançon et alentours.

Date de la fiche d’inventaire : septembre 2015

Nom des auteurs de la fiche : Léa Butez, Fominelli Francesca C

Vidéo et photographies : Salvo Manzone, Léa Butez

N° d'inventaire Ministère Culture : 2015_67717_INV_PCI_FRANCE_00367

Identifiant ARK :ark:/67717/nvhdhrrvswvk26d

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf

Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chaux_(matière)

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