Le rakontaz zistoir est une forme de la pratique des contes et légendes spécifique à l’île de la Réunion, en lien avec son peuplement dès la fin du XVIIe siècle par des arrivants de divers statuts et diverses origines géographiques, qui ont créé et utilisé la langue créole. Il s’agit d’une tradition, au sens étymologique, des mots latins tradere et transdare (transmettre).

La pratique implique un rakontèr et un public formant une unité, en interaction autour de l’expression de divers ethnotextes : zistoir (mythes, contes, légendes), proverbes, chants, sirandane (devinettes). Le conteur utilise des techniques de base du schéma bouche-oreille, auquel s’ajoute la vue : voix, mi - miques, gestuelle, déplacements. Les zistoir ont une structuration : début et clôture avec une phrase rituelle, cassures, interjections… Leurs personnages se présentent sous la forme d’êtres fantastiques, d’animaux ou de simples êtres humains.

Cette pratique du rakontaz ouvre sur plusieurs dimensions : la collecte, l’écriture, l’édition, le spectacle vivant, l’événementiel, la pédagogie et la recherche. Aujourd’hui, après une phase de déclin dans les années 1960-1970 et le travail de plusieurs individus et institutions pour sa sauvegarde, sa transmission et sa valorisation, de nombreux signes témoignent de l’importance et de la vitalité de cet élément patrimonial : accroissement des praticiens, production importante de documents écrits, audiovisuels et numériques ainsi que le nombre de manifestations publiques autour du conte.

Lieu(x) de la pratique en France

Île de la Réunion

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

La pratique du conte est assez universelle : partout et depuis toujours, on écrit et on raconte. En particulier, le rakontaz zistoir a des points communs avec le conte traditionnel aux Antilles et dans les îles de l’Océan Indien.

Le conte oral est l’ancêtre des deux arts majeurs de la parole : le théâtre et la littérature. La base même de la pratique du rakontaz zistoir est le spectacle vivant (le conte oral), qui regroupe plusieurs activités autour du conte traditionnel. Celui-ci est fait en langue créole, mis en scène, avec le conteur à proximité de son public placé en demi-cercle ou trois-quarts de cercle. L’émetteur et le récepteur sont à portée de voix. Le rakontèr utilise des techniques de base : gestuelle, voix, mimiques, déplacements pour porter ses zistoir, dotées d’une structuration propre :

L’introduction

Traditionnellement, le conteur réunionnais entre en contact avec son public par des formules phatiques. Ce mode de communication joue un rôle essentiel dans l’entretien de la structure sociale dans et par le discours, où les actants font des réaffirmations répétées de leurs propres statuts et de ceux de leurs interlocuteurs, ainsi que de leurs identités et positions sociales (Riley). Cette accentuation du contact −la fonction phatique −peut donner lieu à un échange profus (abondant) de formules ritualisées, voire à des dialogues entiers, dont l'unique objet est de prolonger la conversation (Malinowski et Jakobson). Lors d’une interaction sociale, les participants négocient leurs rôles respectifs, c’est-à-dire sélectionnent les facettes de leurs identités particulièrement saillantes. Le rakontèr lance « kriké ! » ou « krik ! » et l’auditoire répond « kraké ! » ou bien « krak ! » ou encore « shass ! ». Cela correspond à une demande du conteur : « Es-tu prêt, public ? Me donnes-tu l’autorisation de te raconter une histoire ? ». Et la réponse du public a valeur d’accord. Il arrive que le conteur demande simplement si le public est là par un court dialogue : « La sosiété lé là, lé pa là ? » - « Lé là ! » (« Public es-tu là ? - Oui ! ») – « La sosiété lé paré, lé pa paré ? » - « Lé paré ! » (« Public, es-tu prêt ? - Oui ! »). On peut rencontrer des formules de lancement impliquant le temps incertain tels que « lavé in kou », « lavé in foi », « nana lontan, lontan minm »... ou des formules impliquant le temps historique (période esclavagiste, fêtes religieuses...). De même, la notion d’espace peut être incertaine comme « dan in péi déor » (« dans un pays hors Réunion »). Il en est de même pour le contexte historique (nom d’une ville, d’un bassin...).

L’interaction

La présence d’un auditoire est indispensable : on ne raconte pas sans public. Cette forme de littérature orale instaure une interaction entre émetteur et un ou des récepteur(s) qui doivent manifester leur présence. À la différence d’autres conteurs, le rakontèr de La Réunion transmet ses contes, ses histoires au travers des sons de sa gorge, mais aussi au travers des roulements de ses yeux, de son ventre, les gestes portés par ses mains, ceux du public et les silences. Il est dans le mouvement, la discussion, l’interaction. Dans un bon conte créole, les gens peuvent entrer dans l’histoire. Le « kriké kraké » est fait pour ça… « Kriké… » (« Madame, qu’est-ce qu’il y a ? »). C’est une formule pour que le conteur aussi puisse faire une digression, sortir de son histoire et pouvoir y retourner ensuite.

La relance

En cours de rakontaz, l’échange des formules phatiques permet de casser le rythme du conte, d’éviter que s’installe la monotonie, de créer un certain suspense ou encore de réveiller ceux qui ont laissé leur imaginaire sommeiller ou s’égarer. Parfois, c’est un moyen pour le conteur de faire une pause ou de remettre de l’ordre dans sa trame. Ces formules créent l’interactivité avec le public. Ainsi, au milieu du récit, on peut entendre « Alor kriké kraké ?». Ce sont des formules que l’on retrouve ailleurs (« cric crac », en Haïti), dans les contes africains, malgaches, et les autres contes créoles. En fait, ce sont des formules pour relancer, réveiller les gens aussi. On peut aussi entendre « koton mayi i koul, morso savon i flote » (« Le rafle de maïs coule et le savon flotte »). Ou bien, on a des formules : « Ben, je suis allé… demander un morceau de viande et on m’a flanqué un coup de pied au derrière ; j’ai fait sept roulades, trois sans-touches, et je suis tombé devant toi, et c’est pour ça que je suis venu te raconter cette histoire-là ».

Lorsque l’on raconte des histoires, il est fréquent de dire aussi des sirandane, ou zedmo, formes de devinettes pratiquées en langue créole, dans les îles telles que Maurice, les Seychelles, Rodrigues et La Réunion… Elles se pratiquent aussi en commençant par des formules du genre Sampek ! à Maurice ou Kosa in soz ? (« Quelle est cette chose ? ») à La Réunion. Le mot sirandane pourrait être d’origine makwa, au Mozambique : cirandani, de cira (= biographie) et n’dani (= dans la cour, la chambre ou la maison), qui pourrait signifier zistoir la kour. Les sirandane - kosa in soz ? - évoquent principalement la nature et ses éléments. Le conteur peut lancer quelques rappels de « faits culturels » ou des faits historiques pour insérer une sorte de trait d’union intergénérationnel et pour permettre la compréhension et donc l’intérêt des nouvelles générations pour ces récits.

La fin

La fin de l'histoire à La Réunion est nécessairement heureuse ; elle se justifie par le fait que, par le passé, les Réunionnais vivaient dans le dénuement et trouvaient dans le conte une échappatoire à leur condition. La fin de l’histoire permet aussi d’expliquer, avec de nombreuses variantes, comment le conteur est arrivé au milieu de l'assemblée pour leur raconter l'histoire. Parfois, le conteur place une petite leçon de morale à la fin de son histoire. Il peut aussi lancer une formule du genre : Si zistoir lé mantèr, la pa moin lotèr (« Si l’histoire est fausse, je n’en suis pas l’auteur ») ou Si zistoir lé mantèr, la pa moin lotèr, granmoun lontan lotèr (« Si l’histoire est fausse, je n’en suis pas l’auteur, ce sont les anciens qui en sont les auteurs »). À la fin du conte, on entend souvent la phrase suivante : Bann-là la done amoin in koudpié dan mon dèrièr, moin la fé in voltaz, moin la tonm tèr-là pou rakonte azot... (« On m’a donné un coup de pied au derrière, j’ai fait un vol plané et suis retombé là pour vous raconter... »). Cette phrase annonce traditionnellement la fin de l’histoire. Elle est le plus souvent amenée par un événement festif, des agapes auxquelles le conteur, se mettant en scène, voulait participer en vain. Elle veut, peut-être aussi, affirmer que le rakontèr a été un témoin de tout le zistoir, qu’il a vu ces événements de ses propres yeux. Les personnages des contes créoles sont appelés à vivre de multiples aventures et se présentent sous la forme d’êtres fantastiques, animaux ou simples êtres humains. On voit aussi apparaître quelques éléments naturels, tels que l’eau, le feu, le bois, la terre... ou des objets merveilleux, mais aussi des lieux empreints d’histoire et de culture, tels que le volcan, les bassins, les rivières, les cavernes, les intersections (kroizé shemin). Enfin, certains personnages sont des personnages fabuleux, tels que bébèt (bête, monstre), mové zam (mauvaises âmes), ... Dans le conte, en général, tous les personnages sont bien typés.

Les contes et légendes réunionnais impliquent des personnages humains tels que Granmèrkal, Ti- Zan, Grandiab, Madam Débasin (Madame Debassyns), Sitarane, le kondané (prisonnier évadé), Zite, l’autostoppeuse de la route de La Corniche, la danseuse de la boîte de nuit, Namkuitkuit, Tié 7- blès 14 ... R. Chaudenson classifie les contes créoles de la Réunion en trois grandes catégories :

• Le cycle de Petit Jean et de Grand Diable
Celui de Ti-jean est le plus répandu parmi les personnages humains. Il a souvent le même rôle que compère Lièvre. Ce petit garçon malin, débrouillard, pauvre, « patte à terre », malin se sort de toutes les situations avec ingéniosité. Il n’hésite pas à affronter plus puissant que lui, le roi, son oncle, grandiab ou Granmèrkal. Il utilise pour forcer la chance des procédés quelquefois réprouvables. Ainsi, dans Ti-Jean et la queue du boeuf, il n’hésite pas faire tuer la femme du roi. Ce héros important se retrouve dans d’autre pays créoles (Maurice, les petites Antilles, Seychelles, Rodrigues), au Québec et même aux Comores.

• Le cycle des contes d’animaux
Chacun est centré sur les aventures d’un héros à morphologie animale. Lièvre est le plus populaire. Il est rusé, malin, le plus débrouillard. Quelques animaux sont aussi présents localement, tels la tortue, le coq, le tangue (genre de hérisson), la couleuvre... On peut même retrouver le singe.

• Le cycle des contes merveilleux et romanesques
Aujourd’hui, le conte de tradition orale garde tout son attrait, son originalité, sa vitalité, parce que, sous son aspect ludique, il aborde des questions existentielles, philosophiques ou morales et met en éveil des fonctions mentales importantes, comme la compréhension, l’imagination, la mémoire. Les thèmes des contes créoles sont universels et se retrouvent dans tous les contes du monde : les sentiments affectant l’être humain en positif et en négatif, l’amour, l’évolution amoureuse de la naissance jusqu’au déclin, l’évolution de l’individu, les rapports de force, la promotion sociale, la faim, la peur, la défaite, les moyens utilisés à cet effet (la ruse, la débrouillardise, la méchanceté…).

 

L’universalité des contes

La logique des zistoir créoles ressemble à celle des contes d’ailleurs : transformations des personnages, transfigurations, utilisation d’objets magiques. L’impossible devient facile, d’un seul coup, car l’obstacle, d’abord invincible, cède soudain sans qu’il y ait proportion entre le travail et l’effort. Le héros ne combat jamais à proprement parler. En outre, les contes d’animaux sont plus proches des fables. En effet, en dépit de la fiction, tout se termine selon les lois naturelles. Le monde extérieur ramène aux réalités physiques. Dans les contes, ainsi que dans les proverbes, des éléments du contenu dépassent le cadre de référence de l’aire culturelle créole de la réunion. L’opposition entre force et faiblesse, bêtise et intelligence, crédulité et ruse n’est pas spécifiquement créole. En outre, les caractères des personnages sont généralement durcis et immuables dans leurs vertus et leurs vices. Le monde des contes paraît tranché entre les bons et les méchants. Cependant, dans le monde moral des contes créoles, ce n’est pas tant l’opposition entre bons et méchants qui semble primordiale, mais celle qui apparaît entre débrouillards et puissants.

 

Les spécificités

On trouve dans les zistoir créoles l’univers physique et quotidien d’une société rurale : le monde tropical avec ses plantes spécifiques (bananier, manguiers, champs de canne à sucre...), ses animaux domestiques (cochon, chien, cabris…) en toile de fond. Le sens profond des contes créoles, malgré l’intégration dans le corps du récit d’éléments procédant à la fois des contes populaires européens et africains, se réfère à l’histoire particulière des sociétés esclavagistes et coloniales de La Réunion. Le conte a un aspect symbolique. Il traduit les relations de pouvoir : les petits et les faibles contre les forts et les maîtres, la revanche des opprimés par des actes non conformes au système dominant… Les histoires peuvent être considérées comme une possibilité d’évasion par la parole, une réponse à une situation contraignante de dominant-dominé. Le personnage est confronté à des épreuves parfois à caractère initiatique pour mettre à jour une morale. Ce que le spectateur ne peut pas vraiment faire dans la vie, il peut le faire symboliquement dans le conte. Ainsi, Ti-Jean, un peu faible, devient plus fort que le Grand-Diable qui représente, soit le Gros-Blanc à l’époque de l’esclavage, soit le patron ou le père, la mère qui peut jouer un rôle de persécution, mais à qui on ne peut pas répondre. Le conte représente le dominant face au dominé, mais on peut y renverser le système. On peut voir émerger un nouveau système de valeurs où l’identification au Blanc, au maître, n’est plus de mise. Les héros qui se tournent vers la solution de ruse sont des éléments médiateurs, situés entre la nature sauvage et la culture réglementée des maîtres. On trouve souvent dans les contes une critique sociale ou un contenu avertisseur. C’est aussi une réponse à une situation contraignante de misère et de famine. Il y a souvent à manger dans les histoires car celles-ci ont pris naissance au temps de l’esclavage où les dominés étaient rationnés (il a fallu une loi, une ordonnance, une circulaire ministérielle et un arrêté du gouverneur en 1845-1846 pour que le maître donne à chacun de ses esclaves 6 livres de farine de manioc et 1,5 kg de morue par semaine). Même après l’abolition de l’esclavage, beaucoup de gens souffraient de malnutrition. Ils mangeaient du manioc, mais rêvaient de viande. Dans le conte, la viande devient réalité. On décrit la nourriture, « cette obsession des ventres vides » (Aimé Césaire). On raconte avec force détails des repas plantureux.

On dit « Ah, on avait de quoi manger hein ! On avait quoi ?... On avait des saucisses, on avait du boukané (viande fumée), on avait des langoustes… ». En fait, on exagérait souvent, mais la nourriture apparaît comme un élément magique, qui permet au faible de triompher du fort et d’oublier sa peur.

Très majoritaire est l’utilisation de la langue créole par les conteurs de La Réunion, surtout quand ils pratiquent à La Réunion. En général, ils accordent un grand respect à la langue créole, à sa syntaxe, à ses expressions, jouant ainsi un rôle important dans sa transmission. Le projet de plusieurs écrivains et conteurs d’aujourd’hui est de créer les conditions de développement d’une littérature en créole. La langue créole s’exprime avec une nouvelle génération de « raconteurs et écriveurs » qui ont réveillé tant d’expressions créoles longtemps délaissées. Toutefois, des contes créoles peuvent être racontés en français devant des publics non créolophones, mais en respectant les codes et spécificités du rakontaz kréol.

Le créole réunionnais

Patrimoine bâti

Sans objet

Objets, outils, matériaux supports

Accessoires, tels que chapeau de paille et bertel (sac à bretelles), et instruments de musique, traditionnels ou non, livres de contes, CD et films, clips sur plateformes numériques.

Aux origines, le souci de la transmission est une question de survie pour les individus et les groupes déracinés voulant, après avoir sauvé une partie de leurs liens mémoriels avec la civilisation d’origine, transmettre ceux-ci à leur postérité. Cela se passe donc dans les familles et dans les groupes de même origine par mimétisme. Les futurs conteurs apprennent en copiant les anciens.

Le rakontaz zistoir naît au sein des familles. Un granmoune (ancien), un adulte conte devant un auditoire plus ou moins large selon les moments de la vie familiale (veillées, enfermement à cause des cyclones, couchage des enfants…).

La pratique est perpétuée au sein de cercles familiaux ou de voisinage pendant la période de la colonisation, avant et après l’esclavage. Les années 1960 et la généralisation de l’audiovisuel amènent un déclin de cette tradition qui est, toutefois, pratiquée par quelques rares conteurs. Puis les collectes faites par les universitaires permettent une transmission par les enregistrements sonores des zistoir suivis de leur transcription par des écrivains animés soit par un esprit de recherche identitaire, soit par nostalgie du temps passé ou encore par l’anti modernité. Dans les années 1970, ces quelques pionniers sauvent cette tradition orale grâce à une collecte de contes, à leur enregistrement sur bandes magnétiques puis à leur transcription.

À partir des années 1980, l’activité trouve un regain. Plusieurs conteurs et écrivains sortent le conte du cadre familial pour l’amener dans la sphère publique à travers des spectacles vivants, des manifestations et des publications écrites. Le souci de renouveler et d’augmenter le cercle de praticiens-rakontèr a amené la codification de la pratique, la création de référentiels pédagogiques et la mise en place de sessions de formation spécifiques.

Les précurseurs de ce renouveau, Anny Grondin, Daniel Honoré et Sully Andoche, mettent en place des formations qui élargissent le cercle des pratiquants, notamment vers la sphère des activités périscolaires et de vacances. Ils organisent depuis douze ans, avec le soutien de l’UDIR, un stage annuel pour « initier des jeunes et moins jeunes » poussés par le besoin de transmettre en créole l’héritage de cette facette essentielle de la culture réunionnaise. Ces stages ont pour objectifs principaux :

- l’acquisition de techniques de base (travail de la voix, des déplacements, du regard, de la gestuelle, de la mémorisation…) ;
- le contact avec les sources originelles du conte réunionnais (Madagascar, Afrique, Inde, Chine, Océan indien) ;
- l’ouverture culturelle autour du conte, en liaison avec les aspects de la tradition orale (proverbes, devinettes…). Cette ouverture a pour but de permettre aux stagiaires de retrouver les pratiques des anciens. Ils sont amenés à revivre certains moments de contes autour des grands-mères et des grands-pères, assis sur le rebord du lit le soir, ou sur un petit siège bas (ti-ban), dans la cuisine devant un feu de bois. Ces granmoune ne se déplaçaient que très rarement, n’élevaient guère la voix, n’usaient presque pas de gestes forcés.

Dans ces stages, on n’encourage pas à copier les contes d’ailleurs en les adaptant au contexte réunionnais, mais on incite à rechercher les repères du conte réunionnais, à découvrir, entendre, de la bouche même d’un rakontèr, des zistoir de La Réunion et d’ailleurs (Inde, Madagascar, Chine…), avant de passer à une phase de création. Des formations de parents conteurs ont été mises en place à Salazie (Mare à Citrons) et Saint-Benoît (Girofles et Bras fusil) et ont fait naître des associations. La fédération Kozé Conté a aussi - en particulier Josie Virin, Daniel Bergeault et Daniel Lauret - le souci de la transmission. Leur projet est de mettre le conte dans les écoles. Aussi, ils ont fait inscrire au Plan académique de formation 2017-2018, destiné aux enseignants titulaires des 1er et 2nd degrés, un stage intitulé « De l’oral à la littérature locale », qui aborde : la découverte de l’oralité, la matière et les symboles des contes, leur structure et leurs personnages, les supports en créole réunionnais. Dans ce Plan de formation, deux modules contribuent à la transmission du rakontaz : « Écriture, poésie et conte » et « Réaliser un conte multimédia ».

De son côté, Isabelle Hoarau, qui a débuté le conte en 1986 et écrit Contes de la Réunion, anime aussi des stages de conte. Des modules spécifiques ont aussi été mis en place pour des guides péi, tandis que de nombreuses formations de lutte contre l’illettrisme prennent comme support le conte traditionnel.

Tous les praticiens-formateurs défendent à la fois les valeurs universelles et celles du Viv an kréol, fait de sagesse, de solidarité, de partage, d’accueil et d’hospitalité.

Mais la meilleure promotion et transmission du conte s’effectue par le spectacle vivant, les manifestations culturelles et l’événementiel, qui montrent la pratique en situation idéale. Les dates-clés où on fait appel aux rakontèr sont : les journées européennes du Patrimoine, le vin désanm (fête de l’abolition de l’esclavage en 1848), la Semaine créole, Noël… Certains médias contribuent à la transmission. La télévision locale RFO a diffusé de 1990 à 1992 une séquence de contes, Kriké Kraké dans l’émission « Fil Rouge », animée par Anny Grondin, puis a passé le relais à la radio (Marmay la di ; « La tête dans les étoiles »), média plus adapté au rakontaz. Hémisphère Prod a réalisé en 2009 l’émission « kosa i rakont ?», avec des contes de 12 minutes filmés dans une cour (Anny et Sully/Véronique et Sergio Grondin). Une dizaine d’entre eux a été diffusée.

Le lieu privilégié de la transmission demeure l’école. Depuis les années 1970, des réflexions sont menées autour de la place du créole dans l’école. Des enseignants et des pédagogues agissent dans un milieu peu propice à cette prise en compte. Depuis la reconnaissance officielle du créole comme langue régionale de France en 2000, la politique des instances académiques concernant le développement progressif des dispositifs de sensibilisation ou d’enseignement de la Langue et Culture régionales favorise pleinement la reconnaissance du rakontaz zistoir sur le plan de la transmission patrimoniale ou comme outils supplémentaire au service de la réussite des élèves.

Pour le moment, moins d’un quart des élèves bénéficie de ces dispositifs, mais les actions telles que « enfants conteurs » laissent présager une réelle progression de la reconnaissance des contes créoles dans les écoles réunionnaises. Les Rencontres académiques des élèves-conteurs ont pour objectif de valoriser le conte, la création, l’art de la parole en français ou en créole de La Réunion.

Elles encouragent les élèves à écrire ou travailler un conte existant, puis à l’oraliser. Elles s’adressent aux élèves de CM1, de CM2 et de 6e dans le cadre du cycle 3. Les enseignants peuvent travailler le conte avec leurs élèves en classe entière, en groupe, en atelier ou en club dans le cadre d’une pratique artistique et culturelle en classe ou en atelier. Ils peuvent bénéficier d’un conteur ou d’un intervenant artistique et culturel dans le cadre d’un parcours d’éducation artistique et culturelle (lecture, écriture et oralité).

L’université de la Réunion propose une Licence de créole ainsi qu’une unité d’enseignement préprofessionnel « Langue et culture créoles dans la formation des enseignants ». Un certificat d'aptitude au professorat du second degré (CAPES) créole existe depuis 2002.

  • Les praticiens conteurs
  • Les collectifs (UDIR) ou fédération de conteurs (Kozé conté)
  • Solidarité Culture, dont les membres écrivent des contes bilingues
  • Lofis la lang kréol La Renyon, qui veut être un outil au service de la préservation, du développement, de la valorisation, de la reconnaissance de la langue créole de La Réunion
  • Les troupes de théâtre, tels Nectar, Baba shifon, Karanbolaz, Théâtre enfance
  • Les maisons d’édition, existantes ou disparues
  • Des institutions ou associations s’occupant de la santé (IRS, Asthme allergie), qui utilisent le conte comme support-outil de prévention : Sully Andoche et Anny Grondin ont ainsi créé cinq contes bilingues (manzé bouzé, chikungunya, leptospirose, violences intra familiales (in mové rèv), l’asthme (akoz tèk tèk la pèrd lèr ?).
  • Les médiathèques, qui ont un temps consacré des séances au conte avec des agents formés.
  • La Bibliothèque départementale
  • Le CCEE, qui organise le concours Lankréol avec ses différentes catégories (conte, nouvelle, poésie, slam).
  • L’Académie de la Réunion
  • L’université de la Réunion
  • Le Département, qui a financé quelques actions, et la Région Réunion, qui a soutenu « la promotion de la littérature, la sauvegarde de la tradition et de la mémoire orale », en lien avec les civilisations constitutives de La Réunion
  • Les services de l’État, dont la direction des Affaires culturelles de l’Océan Indien (DAC OI), qui fait intervenir des conteurs dans les écoles, finance des résidences d’artistes et soutient l’écriture et l’édition, et la direction régionale du Temps libre, de la Jeunesse et des Sports (DRTLJS), qui soutient des actions culturelles en direction des jeunes
  • Les communes de Saint-Denis, Saint-André, Sainte-Suzanne et Saint-Joseph, qui organisent des événements dédiés
  • Des particuliers offrant des espaces de diffusion (La Cerise, Zinzin…) ou des salles paroissiales
  • Le Parc national de la Réunion, qui paie la formation de ses agents
  • Le Conservatoire botanique de Mascarin, qui organise une balade contée : kisa la mèt de lo dann koko ?
  • Des médias présents ou disparus : les journaux Témoignages et Témoignage chrétien de La Réunion ; des radios (Radio Vie, Réunion 1re), qui consacrent un temps d’antenne au conte…

La pratique du conte comporte deux courants : l’un, traditionaliste, sur les thématiques et les personnages ; l’autre, plus innovant, s’inspirant de pratiques exogènes. Cette tendance est favorisée par l’ouverture créée par les festivals ou rencontres, où sont régulièrement invités des conteurs de la zone Océan indien ou d’ailleurs.

L’évolution de la pratique

Le conte est passé de la cour, de l’espace privé à l’espace public. Les conteurs se sont adaptés en utilisant des techniques de mise en scène ou issues des arts de la parole et adaptées à ces nouveaux lieux ouverts. On assiste à la conquête de nouveaux espaces (expositions, médiathèques, piknik, sentiers…), avec un retour vers le privé (TNT).

Les lieux et moments de contes ayant changé, la nouvelle génération de conteurs a évolué dans sa pratique de rakontaz, même si la référence reste celle des anciens. Ainsi, les contes traditionnels, que l’on croyait disparus de la mémoire des Réunionnais au profit de la télévision et des nombreuses autres technologies de l’information et de la communication, continuent à être valorisés et transmis.

Le conte vient du passé, mais va vers le futur en recherchant de nouvelles formes d’expression. Il veut être résistant, caméléon. On ne parlait pas avant de spectacle de contes. On mélange aujourd’hui le conte avec le numérique (dessins animés de Pipangay…) ou avec d’autres arts : dessin, peinture, danse, musique…

Toutefois, des fidèles-militants (la troupe Calumets et Sully Andoche) restent vigilants quant au respect et à la défense de l’authenticité du conte traditionnel face aux apports externes. Ils s’interrogent constamment sur la façon de parvenir à s’enrichir sans perdre son âme. En ce sens, ils proposent de faire attention à la qualité du texte et du vocabulaire employé. Ils souhaitent continuer à véhiculer les particularités du conte traditionnel. Il faut continuer à interpeller le spectateur, à jouer avec le public ; le rakontér a une place dans l’histoire racontée et partage mieux. Il doit être en complicité avec son public. Enfin, ils préconisent de faire attention au choix des lieux de diffusion pour qu’ils soient appropriés à l’authenticité du conte et de la langue : atèr (« à même le sol »), sous un kiosque ; dans une famille, comme avec TNT (tènn nout télé), où les rakontèr se produisent sans cachet et ne font pas de propagande commerciale, politique ou religieuse…, comme le veut leur charte.

Le renouveau de la pratique

La collecte anthropologique

Le renouveau de la pratique est lié aux travaux de l’Institut d’anthropologie sociale et culturelle de l’Océan indien en 1975. Ce projet, estampillé ERA (équipe de recherche associée) 583 du CNRS et intitulé « Linguistique et anthropologie des archipels créoles de l’Océan Indien », est financé en partie par le Conseil général de la Réunion, dans le cadre d’une plus grande enquête destinée à l’élaboration de l’Atlas linguistique et ethnographique de la Réunion. Des chercheurs de l’université de la Réunion, Christian Barat, Michel Carayol et Claude Vogel, trouvent, dans le patrimoine oral des contes et des légendes réunionnaises, un terrain ethnologique à traiter d’urgence. Ils veulent sauver ce qui reste encore des veillées lontan. C. Barat enregistre les granmoune, M. Carayol retranscrit les textes au fur et à mesure. Ils effectuent ainsi la collecte de 25 contes, restitués dans Kriké-Kraké, n° 1, RCP 441 du CNRS en 1977. Les personnes interrogées sont : Augustine Grondin et Marie Victorine Jovien, Gérose Barivoitse dit le Rwa kaf, Germain Élisabeth, Louis Grondin, Martin Hoareau et Paul Maxime Maillot.

Sur financement de l’Unicef, le travail de collecte de contes créoles de l’Océan indien s’est poursuivi pour inclure, en 1979, des contes de la Réunion. Toujours dans le cadre d’un travail universitaire, en 1978, Marie-Christine Decros a effectué un travail de retranscription-traduction : « Contes réunionnais, textes et traductions ». Ce travail des chercheurs a coïncidé avec les luttes identitaires, symbolisées par le groupe musical Ziskakan qui a pour objectif la valorisation et la propagation de la culture réunionnaise. Il joue un rôle de laboratoire d'études de la langue et de la culture créole : édition du magazine Sobatkoz, formation du Groupe d'étude et de recherches créoles (GREC), installation d’une radio libre, spectacles de théâtre, de poésie, de musique et de danse en collaboration avec les associations de quartiers. Il explore tous les moyens pour aider la population à retrouver confiance en elle par la reconnaissance de ses racines et pose les bases du renouveau du conte puisque deux de ses précurseurs, Anny Grondin et Sully Andoche, ont joué dans ce groupe et sont arrivés au conte grâce à ce passage.

L’écriture et l’édition de contes

À cette première phase de collecte-retranscription a succédé une phase d’écriture de contes puis d’édition. Si les éditions Fernand Nathan ont publié, dans le cadre d’une collection couvrant tous les pays du monde, Contes et légendes de l’Océan indien, comprenant quelques contes de la Réunion, il n’existe pas de recueil de contes populaires de la Réunion jusqu’en 1970. Les quelques fragments publiés sont des traductions en créole de contes du répertoire européen (Conte du Chat botté en patois créole de l’île de la Réunion, d’Émile Trouette, 1882) ou des récits non issus de la tradition orale (Z'histoires d'moune, contes créoles inédits, de Pa Sarles, 1939 ; Le petit Jacquot et la tortue, d’Yves Drouhet, 1981). À partir de la fin des années 1970, le patrimoine littéraire s’enrichit régulièrement par des transcriptions ou des créations de contes et légendes. Les premiers à utiliser le créole ou le français pour sauver et transmettre des contes qu’ils ont entendus sont : Boris Gamaleya (lièv i sava bal / « Le lièvre va au bal »), Axel Gauvin, Claire Bosse, Guy Douyère (zistoir Gran diab, papang / « Contes de grand diable et la papangue » [oiseau rapace de taille moyenne]). Dans certains livres de lecture, quelques légendes (« La vierge noire », « Le premier giroflier ») sont écrites dès les années 1970. D’autres écrits proviennent de la volonté de conteurs pratiquants de sauvegarder leurs créations, de les partager avec d’autres qui peuvent ensuite les raconter à leur manière. De fait, les livres de contes vivent quand on les raconte et, parallèlement, le conte oral est perpétué par l’écrit.

Le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) et l’Union pour la défense de l’identité réunionnaise (UDIR) organisent depuis quatorze ans un concours annuel d’écriture, Lankréol, dont une des catégories est le conte. Quatre-vingts nouveaux contes ont ainsi été écrits et une dizaine d’entre eux a été publiée dans la brochure regroupant les lauréats. À ce jour, plusieurs dizaines d’ouvrages de contes ou traitant du conte ont été publiés par plusieurs éditeurs : • l’UDIR et son président, Jean-François Sam Long, qui a édité Karkap marmay de Céline Huet ; Contes créoles 1, 2 et 3, Légendes créoles et Noël au pays de Grand-mère Kalle de Daniel Honoré ;

• les éditions K’A, créées en 1999 par André Robert : Faisons nos contes de Daniel Honoré ;

• le collectif Tikouti, créé (Lofis la lang) en 2003, dans l’objectif de mèt anlèr la lang sanm la kiltir kréol La Rényon dann lékol matérnél, lékol élémantér, kolèj, « lycée» (« promouvoir la langue et la culture créoles de la Réunion dans les écoles maternelles et élémentaires, collèges et lycées », dans un bilinguisme harmonieux), qui a donné naissance aux éditions associatives Tikouti avec les éditions Orphie. Cette dernière maison a publié : Contes et légendes de la Réunion / Lo Bann Zistoir Péi Zistoir lontan, de Isabelle Hoareau et Gérard Joly ; Le péi dann fon la mèr, de Colette Gillieaux.

• Epsilon éditions, implantées à La Réunion depuis 2005, publient notamment : Ti gouya, de Teddy Iafare Gangama ; Anouk contre grand-mère Kram ! Une aventure d'Anouk la fée, de Cerise Australe et Jace ; Dan mon soubik, vol. 1, de Florette Ratiazandry, Anny Grondin et Sully Andoche (Madagascar/Réunion) ; vol. 2, de Shenaz Patel, Anny Grondin et Sully Andoche (Maurice/Réunion) ; vol. 3, de Rahul Vohra, Anny Grondin et Sully Andoche (Inde/Réunion). Cette collection propose un choix de contes traditionnels de l'Océan indien, dont la sélection, la transcription et l’enregistrement audio sont le fruit d'échanges entre conteurs des îles et pays de l'Océan indien. Ces rencontres, organisées dans le cadre de résidences, sont soutenues par la direction des Affaires culturelles Océan indien, le Fonds de coopération régionale du Conseil régional de la Réunion, la compagnie Apostrophe 99 et l'association Solidarités et Cultures.

• les éditions Les Chemins de la liberté, créées par un groupe d’amis militants culturels qui veulent, à la fin des années 1970, un espace pour le maloya et la langue créole. Ce sont des éditions « marron » (non officielles), qui publient une vingtaine de titres, la plupart illustrés de sérigraphies originales dont les premiers contes d’Axel Gauvin : Zistoir kréol : pou ni rish ek vin santim ; Zistoir kréol : Zistoir Tijan, Grandiab, Sitrouy èk Poisson ; Zistoir kréol : Pou in grap letshi.

• les éditions Surya, créées par Firmin Lacpatia. Cet éditeur porte entre autres la collection Kaniki : le conte Le lièvre et la tortue, en version créole réunionnais et en français, par Yvette Duchemann, en version tamoule par cette dernière, associée à Firmin Lacpatia, puis en version malgache, par Hajasoa Ravololonirina ; Tisouri i vé viv in ot manièr, de Nadine Korzec et Huguette Payet ;

• Azalées éditions de Christian Vittori : 7 contes créoles, de Marie-Renette Tacite-Agenor ; Ti jean y pose la colle, de Yolan des Mascareignes ; Le croisement Ti Bondieu, de Philippe Cadet ;

• Zébulo éditions : Zistoir 3 ti tang, puis Kissa la vol 7 zèf ti pintad gri ? de Katty Lauret-Lucilly et Florence Miranville ;

• les éditions Ankraké, avec l’objectif de favoriser la visibilité de la langue créole. Elles ont édité Max sanm ti moris, 7 tour la malis, de André Payet et Florans Waro Feliks (prix Paille en queue 2008, prix du Salon de la jeunesse de l’Océan indien décerné par l’Association des professeursdocumentalistes de l’Éducation nationale (ABDEN) de La Réunion) ; La-o Tapkal, Sirandane lo van de Mariline Dijoux, Jean-Louis Fourlin et Patrick Cavalier (prix Paille en queue 2010).

• Océan éditions, créées par Ivrin Sinimalé de l’imprimerie Graphica : Contes de la Réunion / Pou in grape letshi/Zhistoire pou nir rish d’Axel Gauvin et William Zitte ; Contes du bestiaire de la Réunion ;

• éditions Dodo Vole, nées d'une association d'artistes ayant la volonté de promouvoir les cultures en voie de disparition, les minorités silencieuses et les artistes du sud-ouest de l'Océan indien, avec la conviction que l'art se découvre dès les premières années de la vie. Elles ont publié : Kosa in soz ?, de Mary des Ailes, et de nombreux contes malgaches illustrés.

L’utilisation pédagogique

Dès 1980, le conte a été pris en considération par la sphère des enseignants et éducateurs dans un souci d’utilisation pédagogique. Cette entrée dans l’école est un tournant important du développement de cette pratique.

En 2000, l’article L312-11 du Code de l’éducation a permis une avancée, en autorisant les maîtres à recourir aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles chaque fois qu'ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l'étude de la langue française. Ainsi, même sans habilitation Langues et Cultures régionales (LCR), tout enseignant a le droit de mener dans sa classe toutes les activités de sensibilisation aux Langue et Culture régionales. De nombreux enseignants ont vu dans cet article une possibilité nouvelle d’atteindre certains objectifs pédagogiques : valoriser l’estime de soi des élèves créolophones, en donnant un statut à la langue créole dans la classe ; débloquer la parole des élèves mutiques ou petits parleurs ; découvrir des aspects de la culture réunionnaise en classe. Dans ce cadre, plusieurs activités sont, depuis, proposées par des enseignants : musique, gastronomie, danse ou découverte du milieu naturel des arts et traditions. Par ce biais, le conte oral, qui fait partie de la tradition réunionnaise, intègre les enseignements. Tout enseignant qui le désire peut utiliser le conte traditionnel réunionnais dans le cadre d’un projet de sensibilisation à la Langue et Culture régionale. L’Académie de la Réunion a ouvert une « Mission Langue vivante régionale 1er degré » disposant d’enseignants référents. Certains d’entre eux (Insa Véronique, Testa Isabelle, Georger Fabrice, Grondin Yves, Prianon Giovanni, Picard Laurent) proposent des outils et un accompagnement pédagogique visant à activer toutes les entrées culturelles des programmes pour le créole, où le rakontaz zistoir et la littérature orale réunionnaise occupent une place de choix. Ces documents sont disponibles sur la partie LVR 1er degré du site académique (https://pedagogie.acreunion. fr/lvr-ecole.html).

La recherche sur la pratique

Le projet ERA 583 du CNRS « Linguistique et anthropologie des archipels créoles de l’Océan indien », qui a donné naissance à Kriké Kraké, comportait, à côté de la collecte et de la retranscription, tout un travail sur la linguistique associée au conte. Carayol et Vogel analysent les enregistrements sur plusieurs plans : le discours, son architecture, le texte et les marques d’énonciation, la syntaxe, la prosodie (l'inflexion, le ton, l'accent et la modulation donnés au langage oral en fonction des émotions et intentions exprimant l'influence recherchée sur les interlocuteurs), la gestuelle, la mise en scène.

En 1990, Jacques Pedro a rédigé un mémoire de maîtrise de Lettres modernes sur « le discours dans le conte créole réunionnais : plaisir de la parole, narration et situation d’énonciation, stratégies discursives, clichés et intertertextualité ».

En 2012, dans une thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, « Éducation et transmission familiale de l'identité culturelle à La Réunion : entre refus et appropriation », Alexandrine Natacha Dijoux symbolise un ensemble d’universitaires qui prennent la culture, et notamment le conte, comme objet de recherche. A.-N. Dijoux décode, avec les conteurs Isabelle Hoarau, Daniel Honoré et Sully Andoche, les mécanismes et ressorts de la pratique du rakontaz zistoir.

L’université de la Réunion dispose d’un laboratoire de recherche sur les espaces créoles et francophones (LCF), qui est une équipe d'accueil (EA 4549) reconnue par le ministère de la Recherche. Il a pour objet d'étude les phénomènes de contacts de langues, de culture, de littérature, d'éducation et de communication qui caractérisent les sociétés créolophones et francophones. Il travaille également sur la patrimonialisation de l'environnement et de la culture et sur les relations entre savoirs (scientifiques, médicaux, académiques, locaux, formels ou informels, etc.) et sociétés. Universelle, la recherche sur le conte est menée depuis longtemps par de nombreux auteurs (les frères Grimm, Max Müller, Hyacinthe Husson, Pierre Saintyves, Vladimir Propp, Alan Dundes, Claude Bremond…), qui veulent définir le conte, ses origines, sa structure, sa fonction et les rapports entre oralité et littérature. Le néologisme « oraliture » a été créé, qui concerne plusieurs disciplines universitaires : anthropologie, civilisations, lettres modernes, linguistique… Jean Bernabé fait une approche anthropolinguistique de la parole créole. Il étudie les rapports de l’oral et de l’écrit. La langue est un matériau incontournable qu’il faut prendre en considération, en tenant en compte que le régime linguistique qui prévaut dans les pays créolophones renvoie à une situation où le créole (langue dominée) et le français (langue dominante) occupent le champ de l’énonciation de façon complémentaire et parfois concurrentielle. Il met en évidence qu’aucun langage n’est possible, dans sa dimension énonciative, sans le recours à la mémoire. Différentes mémoires sont à l’oeuvre dans l’activité neuronale : tout d’abord, la mémoire individuelle à court terme, condition sine qua non de tout discours, sans laquelle aucune articulation ne pourrait être établie entre un élément donné et sa suite. Toute syntaxe sans cette mémoire serait inopérante et, par voie de conséquence, toute énonciation impossible ; ensuite, la mémoire individuelle à long terme, qui a pour fonction de stocker les informations traitées par la mémoire à court terme ou mémoire de travail ; enfin, la mémoire interindividuelle (ou collective) à long terme, qui correspond à des expériences communes à un groupe et constitue un élément de définition de l’identité de ce dernier.

La tradition orale trouve là le mécanisme de sa constitution. La mémoire a d’autant plus de chance d’être opératoire que le message est structuré sous forme de texte. La textualité est donc une condition nécessaire de la transmission intergénérationnelle, processus exprimé par l’expression de tradition orale et au plan terminologique, par le terme d’oraliture. Celle-ci comporte de nombreux genres : mythe, conte, épopée, proverbe, adage, aphorisme, maxime, sentence, devinette, formule magico-religieuse, chanson... Ces genres sont dits mnémoniques, c’est-à-dire structurés selon une logique mémorielle. Ils relèvent d’un circuit qui est fondamentalement le circuit bouche-oreille. Ce circuit, quand il s’agit d’un genre théâtralisé comme le conte, s’inscrit dans une dimension kinésique. Le conte met, en effet, en oeuvre des dispositifs qui fonctionnent in praesentia. Dans la simple oralité, il n’est pas indispensable que les interlocuteurs se voient. Là, le circuit fondamental de la communication, bouche-oreille, est renforcé de façon secondaire mais omniprésente, par la dimension gestuelle, posturale, recourant donc au sens de la vue. Bernabé classe les genres « oraliturels » en fonction de l’importance de la gestuelle et de la densité de la présence requise entre les protagonistes de l’énonciation des contes.

L’île de la Réunion est peuplée à partir de 1663, puis lors des grandes phases de son histoire (esclavage, colonisation, départementalisation…) par des composantes (Européens, Français, Africains, Malgaches, Indiens, Comoriens, Chinois…), dont les membres arrivent avec des statuts différenciés (colon, esclave, engagé, fonctionnaire métropolitain…). Ils créent un espace de métissage où presque tous abandonnent leur langue d’origine pour un pidgin, qui devient, au fil du temps, une nouvelle langue : le créole, dont les systèmes phonétique, syntaxique, morphologique et prosodique se différencient du français, influencés par différents apports (malgache, indien, chinois, indo-portugais, bantou, anglais, ourdou…).

Sur les douze premiers arrivants dans l’île, dix sont originaires de Madagascar. Ces esclaves de capture, qui ont tout perdu, n’ont droit ni à la parole publique ni à l’écrit. Ils survivent grâce aux apports de leur civilisation d’origine, dans leur milieu intime. Comme les libres, ils ont besoin de cette intimité avec leurs origines et ont envie de les transmettre à leurs enfants. Le rakontaz est le vecteur de cette transmission. Dès le départ, il a une grande importance dans cet espace où tous sont déracinés. Il est le seul lien à la civilisation et aux traditions antérieures. Dans ce berceau d'un nouveau monde, aux cultures et aux croyances diverses, chacun apporte dans ses malles et dans sa tête ses traditions, ses superstitions, ses peurs, ses propres explications de la naissance du monde, de son existence, de ses promesses, de ses menaces. Et surtout, les premiers arrivants, venus de partout, apportent des récits. Ils racontent des histoires dès l’apparition des enfants dans les familles. Il est vital pour les descendants des esclaves et des engagés de transmettre les contes et légendes de leur pays à leur descendance. L’Afrique est le continent de la parole ; la Chine est une civilisation vieille de plusieurs millénaires ; l’Inde compte parmi ses trésors le Mahâbhârata, le Râmayâna et l’héritage fabuleux des Grands Moghols ; la France est une des héritières de la riche civilisation gréco- latine et les régions d’où sont partis les premiers colons blancs ont toujours fourmillé de contes mystérieux et fabuleux ; Madagascar est une rencontre entre l’Afrique et l’Asie.

Majoritairement, les contes proviennent de France métropolitaine, d’Afrique et de Madagascar. Peu d’entre eux proviennent des cultures chinoise, musulmane et hindouiste, soit parce qu’ils ne sont pas transmis, soit parce qu’ils le sont uniquement au sein des familles, bien que certains récits hindouistes soient transmis et popularisés par les bals tamouls (théâtre sacré accompagné de musique). Cette diversité de cultures fait naître une crainte réciproque entre les différents groupes ethniques jusqu’à l’émergence de nouvelles peurs partagées ou un « rêve collectif », construits ou transposés pendant l’époque esclavagiste et coloniale. Cet inconscient collectif s’exprime dans cette littérature orale représentée par les contes, légendes, proverbes, chansons, devinettes. Les traces, trames, héros déjà connus sous d’autres cieux se retrouvent ainsi au coeur des contes de la Réunion. Dans cette île « fermée », l’ailleurs peut répondre à un besoin d’évasion. L’esclave ou l’engagé peut s’évader physiquement, dans sa tête et par la parole, marronnage idéal.

À l’intérieur des familles, le rakontèr est en général un des grands-parents, le plus souvent la grand-mère. Ces granmoun e habitent sous le même toit que les petits-enfants. Le soir, après le repas et avant le coucher, c’est l’heure du rakontaz. La famille se réunit devant le lit de l’aïeul, en silence, presque religieusement pour écouter la bonne parole. Souvent, la vieille personne, dont le répertoire n’est pas très riche, raconte la même histoire ou des variantes, mais le public ne s’en lasse pas. Dans les familles aisées, la parole du conte est l’apanage de la nénène, dame d’un certain âge, servante chargée des enfants. C’est elle qui raconte le soir, pas dans la journée : elle a suffisamment à faire avec la cuisine, le nettoyage, la lessive, le repassage... À cette époque, on vit à la lueur des lampes à pétrole et on marche, les pieds en contact direct avec le sol. Les quartiers serrent leurs cases et leurs paillotes les unes contre les autres, comme pour rassurer leurs habitants, la nuit venue. Tous les soirs, après le petit koudsèk (petit verre de rhum), les journaliers agricoles, les ouvriers d’usine et petits planteurs se retrouvent devant le bistrot fermé, à la lumière de la lune. Les rakontèr zistoir prennent alors la parole. On peut aussi les entendre sous une salvèrt (salle faite de branches et de feuillages) lors des veillées mortuaires. Là, avec des amateurs d’histoires plus ou moins spécialisés, ils viennent distraire les parents, voisins ou amis du défunt, pendant que d’autres jouent aux cartes ou aux dominos…

À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, des textes sont édités par des Réunionnais, fils de la haute société. Les interventions directes du peuple et de sa culture métissée sont rares. La transmission du patrimoine se fait par l’oralité. Les premiers contes écrits sont attribués à Louis Héry (Fables créoles « dédiées aux Dames de l'Île Bourbon », 1828). En 1928, Georges Fourcade publie Z’histoires la caze, qui rassemble des contes et devinettes montrant la vie quotidienne du pays à cette époque. En 1939, l’ouvrage de Pa Sarles, Contes créoles inédits, est publié à Madagascar.

Après l’accession de la Réunion au statut de département français, la création du Parti communiste réunionnais en 1959 cristallise les positions politiques autour de la question de l’autonomie du territoire. S’ensuit un processus de répression-résistance qui impacte fortement les militants culturels.

Au cours des années 1960-1970, le maloya (danse, musique, chant) [cfr. fiche de l’Inventaire national du PCI et dossier de la liste représentative de l’Unesco], qui est interdit de diffusion, et la langue créole, qui n’a pas droit de cité, deviennent des sujets de mobilisation, de réflexion, de création et de lutte. La modernité et l’arrivée de la télévision en 1964 contribuent au déclin de la pratique du conte, qui manque de disparaître face au rouleau compresseur d’images et de sons venus d’ailleurs. La fascination des séries télévisées menace d’engloutir l’héritage oral transmis de génération en génération, sapant les valeurs de base de la société réunionnaise. À la même période, les écoles fleurissent dans les grandes villes ; la presse se développe, porte-parole des « paysdehors » ; les routes s’ouvrent et les voitures s’y engouffrent. Grands-parents et parents découvrent la civilisation des loisirs et de la consommation. Le mode de vie et la mentalité des Réunionnais évoluent rapidement. On se met à vivre comme déor (les pays modernes) et on se moque des traditions. Les derniers conteurs s’effacent devant la dictature de l’image. On n’ose plus mettre en scène Ti-Zan ou Granmèrkal. Même à la veillée mortuaire, le conteur se tait. La nénène laisse sa place ou son statut au sein des familles. La grand-mère est reléguée au village du troisième âge ou profite des loisirs mis en place pour cette tranche d’âge. Avec le mutisme de la nénène et des granmoune, la transmission des contes traditionnels s’effiloche face à la télévision, l’ordinateur, les jeux vidéo, le téléphone portable... Quelques rares conteurs gardent le flambeau allumé, tels Lo Rwa Kaf à Sainte-Suzanne ou Granmoune Baba à Saint-Louis, mais sont ignorés du grand public. On a même honte de leurs zistoir créoles, proverbes, expressions et autres devinettes qui ont mis du temps à sortir du fénoir.

Au début des années 1970, on assiste à la prise de conscience de pionniers comme Boris Gamaleya – dont les textes sont publiés dans le quotidien Témoignages -, Axel Gauvin, Robert Chaudenson ou Christian Barat, qui fixent la tradition orale sur bandes magnétiques et, par-là, sauvegardent le conte. Le groupe Ziskakan joue, à la fin des années 1970, un rôle important de « laboratoire » pour explorer toutes les disciplines contribuant au renforcement de l’identité créole et à la créativité. L’alternance politique qui amène la gauche au pouvoir en France, au début des années 1980, libéralise les médias et la sphère culturelle, booste les acteurs culturels et revitalise les combats identitaires. Il en est ainsi pour la tradition du rakontaz zistoir. Les rakontèr trouvent alors un regain de leur activité. Quelques conteurs et écrivains donnent un nouveau développement au conte en le sortant du cadre familial pour l’amener dans la sphère publique à travers les manifestations socio-culturelles et éducatives ainsi que par des publications écrites. En 1992, la Ville de Saint-André et le collège Bédier, sous l’impulsion de Josie Virin, dans le cadre d’un projet d’action éducative, organisent pour la journée internationale créole, le premier festival international du Conte, manifestation ensuite portée pendant douze ans par le Foyer de Joinville.

Au fur et à mesure, d’autres manifestations offrent au conte une exposition grandissante.

À la Réunion, selon la Loi pour l’Outre-mer de 2000 (art. 34), « les langues régionales des départements d’outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation » et « bénéficient du renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d’en faciliter l’usage ». Son enseignement est désormais proposé en option dans les écoles de l’île, comme pour toutes les langues régionales de France. C’est une étape importante du développement du rakontaz. Régulièrement, la pratique connaît des avancées et des attaques. L’avenir se joue en tension entre respect rigoureux de la tradition et des valeurs identitaires, d’une part, et ouverture, fusion et modernité, d’autre part.

Daniel Honoré

« Les conteurs sont à la disposition des autres », dit Daniel Honoré, pour qui « le plaisir d’écrire n’a d’égal que celui de raconter, de faire vivre un conte. Ils dépendent tous deux de ces magiciens que sont les mots. En retrouvant le tutoiement qui unit ordinairement le conteur et son public, je peux dire que j’ai la chance de goûter aux deux à la fois, grâce au public ». Il regrette par ailleurs la triste destinée d'un art conçu dans l'oralité : « Pour qu'il ne disparaisse pas, il a fallu trahir la nature du conte, en fixant sur le papier toutes ces histoires qu'on avait oublié de raconter. La version papier est unique. En revanche, jamais deux auteurs ne raconteront exactement la même histoire. Parce qu'ils en oublieront un détail, parce qu'ils y apporteront un peu de leur propre histoire, de leur propre imaginaire. C'était pourtant la seule solution pour ne pas tout perdre ».

Il propose le terme créole zistoir pour désigner les histoires créoles réunionnaises qui font le récit de faits ou d’aventures imaginaires écrits mais souvent oraux. Il se donne pour défi « de prouver que des textes écrits dans ma langue maternelle peuvent, une fois traduits en français par exemple, porter, au-delà des limites de l’île, des valeurs dignes de l’humanité tout entière ».

Isabelle Hoarau

Isabelle Hoarau dit : « Pour moi un conte, qu’il soit en créole ou pas en créole, fait partie de la structure traditionnelle ; c’est un enseignement moral ; ce sont des personnages. ». « Moi, j’ai créé des contes à partir de choses qui n’existaient pas ou à partir de morceaux d’histoires que nous avons. C’est que nous n’avons que trois siècles d’histoires ; donc c’est très peu pour créer des contes. J’ai fait un gros travail de collecte, mais en même temps de reconstruction ; j’appelle ça faire un tapis mendiant [tradition artisanale réunionnaise, à la manière du patchwork]. Avec plein de morceaux d’histoires, j’ai écrit des histoires complètes, j’ai fait des contes complets qui sont maintenant devenus des contes traditionnels parce que j’ai utilisé des formes traditionnelles.


Sully Andoche

« Finalement, dit S. Andoche, les histoires qui nous sont restées, les histoires créoles d’ici, il n’y en n’a pas beaucoup. Faute de trace écrite, une fois la trame de l’histoire acquise, le conteur est libre d’en mener sa propre version et en faire en quelque sorte sa propre création. Donc, je n’ai pas envie de raconter les histoires que mes copains vont raconter eux aussi. Ça m’arrive quand même de raconter une histoire traditionnelle. Et puis, il faut aussi transmettre ça, mais y a d’autres personnes qui le font. C’est rare que je raconte une histoire que je n’ai pas inventée ». Il raconte ses débuts : « Je jouais dans le groupe Ziskakan ; c’était un groupe de musique militant créole aussi… et souvent, pendant les concerts, l’électricité était coupée ou bien des gens débranchaient le courant parce qu’on chantait des choses subversives. Alors, on me poussait devant en me disant « Va t’excuser ». Je ne pouvais pas dire « Excusez-moi », juste comme ça, et ressortir. Donc, je plaisantais un peu, comme lorsque je parlais avec les gens d’habitude, et j’ai vu que les gens riaient. Donc, j’ai continué comme ça. Après je me suis dit, « Bon, si ça plaît, il faut quand même que les choses soient bien faites », et tout ça ; je me suis dit « Ben, je vais raconter des histoires ». Ensuite, j’ai commencé à raconter des histoires avec François Batisto, un percussionniste qui jouait avec Ziskakan à l’époque. Ensuite j’ai raconté avec ma femme, Suki. On avait un groupe qui s’appelait Katiyak, qui veut dire, en français « juxtaposition de deux billes », dé kanèt kolé ansanm. À l’arrêt de ma femme, j’ai pris mon indépendance artistique. Daniel Honoré m’a demandé de venir faire la formation avec Annie Grondin et lui. Je n’ai pas un talent d’enseignant, mais celui de donner le goût de raconter aux gens qui viennent à la formation en leur disant : « Voilà, raconter des histoires c’est génial ; voilà mon expérience. » On réfléchit, avec Daniel Honoré, pour faire une formation de perfectionnement pour tous ceux qui ont déjà fait un stage d’initiation avec nous ».


Anny Grondin

Anny Grondin se souvient : « Rakonte zistoir la journé i fé pouss korn su la tèt », disait Grandmère. Alors, on attendait 6 heures. S'il faisait encore un peu jour, on fermait les volets pour oublier les derniers rayons de soleil, on allumait une petite bougie, et vite, on se glissait sous les draps. « Kriké ! Kraké mésyé ! La klé dan out poss, la tay dan mon sak ! Lavé inn bonn foi, mésyé la foi, la manz son foi ek in grin d’sèl. » Je n'ai jamais oublié ces mots de la nènène [la nounou qui avait appris ces contes avec son père], le soir, au retour d’une baignade, à deux pas de l'usine de Beaufonds, à Saint-Benoît. Grandiab, Ti Lièv et la sitrouy entraient dans ma vie par la grande porte, celle de mon coeur de marmay [enfant]. On pleurait, on riait, on aimait retrouver la peur, jusqu'au jour où la télé est arrivée et a pris cet espace, jusque-là réservé au conte, avant le repas ou avant d'aller dormir. À partir de là, une génération, scotchée devant la lucarne magique, saute le fameux rendez-vous de 6 heures et grandit sans rien connaître des aventures des héros de ma nénène Jacqueline. Dans une indifférence quasi générale ».


Jean Bernabé

Jean Bernabé, écrivain et linguiste antillais, explique : « Dans les pays créoles marqués par une organisation sociale liée originellement à l’esclavage, on doit établir une distinction entre les activités diurnes et nocturnes. Les premières sont consacrées au travail servile de la plantation, sous une discipline de fer imposant des cadences pénibles, notamment dans les champs de canne. À la tombée du jour, aucune activité n’étant plus possible, l’esclave de plantation, pourra enfin s’adonner à certaines formes de loisir (danses et chants au son du tambour, contes, devinettes...). La parole nocturne est de nature à rassembler le groupe à un moment qui est le plus favorable à une communion culturelle et spirituelle ». Il rajoute : « Les spécialistes et gardiens de la parole ancestrale que sont les conteurs exercent leur office, rappelons-le, au nom d’une délégation implicite. Ils agissent en quelque sorte en porteurs d’une procuration qui émane de la communauté. »


Stéphanie Alamèle

Stéphanie Alamèle, conteuse réunionnaise, raconte la diversité des lieux où elle peut pratiquer son art : « J'ai toujours aimé l'univers des contes. Ils nous permettent de partir dans les contrées lointaines de notre imagination. J'ai conté à titre gratuit à plusieurs reprises à l'EPHAD de Sainte Marie, pour la fondation de la Croix-Rouge, aux collèges de Saint-Pierre, de Mille-Roches et de Domenjod. J'ai également conté dans les écoles primaires dans le cadre de mon enseignement, à Grand-Bois chez Anny Grondin et à Dioré pour une association. À titre non gratuit, j'ai conté pour des habitants de Bras des chevrettes avec le CCAS lors d'Halloween, j'ai participé au Festival métis - sé à Sainte-Marie et j'ai conté dans des centres aérés de Saint-Benoît ou des mercredis Jeunesse à Saint-André ou pour les activités périscolaires de Sainte-Marie et Bras-Panon. Tous avaient un thème imposé. J’ai également conduit des ateliers d'écritures avec le Département pour le Muséum d'histoire naturelle et j'y ai conté. »


Josie Virin

Josie Virin a eu un parcours inscrit dans les évolutions apportées par l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 :« J’ai commencé mon engagement dans les radios libres. Puis, j’ai fait du théâtre avec Benjamin Hoareau de la compagnie théâtrale Conflore. J’ai alors raconté des histoires sur le personnage de la nénène [nourrice], qui m’avait marquée car, dans beaucoup de familles, il y avait des nénène ou des grandes soeurs qui, dès que les 6 heures sonnaient, racontaient des histoires qui font peur et j’aimais ça. Vers 1989-1990, avec l’Association pour la promotion de la culture générale, j’ai continué de conter dans un spectacle qui tournait dans les centres aérés, aux côtés de Benjamin Hoareau, qui faisait le clown, de quelques musiciens et de Christine Salem, qui a connu par la suite une carrière internationale de chanteuse. À la même époque, en tant qu’enseignante, j’ai fait la rencontre de Serge Sinimalé, car je voulais donner dans mes activités, au collège Bédier, une place à la musique traditionnelle et aux racines. Je suis allée solliciter chez lui, allée des Cocos, ce militant indépendantiste passionné, qui avait été emprisonné pour avoir joué du maloya. Et j’ai travaillé dix ans avec lui. Il m’a beaucoup apporté dans la compréhension de la place des racines et des traditions comme ciment d’un peuple. Il fabriquait de ses mains des instruments de musique traditionnels et avait créé Cimendef, une troupe de maloya et de musique traditionnelle. Chaque année, il organisait un atelier théâtre-musique qui a permis à de nombreux jeunes artistes d’éclore, comme Lindigo. J’ai gardé de lui quelques phrases-clés : « I fo konèt ousa ou sorte pou konèt ousa ou sava (« Il faut savoir d’où tu viens pour savoir où tu vas ») » ou encore « Gom pan nout mémoir ! barbouiy pan out listoir ! (« Ne salissez pas notre mémoire ! Ne troublez pas notre histoire ! ») ». En 1992, on a organisé le premier festival international du Conte avec la Mairie de Saint-André, la DRAC, la Région, l’Académie… Serge avait mis en place trois défilés, qui se sont retrouvés devant la Mairie. On avait invité Hassane Kouyaté. Après avoir été élue municipale à la Culture, je suis partie en métropole, où j’ai poursuivi mon activité de rakontèz mantèr. J’ai conté au Jardin d’acclimatation de Paris, au festival Ti Piman de Nancy, dans les manifestations du 20 Décembre, dans les écoles. Depuis mon retour, je continue avec l’envie encore plus forte de transmettre. Na pi d’gro galé (« les figures fortes ») ont disparu. I fo nou fane pou bann zènn (« Il faut transmettre aux générations futures ») et même lot koté la mèr (« à l’international »).


Jean-Bernard Ifanohiza

« Le conte est une façon de construire l'enfant, d'assurer son équilibre », estime Jean-Bernard Ifanohiza, des Contes Calumets. « On décrit à travers les contes quelque chose d'agréable à vivre et de réconfortant. En même temps, ça permet d'y voir plus clair et d'éviter pas mal d'obstacles dans la construction de l'existence. Ces repères sont essentiels, non seulement pour la jeunesse mais pour la société en général, car il existe aussi des contes créoles pour adultes ».

Cette tradition du rakontaz zistoir kréol porte en elle une fragilité, qui est celle de l’oralité et du spectacle vivant, même si les contes sont souvent retranscrits, voire numérisés. La principale menace qui pèse sur elle vient du « processus d'assimilation », décrit par Jean Benoist ou Patrick Chamoiseau, « qui s'est déroulé sans arrêt des débuts de la colonisation jusqu'à nos jours et qui a conduit les Réunionnais à survaloriser les valeurs et les modèles culturels français, pris comme références à imiter et à considérer comme un contre-modèle les autres cultures qu'il faut dénigrer ». Elle est aussi menacée par la domination audiovisuelle croissante, à laquelle vient se rajouter une invasion incontrôlable du numérique. Par ailleurs, de trop faibles relations intergénérationnelles risquent de causer la perte des thématiques traditionnelles au profit de mythes et légendes de l’extérieur. On pourrait ainsi voir une fuite de la créolité dans les contes. Il peut y avoir une menace dans l’entrée du conte dans le circuit économique. Si le rakontèr doit être rémunéré, il ne doit pas se couper de la sphère familiale. Il est un békèr d’klé, débrouillard, à la manière de Ti Jean. On est à la charnière d’une évolution. On peut se poser la ques - tion de la préservation des spécificités identitaires face à la modernité. Autrement dit :« Comment garder son âme et ne pas être assimilé ? ».

Le rakontaz zistoir est un art intimiste qui se pratique avec peu de moyens. Il est souvent minoré et doit lutter pour obtenir une reconnaissance artistique permanente, d’autant qu’il y a parfois confusion entre conteur et humoriste. Certains festivals n’invitent pas les conteurs locaux parce qu’ils ne sont pas contemporains, trop traditionnels, ou en créole. Mais cela commence à bouger. Les prestations des conteurs sont souvent gratuites pour l’auditoire car prises en charge par les organisateurs et les commanditaires publics (communes et offices para communaux, intercommunalités…). Ces derniers ne consacrent malheureusement pas assez de moyens à la communication et à la mobilisation du grand public pour les représentations de conte. De fait, il n’y a pas suffisamment d’exigence de progrès et de maintien de qualité, du fait de la gratuité et du manque de connaissance des traditions par le grand public, qui ne peut donc pas juger de façon pertinente. Aussi, le rakontèr ne prend pas de risques et reste dans une zone de confort non propice à l’accroissement qualitatif.

De même, la diffusion/transmission de la pratique est allée trop vite. Certains deviennent référents dans certains cercles sans avoir la pratique. Un bon rakontèr ne se contente pas d’une formation, mais doit avoir beaucoup de pratique, avec la supervision d’un tuteur… Il doit travailler son art, car dire une histoire, ce n’est pas être un rakontèr. Il faut, en plus, avoir un répertoire. Les gardefous n’ont pas été posés. Au final, on s’aperçoit que chaque menace sur la viabilité de cette pratique est contrebalancée par d’autres avancées. Les pionniers pensent que le conte est assez fort aujourd’hui pour rebondir.

Modes de sauvegarde et de valorisation

 

La sauvegarde et la valorisation de la pratique du rakontaz zistoir passe par plusieurs axes d’intervention qui peuvent se croiser :

• la collecte ;

• la multiplication des lieux de diffusion orale et des événements ;

• la formation et la multiplication des rakontér ;

• la diversification des espaces et des modes de rakontaz vers le tourisme expérientiel et la découverte des patrimoines (balades contées sur sentiers, ballades créatives sur des sites comme Dioré, Maïdo) ;

• la publication et l’enregistrement (cfr., sur Youtube, kosa i rakont ?) voire la numérisation ;

• Télé kréol a filmé Marmit kréol et Kabarachois ;

• les concours d’écriture, qui produisent de nouveaux thèmes de contes ;

• les études et recherches universitaires ;

• l’ouverture vers l’international : étudiants Erasmus ou éditeur japonais qui s’intéressent au conte ; participation croisée de conteurs dans les divers festivals internationaux…

 

Actions de valorisation à signaler

 

• Le concours Lankréol est organisé par le CCEE et l’UDIR. Il en est à sa 14e édition et comporte, depuis 2007, une rubrique dédiée au « conte », contribuant ainsi au renouvellement du répertoire des zistoir kréol. De 2008 à 2017, plus de quatre-vingts nouveaux contes ont été écrits par des amateurs avec une pointe de vingt pour l’année 2015.

• Le concours de scène et conteurs organisé par Hoareau Daniel du groupe Nou jou « tranplin rakontèr zistoir » à Saint-Denis permet le repérage de rakontèr dans les quartiers.

• Paroles du Sud est un festival du conte et de la parole co-organisé par Kozé conté et la Ville de Saint-Joseph. Il en est sa 5e édition.

• Lofaka Festival (« racine » en malgache) qui fête sa 2e édition à Saint-Benoît-Bras fusil, regroupe une cinquantaine d’associations et de créateurs dans toutes les disciplines (musiciens, plasticiens, sculpteurs sur bois…) du spectacle vivant. Il offre au public trois scènes : « Sous le grand arbre », « Contes et zistwar », « Tremplin » pour les jeunes pousses.

• Bèlfèt rakontaz zistoir kréol, festival gratuit du Conte créole, est organisé par Daniel Honoré et la Ville de Sainte-Suzanne depuis 2015. Une vingtaine de conteurs péi, dont ceux de Sainte-Suzanne, se relaient pour raconter des histoires en créole dans plusieurs lieux (médiathèque, salle Le Rwa Kaf). Des praticiens confirmés, comme Anny Grondin, Sully Andoche, Jean-Bernard Ifanohiza ou Sergio Grondin, sont de la partie, à côté de conteurs locaux ou débutants. Les objectifs de cette manifestation sont de : valoriser le patrimoine immatériel de la Réunion ; développer la tradition orale ; promouvoir les conteurs de la ville de Sainte-Suzanne, particulièrement riche en rakontèr zistwar, aussi bien dans le passé, avec Gérose Barivoitse alias lo Rwa Kaf, qu'aujourd'hui. L’édition 2017 associe zistoir, maloya (musique, chant, danse), moring et krosh (pratiques sportives ancestrales).

• Marmit zistoir est organisé par l’UDIR, Kozé conté et la Ville de Saint-Denis. Tous les derniers vendredis du mois, une soirée en forme de veillée du tan lontan permet aux familles de découvrir dans leur quartier des zistoir d’ici et d’ailleurs. On peut parfois y déguster des fruits oubliés ou des tisanes du temps lontan.

• Le festival Dékont, organisé au café culturel Le Bisik à Saint-Benoît, permet aux jeunes de découvrir la culture réunionnaise et sa tradition orale au travers de la chanson et de l’univers merveilleux et fantastique du conte créole. Beurty Dubard, agriconteur, directeur artistique de ce festival, programme ateliers, ballades contées, récits merveilleux et d'expériences et contes contemporains comme ceux de James Scott Mc Donald.

La pratique connaît aussi de nouvelles formes, qui contribuent à élargir la base du public, des connaisseurs et des futurs pratiquants :

• Piknik kozé conté, initiative d’Evelyne Gigan ;

• ballades contées sur sentiers ;

• ballades créatives sur des sites patrimoniaux (Muséum d’histoire naturelle ou Conservatoire botanique de Mascarin) ;

• Kozé pou le kèr, goûter conté de Stéphane Thomas, qui associe dans un spectacle contes, marionnettes, comptines, jeux et chansons ;

• Les Rencontres académiques des élèves-conteurs en sont à leur 3e édition en 2017. Ce dispositif, co-organisé par l'association Kozé Conté et le coordonnateur Lecture, écriture et oralité de la délégation académique à l'Éducation artistique et culturelle (DAAC / Rectorat), concerne les élèves du cycle 3 (CM1, CM2, 6e), impliqués dans un parcours d'éducation artistique et culturelle (PÉAC) et ayant travaillé prioritairement avec un conteur. Soutenu aussi par la direction des Affaires culturelles Océan Indien (DAC OI) et par le Département de la Réunion, il permet de faire partager et de montrer le travail partenarial mené par les équipes pédagogiques et les artistes intervenant en conte. Ses objectifs sont de : valoriser le conte, la création, l'art de la parole en français ou en créole ; encourager les élèves à écrire ou travailler un conte existant, puis à l'oraliser ; permettre aux élèves de se confronter à leur capacité de création et d'expression en français ou en créole ; enfin, de transmettre une culture orale en français ou en créole.

• Jacky Revel sur Réunion 1re, « La tête dans les étoiles », propose une rubrique Conte à la radio ;

• TNT, avec Sully Andoche depuis 2009, ramène le conte dans les familles, espaces bienveillants pour les premières expériences de conteurs : « Retour à la sphère famille » (Laurence Macé contes, Département, PMI).

Andoche (Sully), Béképabéké : les contes créoles de la Réunion, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2014. Atlas de la Réunion, Saint-Denis, Université de la Réunion/INSEE, 2003.

Barat (Christian), Carayol (Michel) et Vogel (Claude), Kriké Kraké : recueil de contes créoles réunionnais, Saint-Denis, Centre universitaire de la Réunion, 1977.

Chaudenson (Robert) et alii, Encyclopédie de la Réunion, Saint-Denis, Éditions Livres-Réunion, 1980-1982.

Coll., Noël au pays de grand-mère Kalle, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2010.

Coll., Contes et croyances populaires de La Réunion, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2015.

Coll., Contes et croyances populaires de La Réunion, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2017.

Fontaine (Christian), Zistwir Tikok, Saint-André, CDPS/Graphica, 1988 ; rééd. Zistoir Tikok, Saint-Pierre, Met ansanm, 2002.

Gamaleyra (Boris), Bardzour maskarin : contes populaires et orthographe du créole, Saint-Denis, R.E.I., 1977.

Gauvin (Axel), Troi zistoir Tizan-Grandiabe, Saint-Denis, Les Chemins de la Liberté, 1978.

Gauvin (Axel) et Urbatro (Fabrice), Zistoir lontan pou marmay koméla, 2000.

Grondin (Annie), Ti Jean gran diab la féss an or, livre et CD audio, 1999.

Grondin (Marie-Laure), « Dieu et diable dans les contes et légendes de la Réunion », thèse, Université de la réunion, 1987.

Honoré (Daniel), Légendes chinoises, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2000.

Honoré (Daniel), Légendes créoles, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2002.

Honoré (Daniel), Contes créoles 1, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2003.

Honoré (Daniel), Contes créoles 2, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2005.

Honoré (Daniel), Faisons… nos contes, Ille-sur-Tête, Éditions K’A, 2009.

Honoré (Daniel), Ti Jean et le pays de nulle part. Contes créoles 3, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2011.

Hubert de Lisle (Marie-Josée) et Boyer (Céline), Créole, école et maîtrise du français, Saint-Denis, Canopé de la Réunion, 1979, 2 vol.

Huet (Céline), Ti Jean et autres contes, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2006.

Ifanohiza (Jean-Bernard), Barnar, fais pas le tour de la table,Saint-Denis, Éditions UDIR, 2012.

Insa (Véronique), Les Contes traditionnels réunionnais, un outil pour donner un statut à la langue créole en classe, 2010.

Jardel (Jean-Pierre), Le Conte créole, Montréal, Université de Montréal/Centre de recherches caraïbes, 1977.

Payet (André), Max sanm Ti Moris, 7 tour la malis, Ankraké/Océans éditions, 2010.

Payet (Jean-Valentin), Récits et traditions de la Réunion, Paris, Éditions de L’Harmattan, 1988.

Pitchaya (Antoine), Le Mendiant de Bénarès et autres contes et légendes de l’Inde, Saint-Denis, Éditions UDIR, 2007.

Relouzat (Raymond), Le référent ethno-culturel dans le conte créole, Paris, Éditions de L’Harmattan, 1989.

Revue Nout Lang, dossier « Fé in kont ansanm la sominn kréol », 2005, n° 11.

Revue Fangok

Revue Sobatkoz

Vaxelaire (Daniel), Le grand livre de l’histoire de la réunion, Orphie éditions, 2003, 2 vol.

 

Ressources audiovisuelles

 

• Association réunionnaise Culture et Communication, La Tradition du conte à La Réunion, coll. « Les dossiers de l’ARCC », 2009, CD audio 49 minutes.

• « Kosa i rakont », de Véronique Insa [sur Daily Motion]

• Enregistrements des Productions zanbrokal

• Film de Sophie Louis, Kabar

• Conférence de Anny et Sergio, « Contes et légendes réunionnaises » : https://www.youtube.com/watch?v=uDYVqmJ20Xg

« Ti jean avèk sitrouy », classe CE2 Alamanda, école René-Perianayagom : https://www.youtube.com/watch?v=hYh95KZmpzg

• Conteur Daniel Lauret, « Pourquoi Ti Jean est encore vivant » : https://www.youtube.com/watch?v=-TYqwvg9Rjo

• Lorraine Desjarlais, « Ti Jean et la baguette magique »/« Origines de Ti Jean représentant le peuple qui se révolte » : https://www.youtube.com/watch?v=Hc--ijDzrNs

• Isabelle Hoareau et Gérard Joly, « Zétoil kabri » : https://www.youtube.com/watch?v=IORXbpQ9xYo

• Kristian Fontinn, « Zistoir tikok »/« Kari volay » : https://www.youtube.com/watch?v=vdlEbrKl3Ls

• Conte sinoi de la Réunion, FER, 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=XGhmQIsi_1Q

Lieux(x) et date/période de l’enquête

La fiche d’inventaire a été lancée lors d’un programme-pilote à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel, formation en deux sessions à La Réunion (Ministère de la Culture, Centre français du Patrimoine culturel immatériel et Service régional de l’Inventaire – SRI - de la Réunion, janvier et juin 2017).

Données d’enregistrement

Date de remise de la fiche  : 21 septembre 2017

Année d’inclusion à l’inventaire 2017 (CPEI du 26 octobre 2017)

N° de la fiche 2017_67717_INV_PCI_FRANCE_00390

Identifiant ARKH ark:/67717/nvhdhrrvswvk2l8

Généré depuis Wikidata