Les savoir-faire vanniers en Bretagne : le panier de Mayun

Le mayun ou panier de Mayun est un panier à la forme arrondie, habituellement destiné aux usagers du marais de Brière ou aux paludiers de Guérande.

Savoir-faire vannier en Bretagne. Il s’agit d’une vannerie à montants passifs courbés disposés en hémiméridien. Les montants en lames de châtaignier sont croisés. Les brins des armures sont constitués de tiges de bourdaine fendues et grattées pour leur donner un aspect blanc.
Cet inventaire est rédigé à partir d’entretiens réalisés depuis 2004 auprès principalement de Camille et Didier Bodet, et de Jean-Baptiste Lelièvre, mis en relation avec des éléments empruntés à l’étude ethnographique de Dan Lallier portant sur Pierre Lelièvre (1942).

Ces paniers sont connus sous le nom de "mayuns", "paniers de Mayun" ou encore "paniers mayunnais". Les paniers ronds à couvercle sont appelés panier de pêche ou à anguilles. En taille miniature, on les dénomme panier à fraises. Cette petite taille était fabriquée par les enfants. Les vanniers fabriquent une grande corbeille ronde, le purgouë. Sans poignées ni anse, elle est peu transportable. Elle est posée sur le sol pour l’entreposage des pommes de terre ou pour véhiculer les mottes de tourbe. Les paniers de Mayun sont appelés parfois "bourriche" à l’extérieur de la zone de production. À Paris, ils étaient connus sous le nom de "bretons".

La production de ces vanneries relève d’un savoir-faire lié à l’artisanat traditionnel.

De nombreux fabricants continuent à pratiquer ces savoir-faire. Cependant de nos jours, il s’agit majoritairement de personnes à la retraite.

Mayun est situé sur ce qui fut une île du marais de Brière en Loire-Atlantique. La principale particularité de cette zone de production est sa taille très réduite. Elle est située au sud, en dehors des autres secteurs de vannerie à montants courbés en hémiméridien. Elle n’appartient à aucun autre type technique de vannerie pouvant être produit en Brière ou dans les environs.

Les savoir-faire vanniers à Mayun conduisent à la fabrication d’un type de vannerie singulier, très identifiable. Le soin et la finition apportés à la confection des objets sont aussi éminemment caractéristiques. Le savoir-faire comporte de nombreuses spécificités. Par exemple le façonnage des anses se faisait en mordant la tige avec les dents. Cette technique n’a pas été observée ailleurs.
Le départ de la fabrication des mayuns se fait piqué autour d’un ou deux axes superposés comprenant au besoin une anse. Les montants, en nombre impair, sont de châtaignier fendu. Les armures sont tressées à brins perdus avec de la bourdaine fine fendue et à l’écorce grattée. Le bord est constitué par des montants coupés. Des attaches en éclisses de bourdaine tiennent la bordure. L’anse est le prolongement des montants. Il n’y a habituellement pas de poignée.

La récolte des matériaux : une activité liée à la forêt

Des populations de vanniers se sont installées auprès des bois, dans lesquels ils prélèvent les jeunes tiges nécessaires à la fabrication, principalement la bourdaine. Le propriétaire du bois donne son accord, avec généralement une contrepartie, sous forme de corvées ou de paniers. Les vanniers côtoient ainsi les sabotiers, les bûcherons, les charbonniers, les gardiens de troupeau, etc. Des essences comme la bourdaine croissent opportunément dans les espaces boisés éclaircis. Les anciens vanniers conviennent qu’il est plus difficile de récolter du bois de qualité de nos jours, du fait que les forêts sont moins bien entretenues.
La bourdaine est fréquente dans le Massif Armoricain : on la rencontre dans les haies, les taillis, les bords de l’eau et les marécages. Les bois de l’embouchure de la Vilaine, de la Roche Bernard, du pays de Redon, du Gavre, sont fréquentés par les vanniers de Mayun. Voici quelques exemples ayant trait à la récolte de la bourdaine dans les bois accessibles à ces vanniers briérons.

"Récolte en forêts : La Bretèche, Le Gavre, Saint-Dolay, Péaule, Marsan (*), La Madeleine, se trouve en buissons, en brousses de quinze à vingt tiges. […] Il [le vannier] la ramène chez lui sur son dos (ou en brouette quand le lieu de récolte est trop éloigné) […] C’est ce qu’il appelle "aller dans les Bretons chercher sa brouzaine"." (*) Marzan dans le Morbihan (Lallier, 1942)

"[…], et ces gaulis de la forêt de La Roche-Bernard où le vannier de Mayun choisit la bourdaine longue et sans nœud, d’écorce tendre et mouchetée (Le Roy, 1944)."

"Les vanniers de Mayun ont souvent l’habitude de récolter cette plante du côté de Missillac, dans la forêt du Gâvre, à Pontchâteau ou à Herbignac (Rivallain, 2003)."

Camille Bodet (né en 1929), faisou de panier à Mayun a appris la vannerie avec son père Louis. Celui-ci s’y serait mis pendant la guerre de 1914-1918, pour échapper à des bombardements possibles des chantiers navals où il travaillait. Louis fabriqua des paniers jusqu’en 1946. Un automne, il proposa à Camille, qui avait alors 12-13 ans, de l’accompagner dans sa recherche de brouzanne (bourdaine). Ils partirent dans le Morbihan durant une semaine en octobre pour récolter les 15 à 20 paquets nécessaires pour fabriquer de la vannerie tout au long de l’hiver. Il n’y avait pas alors de pont sur la Vilaine. Il fallait prendre le bac à Saint-Dolay. Ils dormaient le soir dans une écurie du côté d’Allaire. Pas question d’emmener une femme lors de ces campagnes de ramassage au confort trop rustique. C’est leur hôte fermier qui rapporta le dimanche matin suivant à Mayun les paquets dans une charrette à cheval, à l’occasion de son jour de repos. Au printemps, tous les 10-12 jours, Louis parcourait les chemins et la forêt de la Madeleine en quête de bourdaine. Il fallait garder secrets les bons coins. Camille l’accompagnait. "Papa, t’as vu !" Il venait de trouver de quoi composer trois paquets dans un seul talus. "On n’en trouve plus autant de nos jours." Selon Camille, la bourdaine est trop sèche l’été. L’occasion pour le vannier de réaliser d’autres tâches.

Fabrication d’un panier de Mayun

"Avant de commencer son panier, le vannier doit préparer la bourdaine et le rondin de châtaignier ou "rajat". Il commence par "énouter" puis écorcer la tige de bourdaine. La main tenant le couteau est immobile et appuyée sur le genou. De son autre main, il tient la tige de bourdaine qu'il fait aller et venir sur la lame du couteau. Une fois mise à nu, la tige est entaillée au couteau, puis divisée dans le sens de la longueur en trois ou quatre parties appelées "galles", à l'aide d'un "fendoué". Cet outil en forme de croix permet de fendre la bourdaine par le milieu pour obtenir les galles qui seront tressées. Parallèlement, le vannier fend des tronçons de châtaignier à l'aide d'un maillet ou morceau de bois qu'il nomme buchou et d'un couteu fendou.
Le rondin est séparé en deux puis divisé en plaques en enfonçant le couteau dans le morceau pour le diviser par le milieu. Cette technique très délicate occasionne de nombreuses blessures, dont certaines peuvent être graves, témoigne Jean-Baptiste Lelièvre. Il vient d'ailleurs d'investir dans une machine lui permettant de découper des fines lames dans les rondins, sans risquer de se couper, comme il l'a souvent fait par le passé. Les plaques de châtaignier ainsi obtenues vont servir à constituer l'armature sur laquelle est tressée la bourdaine. […] Le vannier commence par fabriquer l'anse du panier à partir d'un morceau de châtaignier écorcé et plié afin que ses extrémités se chevauchent sous le panier. Le vannier n'hésite pas à "crocher" l'anse avec ses dents pour lui donner la courbure recherchée. Cette anse est amarrée en utilisant une galle de bourdaine. Il place ensuite un joug qui traverse la partie inférieure de l'anse pour servir d'ossature au panier. Ce joug est fendu dans son milieu pour laisser passer les montants latéraux, appelés traversiers, et les montants plus fins placés dans les angles, qu'on appelle piquets. Le vannier commence ensuite à tresser la bourdaine entre les piquets et l'anse. Les piquets et les galles sont assouplis avec un peu de salive. Au fur et à mesure du tressage, le vannier ajoute des piquets supplémentaires. Lorsque le tressage a atteint la courbure de l'anse, le vannier rabat les piquets et continue à tresser la bourdaine le long des parois verticales ainsi constituées. Une "belle galle" permet de faire jusqu'à deux fois le tour d'un panier long. Lorsqu'une galle est entièrement tressée, elle est coupée et son extrémité est glissée sous la précédente. Le panier est ensuite "bordé" par deux ou trois galles qui renforcent ses parois. Les piquets sont ensuite coupés au même niveau. La confection du panier rond suit le même principe, à cette différence près que la forme ronde ne requiert pas l'utilisation du joug horizontal qui constitue la membrure du panier long. Le vannier réalisait de un à quatre paniers par jour, selon sa rapidité et le temps dont il disposait en dehors de son travail sur les chantiers. "Mon grand-père était très croyant, se souvient Jean-Baptiste Lelièvre. Le dimanche soir, il attendait donc le dernier coup de minuit avant de se mettre à la tâche."" (Rivallain, 2003)

Dispositifs de montage

Les vanniers utilisent une serpe pour récolter le matériau, un fendoir pour fendre le bois et un couteau pour traiter le matériau et couper les brins qui dépassent. S’y ajoutent, selon le niveau de professionnalisation, un bâton, ou un maillet de bois (appelé buchou à Mayun), pour tasser les brins, et un épissoir pour ménager des passages dans la structure. Dans la variante mayunnaise, il n’y a pas de gabarit ni de moule. Les montants sont progressivement pliés pour donner la forme au panier. L’objet est monté en position retournée .

Les aspects structurels

La vannerie à montants croisés en lames de bois de Mayun présente deux types de démarrage : le démarrage à montants piqués autour d’un ou deux montants maîtres superposés et comprenant une anse, et le démarrage à montants piqués autour d’un ou deux axes percés latéralement.

1er cas – Démarrage à montants piqués autour d’un ou deux montants maîtres superposés comprenant une anse : dans le cas d’un panier rond (un maître), les montants, en nombre impair, sont piqués de part et d’autre des replis superposés de l’anse. Dans le cas d’un panier ovale (deux maîtres), les montants, en nombre impair, sont piqués entre deux lattes superposées perpendiculaires à l’anse.

2e cas – Démarrage à montants piqués autour d’un ou deux axes percés latéralement : dans le cas d’un couvercle (un montant maître), des montants en nombre impair sont enfoncés dans le montant principal percé latéralement. Dans le cas d’une grande corbeille dite purgoué, les deux montants principaux se croisent au milieu du fond (deux axes), l’un étant enfoncé dans l’autre. Des montants en nombre impair y sont ensuite piqués. Le mode de clôture le plus répandu de ce groupe technique est "1 derrière 1 devant 1". Les rajouts dans ce cas se font pied sur cime. Les brins (les galles) sont fendus. La fabrication de la bordure permet de rassembler les montants et de fermer la clôture. Les montants sont coupés. Ceci implique un système d’attache complémentaire et un renfort du bord.

Contrairement à la plupart des vanneries de ce groupe, la dernière étape de fabrication ne consiste pas en la pose de l’anse. Celle-ci est construite préalablement. Les montants sont attachés à sa base.

Les couvercles sont rares dans la vannerie bretonne à montants courbés en hémiméridien, à l’exception notable de paniers de Mayun utilisés pour la pêche à anguilles. Pour construire le couvercle, des montants sont piqués autour d’un ou deux montants maîtres percés latéralement. La fabrication achevée, le couvercle est maintenu sur le panier par une attache hémicirculaire composée par un brin fixé de part et d’autre de l’axe principal.

Les aspects esthétiques

La régularité de la forme de l’objet est appréciée. Les fabricants aiment que les galles (brins) et les piquets (montants) soient bien affinés et débarrassés de toute trace d’écorce. Actuellement, des vanniers incorporent des galles de bourdaine non écorcée pour créer des motifs en opposant brins clairs et brins sombres. En Brière actuellement, les fabricants habillent les anses auparavant nues. La vannerie n’est plus seulement pratiquée comme une ressource économique, mais devient l’objet d’une passion et le prétexte à une émulation entre les derniers fabricants. Ils accordent plus de temps à la fabrication et n’hésitent pas à habiller les anses.

Cette vannerie se transmet au sein de lignées familiales. Autrefois, elle s’apprenait enfant en aidant ses parents. Plus récemment, les nouveaux fabricants apprennent en observant des fabricants plus âgés.

La vannerie à montants courbés disposés en hémiméridien est particulière à la Bretagne. Les variantes de cette vannerie se partagent le territoire régional sans cohabiter. Leurs aires de diffusion sont plausiblement stabilisées. Elles se caractérisent par l’emploi d’un vocabulaire vernaculaire spécifique et probablement ancien, compte tenu d’un mode de transmission de ces savoir-faire essentiellement en milieu familial. Les vanneries de ce groupe sont dominantes, et tous les degrés d’industrialisation (domestique, villageois, industriel) sont représentés. Tous ces éléments donnent à penser que cette vannerie est native. Sa dynamique de diffusion récente est caractérisée par une régression liée à une disparition des usages et l’arrêt d’une transmission du savoir au sein des familles.

La vannerie à montants courbés concentriques, localisée à l’est de la Bretagne, produit un type d’objets extrêmement homogène : une corbeille ronde, de la même taille, avec les mêmes matériaux et les mêmes éléments techniques. Ce type ne semble pas avoir été influencé par les autres techniques de vannerie qui se sont développées par la suite sur une partie de ce territoire.

À l’ouest, le type natif a été adapté, ce qui lui a permis de répondre à l’émergence de nouveaux besoins. Cette adaptation s’est avérée indispensable en l’absence d’autres types techniques, au contraire de la situation de la partie Est. En considérant la situation strictement du point de vue de la vannerie, des travaux portant sur l’Égypte et sur le Moyen-Orient montrent combien de telles techniques familiales se maintiennent sur plusieurs millénaires, en dépit d’autres évolutions culturelles. L’étude diachronique des types de vannerie est à ce titre un indicateur pertinent pour étudier la diffusion des techniques voire parfois la mobilité des populations. Malheureusement, les sols acides et le climat humide du Massif armoricain rendent difficile la conservation de vanneries anciennes. Il n’y aurait pas de traces de vannerie préhistorique ou antique en Bretagne (source : Annie Bardel, CNRS). Ceci empêche une évaluation de l’ancienneté des types techniques s’appuyant sur des vestiges archéologiques. Hélène Balfet (1964) décrit les environnements qui permettent la conservation de la vannerie à travers les âges. Il en découle un avantage des milieux secs sur les milieux humides – à l’exception des milieux gorgés d’eau comme le sont les boucles fossiles de la Seine où ont été découvertes des nasses préhistoriques – ce qui explique en partie le grand nombre de pièces trouvées, par exemple, en Égypte ou au Moyen-Orient. Danielle Stordeur (1989) décrit des vestiges de vannerie du Proche-Orient vieux de 10 000 ans. "On a constaté dès l’abord, une pleine maîtrise des savoir-faire. On assiste également à un autre phénomène […], celui d’une inertie qui a pu peser plusieurs millénaires sans qu’aucun changement ne soit constaté. […] Mais persistance ne signifie pas permanence (Fiches, Stordeur, 1989)."
La singularité de ces techniques en Europe, et notamment leur absence dans les régions voisines, sous-tend comme hypothèse principale que la Bretagne est le berceau de ces techniques, de facto natives. Un croisement de la cartographie des vanneries en Bretagne avec d’autres ethnographies et des travaux d’archéologie pourrait être fécond, notamment dans la définition d’espaces d’échanges culturels. La transmission des techniques, et donc des termes afférents, s’est faite au sein de lignées familiales. Potentiellement, des objets sont nommés avec des mots empruntés à des langues anciennes par les populations de fabricants et les utilisateurs traditionnels. Les locuteurs des langues romanes et celtiques actuellement parlées en Bretagne n’utilisent pas ou peu ce vocable dans lequel ils ne retrouvent pas les racines du vocabulaire courant.

Citons à titre d’exemple les termes baskodenn (ar vaskoden, Pont-l’Abbé, Combrit-Sainte-Marine, Sud-Finistère) carbasson (variantes cabasson, calbasson), Bassin Rennais, ou bine (nord du Penthièvre) dont les noms actuels rappellent les mots gaulois bascauda, carbanton et benna désignant eux aussi des objets potentiellement tressés (Delamarre, 2003).
Si l’hypothèse du maintien d’un vocabulaire ancien est validée, elle peut notamment s’expliquer par la mobilité réduite des populations vannières. Les vanniers bretons résident souvent aux confins forestiers des communes. Ils trouvent dans les bois les matériaux de fabrication et en habitent la lisière. Ils vivent loin du bourg et de son influence. Ils participent ainsi d’une civilisation forestière qui vit en marge des autres groupes ruraux, conformément à la description qu’en a faite Suzanne Le Rouzic dans une étude sur les riverains des forêts domaniales de Camors, Floranges, Lanvaux dans le Morbihan (Le Rouzic, 2007).

Pour les populations de la région, la pratique de la vannerie locale est vue comme étant certainement très ancienne. Cette activité ne laissant pas de traces archéologiques distinctes, ou remarquables, il est difficile pour les populations de réaliser depuis quand elle existe. Les récits locaux rapportent une légende selon laquelle la vannerie de Mayun serait un héritage de la guerre de 100 ans. Le soldat d’un baron de la Roche-Bernard, dont les terres comprenaient la Chapelle-des-Marais, aurait appris à tresser les paniers dans les geôles de Guernesey ou de Jersey.

Bien qu’il n’en existe pas de preuve ni historique ni archéologique, l’idée selon laquelle ce savoir-faire singulier a été emprunté aux Anglais est répandue : "[À Mayun] Les gens ne sortent guère de leur logis, où ils tressent des paniers ; c’est leur métier, leur gagne-pain depuis des siècles, depuis qu’un de chez eux, dans le temps, s’y fit la main dans les prisons d’Angleterre (de Châteaubriant, 1926)."

Les fabricants, appelés fesous, n’adhèrent pas tous à cette légende. Le dialogue avec trois fesous, repris ci-après, illustre leurs doutes. Camille Bodet, le plus âgé, a dépassé les 80 ans, son fils Didier est un jeune retraité. Marc Belliot est plus jeune.

Question : "Où trouve-t-on des fesous ?"
- Didier Bodet : "Que dans le village ici ! La légende dit que pendant la Guerre de Cent Ans, y aurait eu un compagnon de Du Guesclin qui avait été fait prisonnier par les Anglais qui aurait appris à faire les paniers de Mayun dans les geôles anglaises. Soit sur Jersey, ou Guernesey."
- Camille Bodet : "Ça m’étonnerait quand même !"
- Marc Belliot : "C’est vrai qu’on ne trouve pas ailleurs ces paniers. Qu’à Mayun !"

L’isolement géographique et social du village a maintenu le particularisme technique, qu’il soit emprunté ou non. La vannerie de Mayun a une parenté technique avec la vannerie à montants courbés croisés de Haute-Bretagne, dont elle semble être une version élaborée : les montants et les brins sont affinés, le bois pelé et lissé, la finition soignée, et les formes diverses. Il y a discontinuité géographique entre ces deux aires de production, de là peut-être une impression d’isolement et de singularité. La vannerie de Mayun s’est sans doute particularisée avec le temps. Le nombre important de spécificités traduit probablement l’ancienneté de l’isolement. Il est remarquable que cette technique n’ait pas diffusé au cours des siècles sur les autres îles de la Brière ou sur la bordure du marais. Bien au contraire, des types d’autres familles techniques y sont pratiqués. Les Mayunnais ont pu bénéficier de l’apport d’une nouvelle technique, par un des leurs de retour au pays, et l’ont fait évoluer.
La représentation identitaire des habitants de cette ancienne île du marais est qu’ils sont les descendants d’une population enclavée, culturellement proche des populations de la Bretagne intérieure. Bien que leur population ne compte que quelques centaines d’individus, ils considèrent que leur dialecte roman, dit " le mayunnais", est singulier dans la Brière. Le "mayunnais" est convoqué régulièrement comme marqueur identitaire. En voici des illustrations empruntées à différentes sources : vannier, érudit, ethnologue.

- "En mayunnais, c’est la brouzanne. Mais c’est en mayunnais. Le vrai nom c’est la bourdaine." (Camille Bodet)

- "La moutine ou laîche : carex robuste à feuilles coupantes. Le patois mayunais dit " landèche" et pour les grosses touffes : "bouillonneu d’tchubadew" [où les canards nidifient…]"(Fernand Guériff, 1979)

- "La bourdaine : en patois de Mayun "la brouzaine", vulgairement aulne noir (Lallier, 1942)."

Les autres briérons percevraient les Mayunnais comme étant différents. En 1950, Ariane de Félice, suite à une mission ethnographique, relate : "Aux yeux des gens du pays [De la Brière], Mayun semble avoir une individualité propre et ses habitants former un groupe à part" (De Félice, 1950). Cette impression est au cœur du roman "La Brière" d’Alphonse de Châteaubriant dont il constitue la trame dramatique. La relation d’une Briéronne "vieux sang" avec un habitant de Mayun y apparaît contre nature : "Tout ce qui n’était pas Briéron vieux sang, natif des îles, tout ce qui ressemble au paysan des rivages, tout ce qui ne vivait pas sur le chaland comme la grèbe sur son nid de dérive, se trouvait à l’avance évincé de toute possibilité d’union. Le type le plus accompli de ces garçons, dont une fille de Fédrun n’aurait pu vouloir sans se coiffer de ridicule, florissait à Mayun, un village situé sur les confins nord du marais. C’étaient ceux-là les pires, ils l’étaient légendairement. De pauvres "ôte-toi de là" ! On les méprisait. L’incompatibilité était entière, absolue, à tous les degrés, dans tous les règnes ! (de Châteaubriant, 1926)"

Les habitants de Mayun ont un mode de vie différent. Ils préfèrent travailler la vannerie plutôt que de parcourir la Brière : "Les gens ne sortent guère de leur logis, où ils tressent des paniers ; c’est leur métier, leur gagne-pain depuis des siècles (id.)." Même leur habitat, très resserré, les distingue : "Chaque village de Brière a sa physionomie, ses mœurs, son métier. À Camerun, où les maisons sont claires, repeintes chaque printemps, tout est ciré, même les chaufferettes. Et l’on s’y nourrit bien ! Il s’y trouve toujours sous l’escalier un panier de vin et un panier de Rhum ! À Mayun, tout bauché de torchis et coiffé d’épeautre, humble et caché derrière son repli de terre, il n’en est pas de même : l’âme y est rustique et sans recherche. À l’entrée se dresse une antique croix de fer […] à l’intérieur ce ne sont que ruelles tortueuses, rentrées et saillies de murailles, placis imprévus au sortir d’allées resserrées dans l’ombre (Ibid.)."

Enfin, le romancier accorde aux habitants de Mayun des attributs raciaux. Il confie à un médecin de campagne cette réplique scientifiquement contestable :
"Oh ! Je les connais !... Du reste, le caractère dépend des régions… Ils sont loin de se ressembler tous. Je les ai pas mal étudiés, j’ai mon avis là-dessus… Les Briérons du centre, ceux des îles, là où nous sommes doivent descendre, selon moi, de ces pillards saxons qui en prenant pied dans les îles de Brière, refoulèrent sur la grande rive des populations plus ou moins issues des traînards de l’armée de César. Remarquez, monsieur le maire, la figure osseuse, à forte mâchoire, à pommettes saillantes, au petit oeil aigu des gens de par ici […] ; et voyez d’autre part, les larges grands yeux, le teint olivâtre, le pur ovale italiote des gens de Mayun, pour ne citer que ceux-là… (de Châteaubriant, 1926)."

Néanmoins, la réputation de rusticité et de simplicité, mise en scène par Alphonse de Châteaubriant, doit être contrebalancée par la grande renommée de conteurs des vanniers de Mayun. On doit à Ariane de Félice de nombreux textes et enregistrements qui montrent la richesse de l’imaginaire mayunnais.

"Sans parler des récits légendaires, des dictons, des devinailles ou des chansons telles que les Anneaux d’or de Clergenton, il est encore possible d’entendre, à Mayun, de nombreux contes traditionnels récités par les vanniers : j’en ai, jusqu’à présent, recueilli 35 dans le hameau. Ce n’est pas une mince récolte si l’on songe que ces récits sont presque tous dans le genre long : le conte de la Bête à sept têtes dure une heure ; il remplit à lui seul 10 faces de disques de 25 centimètres de diamètre. Les contes de Jean le Teigneux, de Jean de Pontchâteau, de la Montagne verte, de la Belle Kévale (cavale), etc., ne sont guère plus courts. On ne peut vraiment pas dire qu’il s’agisse là de bribes, de fragments d’une tradition orale en train de se décomposer (de Félice, 1950)."

Les Mayunnais croient volontiers partager une plus grande parenté avec les populations situées au-delà de la Vilaine qu’avec leurs voisins briérons. À la question : "Le dialecte mayunnais est-il vraiment différent du dialecte briéron ?", Didier Bodet répond : "Le mayunnais, c’est plus gallo, comme vers le Morbihan." Dans une étude portant sur la vannerie en Bretagne (Hérisset, 2012), les techniques mayunnaises sont associées avec celles du groupe des vanneries à montants courbés en hémiméridien de l’ensemble Haut-Breton.

Les contes des vanniers de Mayun sont consignés dans les ouvrages suivants :

- DE FÉLICE Ariane, 1954. Contes de Haute-Bretagne, Érasme, Paris, 242 p.

- DE FÉLICE Ariane ; DE PONTCHÂTEAU Jean, 2000 [1954]. Contes de Brière (Haute-Bretagne), Slatkine, Genève, 330 p. (Réédition des Contes de Haute-Bretagne revue, corrigée et complétée)

- MASSIGNON Geneviève, 1953. Contes de l’Ouest, Érasme, Paris, 272 p.

Cette vannerie n’est pas enseignée. Les revenus de cette activité sont modestes. Dans le contexte économique actuel, il n’y a pas de successeur déclaré aux vanniers professionnels âgés, population sur laquelle pourtant repose la transmission. Ces savoir-faire sont donc extrêmement fragilisés.

Les communautés identifient la vannerie mayunnaise comme faisant partie de leur patrimoine. La création en 2003 d’un festival de vannerie mettant en avant les savoir-faire locaux montre l’attachement des populations locales à ce patrimoine. Il n’y a cependant pas à l’heure actuelle d’association dédiée à leur sauvegarde. La thèse soutenue en 2012 par Roger Hérisset est un travail d’ampleur qui a amélioré la visibilité de ces savoirs. Elle s’accompagne de conférences locales et de supports de vulgarisation. La sauvegarde passe d’une part par la reconnaissance de ces savoirs et par la mise en œuvre de circuits économiques permettant d’en tirer un revenu, fusse-t-il complémentaire.

Le festival de vannerie a réuni différents acteurs autour du projet de sauvegarde du patrimoine immatériel et culturel vannier : association de patrimoine, municipalité de la Chapelle-des-Marais, Parc Naturel Régional.
Ce festival de la vannerie met chaque année en avant les détenteurs du savoir local. Ceci a contribué l’émergence d’une nouvelle génération de pratiquants.

Localisation (région, département, municipalité)

Mayun, Bretagne

Date de la fiche d’inventaire : 2014
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Roger Hérisset
Nom du rédacteur de la fiche : Roger Hérisset

N° d'inventaire Ministère Culture :  2014_67717_INV_PCI_FRANCE_00341
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk29n

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
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